Bail d’habitation : 15 septembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 22/00144

·

·

Bail d’habitation : 15 septembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 22/00144
Ce point juridique est utile ?

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 2

ARRET DU 15 SEPTEMBRE 2022

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/00144 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CE435

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 26 Novembre 2021 -Président du TJ de Paris – RG n° 19/57304

APPELANTE

LA VILLE DE [Localité 3], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 3], Mme [O] [X], domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 3]

représentée et assitée par Me Colin MAURICE de la SARL CM & L AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1844

INTIME

Monsieur [D] [B]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Delphine MENGEOT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1878

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 juin 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Thomas RONDEAU, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

Cour d’Appel de ParisARRET DU 15 Septembre 2022

Pôle 1 – Chambre 2RG n° N° RG 22/00144 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CE435 – 1ème page

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Marie-Hélène MASSERON, présidente de chambre et par Saveria MAUREL, greffière présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Par exploit en date du 20 mai 2019, la Ville de [Localité 3] a fait assigner M. [D] [B] devant le tribunal de grande instance de Paris saisi en la forme des référés, sur le fondement notamment des dispositions de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, concernant l’appartement situé [Adresse 1]) ([Adresse 4], lot n°25).

Par ordonnance du 30 septembre 2019, le magistrat saisi a sursis à statuer sur les demandes de la Ville de [Localité 3] dans l’attente d’une décision de la Cour de justice de l’Union européenne appelée, sur renvoi préjudiciel de la Cour de cassation (Civ. 3ème, 15 nov. 2018, n°17-26.156), à apprécier la compatibilité de la réglementation nationale, telle que celle prévue par l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006.

La Cour de justice de l’Union européenne a statué par un arrêt du 22 septembre 2020 par lequel elle considère la réglementation nationale conforme aux dispositions de la directive 2006/123/CE (CJUE, 22 sept. 2020, Cali Apartments, affaires joints C-724/18 et C-727/18).

Par cinq arrêts en date du 18 février 2021, la Cour de cassation a tiré les conséquences de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne. Elle a notamment jugé que la réglementation locale de la Ville de [Localité 3] sur le changement d’usage est conforme à la réglementation européenne.

L’affaire a été rétablie à l’audience du 22 octobre 2021.

Par conclusions déposées et soutenues à l’audience, la Ville de [Localité 3] demandait de voir :

‘ condamner M. [B] à une amende civile de 50.000 euros et ordonner que le produit de cette amende soit intégralement versé à la Ville de [Localité 3] conformément aux dispositions de l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation,

‘ ordonner le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation, de l’appartement situé dans le [Adresse 4] de l’immeuble du [Adresse 1]) (constituant le lot 25), sous astreinte de 1.788 euros par jour de retard à compter de l’expiration du délai qu’il plaira au tribunal de fixer,

‘ se réserver la liquidation de l’astreinte,

‘ condamner M. [B] au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la Ville de [Localité 3] ainsi qu’aux entiers dépens.

En réplique, M. [B] a conclu au rejet des demandes, subsidiairement à le condamner à un euro symbolique, en tout état de cause à la condamnation de la demanderesse à lui verser 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par ordonnance contradictoire du 26 novembre 2021, le magistrat saisi a :

– débouté la Ville de [Localité 3] de sa demande de condamnation à une amende civile sur le fondement des dispositions des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation ;

– rejeté la demande portant sur le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation situés [Adresse 1]) ;

– condamné la Ville de [Localité 3] à payer à M. [B] la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la Ville de [Localité 3] aux dépens ;

– rappelé que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de plein droit.

Par déclaration du 23 décembre 2021, la Ville de [Localité 3] a relevé appel de cette décision.

Dans ses conclusions remises le 10 janvier 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la Ville de [Localité 3] demande à la cour, au visa de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 modifié par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, de l’article 492-1 du code de procédure civile, de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, de l’article L. 632-1 du code de la construction et de l’habitation, de l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation modifiée par la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016, des articles L. 324-1-1 et suivants du code du tourisme, de :

– juger celle-ci représentée par Mme la Maire de [Localité 3] recevable et bien fondée en son appel ;

– infirmer l’ordonnance rendue en la forme des référés le 26 novembre 2021 (RG 19/57304), en ce que le juge l’a déboutée de sa demande de condamnation à une amende civile sur le fondement des dispositions des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation, et en ce que le juge a rejeté la demande portant sur le retour à l’habitation des locaux transformés, sans autorisation situés [Adresse 1], et en ce que le juge l’a condamnée à payer à M. [B] la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et en ce que le juge l’a condamnée aux dépens ;

statuant de nouveau,

– juger que M. [B] a enfreint les dispositions de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation en louant pour de courte durée l’appartement situé dans le [Adresse 4] de l’immeuble du [Adresse 1]) ( constituant le lot 25) ;

– et condamner M. [B] à une amende civile de 50.000 euros et ordonner que le produit de cette amende lui soit intégralement versé conformément aux dispositions de l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation ;

– ordonner le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation, de l’appartement situé dans le [Adresse 4] de l’immeuble du [Adresse 1]) (constituant le lot 25), sous astreinte de 1.788 euros par jour de retard à compter de l’expiration du délai qu’il plaira au tribunal de fixer ;

– se réserver la liquidation de l’astreinte ;

en tout état de cause,

– débouter M. [B] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

– condamner M. [B] à lui verser une somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner M. [B] aux entiers dépens d’instance et d’appel.

La Ville de [Localité 3] soutient en substance :

– que dans le cadre d’une opération de contrôle de l’occupation des locaux d’habitation, une présomption d’infraction (location meublée de courte durée dans un local à usage d’habitation) a été détectée concernant un appartement situé dans le [Adresse 4] de l’immeuble du [Adresse 1]) (constituant le lot 25) ;

– que suite à ce contrôle, les recherches effectuées ont permis de déterminer que Mme [A] [T]-[H] est propriétaire de cet appartement et qu’il est loué à M. [B] ;

– que l’usage d’habitation au 1er janvier 1970 est établie par la fiche H2 du 20 mars 1971 remplie par le propriétaire du bien, Mme [L] dans la mesure où le local était loué par Mme [F] pour un montant mensuel de 4.662 francs ;

– que cet élément est confirmé par les annuaires de La Poste des années 1969, 1970 et 1971 où le nom du Mme [F] y figure à l’adresse du [Adresse 1]) et la fiche modèle R ;

– que la fiche modèle R confirme que le logement est un bien à usage exclusif d’habitation ;

– que les fiches modèle H2 postérieures, la fiche cadastrale, le relevé de propriété, le contrat de location conclu et signé le 17 février 2018 confirment que le local litigieux était à usage d’habitation au 1er janvier 1970 au sens de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation ;

– que le bien litigieux n’est pas la résidence principale du loueur ;

– qu’en effet, la domiciliation fiscale de M. [B] a été faite au [Adresse 2]) malgré le procès-verbal de constat établi par huissier à sa demande, malgré l’attestation de contrat EDF qui ne démontre rien sur les conditions d’occupation du logement, malgré une facture Bouygues ou encore malgré un mail du mandataire de la propriétaire concernant la taxe d’habitation due par ce dernier ;

– qu’au surplus, le contrôleur assermenté a évalué la durée des réservations entre le mois d’avril 2018 et le mois de mars 2019 inclus, à partir du nombre de commentaires à 320 jours, dépassant ainsi le seuil des 120 jours réglementés pour une occupation à titre de résidence principale ;

– que M. [B] met son bien en location de courtes durées via des annonces consultables en ligne ;

– que les photographies et les commentaires laissés démontrent que les locaux à usage d’habitation ont été utilisés à usage de meublé touristique, loués de manière répétée, pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile, en infraction à la réglementation du changement d’usage définie dans les articles L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l’habitation ;

– que le gain illégal perçu serait de l’ordre de 218.688 euros entre avril 2018 et mars 2019.

Dans ses conclusions remises le 27 avril 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, M. [B] demande à la cour, au visa des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation, de :

à titre principal,

– juger que la Ville de [Localité 3] ne justifie pas de l’usage d’habitation de l’appartement au 1er janvier 1970 ;

en conséquence,

– confirmer l’ordonnance dont appel et débouter la Ville de [Localité 3] de l’intégralité de ses demandes ;

à titre subsidiaire,

– juger non caractérisée l’infraction qui lui est reprochée ;

en conséquence,

– confirmer l’ordonnance dont appel et débouter la Ville de [Localité 3] de l’intégralité de ses demandes ;

à titre plus subsidiaire,

– juger de sa bonne foi ;

en conséquence,

– condamner celui-ci à la somme de 1 euro symbolique ;

en tout état de cause,

– débouter la Ville de [Localité 3] de sa demande tendant au retour à l’habitation des locaux formulée contre lui lequel n’est plus locataire desdits locaux ;

– condamner la Ville de [Localité 3] à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Mengeot, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

M. [B] soutient en substance :

– que selon contrat de bail d’habitation en date du 17 février 2018, Mme [A]-[T] a loué son appartement sis [Adresse 1]) à M. [B] en contrepartie du versement d’un loyer d’un montant mensuel de 2.950 euros, outre 250 euros de provision sur charges ;

– qu’il a restitué les clefs de cet appartement à sa bailleresse au mois de septembre 2019 ;

– que l’appartement litigieux constituait sa résidence principale ainsi que celle de son fils comme l’atteste le procès-verbal de constat réalisé le 25 février 2019, l’attestation de titularité d’un contrat d’électricité, une facture internet et la taxe d’habitation relative à l’appartement litigieux;

– qu’il vivait de manière effective dans l’appartement sis [Adresse 1] et que ce n’est que de manière occasionnelle qu’il le sous-louait, lorsqu’il partait en week-end ou en vacances, et ce le plus souvent pour régler le loyer très élevé de cet appartement ;

– que la Ville de [Localité 3] ne parvient pas à démontrer que le local était affecté à usage d’habitation au 1er janvier 1970 ;

– que la fiche H2 du 20 mars 1971 est rayée en haut et en bas, tout comme l’étage auquel est situé l’appartement, comporte la mention manuscrite « ANNULE » ce qui lui ôte tout caractère probant et ne correspond pas à l’appartement objet des locations litigieuses ;

– que fiche H2 du 22 juillet 1996 est également rayée en haut et en bas et comporte la mention « MODIFICATION SURFACE » ce qui lui ôte tout caractère probant et ne correspond pas à l’appartement obejt des locations litigieuses ;

– que la fiche H2 du 15 décembre 1999 comporte la mention « A RENVOYER » et ne stipule aucun renseignement de nature à justifier que l’appartement concerné était affecté à usage d’habitation au 1er janvier 1970 ;

– que les extrait d’annuaires téléphoniques ne sont pas probants puisqu’ils concernent la personne mentionnée comme occupant le logement aux termes de la fiche H2 du 20 mars 1971 barrée de haut en bas et comportant la mention « ANNULE » et qui ne correspond pas à l’appartement litigieux ;

– que la fiche R versée au débat n’est pas probante ;

– que, à titre subsidiaire, l’appartement litigieux était la résidence principale de M. [B] à l’époque des locations litigieuses ;

– qu’il était en droit de le louer 120 jours par an ;

– que l’appelante ne justifie que de 40 locations entre les mois d’avril 2018 et mars 2019 puisqu’elle n’a répertorié que 40 commentaires sur des sites de location ;

– qu’ainsi, M. [B] ayant loué l’appartement moins de 120 jours par an, aucune infraction n’est caractérisée et la Ville de [Localité 3] sera nécessairement à nouveau déboutée de sa demande ;

– que, sur l’amende, l’appelante sollicite la somme de 50.000 euros soit l’amende maximale prévue ce qui est excessif au regard des faits de l’espèce ;

– que l’intimé est de bonne foi en ce qu’il a été contraint de sous-louer occasionnellement son appartement afin de pouvoir en payer le loyer, en ce qu’il a mis fin aux locations litigieuses dès qu’il a appris leur irrégularité ;

– que les bénéfices réels tirés par l’intimé au titre des locations de son appartement ont en réalité été nettement moindres que les gains théoriques annoncés par la Ville de [Localité 3] ;

– que le président du tribunal judiciaire de Paris n’a fixé qu’à 15.730 euros les revenus perçus par M. [B] au titre des sous-locations litigieuses, somme à laquelle elle l’a condamné aux termes de son ordonnance en date du 4 avril 2019 ;

– qu’il a ainsi déjà été condamné pour les faits litigieux mais, en sus, que la demande de la Ville de [Localité 3] est démesurée par rapport aux gains litigieusement perçus par l’intimé ;

– que par ailleurs, il a régularisé sa situation en cessant toute sous-location puisqu’il a quitté son appartement ;

– qu’il ne sera donc pas fait droit aux demandes disproportionnées de la Ville de [Localité 3] et que l’intimé sera condamné au paiement de 1 euro symbolique.

SUR CE LA COUR

Sur le changement illicite de l’usage d’habitation (article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation)

L’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation dispose que toute personne qui enfreint les dispositions de l’article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50.000 euros par local irrégulièrement transformé.

Selon l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.

Toutefois, lorsqu’une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l’usage d’un local mentionné à l’alinéa précédent, le local autorisé à changer d’usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l’usage résultant de l’autorisation.

Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article.

Le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage au sens du présent article.

Pour l’application des dispositions susvisées, il y a donc lieu d’établir :

– l’existence d’un local à usage d’habitation, un local étant réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sauf pour les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 qui sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés, le formulaire administratif de type H2 rempli à cette époque dans le cadre de la législation fiscale permettant de préciser l’usage en cause ;

– un changement illicite, sans autorisation préalable, de cet usage, un tel changement étant notamment établi par le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile.

Il est en outre constant que, s’agissant des conditions de délivrance des autorisations, la Ville de [Localité 3] a adopté, par règlement municipal et en application de l’article L. 631-7-1 du code de la construction et de l’habitation, le principe d’une obligation de compensation par transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage, obligation de compensation qui n’apparaît pas voir été respectée dans le cadre de la présente procédure.

En l’espèce, les parties s’opposent sur les éléments de preuve à apporter par la ville de ce que le local dont il s’agit est bien un local à usage d’habitation au sens de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, étant rappelé qu’un local est réputé à usage d’habitation au sens de ce texte s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, que cette affectation peut être établie par tout mode de preuve et que la preuve d’une affectation de fait à l’usage d’habitation postérieurement au 1er janvier 1970, date de référence, est inopérante.

Il revient ainsi à la Ville de [Localité 3], pour caractériser l’infraction dénoncée de changement d’usage illicite, de démontrer avant tout que le local en cause était bien affecté au 1er janvier 1970 à l’usage d’habitation.

Dans la présente procédure, la ville a produit plusieurs fiches H2, fiches remplies par les propriétaires dans le cadre de la législation fiscale immobilière, qui démontreraient, selon elle, l’usage d’habitation.

Il sera relevé :

– qu’une première fiche H2, datée du 20 mars 1971, est rayée sur toute sa longueur, avec la mention “annulé suite à division du local”, étant observé au surplus que, dans ce document, la superficie mentionnée du logement était de 130 mètres carrés, alors que le logement litigieux fait 73 mètres carrés, ainsi d’ailleurs qu’il résulte de la fiche cadastrale produite par la ville elle-même ;

– qu’une deuxième fiche H2, qui comporte la date du 22 juillet 1996, est également rayée, avec en outre une mention de surface de l’appartement de 88 mètres carrés, incompatible avec la surface du local en cause ;

– qu’une troisième fiche H2 porte elle la date du 15 décembre 1999, avec certes ici la mention de l’appartement d’une surface de 73 mètres carrés, étant toutefois relevé que cette fiche fait état d’une occupation par le propriétaire ou l’usufruitier pour habitation, sans toutefois comporter une quelconque date sur cet usage d’habitation, notamment en référence à la date du 1er janvier 1970 ;

– qu’en toute hypothèse, si la Ville de [Localité 3] indique que les déclarations H2 impliqueraient nécessairement un usage d’habitation au 1er janvier 1970, les dispositions du décret n°69-1076 du 28 novembre 1969 (article 38, les déclarations sont établies sur des formules spéciales fournies par l’administration ; article 39, la date de référence de la première révision foncière quinquennale des évaluations foncières des propriétés bâties est fixée au 1er janvier 1970 ; article 40, les formules visées à l’article 38 comportent, à la date de leur souscription, les renseignements utiles à l’évaluation de chaque propriété ou fraction de propriété […] la date limite d’envoi ou de remise des déclarations est fixées au plus tard en ce qui concerne les biens autres que les établissements industriels au 15 octobre 1970 pour les communes de plus de 5.000 habitants) ne permettent pas une telle déduction, la présomption d’usage d’habitation au 1er janvier 1970 telle qu’alléguée ne résultant ni de ces textes, ni par ailleurs d’aucun autre texte ;

– que les extraits d’annuaires téléphoniques, ainsi que l’expose à juste titre l’intimée, sont en toute hypothèse relatifs à la personne mentionnée dans la fiche du 20 mars 1971, pourtant annulée ;

– que la fiche R versée aux débats n’est pas plus probante, se limitant à décrire la situation de l’immeuble à la date du 20 mars 1971 de sorte que ne s’en déduit aucun usage d’habitation au 1er janvier 1970 ;

– qu’enfin, le relevé de propriété, qui certes mentionne la lettre “H” pour habitation dans la case “Af” pour affectation, est un document informatique, édité à la date du constat, de sorte qu’il ne saurait établir un quelconque usage à la date du 1er janvier 1970.

Aucun autre élément probant n’est produit s’agissant de l’usage d’habitation.

Aussi, n’est-il pas possible d’affirmer, au vu de l’ensemble de ces éléments de preuve, que la local dont il s’agit avait bien un usage d’habitation.

Sans qu’il n’y ait lieu d’évoquer les autres moyens soulevés, la décision du premier juge sera donc confirmée, la ville ne démontrant pas l’usage d’habitation du bien en cause, condition indispensable pour que l’infraction en cause soit caractérisée.

Le sort des frais et dépens de première instance a été exactement réglé par le premier juge.

A hauteur d’appel, la ville, qui succombe, devra indemniser l’intimé dans les conditions indiquées au dispositif, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et sera condamnée aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme l’ordonnance entreprise ;

Y ajoutant,

Condamne la Ville de [Localité 3] à verser à M. [D] [B] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel ;

Condamne la Ville de [Localité 3] aux dépens d’appel, dont distraction au profit de Me Mengeot, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x