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N° RG 21/09101 – N° Portalis DBVX-V-B7F-OAI6
Décision du
TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LYON
Au fond
du 25 octobre 2021
RG : 21/04008
ch n°
[EJ]
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C/
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[N]
[EJ]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRÊT DU 14 Septembre 2022
APPELANTS :
1- Mme [KM] [EJ]
née le 26 Juillet 1946 à [Localité 37]
[Adresse 18]
[Localité 30]
2- Mme [A] [EJ]
née le 08 Octobre 1948 à [Localité 37]
[Adresse 18]
[Localité 30]
3- M. [ZO] [EJ] venant en représentation de son père prédécédé Monsieur [JO] [EJ]
né le 05 Février 1994 à [Localité 3]
Domicilié au CCAS de [Localité 39], [Adresse 26]
[Localité 38]
4- Mme [B] [EJ] venant en représentation de son père prédécédé Monsieur [JO] [EJ]
née le 06 Septembre 1992 à [Localité 3]
[Adresse 28]
[Localité 1]
5- M. [C] [EJ] venant en représentation de son père Monsieur [SN] [EJ], renonçant à la succession
né le 27 Janvier 1993 à [Localité 40]
[Adresse 11]
[Localité 30]
6- M. [OU] [EJ] venant en représentation de son père Monsieur [SN] [EJ], renonçant à la succession
né le 13 Octobre 1998 à [Localité 40]
[Adresse 11]
[Localité 30]
7- Mme [BU] [EJ]
née le 30 Janvier 1955 à [Localité 30]
[Adresse 10]
[Localité 3]
Représentés par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON, toque : 1106
Ayant pour avocat plaidant la SAS ATRHET, avocats au barreau de LYON
INTIMÉS :
1- Mme [O] [AB] née [EJ]
née le 24 Août 1947 à [Localité 37]
[Adresse 34]
[Localité 31]
2- M. [V] [EJ]
né le 02 Novembre 1950 à [Localité 36]
[Adresse 33]
[Localité 4]
3- Mme [Y] [EJ]
née le 17 Août 1963 à [Localité 36]
[Adresse 14]
[Localité 2]
(bénéficiaire d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/002748 du 17/02/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de LYON)
4- Mme [T] [J] née [EJ], venant en représentation de sa mère prédécédée
née le 14 Novembre 1985 à [Localité 32]
[Adresse 7]
[Localité 21]
5- Mme [U] [EJ], venant en représentation de sa mère prédécédée
née le 21 Mars 1972 à [Localité 32]
[Adresse 9]
[Localité 5]
Représentés par Me Clarisse BOUGAUD de la SELARL HESTAE AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 2798
INTIMÉS N’AYANT PAS CONSTITUÉ AVOCAT :
1- Mme [UB] [EJ]
née le 09 Mars 1969 à [Localité 36]
[Adresse 6]
[Localité 29]
2- Mme [RP] [N]
née le 06 Septembre 1992 à [Localité 3]
[Adresse 15]
[Localité 8] SUISSE
3- M. [H] [EJ]
né le 20 Juillet 1970 à [Localité 38]
[Adresse 22] CALIFORNIA
92399 ETATS-UNIS ETATS-UNIS
******
Date de clôture de l’instruction : 28 Juin 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 28 Juin 2022
Date de mise à disposition : 14 Septembre 2022
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Christine SAUNIER-RUELLAN, président
– Karen STELLA, conseiller
– Véronique MASSON-BESSOU, conseiller
assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier
A l’audience, Véronique MASSON-BESSOU a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt par défaut, la déclaration d’appel ayant été signifiée en l’étude d’huissier le 2 février 2022 pour [UB] [EJ], et l’huissier chargé de signifier la déclaration d’appel à Mme [RP] [N] et M. [H] [EJ] ayant accompli les formalités prévues par les dispositions de la Convention de la Haye du 15 novembre 1965, le 2 février 2022 également.
Rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Véronique MASSON-BESSOU, conseiller, en application de l’article 456 du code de procédure civile, le président étant empêché, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
****
Exposé du litige
Monsieur [M] [P] [EJ] a épousé Madame [DL] [D] [S] sous le régime légal de la communauté de meubles et acquêts le 2 mars 1946.
De leur union sont issus 11 enfants : [KM] [EJ], [O] [EJ], [A] [EJ] [V] [EJ], [L] [EJ] (décédée), [RP] [EJ], [BU] [EJ], [SN] [EJ], [Y] [EJ], [JO] [EJ] (décédé) et [UB] [EJ].
Monsieur [M] [EJ] est décédé le 31 mars 2000 et son épouse le 30 mai 2013.
[JO] [EJ], 10ème de la fratrie étant décédé, ses deux enfants [B] et [ZO] [EJ] viennent en représentation de leur père.
Madame [L] [EJ], 5ème de la fratrie étant décédée, ses trois enfants, [H], [U] et [T] [EJ] viennent en représentation de leur mère.
Deux immeubles dépendent de la communauté [EJ]/[S] :
Un bien immobilier sis à [Localité 30] (Rhône), cadastré section AH n°[Cadastre 27] et [Cadastre 24] ;
Un bien immobilier sis également à [Localité 30], cadastré AH n°[Cadastre 23].
Par ailleurs, dépend de la succession de [M] [EJ], en bien propre, un bien immobilier situé à [Localité 30] cadastré AH n°[Cadastre 12] et n°[Cadastre 13], [Adresse 35].
A la suite du décès de Madame [DL] [EJ], aucun partage amiable n’a pu aboutir, raison pour laquelle une assignation en partage judiciaire a été délivrée par certains héritiers.
Par jugement en date du 19 octobre 2016, le Tribunal judiciaire de Lyon a :
ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Monsieur [M] [EJ] et de Madame [DL] [S] veuve [EJ] ;
désigné Maître [G] [X], Notaire, pour procéder aux opérations de compte, partage et liquidation ;
dit que le notaire est autorisé, dans le cadre de l’administration de la succession, à percevoir les loyers échus des locataires identifiés selon les baux produits ;
désigné le juge de la mise en état de la première chambre du Tribunal pour surveiller les opérations et faire rapport en cas de difficulté ;
ordonné une expertise et désigné pour y procéder [ZO] [E], avec pour mission de :
visiter les trois biens immobiliers situés à [Localité 30], évaluer la valeur de ces biens, évaluer la valeur locative, identifier les baux établis et chiffrer les loyers et évaluer le montant de l’indemnité d’occupation, sur les biens indivis occupés privativement.
Par procès-verbal en date du 07 mars 2017, les opérations de liquidation-partage entre les consorts [EJ] ont été ouvertes.
L’expert a rendu son rapport le 24 mai 2017 et a fixé les évaluations suivantes :
513.000 euros pour l’ensemble immobilier cadastré AH n°[Cadastre 27] et [Cadastre 24] ;
670.000 euros pour l’ensemble immobilier cadastré AH n°[Cadastre 12] et [Cadastre 13] ;
730 euros pour le montant de l’indemnité d’occupation due pour l’occupation de l’immeuble d’habitation sis [Adresse 18] sur parcelle cadastrée AH n°[Cadastre 12] et [Cadastre 13].
Le 9 juillet 2018, la société Bouygues immobilier a formulé à l’indivision une offre d’achat à hauteur de 1 770 000 € concernant l’ensemble des parcelles.
Des difficultés sont apparues dans le cadre des opérations de liquidation partage et, le 10 juillet 2019, le notaire commis a dressé un Procès-verbal de difficultés.
C’est dans ce contexte que, par acte des 29 mars et 7 avril 2021, certains héritiers, à savoir [Y], [UB], [O], [V] [EJ] et [T] et [U] [EJ] ont assigné les autres héritiers au visa des articles 813-1 et 814 du code civil, 481-1 et 1380 du code civil, devant le Président du Tribunal Judiciaire de Lyon, dans le cadre d’une procédure accélérée au fond aux fins de :
Nommer un mandataire successoral pour accepter une offre d’achat et régulariser la vente au meilleur prix pour le compte de la succession en lieu et place des indivisaires concernant les parcelles cadastrées AH N°[Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 25], [Cadastre 23], [Cadastre 24], et [Cadastre 27] sises [Adresse 17] ;
Autoriser le mandataire judiciaire à passer tous les actes de conservation et d’administration nécessaires à l’indivision et notamment :
L’indemnité d’occupation due par la SARL Convergence, aujourd’hui Techno Béton [Localité 30] pour l’ensemble immobilier sis [Adresse 20] depuis le 30 mai 2013.
Les loyers dus par le locataire Monsieur [K] [R], échus depuis le 1er juin 2013 avec intérêts au taux légal, relativement au bien sis [Adresse 16] ;
Les loyers dus par Monsieur et Madame [NW], locataires au [Adresse 19], au titre de leur bail d’habitation depuis juin 2013 avec intérêts au taux légal ;
L’indemnité d’occupation due par Mesdames [KM] et [A] [EJ] pour leur occupation privative du bien sis [Adresse 18], évaluée à 730 euros par mois, depuis le 30 mai 2013.
Autoriser le mandataire judiciaire à régler les impôts afférents aux biens dépendants de la succession.
Par jugement en date du 25 octobre 2021, le Président du Tribunal Judiciaire de Lyon a :
Désigné pour une durée de 24 mois avec possibilité de prolongation pour une durée de 12 mois le Président de la chambre des notaires du Rhône avec faculté de délégation, en qualité de mandataire successoral judiciaire chargé d’administrer la succession de [M] et [DL] [EJ] ;
Autorisé le mandataire à :
accepter une offre d’achat et régulariser la vente au meilleur prix pour le compte de la succession en lieu et place des indivisaires concernant les parcelles cadastrées AH N°[Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 25], [Cadastre 23], [Cadastre 24], et [Cadastre 27] sises [Adresse 17] ;
passer tous les actes de conservation et d’administration nécessaires à l’indivision et notamment :
l’indemnité d’occupation due par la SARL Convergence, aujourd’hui Techno Béton [Localité 30], pour l’ensemble immobilier sis [Adresse 20] depuis le 30 mai 2013 ;
les loyers dus par le locataire Monsieur [K] [R] échus depuis le 1er juin 2013 avec intérêts au taux légal relativement au bien sis [Adresse 16] ;
les loyers dus par Monsieur et Madame [NW], locataires au [Adresse 19] au titre de leur bail d’habitation depuis juin 2013 avec intérêts au taux légal ;
l’indemnité d’occupation due par Mesdames [KM] et [A] [EJ] pour leur occupation privative du bien sis [Adresse 18], évaluée à 730 euros par mois, depuis le 30 mai 2013 ;
régler les impôts afférents aux biens dépendant de la succession.
Fixé à la somme provisionnelle de 2.000 euros la rémunération du mandataire successoral qui sera prise en charge par la succession et avancée pour le compte de l’indivision de la succession ;
Dit que le mandataire successoral pourra solliciter du juge une rémunération complémentaire, sur justificatif de ses diligences et après avoir recueilli l’avis des héritiers ;
Dit que la décision sera enregistrée au greffe du Tribunal judiciaire de Lyon dans le mois suivant la nomination et publiée au BODACC à la requête du mandataire successoral judiciaire désigné ;
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et que les dépens de l’instance seront pris en charge par la succession.
Il est retenu en substance, au visa des articles 813-1 et 814 du code civil :
qu’il existe une mésentente entre les héritiers et que le notaire désigné a été contraint de dresser un procès-verbal de difficultés ;
que plusieurs offres d’achat ont été formées pour les ensembles immobiliers dépendants de la succession, offres supérieures à la valeur retenue par l’expert désigné par le Tribunal ;
que l’intérêt de l’indivision commande que l’ensemble immobilier soit vendu au plus fort prix, d’autant que la succession est à ce jour bloquée, ce qui justifie que soit désigné un mandataire successoral à l’effet d’administrer provisoirement la succession, la mission du mandataire successoral devant également porter sur les loyers des locataires.
Par déclaration d’appel en date du 21 décembre 2021, [KM], [A], [ZO], [B], [C], [OU] et [BU] [EJ] ont interjeté appel de l’intégralité des chefs de décision figurant au dispositif du jugement du 25 octobre 2021, dont ils ont repris les termes dans leur déclaration d’appel, à l’exception des chefs de décision relatifs à l’exécution provisoire, aux dépens et au rejet des demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de leurs dernières écritures, régularisées par RPVA le 20 avril 2022, les appelants demandent à la Cour de :
Déclarer bien fondé leur appel tel que résultant de ce qui est exposé dans leur déclaration d’appel, dont ils reprennent les termes, chefs de décision dont ils sollicitent l’infirmation.
Statuant à nouveau :
Déclarer irrecevable l’action de [O], [T], [U], [RP], [UB] et [Y] [EJ], et de [V] et [H] [EJ] en ce que le jugement de partage a autorité de chose jugée ;
Les débouter de leur demande de désignation d’un mandataire successoral aux fins de la vente des biens indivis.
Subsidiairement :
Confier au mandataire successoral la mission de conserver et d’administrer la succession.
En tout état de cause :
Les condamner in solidum aux dépens et à leur verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Les appelantes soutiennent en premier lieu que les règles du partage n’ont pas été respectées alors que :
le président du tribunal a porté atteinte aux règles du partage en ordonnant la vente que seul le tribunal peut, dans le cadre d’une procédure de partage, ordonner en prononçant la licitation;
en outre, une licitation ne peut être ordonnée, selon l’article 1377 du code de procédure civile, que si les biens de la succession ne peuvent être aisément partagés ou attribués, la règle étant en principe celle du partage en nature des biens indivis et, par exception, la licitation du bien s’il n’est pas commodément partageable (article 1686 du code civil) ;
le notaire liquidateur, Maître [X], a excédé ses pouvoirs en communiquant aux parties des offres d’achat de promoteur, ce qui était étranger à sa mission, le rôle du notaire liquidateur étant de constituer des lots en vue de leur attribution pour un partage en nature et non de se substituer au juge de la licitation ;
les biens indivis sont aisément partageables en nature puisqu’ils sont divisés en cinq parcelles indivises et le versement de soultes étant tout à fait possible au profit des six indivisaires sur les 15 qui ne souhaitent pas se voir attribuer une parcelle, étant observé que les indivisaires concernés par un partage en nature sont sentimentalement attachés aux biens immobiliers indivis ;
ils se limitent à demander l’exécution du jugement de partage qui a ordonné le partage en nature puisqu’il n’a pas prononcé la licitation et a nommé un notaire liquidateur chargé de composer des lots, l’ordonnance entreprise portant atteinte à l’autorité de la chose jugée attachée à cette décision, étant observé que seul le tribunal est compétent pour ordonner une licitation, une telle décision n’étant ni du ressort de la juridiction présidentielle, ni du ressort d’un mandataire successoral.
Les appelantes soutiennent en second lieu que les règles du mandat successoral n’ont pas été respectées, aux motifs :
que l’objectif de l’article 813-1 du code civil est de permettre au juge de désigner un mandataire successoral pour lui confier l’administration de la succession en lieu et place des héritiers en raison de l’existence d’une situation de crise et qu’une fois désigné, ce mandataire a pour rôle d’administrer provisoirement la succession, son pouvoir étant limité à l’accomplissement d’actes d’administration et ce, de manière provisoire ;
que les dispositions de l’article 814 du code civil sur lequel s’est fondé le président du Tribunal judiciaire pour autoriser le mandataire successoral à vendre le bien prévoient que le président du tribunal judiciaire peut « à tout moment » autoriser le mandataire successoral à « réaliser des actes de disposition nécessaires à la bonne administration de la succession » ;
qu’en l’espèce, la demande des intimés tendant à désigner un mandataire successoral pour procéder à la vente n’est ni ponctuelle ni liée à l’administration de la succession puisqu’elle a pour objet principal la vente des biens indivis à des promoteurs immobiliers et revient en réalité à une décision de licitation ;
qu’en vertu de l’article 814 du code civil, les actes de disposition que le mandataire successoral peut être autorisé à accomplir doivent être nécessaires à la bonne administration de la succession et que vendre un bien indivis pour faire cesser l’indivision ne constitue pas un acte d’administration mais un acte de liquidation ;
que ce qui est en cause n’est pas la nomination d’un administrateur provisoire, mais la mission qu’on entend lui confier, le mandataire successoral ayant pour rôle d’administrer provisoirement la succession et non de la liquider.
En dernier lieu, les appelants soutiennent que la décision déférée contrevient aux règles de l’indivision, aux motifs :
que le code civil ne prévoit qu’une manière d’ordonner la vente des biens indivis, sous la forme d’une autorisation judiciaire en cas de désaccord des indivisaires et que cette autorisation est réglementée étroitement, par les articles 815-5, 815-5-1 et 815-6 ;
qu’ainsi, l’article 815-5 du code civil permet à un indivisaire de demander au juge de passer seul un acte si le refus d’un autre co-indivisaire met en péril l’intérêt commun de l’indivision, la vente n’étant possible dans ce cadre qu’en cas de péril ;
que selon l’article 815-5-1 alinéa 1, l’aliénation d’un bien peut également être demandé au juge si au moins 2/3 des co-indivisaires y consentent, donc s’il existe une majorité qualifiée d’indivisaires se prononçant en faveur de la vente ;
qu’enfin, aux termes de l’article 815-6 du code civil, le président du tribunal judiciaire peut autoriser toute mesure urgente que requiert l’intérêt commun, la vente n’étant possible dans ce cadre que lorsque l’urgence l’exige ;
qu’en voulant échapper à l’application de ces règles et en utilisant l’article 813-1 du code civil les appelants ont détourné manifestement ce texte, en sollicitant sur son fondement la désignation d’un mandataire successoral ayant pour mission d’aliéner l’ensemble de la succession.
Aux termes de leurs dernières écritures, régularisées par RPVA le 23 juin 2022, les intimés demandent à la Cour, au visa des articles 1373 et suivants du code de procédure civile, 813-1 et 814 du code civil, de :
In limine litis sur l’irrecevabilité :
Déclarer irrecevables comme étant des demandes nouvelles la demande des appelants tendant à l’irrecevabilité de l’action de consorts [EJ] en ce que le jugement de partage aurait autorité de la chose jugée et la demande tendant à confier au mandataire successoral la mission de conserver et d’administrer la succession ;
Confirmer l’ordonnance rendue par le président du Tribunal Judiciaire de Lyon en date du 25 octobre 2021, sauf en ce qu’elle a donné pour mission au mandataire d’accepter une offre d’achat et régulariser la vente au meilleur prix pour le compte de la succession en lieu et place des indivisaires concernant la parcelle cadastrée AH N°[Cadastre 25] sise [Adresse 41] (Rhône) ;
Débouter [KM], [A], [ZO], [B], [RP], [C], [OU] et [BU] [EJ] de toutes leurs demandes.
Y ajoutant :
Condamner [KM], [A], [ZO], [B], [RP], [C], [OU] et [BU] [EJ] aux entiers dépens et à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Les intimés soutiennent in limine litis qu’il y a irrecevabilité des demandes des appelants qui constituent des demandes nouvelles, au visa de l’article 564 du code de procédure civile, alors que l’irrecevabilité au titre de la chose jugée n’a jamais été soulevée par les appelants en première instance et qu’il en est de même de la demande tendant à voir confier au mandataire successoral la mission de conserver et d’administrer la succession.
Les intimés font valoir par ailleurs que les différents moyens opposés par les appelants ne sont pas fondés.
Ils soutiennent en premier lieu qu’il ne peut être retenu que le Tribunal, dans son jugement du 19 octobre 2016, a ordonné le partage en nature et non la licitation, alors qu’en réalité le Tribunal a ordonné l’ouverture des opérations de partage sans déterminer les modalités de ce partage.
Ils rappellent que le partage en nature est la règle et la licitation l’exception, celle-ci n’ayant lieu que lorsque le partage en nature est impossible, ce qui est bien le cas en l’espèce, puisque l’assignation en partage a été délivrée il y a près de huit ans et qu’au cours de ces années, aucun des appelants n’a formalisé une demande d’attribution de parcelle identifiée, le partage étant de surcroît impossible puisque que tous les indivisaires doivent être d’accord et que certains indivisaires sont en faveur du partage en nature alors même que d’autres s’y opposent depuis le début.
En second lieu, ils font valoir que les appelants sont mal fondés à soutenir que seul le Tribunal pouvait ordonner la licitation de sorte que la décision désignant un mandataire successoral se heurte à l’autorité de la chose jugée, alors que :
ils n’ont fait que solliciter l’application de l’article 813-1 du code civil, dont les conditions sont remplies puisque depuis sept ans et demi, la mésentente entre héritiers persiste et ne cesse de se complexifier sans aucune avancée, que certains indivisaires se maintiennent dans les lieux sans rrégler la moindre indemnité d’occupation et refusent de prendre partie au partage de sorte de se maintenir dans les biens ad vitam eternam ;
la nomination d’un mandataire s’impose aujourd’hui comme la seule solution permettant de sortir de cette situation inextricable dans laquelle est engluée l’indivision successorale.
En troisième lieu, les intimés relèvent que contrairement à ce qui est soutenu, le partage en nature est impossible, alors que le partage en nature ne peut être fait que lorsque tous les indivisaires y sont favorables et que donc la licitation s’impose, au visa de l’article 1377 du code de procédure civile.
Ils soutiennent en quatrième lieu qu’il est faux de soutenir que le mandataire désigné ne peut qu’administrer la succession sans pouvoir faire d’actes de disposition, alors que :
par application de l’article 814 du code civil, le juge peut autoriser le mandataire successoral désigné en application de l’article 813-1 du code civil à réaliser des actes de disposition nécessaires à la bonne administration de la succession, disposition qui peut parfaitement s’appliquer en l’espèce ;
la bonne administration de la succession litigieuse nécessite que soit vendu l’ensemble immobilier puisqu’il n’y a pas d’autre issue.
Ils ajoutent que l’attachement aux biens concernés n’est juridiquement pas un critère pour un partage en nature et qu’en outre, tant le rapport d’expertise, que le procès-verbal d’huissier de justice du 27 avril 2015 réalisé à la demande des appelants, sont édifiants sur l’état de dégradation des biens indivis, cet état d’abandon mettant en péril l’intérêt commun puisque participant à la dépréciation du bien.
Les intimés font valoir par ailleurs que la décision déférée doit être infirmée en ce qu’elle a donné pour mission au mandataire de vendre au plus offrant la parcelle cadastrée AH [Cadastre 25] sis [Adresse 41], qui appartient en réalité à Monsieur [W], qui est tiers par rapport à l’indivision.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I : Sur les fins de non-recevoir
1) Sur l’irrecevabilité de la fin de non recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée
Aux termes de l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité, les parties ne peuvent soumettre à la Cour de nouvelles prétentions.
Toutefois, il ressort des dispositions de l’article 123 du code de procédure civile que les fins de non recevoir peuvent être soulevées en tout état de cause.
Il en résulte que les appelants sont recevables à soulever en cause d’appel l’irrecevabilité de l’action des intimés en raison de l’autorité de la chose jugée attachée au jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Lyon du 19 octobre 2016 qui a ordonné l’ouverture des opérations de compte liquidation et partage des successions [EJ]-[S].
2) Sur le bien fondé de la fin de non recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée du jugement du Tribunal de grande instance de Lyon du 19 octobre 2016 soulevée par les appelants
Aux termes de son jugement du 19 octobre 2016, le Tribunal de grande instance de Lyon a ordonné l’ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la succession de Monsieur [M] [EJ] et de Madame [DL] [S] Veuve [EJ] et a désigné Maître [X], Notaire, pour y procéder, au visa des articles 815 et 840 du code civil.
En l’espèce, le Président du Tribunal judiciaire de Lyon a été saisi sur le fondement des articles 813-1 et 814 du code civil, selon la procédure accélérée au fond, d’une demande visant au principal à voir désigner un mandataire successoral aux fins d’administrer la succession et régulariser au meilleur prix pour le compte de la succession la vente de différentes parcelles dépendantes de la succession.
Or, dès lors que la demande sus-visée repose sur un fondement juridique différent, l’autorité de la chose jugée ne peut être opposée.
Il en résulte que la fin de non recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée attachée au jugement du 19 octobre 2016 opposée par les appelants doit être rejetée.
3) Sur l’irrecevabilité de la demande subsidiaire des appelants visant à confier à un mandataire successoral la mission de conserver et administrer la succession soulevée par les intimés
Les intimés soutiennent que cette demande, présentée à titre subsidiaire par les appelants, est irrecevable en cause d’appel comme constituant une demande nouvelle, au visa de l’article 564 du code de procédure civile.
Or, la Cour ne peut que constater que, dans le cadre de la procédure accélérée au fond qu’ils ont introduite, les intimés ont eux mêmes sollicité que le mandataire successoral dont ils ont demandé la désignation ait pour mission de passer tous les actes de conservation et d’administration nécessaires à l’indivision, demande à laquelle le premier juge a fait droit et dont ils sollicitent la confirmation.
Ils ne peuvent dès lors sans se contredire soutenir qu’une telle demande est irrecevable en cause d’appel, étant observé qu’en tout état de cause, cette demande ne peut être considérée comme nouvelle puisqu’ayant trait à des éléments déjà débattus devant le premier juge.
En conséquence, la Cour rejette également la fin de non-recevoir soulevée de ce chef par les intimés.
II : Sur le fond
Au visa des articles 813-1 et 814 du code civil, les intimés ont initialement sollicité la désignation d’un mandataire successoral aux fins d’administrer la succession [EJ]-[S], le mandataire ayant pour mission d’une part de régulariser la vente au meilleur prix des parcelles sises à [Localité 30] dépendantes de la succession, d’autre part de percevoir les loyers et indemnités d’occupation concernant les biens dépendants de la succession, et régler les impôts afférents à ces biens.
Le premier juge a fait droit à ces demandes et les appelants sollicitent l’infirmation de cette décision.
L’article 813-1 du code civil dispose : « Le juge peut désigner toute personne qualifiée, physique ou morale, en qualité de mandataire successoral, à l’effet d’administrer provisoirement la succession en raison de l’inertie, de la carence ou de la faute d’un ou de plusieurs héritiers dans cette administration, de leur mésentente, d’une opposition d’intérêts entre eux ou de la complexité de la situation successorale.
Au sens de ces dispositions, la désignation d’un mandataire successoral, dont la mission se limite à une administration provisoire, est subordonnée à l’existence d’une situation faisant obstacle à l’administration correcte de la succession dans l’attente de sa liquidation.
Elle ne se justifie dès lors que si la mésentente entre les héritiers ne permet pas l’administration provisoire de la successions et met de façon conséquente en péril les intérêts de l’indivision dans l’attente de la liquidation de la succession.
En l’espèce, à l’appui de leur demande de désignation d’un tel mandataire successoral, les intimés font valoir :
que les indivisaires sont en désaccord sur les modalités du partage, que le partage en nature est dès lors impossible, et que du fait de ce désaccord, depuis 2013 la succession n’a pu être liquidée ;
que certains indivisaires occupent les lieux sans verser la moindre indemnité d’occupation ;
que l’intérêt commun des indivisaires est en péril, les biens n’étant pas entretenus.
Or, tant le désaccord des indivisaires sur les modalités du partage que le versement d’une indemnité d’occupation (laquelle au demeurant n’a été évaluée que par voie d’expertise et dont le montant n’a pas été définitivement tranché par une décision de justice) sont sans rapport direct avec l’administration provisoire de la succession, ces points ne pouvant être tranchés que par le Tribunal saisi des opérations de liquidation et ne peuvent justifier la désignation d’un mandataire successoral au sens de l’article 813-1 du code civil.
Reste le défaut d’entretien des biens indivis dont les intimés soutiennent qu’il met en péril l’intérêt commun de l’indivision.
Or, force est de constater qu’aucune des pièces produites par les intimés n’est de nature à établir qu’il existe à ce jour à ce titre un péril suffisamment grave pour justifier la désignation d’un mandataire successoral chargé d’administrer provisoirement la succession litigieuse.
Ainsi, le constat d’huissier de Maître [Z], outre qu’il date du 8 avril 2014, ne fait état d’aucun élément particulier relatif à un défaut d’entretien.
Le rapport d’expertise [E] se limite quant à lui à faire un état des biens indivis en vue de leur évaluation, le fait qu’il relève que certains des immeubles nécessitent des travaux de rénovation ou de rafraîchissement n’étant pas de nature à caractériser un défaut d’entretien.
L’attestation de Monsieur [F] (pièce 18 intimés) fait quant à elle référence à des constats opérés entre 2008 et 2010, soit antérieurs au décès de Madame [DL] [EJ], et ne peut dès lors concerner un défaut d’entretien imputable à l’indivision.
Enfin, l’attestation de Monsieur [I] (pièce 19 intimés) et les photographies versées aux débats (pièces 27 et 28 intimés), qui font état de parcelles de terrain non entretenues ne permettent pas de localiser les lieux et bien concernés.
Reste le courrier de la mairie de [Localité 30] (pièce 29 intimés), laquelle sollicite la remise en état d’un terrain dont la végétation n’est pas entretenue, dont il apparaît qu’il correspond à la parcelle [Cadastre 12], occupée par [KM] et [A] [EJ], indivisaires, seules tenues en leur qualité d’occupantes actuelles à procéder à l’entretien du terrain.
En tout état de cause, le seul défaut d’entretien de la végétation d’un terrain n’est pas suffisamment grave pour qu’il soit retenu que l’indivision est en péril et justifier la désignation d’un administrateur provisoire et il apparaît, au vu de ces éléments, qu’il n’est justifié d’aucun élément sérieux pour qu’il soit nécessaire de désigner un administrateur provisoire de la succession en cause, au sens de l’article 813-1 du code civil.
Il en résulte par voie de conséquence que les dispositions de l’article 814 du code civil, et notamment celle autorisant le mandataire successoral à réaliser un acte de disposition, ne peuvent trouver application dès lors que la désignation d’un mandataire successoral ne se justifie pas.
La Cour en conséquence infirme la décision déférée dans son intégralité et, statuant à nouveau, déboute [Y], [UB], [O], [V] [EJ], [T] et [U] [EJ] de l’ensemble de leurs demandes.
III) Sur les demandes accessoires
[Y], [UB], [O], [V] [EJ], [T] et [U] [EJ] succombant, la Cour infirme la décision déférée qui a dit que les dépens de la procédure de première instance seraient pris en charge par la succession et, statuant à nouveau :
Condamne [Y], [UB], [O], [V] [EJ], [T] et [U] [EJ] aux dépens de la procédure de première instance.
Pour la même raison, ils seront condamnés, à l’exception de [UB] [EJ] qui ne s’est pas constituée en cause d’appel, aux dépens à hauteur d’appel et à payer à [KM], [A], [ZO], [B], [C], [OU] et [BU] [EJ], la somme de 2 000 euros à hauteur d’appel, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, justifiée en équité.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Déclare recevable la fin de non recevoir soulevée par [KM], [A], [ZO], [B], [C], [OU] et [BU] [EJ] tirée de l’autorité de la chose jugée attachée au jugement du Tribunal de grand instance de Lyon du 19 octobre 2016 et la rejette ;
Déclare recevable la demande subsidiaire de désignation d’un mandataire successoral ayant pour mission de conserver et administrer la succession présentée par [KM], [A], [ZO], [B], [C], [OU] et [BU] [EJ], désormais sans objet.
Infirme la décision déférée dans son intégralité et statuant à nouveau :
Déboute [Y], [UB], [O], [V] [EJ], [T] et [U] [EJ] de l’intégralité de leurs demandes ;
Infirme la décision déférée qui a dit que les dépens de la procédure de première instance seraient pris en charge par la succession et, statuant à nouveau :
Condamne [Y], [UB], [O], [V] [EJ], [T] et [U] [EJ] aux dépens de la procédure de première instance.
Condamne [Y], [O], [V] [EJ], [T] et [U] [EJ] aux dépens à hauteur d’appel ;
Condamne [Y], [O], [V] [EJ], [T] et [U] [EJ] à payer à [KM], [A], [ZO], [B], [C], [OU] et [BU] [EJ] la somme de 2 000 euros à hauteur d’appel, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.
LE GREFFIERPOUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ,
Véronique MASSON-BESSOU, CONSEILLER