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Vidéosurveillance : 8 juin 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 22/03778

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Vidéosurveillance : 8 juin 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 22/03778

ARRET

S.A.S. HOMAIRE VACANCES

C/

[R]

copie exécutoire

le 8/6/2023

à

Me CHDAILI

Me CHEMLA

LDS/IL/SF

COUR D’APPEL D’AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE

ARRET DU 08 JUIN 2023

*************************************************************

N° RG 22/03778 – N° Portalis DBV4-V-B7G-IQ3B

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE SOISSONS DU 19 JUILLET 2022 (référence dossier N° RG F21/00069)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.S. HOMAIRE VACANCES

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée, concluant et plaidant par Me Nabila CHDAILI de la SELARL LEX PHOCEA, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Axel FALLOT, avocat au barreau de MARSEILLE

ET :

INTIMEE

Madame [W] [R]

née le 08 Mai 1963 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 1]

concluant par Me Gérard CHEMLA de la SCP ACG & ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

DEBATS :

A l’audience publique du 11 avril 2023 ont été entendus :

– Mme de SURIREY en son rapport,

– l’avocat en ses conclusions et plaidoirie

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

et Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui a renvoyé l’affaire au 08 juin 2023 pour le prononcé de l’arrêt par sa mise à disposition au greffe, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 08 juin 2023, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Madame Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre, et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

*

* *

DECISION :

EXPOSE DU LITIGE

Mme [R] a été embauchée en contrat à durée indéterminée par la société Caravaning la croix du vieux pont à effet du 1er avril 2003 en qualité de secrétaire comptable.

A compter du 1er janvier 2019 le contrat de travail de Mme [R] a été transféré à la SAS Homaire vacances (la société ou l’employeur).

Par avenant du 1er janvier 2019, la salariée a évolué au poste de secrétaire de direction.

La convention collective applicable au contrat de travail est celle de l’hôtellerie de plein air.

Le 24 février 2020 la société a notifié à Mme [R] un avertissement pour son comportement agressif et désagréable au quotidien à l’égard d’une collègue de travail, Mme [B].

Le 5 août 2020, elle lui a adressé une nouvelle lettre d’avertissement pour vol d’un sac de gazon.

Par courrier en date du 26 novembre 2020, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement qui a été reporté au 18 décembre 2020.

En septembre 2020, à la demande de la société, le comité social et économique a chargé M. [T], l’un de ses membres, de mener une enquête sur les agissements de Mme [R] à l’égard de ses collègues de travail.

Par lettre recommandée en date du 22 décembre 2020, cette dernière a été licenciée pour faute grave.

Contestant la légitimité de son licenciement, Mme [R], par requête du 12 juillet 2021, a saisi le conseil de prud’hommes de Soissons, qui, par jugement du 19 juillet 2022 :

– a jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement,

– a condamné la SAS Homaire vacances, prise en la personne de son représentant légal, à lui verser à les sommes suivantes :

* 7 087,83 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 708,78 euros au titre des congés payés afférents,

* 12 009,94 euros brut à titre d’indemnité légale de licenciement,

* 14 512,83 euros brut au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– a rappelé que le jugement était, en ce qui concerne les rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l’article R 1454-14, exécutoire de plein droit en application de l’article R 1424-28 du code du travail et ce, dans la limite maximum de 9 mois de salaire calculés sur la moyenne des 3 derniers mois de salaire,

– l’a déboutée du surplus de ses demandes,

– a débouté la SAS Homaire vacances, prise en la personne de son représentant légal, de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 7 février 2023, la SAS Homaire vacances, régulièrement appelante de ce jugement, demande à la cour de :

Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Soissons en ce qu’il l’a condamnée à payer à Mme [R] les sommes de :

* 7 087,83 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 708,78 euros au titre des congés payés afférents,

* 12 009,94 euros brut à titre d’indemnité légale de licenciement,

* 14 512,83 euros brut au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau,

– Dire, que le licenciement de Mme [R] repose sur une faute grave,

– Débouter Mme [R] de l’intégralité de ses demandes,

– Condamner Mme [R] au paiement d’une somme de 1 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par dernières conclusions communiquées par voie électronique le 8 mars 2022, Mme [R] demande à la cour d’infirmer le jugement du 19 juillet 2022 dans toutes ses dispositions et, statuant à nouveau de :

– Juger nul et, à titre subsidiaire, sans cause réelle et sérieuse le licenciement,

– Condamner la SAS Homaire vacances au paiement de la somme de 33 076,54 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et, à tout le moins, sans cause réelle et sérieuse,

A titre infiniment subsidiaire:

– Requalifier le licenciement en un licenciement pour cause réelle et sérieuse, en raison de la réaction tardive de l’employeur l’empêchant de se prévaloir d’une faute grave,

En tout état de cause:

– Condamner la SAS Homaire vacances à lui verser les sommes de :

‘ 7 087,83 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

‘ 708,78 euros au titre des congés payés y afférents,

‘ 12 009,94 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

‘ 109,43 euros à titre de rappel de congés payés,

‘ 3 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais de 1ere instance et 3 000 euros pour les frais d’appel.

EXPOSE DES MOTIFS :

1/ Sur la légitimité du licenciement

La lettre de licenciement, qui lie les parties et le juge, est ainsi rédigée :

« Nous faisons suite à l’entretien du 18 décembre 2020, lors duquel vous étiez assistée de Monsieur [N] [H].

Les explications que vous nous avez fournies ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation de la situation.

Nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave, du fait de votre comportement à l’égard de certains salariés « qualifiés de harcèlement » et de propos diffamatoires à l’égard de votre responsable.

Suite à la réception de plusieurs plaintes à votre égard émanant des services du camping de la Croix du Vieux Pont à [Localité 5], nous avons sollicité le Comité Social et Economique pour mener une enquête auprès du personnel du camping.

Un des élus du Comité Social et Economique, Monsieur [Y] [T], s’est rendu le 17 septembre 2020, au camping pour mener une enquête dans le respect du contradictoire sur les plaintes qui ont été formulées.

Un compte rendu d’enquête nous a été présenté lors de la réunion du Comité Social et Economique, le 5 novembre 2020.

Il ressort notamment de cette enquête que :

– votre attitude à l’égard de Madame [B] était agressive ;

– elle a subi de votre part un véritable acharnement toute la saison dernière ; vous n’avez cessé de la dénigrer ;

– certains salariés ont même vu Madame [B] pleurer après une discussion avec vous ;

– vous dénigrez régulièrement votre responsable, Monsieur [U], et la direction de la société Homaire ;

– vous avez également accusé de vol votre responsable auprès des autres membres du personnel.

Le représentant du personnel vous a également entendue, au cours de cette enquête, vous avez reconnu les propos vexants et diffamatoires prononcés à l’encontre de Madame [B]. Vous avez même à nouveau accusé votre responsable de vol « de sommes étranges » (‘) Lorsque le représentant du personnel vous a demandé si vous aviez des preuves sur ces accusations graves, vous avez répondu que non.

Nous vous rappelons que vous aviez déjà eu un avertissement, en date du 24 février 2020, concernant votre comportement à l’égard de Madame [B].

Votre attitude générale est en totale contradiction avec les règles comportementales en vigueur au sein de notre société, à savoir le respect des autres et des règles en place. Votre attitude est inacceptable. Nous ne pouvons cautionner de tels agissements visant à malmener un membre du personnel et à discréditer votre responsable.

L’ensemble de ces faits rendent impossible, même temporairement, votre présence dans l’entreprise ».

La SAS Homaire vacances fait valoir que :

– le licenciement est bien fondé au regard des conclusions très circonstanciées de l’enquête impartiale menée par un membre élu du CSE et validées par le comité lors de sa réunion du 5 novembre 2020, qui a montré de manière édifiante la réalité du comportement de Mme [R], réitéré malgré un entretien de recadrage du 9 décembre 2019 et un précédent avertissement du 24 février 2020,

– c’est pour la première fois en cause d’appel que Mme [R] invoque une violation de sa liberté d’expression pour solliciter la nullité de son licenciement et son comportement excède l’exercice de la liberté d’expression,

– la prescription n’est pas encourue en présence de la réitération des faits fautifs malgré un entretien de recadrage et une précédente sanction,

– elle n’a pas épuisé son pouvoir disciplinaire en infligeant un avertissement à la salariée pour vol d’un sac de gazon le 5 août 2020 alors qu’elle avait reçu la veille une dénonciation pour son comportement harcelant lequel nécessitait d’être vérifié par le biais de l’enquête qu’elle a diligentée,

– un délai d’un mois et 12 jours pour organiser une enquête en pleine période estivale après la période de confinement dû à la crise sanitaire n’a rien d’excessif, de même, il ne peut être prétendu que la salariée a été maintenue en poste pendant trois semaines après les conclusions de l’enquête puisque son contrat de travail était suspendu dans le cadre d’un chômage partiel à la suite de l’épidémie de Covid 19.

Mme [R] réplique qu’elle a été sanctionnée pour avoir fait usage de sa liberté d’expression ce qui entraîne la nullité de son licenciement,

Elle soutient encore que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse puisque :

– l’employeur a épuisé son pouvoir disciplinaire en la sanctionnant d’un avertissement le 4 août 2020 pour vol de gazon, alors qu’il était déjà informé, à la suite de la dénonciation de Mme [K], de l’imputation de propos diffamatoires et d’une attitude inappropriée à l’encontre de Mme [B],

– la véritable cause du licenciement, alors qu’en 17 années elle n’avait jamais fait l’objet de la moindre sanction, est la charge salariale qu’elle représentait et sa dénonciation des agissements de son responsable,

– les faits qualifiés de harcèlement, outre qu’ils sont faux, sont largement prescrits, l’enquête, qui ne présente aucune garantie d’objectivité, n’ayant été organisée que dans le but de contourner la prescription,

– les faits de dénigrement et de diffamation lui sont également imputés à tort puisqu’elle n’a dénoncé que des faits qu’elle a personnellement constatés et qui étaient connus des autres salariés et, en tout état de cause sont prescrits car sa dénonciation remonte à la mi-juillet 2020,

– la société n’a réagi que près de trois semaines après avoir été informée lors d’une réunion du CSE du comportement qui lui est imputé, ce qui est tardif.

La faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

Pour satisfaire à l’exigence de motivation posée par l’article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement doit comporter l’énoncé de faits précis et contrôlables, à défaut de quoi le licenciement doit être jugé sans cause réelle et sérieuse. L’énonciation d’un motif précis n’implique pas l’obligation de dater les griefs allégués dès lors que cette date est déterminable.

C’est à l’employeur qui invoque la faute grave et s’est situé sur le terrain disciplinaire de rapporter la preuve des faits allégués et de justifier qu’ils rendaient impossibles la poursuite du contrat de travail.

Il convient préalablement d’examiner la validité et le caractère probant de l’enquête sur laquelle s’appuie essentiellement l’employeur, qui sont contestés par Mme [R] alors que le contenu de cette enquête détermine la solution du litige sur certains points.

La preuve du motif du licenciement peut être fournie par tous moyens et notamment par le biais d’une enquête interne dont il appartient au juge d’apprécier le caractère probatoire.

En l’espèce, la société verse aux débats un rapport d’enquête diligentée à sa demande mais confiée à un membre élu du CSE avec l’accord du comité. Le seul fait que cet enquêteur soit un cadre de direction de l’entreprise ne suffit pas à remettre en cause son impartialité.

En revanche, la cour relève que :

– le rapport n’est pas exhaustif en ce que l’enquêteur indique qu’il a entendu 14 employés dont Mme [R] et le directeur mais ne résume que 7 entretiens à charge contre la salariée alors que celle-ci produit 3 attestations de personnes attestant en sa faveur,

– les personnes entendues n’ont pas signé de compte-rendu authentifiant leurs déclarations et n’attestent pas non plus dans le cadre de la procédure,

– aucune des personnes entendues ne date les faits évoqués de sorte qu’il n’est pas possible de déterminer s’ils ont été commis avant ou après l’avertissement du 24 février 2020 qui retient exactement les mêmes faits s’agissant de Mme [B],

– les membres du CSE, qui témoignent de ce que le rapport était satisfaisant et a été approuvé par le comité n’ont pu que s’en remettre à l’exposé de M. [T], n’ayant pas participé eux-mêmes à l’enquête.

Néanmoins, Mme [R] ne conteste pas avoir tenu les propos rapportés par M. [T] lorsqu’elle a été entendue par celui-ci le 17 septembre 2020.

Il résulte de ce qui précède que le rapport d’enquête ne revêt pas de force probante suffisante pour venir au soutien des motifs de licenciement sauf en ce qui concerne les propres déclarations de Mme [R] telles que reprises par M. [T], qui ne sont pas contestées devant la cour.

1-1/ Sur les moyens de procédure :

– Sur l’application de la règle « non bis in idem » :

Si un même fait fautif ne peut être sanctionné deux fois par application de la règle non bis in idem, l’existence de précédentes sanctions disciplinaires n’interdit pas, en cas de faits nouveaux ou de réitération du même comportement fautif, le prononcé d’une nouvelle sanction et notamment d’un licenciement.

Il convient tout d’abord de relever qu’aucun élément ne vient corroborer les allégations de la salariée selon lesquelles la lettre de Mme [K] a été sollicitée par l’employeur dans le seul but d’échapper à la règle.

Mme [R] a été sanctionnée le 24 février 2020 pour des faits similaires à ceux qui sont visés dans la lettre de licenciement. Toutefois, il ressort d’une lettre adressée au directeur du camping le 4 août 2020, par Mme [K], femme d’entretien, que la veille, la salariée a, de nouveau, tenu devant elle des propos à l’encontre de Mme [B] et du directeur, qu’elle a jugés diffamatoires et qui l’ont choquée au point qu’elle a estimé de son devoir de les dénoncer.

En présence d’une telle réitération, il ne peut être reproché à l’employeur d’avoir violé la règle ci-dessus rappelée s’agissant de la tenue de propos diffamatoires.

En revanche, s’agissant des faits de harcèlement moral envers Mme [B], à défaut d’être datés dans l’enquête interne ainsi qu’il a été dit plus haut, ni même dans la lettre de licenciement et les écritures de la société, aucun élément ne permet d’affirmer qu’il s’agit de faits distincts de ceux ayant justifié l’avertissement du 24 février 2020. La société ne pouvait donc les sanctionner une seconde fois par un licenciement.

– Sur l’épuisement du pouvoir disciplinaire de l’employeur :

L’employeur qui, bien qu’informé de l’ensemble des faits reprochés au salarié, choisit de lui notifier un avertissement seulement pour certains d’entre eux, épuise son pouvoir disciplinaire et ne peut prononcer un licenciement pour des faits antérieurs à la sanction prononcée.

La société a réceptionné la lettre de Mme [K] le 4 août 2020, elle était donc effectivement informée des faits imputées à Mme [R] le 5 août lorsqu’elle a notifié à cette dernière un avertissement pour le vol du sac de gazon.

Cependant, dès lors que la nature de ces faits, contrairement au vol qui avait été élucidé rapidement grâce aux images de la caméra de vidéosurveillance, nécessitait des vérifications et approfondissements par le biais d’une enquête qui a effectivement été diligentée, c’est à tort que la salariée invoque l’épuisement du pouvoir disciplinaire de l’employeur.

– Sur la prescription des faits imputés à Mme [R] :

Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à un engagement de poursuite disciplinaire au-delà d’un délai de deux mois, en vertu de l’article L. 1332-4 du même code.

La seule possibilité pour l’employeur de différer l’engagement des poursuites disciplinaires est la nécessité prouvée de recourir à des mesures d’investigation sur les faits reprochés au salarié et de se déterminer sur la mise en ‘uvre d’une procédure de licenciement pour faute grave. En cas de nécessité d’ordonner une enquête sur les faits reprochés au salarié, le jour de ses résultats constitue le point de départ du délai de deux mois.

La société a été informée le 4 août 2020 par la lettre de Mme [K] des faits qu’elle reproche à Mme [R] et avait donc, en principe, jusqu’au 4 octobre 2020 pour engager la procédure disciplinaire. Néanmoins, ce n’est qu’à réception des résultats de l’enquête menée par M. [T] qu’elle a eu pleine et entière connaissance des faits. Le point de départ de la prescription de deux mois se situe donc au 5 novembre 2020, date de restitution de ce rapport au CSE, de sorte que la procédure ayant été engagée le 26 novembre 2020, la prescription n’est pas encourue.

1-2/ Sur les motifs du licenciement :

– Sur la demande de nullité du licenciement :

Sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées. Le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de l’exercice, par le salarié, de sa liberté d’expression, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement.

Au cas particulier, les motifs de licenciement exposés dans la lettre sont un comportement qualifié de harcèlement à l’égard de certains collègues et des propos diffamatoires à l’égard de son responsable tendant à le discréditer.

Or, devant M. [T], Mme [R] a justement tenu ce type de discours affirmant que des faits délictueux étaient commis par le directeur ou avec sa complicité (vols, détournements) sans en apporter la preuve que ce soit lors de l’enquête interne ou au cours de la procédure judiciaire.

Tenir de tels propos excède la liberté d’expression dont dispose tout salarié de sorte que Mme [R] ne peut utilement invoquer une atteinte à son droit fondamental pour solliciter la nullité de son licenciement.

– Sur le véritable motif du licenciement :

Mme [R] ne produit aucune pièce utile à l’appui de ses allégations selon lesquelles son licenciement ne serait motivé que par la charge salariale qu’elle représentait, qui ne sont donc que de simples supputations qui ne peuvent être retenues.

De même, le fait que son licenciement soit le fruit d’une « véritable cabale » montée de toutes pièces à son encontre par son responsable en réponse au fait qu’elle a dénoncé ses agissements (favoritisme envers Mme [B] et vols d’espèces, de denrées alimentaires et d’un téléviseur) ne résulte d’aucune pièce étant observé que le fait d’émettre des sous-entendus et de proférer des accusations en présence de collègues ne constitue pas l’exercice du droit d’alerte.

A cet égard, la salariée ne justifie pas avoir alerté sa hiérarchie au siège à la mi-juillet 2020 comme elle le prétend.

Ce moyen sera donc rejeté.

– Sur les griefs :

La cour rappelle que seul le grief d’accusation diffamatoire est susceptible d’être retenu s’il était prouvé par l’employeur et que le rapport d’enquête est dépourvu de force probante quant aux déclarations des autres salariés que Mme [R] à ce sujet.

La réalité de ce grief est, néanmoins, suffisamment établie par la lettre de Mme [K] mais surtout par le compte-rendu de l’audition de la salariée par M. [T] au cours de laquelle elle a émis des accusations de vols, détournements au restaurant, à la plage, de « choses bizarres », parlé de « sommes étranges » et « pas normales » sans être en mesure d’apporter la moindre preuve et en se contredisant à ce sujet.

La cour observe, d’ailleurs, que, dans le cadre de ses écritures, elle poursuit ses accusations et à titre d’offre de preuve de la véracité de ses propos affirme que d’autres salariés étaient informés des vols et produit deux attestations. Or, ces pièces sont dépourvues de toute valeur probante à cet égard. En effet, Mme [C] se borne à écrire que Mme [R] « semblaient » avoir remarqué des vols quand elle était en charge de la comptabilité et M. [L] atteste que « lors de discussions professionnelles, Madame [W] [R] à évoqué des vols de matériels au seing même du camping dont le directeur en place m’a fait aucun retour à sa hiérarchie durant les années 2019 et 2020 ».

Ces témoignages démontrent, en revanche, que la salariée diffuse des accusations graves concernant le directeur au sein du personnel de l’entreprise.

Le fait d’accuser ainsi de manière répétée sa hiérarchie est fautif. Le grief est donc établi et justifiait le licenciement de Mme [R] contrairement à ce qu’a jugé le conseil de prud’hommes.

Néanmoins, la mise en ‘uvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits fautifs allégués.

Au cas d’espèce, la société a été informée le 4 août 2020 et l’enquête n’a débuté que le 19 septembre suivant par la visite sur le site de M. [T].

L’employeur ne peut, sans exposer les difficultés qu’il a rencontrées et les démarches entreprises à la réception de l’information, se prévaloir de manière générale du contexte particulier lié à la crise sanitaire étant observé que le confinement était levé au mois d’août 2020.

De même la grande taille de l’entreprise et la nature de son activité ne suffisent pas à justifier l’écoulement d’un délai d’un mois et douze jours pour commencer l’enquête.

De plus, il s’est finalement écoulé plus de quatre mois entre la première information donnée par Mme [K] et le licenciement effectif de Mme [R].

Il en résulte que le licenciement pour faute grave doit être requalifié en licenciement pour faute simple.

1-3/ Sur les conséquences de la disqualification du licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse :

La salariée peut prétendre aux indemnités de rupture (indemnité compensatrice de congé payés et indemnité de licenciement).

La société sera condamnée, par confirmation du jugement, à lui payer de ces chefs les sommes indiquées au dispositif qui ne sont pas spécifiquement contestées dans leur quantum.

En revanche, Mme [R] sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts.

2/ Sur la demande de rappel de congés payés :

Mme [R] fait valoir que l’indemnité compensatrice de congés payés qui lui a été versée « semble avoir été mal calculée » et sollicite, sans plus d’explication, aux termes d’une « note de calcul » la somme de 109,43 euros.

L’employeur fournit de son côté un décompte et le reçu pour solde de tout compte démontrant que la salariée a été remplie de ses droits.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté cette demande.

3/ Sur les demandes accessoires :

Le jugement sera confirmé s’agissant des dépens et de l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu de l’issue du litige en appel, il y a lieu de dire que chaque partie conservera la charge de ses dépens et de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La cour, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement, dans les limites des dispositions soumises à la cour, en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnité compensatrice de congés payés, condamné la société Homaire vacances à payer à Mme [R] des sommes au titre de l’indemnité légale de licenciement, de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents,

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que le licenciement de Mme [R] repose sur une cause réelle et sérieuse et non pas sur une faute grave,

Déboute Mme [R] de sa demande de dommages-intérêts,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens,

Rejette les demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.

 


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