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Vidéosurveillance : 5 juillet 2023 Cour d’appel de Bastia RG n° 22/00044

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Vidéosurveillance : 5 juillet 2023 Cour d’appel de Bastia RG n° 22/00044

ARRET N°

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05 Juillet 2023

———————-

N° RG 22/00044 – N° Portalis DBVE-V-B7G-CDOR

———————-

[L] [P]

C/

Association LE FOYER DE [Localité 5]

———————-

Décision déférée à la Cour du :

10 février 2022

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BASTIA

21/00004

——————

Copie exécutoire délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : CINQ JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS

APPELANT :

Monsieur [L] [P]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représenté par Me Christelle ELGART, avocat au barreau de BASTIA

INTIMEE :

Association LE FOYER DE [Localité 5] prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège social

N° SIRET : 783 00 5 7 39

[Adresse 7]

[Localité 5]

Représentée par Me Claudia LUISI, avocat au barreau de BASTIA

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 mai 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame BETTELANI, conseillère chargée du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur JOUVE, Président de chambre,

Madame COLIN, Conseillère

Madame BETTELANI, Conseillère

GREFFIER :

Madame CARDONA, Greffière lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 05 juillet 2023.

ARRET

– CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

– Signé par Monsieur JOUVE, Président de chambre et par Madame CARDONA, Greffière présente lors de la mise à disposition de la décision.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [L] [P] a été embauché par l’Association Le Foyer de [Localité 5], suivant C.U.I.-C.A.E. à compter du 9 juillet 2012 jusqu’au 8 janvier 2013, puis suivant contrat de travail à durée déterminée de remplacement à effet du 9 janvier au 8 juillet 2013, et enfin contrat à durée indéterminée à effet du 9 juillet 2013, en qualité de veilleur de nuit.

Selon lettre en date du 13 juin 2020, l’Association Le Foyer de [Localité 5] a convoqué le salarié à un entretien préalable à un licenciement fixé au 23 juin 2020, avec mise à pied conservatoire (notifiée depuis le 11 juin 2020) et celui-ci s’est vu notifier son licenciement pour faute grave par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 27 juin 2020.

Monsieur [L] [P] a saisi le conseil de prud’hommes de Bastia, par requête reçue le 5 janvier 2021, de diverses demandes.

Selon jugement du 10 février 2022, le conseil de prud’hommes de Bastia a :

-dit que le Foyer de [Localité 5] a apporté la preuve d’une faute grave de Monsieur [L] [P],

-dit le licenciement pour faute grave de Monsieur [L] [P] justifié,

-débouté Monsieur [L] [P] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

-débouté le Foyer de [Localité 5] de ses demandes,

-condamné Monsieur [L] [P] aux dépens.

Par déclaration du 14 mars 2022 enregistrée au greffe, Monsieur [L] [P] a interjeté appel de ce jugement, en ce qu’il a: dit que le Foyer de [Localité 5] apporté la preuve d’une faute grave de Monsieur [L] [P], dit le licenciement pour faute grave de Monsieur [L] [P] justifié, débouté Monsieur [L] [P] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, condamné Monsieur [L] [P] aux dépens.

Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 14 septembre 2022 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Monsieur [L] [P] a sollicité :

-d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a retenu la faute grave à l’encontre de Monsieur [P], en conséquence, de juger qu’il n’a commis aucune faute grave, ni aucun fait pouvant donner lieu à licenciement, condamner le Foyer de [Localité 5], CHRS, à verser à Monsieur [P] les sommes suivantes : 1.909,79 euros au titre du rappel de salaire durant la période de mise à pied conservatoire, 3.819,58 euros au titre de l’indemnité de préavis, 7.559,59 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement, 15.278,32 euros au titre de l’indemnité pour licenciement pour cause réelle et sérieuse, 30.000 euros au titre de l’indemnité pour dommages et intérêts, 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes des écritures de son conseil transmises au greffe en date du 4 octobre 2022 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, l’Association Le Foyer de [Localité 5] a demandé :

-de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Bastia du 10 février 2022 en ce qu’il a dit le licenciement pour faute grave de Monsieur [L] [P] justifié, en ce qu’il a débouté Monsieur [L] [P] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, en ce qu’il a condamné Monsieur [L] [P] aux dépens,

-à titre subsidiaire, si la cour devait infirmer le jugement dont appel, de juger que Monsieur [P] a commis une faute simple, en conséquence, de débouter Monsieur [P] de ses demandes sauf en ce qui concerne l’indemnité légale de licenciement qui ne saurait excéder 5.561,60 euros net,

-à titre infiniment subsidiaire, si la cour devait infirmer le jugement dont appel et requalifier le licenciement en un licenciement sans cause réelle et sérieuse de baisser, en l’absence de justificatif, dans les proportions légales les sommes qui seront allouées au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-en tout état de cause, de débouter Monsieur [P] de sa demande au titre des dommages et intérêts pour préjudice distinct, de condamner Monsieur [P] à payer la somme de 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, de condamner Monsieur [P] aux entiers dépens.

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 4 octobre 2022, et l’affaire fixée à l’audience de plaidoirie du 13 décembre 2022, où la décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 1er mars 2023.

Par arrêt avant dire droit du 1er mars 2023, la cour a :

-ordonné la réouverture des débats,

-enjoint aux parties constituées de rencontrer un médiateur en la personne de Madame [H] [O], demeurant [Adresse 3] (n° tél. [XXXXXXXX01]), pour recevoir une information sur l’objet et le déroulement d’une mesure de médiation,

-dit que le médiateur aura pour mission de convoquer les parties, séparément ou ensemble, afin de les informer sur l’objet et le déroulement de la mesure de médiation,

-dit que l’information des parties sur l’objet et le déroulement de la médiation devra se faire dans un délai maximum de trois mois à compter de la réception de la présente décision,

-dit que l’affaire sera rappelée à l’audience de la chambre sociale du 9 mai 2023 à 14 heures pour recueillir l’accord des parties sur une éventuelle médiation, la présente décision valant convocation des parties à l’audience,

-dit que copie de la présente décision devra être transmise, pour information, au médiateur que les parties sont enjointes de rencontrer,

-réservé les dépens.

A l’audience du 9 mai 2023, l’affaire a été appelée et n’a pu être recueilli d’accord concordant des parties pour une médiation. La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 5 juillet 2023.

MOTIFS

Avant d’aborder l’examen des demandes respectives, il convient de constater que, contrairement à ce qu’énonce l’Association Le Foyer de [Localité 5], les écritures de l’appelant ne peuvent être analysées comme ne contestant pas, ou ne critiquant pas, le jugement dont appel, celles-ci contenant une demande d’infirmation du jugement, que la cour doit examiner, de même que les moyens exposés à l’appui, de sorte qu’elle ne peut confirmer d’emblée le jugement déféré, comme indiqué par l’Association Le Foyer de [Localité 5].

Sur les demandes afférentes au licenciement

Il y a lieu de rappeler que l’article L1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à une cause réelle et sérieuse. En application de l’article L1235-1 du code du travail, lorsqu’il est saisi du bien fondé d’une mesure de licenciement, le juge se détermine au vu des éléments qui lui sont fournis par les parties, le doute devant profiter au salarié. Il est néanmoins admis qu’il appartient à l’employeur d’établir de façon certaine la réalité des faits et de fournir au juge des éléments permettant de caractériser leur caractère suffisamment sérieux pour légitimer le licenciement. Il convient donc, en premier lieu, d’apprécier la réalité des faits énoncés par la lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l’employeur, fixant de manière irrévocable les limites du litige, puis le sérieux du motif invoqué. Il appartient aux juges du fond de qualifier les faits et de décider s’il constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement. Dans ce cadre, la juridiction peut être amenée à restituer leur exacte qualification aux faits invoqués par l’employeur, sans dénaturation de la lettre de licenciement; elle n’est ainsi pas liée par une qualification erronée donnée au licenciement, ni par une impropriété de termes figurant dans la lettre de licenciement. Ce n’est que dans un second temps, lorsque la légitimité du licenciement est tenue pour acquise que l’employeur peut chercher à s’exonérer des indemnités de rupture en invoquant la faute grave du salarié, étant précisé que la charge de la preuve de la gravité de la faute incombe exclusivement à l’employeur. La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis.

La lettre de licenciement, datée du 27 juin 2020, qui fixe les limites du litige (faute pour l’employeur d’avoir fait usage de la possibilité d’en préciser les motifs en application de l’article R1232-13 du code du travail, la lettre en réponse adressée le 27 juillet 2020 par l’employeur au salarié indiquant ‘ne pas avoir d’autres précisions à vous apporter que celles qui sont explicites dans ce courrier [de licenciement du 27 juin 2020] et que nous reprenons ici en résumé’ ), ne sera pas reprise in extenso au présent arrêt, compte tenu de sa longueur.

Il ressort de celle-ci que l’employeur, qui se place sur le terrain disciplinaire, reproche à Monsieur [P], dans la soirée du 10 juin 2020 alors qu’il ne travaillait pas, d’avoir pris (en aidant l’autre veilleur de nuit en poste à transporter des sacs et une caisse jusqu’aux véhicules garés sur le parking) du matériel, de la vaisselle, des produits d’entretien et de l’alimentation, venant d’être achetés par l’Association.

A l’appui des faits reprochés dans la lettre de licenciement, l’employeur vise différentes pièces (notamment des attestations de Mesdames [D], [Z], [A] et de Messieurs [C] et [U], salariés de la structure; une liste établie par l’Association relative aux objets emportés; des factures d’achat du 29 mai 2020; le planning de Monsieur [P]; une facture panneau de propriété sous vidéosurveillance, des consignes de sécurité; des captures d’écran caméra de surveillance; un ‘code d’éthique de déontologie à l’usage du personnel et des bénévoles de l’Association’ version octobre 2014; une lettre de notification de mise à pied disciplinaire du 25 octobre 2017 adressée à Monsieur [P]; outre différentes pièces adverses). La cour constate que le caractère licite de la vidéosurveillance n’est pas discuté en lui-même par Monsieur [P], ni la recevabilité des captures d’écran produites par l’employeur, tandis que les témoignages rédigés par des salariés de la structure, n’émanent pas de témoins indirects, mais directs, et sont suffisamment détaillés pour que la réalité des faits, qu’ils énoncent respectivement, ne soit pas remise en cause au vu du lien de subordination entre eux et l’employeur, de sorte qu’il convient de les prendre en compte. Parallèlement, Monsieur [P], qui conteste les faits reprochés, se réfère notamment à divers éléments (une copie de la procédure pénale n°00765/2020/001472 diligentée à l’encontre de Monsieur [P] et Monsieur [X] suite à la plainte de l’Association le Foyer de [Localité 5], procédure qui a été classée sans suite par le parquet; des écrits de Monsieur [P] et [X], datés respectivement des 12 juillet et 15 juillet 2020; outre diverses pièces adverses).

Après avoir observé qu’une décision de classement sans suite en matière pénale ne lie pas la juridiction prud’homale dans son appréciation de la matérialité de faits reprochés dans la lettre de rupture et qu’il importe peu qu’une citation pénale directe n’ait pas été délivrée par l’employeur, il y a lieu de constater, au vu des éléments susvisés :

-que s’il n’est pas contestable que Monsieur [P], qui ne travaillait pas dans la soirée du 10 juin 2020, a pris (en aidant l’autre veilleur de nuit en poste à transporter des sacs et une caisse jusqu’à un véhicule -et non des véhicules-) de l’alimentation, au sein de la structure lors de ladite la soirée, il n’est pas mis en évidence que l’alimentation, telle que visée dans la liste des objets dérobés établie par l’Association, à savoir ‘Divers alimentation (sardine thon maquereau salades)’, ait été achetée par cette association, ces denrées ne figurant pas de manière apparente sur les factures d’achats en supermarché transmises par l’employeur, datées du 29 mai 2020.

Or, cette question est importante, puisque Monsieur [P] affirme dans ses écritures d’appel, sans distorsion à cet égard avec ses précédentes indications écrites ou déclarations orales, que l’alimentation prise n’est pas celle achetée par l’Association, mais celle émanant de dons faits à l’Association que les employés étaient autorisés à emporter.

Une telle autorisation se déduit en effet des indications données par Madame [A], directrice de la structure, lors de l’enquête, mais également clairement des termes de son attestation, indiquant que l’alimentation donnée par supermarché peut être prise par le personnel. Ainsi, les pièces soumises à l’appréciation de la cour sont insuffisantes pour permettre de retenir que l’alimentation prise par Monsieur [P] ne faisait pas partie de l’alimentation donnée à l’Association, pouvant être prise par le personnel, car étant stockée dans un bureau fermé à clef et non à l’extérieur des bureaux, comme exposé par l’employeur dans ses écritures d’appel, étant observé que l’attestation de Madame [A] n’est pas claire sur cet aspect, exposant d’abord que ‘Ce qui avait disparu était en trop grande quantité et dans des lieux accessibles que par le personnel qui avait les clés’ avant de préciser ‘Nous avions en effet acheté une grande quantité de vaisselle et d’alimentation fin mai (29) que nous n’avions rangé dans les placards que le 9 juin 2020. Auparavant tout ceci était stocqués dans un bureau fermé à clé’, tandis que s’agissant de l’affirmation au terme de son attestation suivant laquelle que ‘Le matériel disparu était dans les bureaux’, la cour ne peut déduire, à rebours de ce que soutient l’employeur dans ses écritures, que cette formulation concerne également l’alimentation, et non pas uniquement le matériel pris (notamment quelques casseroles et poêles).

Les autres pièces visées par l’employeur ne sont pas déterminantes sur cette question, en ce compris l’attestation de Madame [D] qui ne mentionne pas d’alimentation dérobée dans un bureau fermé à clé. Dans le même temps, à rebours de ce qu’énonce l’employeur, l’écrit de Monsieur [P] daté du 12 juillet 2020 ne comporte aucune reconnaissance claire et non équivoque du fait d’avoir aidé Monsieur [X] à subtiliser des denrées alimentaires. Après avoir rappelé le principe suivant lequel le doute profite au salarié, la cour ne peut que conclure au caractère insuffisamment établi des faits fautifs relatifs à de l’alimentation prise par le salarié dans la soirée du 10 juin 2020, alors qu’elle avait été préalablement achetée par l’Association, les explications fournies par Monsieur [P] sur la possibilité, au vu de l’autorisation existant en ce sens au profit des salariés de la structure, de prendre cette alimentation car donnée à l’Association et non achetée, étant plausibles au vu des éléments pré-exposés,

-que concernant le matériel (à savoir, suivant la liste des produits dérobés établie par l’Association, essentiellement du café, non compris dans la catégorie divers alimentation, ainsi que des ustentiles de cuisine, dont quelques casseroles, poêles, saladier et moule), la vaisselle et les produits d’entretien, il n’est aucunement mis en évidence que ceux-ci provenaient de dons, et ne correspondaient pas aux produits achetés suivant les factures de supermarché produites par l’employeur. Parallèlement, l’écrit daté du 15 juillet 2020 de Monsieur [X] n’est pas déterminant en ce qu’il affirme que'[L] [P] ne pouvait pas savoir que je dérobais par ailleurs de la vaisselle et des produits d’entretien’, étant observé que son positionnement, tel que décrit par l’attestation de Monsieur [C], avait été précédemment tout autre, puisque le 11 juin 2020, Monsieur [X], tout en minimisant les faits, n’avait ‘à aucun moment […] dédouané Mr [P]’. En revanche, selon les indications téléphoniques (dont la relation, partiale ou erronée par l’officier de police judiciaire, telle qu’alléguée par l’employeur, n’est pas mise en évidence) données par la directrice de la structure, exposées dans un procès-verbal établi par le Commissariat de [Localité 4] dans le cadre de l’enquête diligentée suite à la plainte de l’Association Le Foyer de [Localité 5] (n°PV 2020/001472/5, n’ayant pas à être signé par ladite directrice): ‘Questionné sur la date du vol, elle nous informe ne pas sur que Monsieur [P] et Monsieur [X] soient les seules à avoir dérobé des objets dans ce local étant donné que celui-ci a été approvisionné une semaine avant les faits visant les deux mis en causes. Il est donc possible qu’un ou plusieurs autres employés aient pu se rendre coupable de vol auparavant. Elle nous indique d’ailleur que les vidéos prisent sur place ne montrent pas le contenu des sacs transportés par Monsieur [X]’, indications dissonnantes avec celles des attestations sur lesquelles s’appuient l’employeur relatives à une mise en place des objets deux jours avant les faits reprochés.

Au regard des différents éléments soumis à son appréciation, la cour estime qu’un doute légitime, devant profiter au salarié, est existant s’agissant de l’imputabilité à celui-ci de faits intentionnels afférents au matériel pris. Dans le même temps, Monsieur [P] ne peut contester avoir pris dans la soirée du 10 juin 2020 de la vaisselle et des produits d’entretien (en aidant l’autre veilleur de nuit en poste à transporter des sacs et une caisse jusqu’à un véhicule), sans que ses affirmations sur son ignorance du contenu des sacs transportés ne soient corroborées au vu des éléments soumis à la cour, dont elle apprécie souverainement la valeur et la portée.

Pour autant, la cour, au vu des indications pré-exposées, ne peut déduire que les éléments pris par Monsieur [P] (en aidant l’autre veilleur de nuit en poste à les transporter jusqu’à un véhicule) correspondent à la totalité de la vaisselle et des produits d’entretien visés par l’employeur. Dans ces conditions, la matérialité des faits intentionnels reprochés concernant le matériel, préalablement acheté par l’Association, pris par Monsieur [P] dans la soirée du 10 juin 2020 sera considérée comme insuffisamment établie, tandis que la matérialité de faits intentionnels imputables à Monsieur [P], concernant la vaisselle et les produits d’entretien, ne sera considérée que comme partiellement établie.

Au vu de ce qui précède, du caractère partiellement établi de certains des faits visés dans la lettre de licenciement, de leur nature, la cour observe que ceux-ci, venant après mise à pied disciplinaire antérieure adressée au salarié en septembre 2017, sont suffisamment sérieux pour, sans disproportion, fonder un licenciement de Monsieur [P]. Le jugement entrepris sera ainsi confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur [P] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En revanche, l’employeur ne rapporte pas la preuve de ce que les faits établis, ayant généré un préjudice très restreint pour l’employeur, imputables à un salarié ayant plus de sept ans d’ancienneté, et dont la mise à pied disciplinaire antérieure était liée à des faits différents (avoir reçu durant son temps de travail une personne étrangère à la structure, qui a séjourné dans les bureaux de l’établissement), aient constitué une violation des obligations du contrat de travail telle qu’ils aient rendu impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis.

Le licenciement de Monsieur [P] sera donc considéré comme fondé sur une cause réelle et sérieuse, mais non sur une faute grave. Le jugement entrepris, critiqué de manière justifiée en ce qu’il a conclu dans sa motivation au caractère fondé du licenciement pour faute grave, sera donc infirmé en ce qu’il a: dit que le Foyer de [Localité 5] a apporté la preuve d’une faute grave de Monsieur [L] [P] et dit le licenciement pour faute grave de Monsieur [L] [P] justifié.

S’agissant des indemnités de rupture, il convient de constater, à titre liminaire, que l’appelant a manifestement commis une pure erreur de plume dans le dispositif de ses écritures d’appel puisqu’il y sollicite une indemnité légale de licenciement, alors que, dans le corps de ses écritures, est clairement visée une demande au titre d’une indemnité conventionnelle de licenciement, calculée selon les modalités prévues par les dispositions collectives applicables aux centres d’hébergement et de réadaptation sociale. En l’état de cette pure erreur de plume, la cour ne peut qu’examiner une demande d’indemnité conventionnelle, et non légale, de licenciement.

Le licenciement n’étant pas fondé sur une faute grave et l’inexécution du préavis étant imputable à l’employeur, après infirmation du jugement en ses dispositions relatives aux indemnités de rupture, il sera octroyé à Monsieur [P] les sommes suivantes :

– la somme de 7.559,59 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, au regard de l’ancienneté du salarié, des dispositions collectives applicables, et non de 5.561,60 euros tel que soutenu par l’employeur (qui ne justifie pas du bien fondé de son calcul opéré sur la base d’un salaire moyen des trois derniers mois calculé en net),

-la somme de 3.819,58 euros, somme exprimée nécessairement en brut, à titre d’indemnité compensatrice de préavis (correspondant à deux mois, au vu des dispositions légales applicables et des salaires que Monsieur [P] aurait perçus s’il avait effectué le préavis), montant vainement contesté par l’employeur.

En l’absence de faute grave, Monsieur [P] critique de manière fondée le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire. En revanche, au regard des pièces soumises à l’appréciation de la cour, la demande de rappel de salaire n’est fondée qu’à hauteur de 971,05 euros, somme exprimée nécessairement en brut, et non de 1.909,79 euros tel que réclamé par cet appelant.

Après infirmation du jugement à cet égard, l’Association Le Foyer de [Localité 5] sera condamnée à verser à Monsieur [P] une somme de 971,05 euros brut à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire.

Le jugement entrepris n’est pas critiqué utilement par Monsieur [P] en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts au titre d’un préjudice distinct, en l’absence de démonstration d’un préjudice découlant d’un comportement brutal et vexatoire de l’employeur, tel qu’allégué par Monsieur [P]. Le jugement entrepris sera confirmé à cet égard et les demandes en sens contraire rejetées.

L’Association Le Foyer de [Localité 5], succombant principalement, sera condamnée aux dépens de première instance (le jugement entrepris étant infirmé en ses dispositions querellées relatives aux dépens) et d’appel, qui seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle.

Le jugement entrepris, non utilement critiqué, sera confirmé en ses dispositions querellées relatives aux frais irrépétibles de première instance.

L’équité ne commande pas de prévoir de condamnation au titre des frais irrépétibles d’appel.

Les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires à ces égards.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe le 5 juillet 2023,

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Bastia le 10 février 2022, tel que déféré, sauf :

-en ce qu’il a dit que le Foyer de [Localité 5] a apporté la preuve d’une faute grave de Monsieur [L] [P] et dit le licenciement pour faute grave de Monsieur [L] [P] justifié,

-en ce qu’il a débouté Monsieur [L] [P] de ses demandes au titre de l’indemnité légale de licenciement, de l’indemnité compensatrice de préavis, de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

-en ce qu’il a condamné Monsieur [L] [P] aux dépens,

Et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que le licenciement dont Monsieur [L] [P] a été l’objet de la part de l’Association Le Foyer de [Localité 5] est fondé sur une cause réelle et sérieuse, mais non sur une faute grave,

CONDAMNE l’Association Le Foyer de [Localité 5], prise en la personne de son représentant légal, à verser à Monsieur [L] [P] les sommes suivantes :

– 7.559,59 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

– 3.819,58 euros brut, à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 971,05 euros brut à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire

DEBOUTE les parties de leurs demandes de condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel,

CONDAMNE l’Association Le Foyer de [Localité 5], prise en la personne de son représentant légal, aux dépens de première instance et de d’appel, dépens qui seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

 


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