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Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 2
ARRET DU 15 SEPTEMBRE 2022
(n° , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/00667 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CE7FI
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 22 Novembre 2021 -Président du TJ de PARIS – RG n° 18/51356
APPELANTS DANS LE RG 22/00667 et INTERVENANTS VOLONTAIRES DANS LE RG 22/01215 JOINT
Mme [M] [P]
[Adresse 3]
[Localité 7]
M. [C] [T]
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentés et assistés par Me Agathe CORDELIER de la SCP CORDELIER & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0399
INTIMEE DANS LE RG 22/00667 et APPELANTE DANS LE RG 22/01215 JOINT
ASSOCIATION BRIDGE CLUB MONCEAU agissant poursuites et diligences de son représentant légal en cette qualité au siège
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée et assistée par Me Alexandre GABARD, avocat au barreau de PARIS, toque : L0111
INTIMEE DANS LE RG 22/00667 et DANS LE RG 22/01215 JOINT
LA VILLE DE [Localité 9], prise en la personne de Madame la Maire de Paris, Mme [O] [S], domiciliée en cette qualité audit siège
Hôtel de Ville
[Localité 5]
Représentée et assistée par Me Colin MAURICE de la SARL CM & L AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1844
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 16 juin 2022, en audience publique, Marie-Hélène MASSERON, Présidente ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,
Thomas RONDEAU, Conseiller,
Michèle CHOPIN, Conseillère,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Marie GOIN
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Hélène MASSERON, Président et par Saveria MAUREL, Greffier présent lors de la mise à disposition.
*****
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 7 août 2014, M. [T] et Mme [P] ont consenti à l’association Bridge club Monceau et Mme [N] la location meublée à usage d’habitation d’un appartement situé [Adresse 1] à [Localité 10] (rez-de-chaussée – lot n°2).
Par exploits en date des 15 et 19 janvier 2018, la Ville de [Localité 9] a fait assigner M. [T] et Mme [P] ainsi que l’association Bridge club Monceau devant le tribunal de grande instance de Paris (devenu tribunal judiciaire de Paris), statuant en la forme des référés, à l’effet de les voir solidairement condamner à une amende civile de 50.000 euros pour avoir enfreint les dispositions de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation et ordonner sous astreinte le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation.
Par ordonnance rendue en la forme des référés le 27 avril 2018, le tribunal judiciaire de Paris a sursis à statuer en l’attente de la décision du tribunal administratif saisi sur la requête en annulation formée par l’association Bridge club Monceau et Mme [N] contre la décision du maire de Paris en date du 14 août 2017 qui a refusé leur demande de changement d’usage sans compensation pour un usage mixte (d’habitation et professionnel) formée sur le fondement de l’article 4 du Règlement municipal.
Par jugement du 27 juillet 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette requête en annulation. L’association Bridge club Monceau et Mme [N] ont relevé appel de ce jugement.
Par ordonnance en la forme des référés rendue le 8 février 2019, le tribunal judiciaire de Paris a de nouveau sursis à statuer en l’attente de la décision de la cour administrative d’appel.
Par arrêt du 21 novembre 2019, la cour administrative d’appel de Paris a rejeté la requête de l’association Bridge club Monceau et Mme [N] en annulation du jugement du tribunal administratif de Paris.
L’instance a été reprise devant le tribunal judiciaire de Paris qui, par ordonnance en la forme des référés rendue le 22 novembre 2021, a :
– condamné in solidum M. [T], Mme [P] et l’association Bridge club Monceau à payer une amende civile de 45.000 euros, dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 9] ;
– déclaré irrecevable la demande de garantie formée par l’association Bridge club Monceau ;
– déclaré irrecevable la demande de garantie formée par l’association Bridge club Monceau ;
– condamné in solidum M. [T] et Mme [P] et l’association Bridge club Monceau à payer à la Ville de [Localité 9] la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné in solidum M. [T], Mme [P] et l’association Bridge club Monceau aux dépens.
Par déclarations des 4 janvier 2022 et 11 janvier 2022, enrôlées séparément, Mme [P] et M. [T] ainsi que l’association Bridge club Monceau ont relevé appel de cette décision.
Les deux procédures ont été jointes par ordonnance rendue le 23 mars 2022 par le président de la chambre saisie.
Par dernières conclusions remises et notifiées le 23 mai 2022, Mme [P] et M. [T] demandent à la cour d’infirmer l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, de :
– déclarer que la majorité de la surface des locaux étant affectée à l’habitation, il n’y a pas lieu à solliciter un changement d’usage ;
– déclarer que les modalités d’occupation des lieux relèvent de la seule responsabilité de l’association Bridge club Monceau ;
– déclarer qu’ils ne sont pas les auteurs de l’infraction reprochée et n’avaient aucune connaissance de l’usage qui en était fait ;
en conséquence,
– déclarer que l’infraction poursuivie par la Ville de [Localité 9] n’est pas établie ;
– déclarer la Ville de [Localité 9] irrecevable et mal fondée en toutes ses réclamations ;
– l’en débouter ;
– subsidiairement, juger que M. [T] et Mme [P], faute d’être les auteurs de l’infraction reprochée ne peuvent être tenus au versement d’une amende civile ;
– l’en débouter ;
– ramener à de plus justes proportions le montant de l’amende civile afin de tenir compte du contexte ;
– débouter la Ville [Localité 9] de toute condamnation in solidum, les consorts [U] ne pouvant être traités de la même manière que le véritable auteur de l’infraction ;
– déclarer M. [T] et Mme [P] recevables et bien fondés en leur appel en garantie ;
– condamner 1’association Bridge club Monceau à relever et garantir M. [T] et Mme [P] de toutes les condamnations prononcées à leur encontre ;
– à défaut, condamner l’association Bridge club Monceau, à leur régler la somme de 50.000 euros et 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel et moral subi ;
– débouter la Ville de [Localité 9] et l’association Bridge club Monceau de l’intégralité de leurs prétentions, fins et conclusions contraires ;
– condamner la Ville de [Localité 9] ou à défaut l’association Bridge club Monceau à leur verser la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens qui seront recouvrés entre les mains de la société Cordelier & associés, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions remises et notifiées le 30 mai 2022, l’association Bridge club Monceau demande à la cour de :
– rejeter la demande de radiation formée par la Ville de [Localité 9] sur le fondement de l’article 524 du code de procédure civile ;
– annuler l’ordonnance rendue le 22 novembre 2021 par le président du tribunal judiciaire de Paris ou l’infirmer en toutes ses dispositions ;
statuant à nouveau,
à titre principal :
– débouter la Ville de [Localité 9] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions de première instance et d’appel ;
à titre subsidiaire,
– limiter la condamnation de l’association Bridge club Monceau à une amende de 1 euro, ou en tout cas ramener l’amende civile susceptible d’être mise à sa charge à une valeur symbolique ou à tout le moins très mesurée ;
à titre infiniment subsidiaire,
– dire que M. [T] et Mme [P] devront la relever et la garantir de toutes les condamnations qui viendraient à être prononcées à son encontre ;
à titre reconventionnel,
– condamner la Ville de [Localité 9] à lui verser la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts ;
dans tous les cas,
– condamner la Ville de [Localité 9] ou toute partie succombante à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la Ville de [Localité 9] ou toute partie succombante aux entiers dépens, qui seront recouvrés entre les mains de Me Gabard, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions remises et notifiées le 3 juin 2022, la Ville de [Localité 9] demande à la cour de :
– statuer ce que de droit sur la recevabilité des appels de M. [T], de Mme [P] et de l’association Bridge club Monceau ;
– la juger recevable en ses conclusions et l’y en juger bien fondée ;
– confirmer l’ordonnance en la forme des référés rendue le 22 novembre 2021 par le juge du tribunal judiciaire de Paris en ce qu’il a :
* jugé que le manquement aux dispositions de l’article L631-7 et L651-2 du code de la construction et de l’habitation est caractérisé à l’encontre de M. [T], de Mme [P] et de l’association Bridge club Monceau ;
* déclaré irrecevable la demande de garantie formée par l’association Bridge club Monceau ;
* condamné in solidum M. [T], Mme [P] et l’association Bridge club Monceau à lui payer la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
* condamné in solidum M. [T], Mme [P] et l’association Bridge club Monceau aux dépens de première instance ;
* rappelé que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de plein droit ;
– infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a fixé à une somme de 45.000 euros le montant de l’amende dû in solidum par M. [T], Mme [P] et l’association Bridge club Monceau ;
statuant de nouveau,
– condamner in solidum M. [T], Mme [P] et l’association Bridge club Monceau à une amende civile de 50.000 euros et ordonner que le produit de cette amende soit intégralement versé à la Ville de [Localité 9] conformément aux dispositions de l’article L.651-2 du code de la construction et de l’habitation ;
en tout état de cause,
– débouter M. [T], Mme [P] et l’association Bridge club Monceau de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;
– condamner in solidum M. [T], Mme [P] et l’association Bridge club Monceau à verser à la Ville de [Localité 9] une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens d’instance et d’appel.
Pour l’exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
Sur la recevabilité des appels
La Ville de [Localité 9] a sollicité la radiation des appels pour défaut d’exécution de la décision de première instance.
Toutefois, en application des dispositions de l’article 524 du code de procédure civile, cette demande est irrecevable devant la cour dès lors qu’elle relève de la seule compétence du premier président dans les procédures soumises aux articles 905 et suivant du code de procédure civile.
Les appels seront donc jugés recevables.
Sur la demande d’annulation de l’ordonnance entreprise
L’association Bridge club Monceau sollicite en premier l’annulation de l’ordonnance entreprise qu’elle estime entachée d’irrégularité pour les motifs suivants :
– le premier juge n’a pas indiqué dans le dispositif de son ordonnance un quelconque manquement de l’association aux dispositions des articles L.631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation, se bornant à condamner in solidum les défendeurs à une amende civile de 45.000 euros ainsi qu’à 1500 euros au titre des frais irrépétibles, omettant ainsi de statuer sur l’une des demandes de la Ville de [Localité 9] et ne caractérisant pas la réalité de l’infraction support de l’amende infligée ;
– le premier juge n’a pas pris en compte que les dernières conclusions de la Ville de [Localité 9] étaient expressément circonscrites au grief tiré de la location “pour de courtes durées de l’appartement situé au rez-de chaussée de l’immeuble sis 14 rue Portais à [Localité 10]”, alors qu’il est tenu par les seules prétentions des parties et que seules les prétentions énoncées dans le dispositif des dernières conclusions doivent être tranchées par le tribunal ;
– l’ordonnance est entachée d’erreurs de fait en ce que le premier juge a retenu à tort une période de location irrégulière de six ans de 2014 à septembre 2020, que l’association avait déjà été confrontée à un refus de changement d’usage d’un bien qu’elle louait précédemment et que l’association connaissait le statut d’usage d’habitation du bien.
L’infraction aux dispositions des articles L.631-7 et L.651-2 du code de la construction et de l’habitation constitue le moyen articulé par la Ville de [Localité 9] au soutien de sa prétention consistant à solliciter la condamnation des défendeurs au paiement d’une amende civile, laquelle était bien formulée dans ses dernières conclusions. Le premier juge a bien répondu au moyen en caractérisant l’infraction dans les motifs de sa décision, et il a statué sur la prétention telle que formée dans les dernières conclusions dans le dispositif de son ordonnance en condamnant in solidum les défendeurs au paiement d’une amende civile, respectant ainsi les dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
Si le dispositif des dernières conclusions de la Ville de [Localité 9] mentionnait “juger que les défendeurs ont enfreint les dispositions de l’article L 631-7 du code de la construction et de l’habitation en louant pour de courtes durées l’appartement en cause”, cette formulation procédait d’une erreur matérielle évidente alors qu’il ressort clairement des conclusions de la demanderesse que le changement d’usage non autorisé qu’elle reproche aux défendeurs ne réside pas dans la location de courte durée à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile, mais dans le fait d’exercer dans l’appartement concerné une activité associative de club de bridge non autorisée, s’agissant d’un bien à usage d’habitation.
Ce moyen mal formulé ne liait pas le juge qui, en vertu de l’article 12 du code de procédure civile, tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et doit donner ou restituer aux faits et actes litigieux leur exacte qualification.
La décision de première instance n’encourt donc pas la nullité pour les deux premiers motifs invoqués, pas plus d’ailleurs que pour le troisième, les erreurs d’appréciation qui sont reprochées au premier juge quant aux faits de l’espèce relevant du fond de la décision et ne pouvant dès lors constituer une cause d’annulation.
La demande d’annulation de l’ordonnance entreprise est donc mal fondée, elle sera rejetée.
Sur la demande d’infirmation de l’ordonnance entreprise
L’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation, tel qu’issu de la loi du n°2016-1547 du 18 novembre 2016, dispose que toute personne qui enfreint les dispositions de l’article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50.000 euros (anciennement 25.000 euros avant la loi du 18 novembre 2016) par local irrégulièrement transformé.
Cette amende est prononcée par le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond, sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l’Agence nationale de l’habitat et sur conclusions du procureur de la République, partie jointe avisée de la procédure. Le produit de l’amende est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé ce local. Le tribunal judiciaire compétent est celui dans le ressort duquel est situé le local.
Sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé ou de l’Agence nationale de l’habitat, le président du tribunal ordonne le retour à l’usage d’habitation du local transformé sans autorisation, dans un délai qu’il fixe. A l’expiration de celui-ci, il prononce une astreinte d’un montant maximal de 1.000 euros par jour et par mètre carré utile du local irrégulièrement transformé. Le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé.
Passé ce délai, l’administration peut procéder d’office, aux frais du contrevenant, à l’expulsion des occupants et à l’exécution des travaux nécessaires.
Il résulte en outre de l’article L. 631-7, dans sa version résultant de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014, que la présente section est applicable aux communes de plus de 200.000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Dans ces communes, le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est, dans les conditions fixées par l’article L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable.
Constituent des locaux destinés à l’habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l’article L. 632-1.
Pour l’application de la présente section, un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.
Toutefois, lorsqu’une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l’usage d’un local mentionné à l’alinéa précédent, le local autorisé à changer d’usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l’usage résultant de l’autorisation.
Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article.
Le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage au sens du présent article.
Pour l’application des dispositions susvisées, il y a donc lieu d’établir :
– l’existence d’un local à usage d’habitation (un local étant réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sauf pour les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 qui sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés, le formulaire administratif de type H2 rempli à cette époque permettant de préciser l’usage en cause) ;
– un changement illicite, sans autorisation préalable, de cet usage.
En l’espèce, il n’est pas discuté que comme l’a exactement retenu le premier juge, le local litigieux, initialement destiné à un usage commercial, a été converti en habitation moyennant compensation suivant accord donné par la mairie de [Localité 9] le 24 mars 2000.
La ville de [Localité 9] reproche aux appelants un changement d’usage illicite sans autorisation préalable en ce que l’appartement litigieux, propriété de M. [T] et Mme [P] donné en location à l’association Bridge club Monceau suivant contrat de location meublée à usage d’habitation conclu le 7 août 2014, a été affecté à l’usage de l’activité de cette association et donc à un usage autre que l’habitation.
Il résulte en effet de ce contrat de bail que la location meublée à usage d’habitation de l’appartement sis [Adresse 1] à [Localité 10] a été conclu entre M. [T] et Mlle [P], ci-après dénommés “le propriétaire bailleur”, et l’Association Bridge club Monceau représentée par sa présidente Mme [R] des [Localité 8] ci-après dénommée le “locataire”, dont l’occupant est également Mlle [Z] [N] ; et le 22 mars 2017, le contrôleur assermenté de la ville de [Localité 9] a constaté que l’appartement en cause, d’une surface de 150 m², était occupé pour une partie par Mlle [N] à usage d’habitation et pour une autre partie par l’association pour l’exercice de son activité. Précisément, le contrôleur a constaté que les pièces habitables et habitées par Mlle [N], soit quatre pièces et un WC qu’il a matérialisées sur un plan annexé à son rapport d’enquête, représentait environ un tiers de la surface totale, le reste de la surface servant à l’activité de l’association (bureau administratif avec téléphone, salles de bridge, bar …).
Ces constatations matérielles, confrontées au contrat de location meublée à usage d’habitation, établissent incontestablement qu’une grande partie de l’appartement est utilisée depuis le 7 août 2014 pour l’usage de l’activité de club de bridge de l’association, soit un usage autre que l’habitation, et cela sans qu’aucun changement d’usage n’ait été préalablement sollicité par les propriétaires-bailleurs ou par la locataire auprès de la ville de [Localité 9].
Par ailleurs, il est établi par les éléments du dossier que suite au contrôle effectué par la ville de [Localité 9], l’association et Mlle [N] ont sollicité un changement d’usage d’habitation pour un usage mixte sans compensation sur le fondement de l’article 4 du Réglement municipal, mais qu’ils se sont vus opposer un refus, les conditions n’étant pas réunies pour qu’il y soit fait droit, cette décision de refus d’autorisation d’un usage mixte ayant été validée par le tribunal administratif puis par la cour d’appel administrative.
Les appelants soutiennent néanmoins que l’infraction n’est pas caractérisée, aux motifs que :
– l’appartement n’a pas été occupé à un usage autre que d’habitation dès lors que la surface affectée à l’activité de l’association ne couvrait pas plus de 50 m² de la surface totale , ce qui suffit à exclure l’application de l’article L 651-2 du code de la construction et de l’habitation ; qu’en outre l’activité de l’association n’a pas d’objet commercial ni professionnel mais un objet exclusivement associatif sans but lucratif et d’intérêt général ;
– l’association s’est bien conformée aux conditions et obligations imposées en sollicitant un changement d’usage pour un usage mixte, en sorte que les conditions de l’infraction prévue à l’article L 651-2 du code de la construction et de l’habitation ne sont pas réunies.
Toutefois, outre qu’il résulte bien des constatations effectuées par la ville de [Localité 9] que la partie de l’appartement affectée à usage de l’association était largement supérieure à celle de l’habitation de Mlle [N] et non l’inverse, ce qui a été confirmé par la juridiction administrative, si cette discussion était importante dans le cadre de la demande de changement d’usage, laquelle n’entre pas dans le champ de compétence de la présente juridiction et a été tranchée par la juridiction administrative, en revanche elle est indifférente pour caractériser l’infraction de changement d’usage sans autorisation préalable. En effet, cette infraction se trouve caractérisée quand bien même l’association n’aurait exercé son activité associative que dans un tiers de l’appartement. De la même manière, est indifférente pour constituer l’infraction l’exercice par l’association d’une activité à but non lucratif et d’intérêt général, lequel n’a pas au demeurant été retenu par la juridiction administrative dans le cadre de l’appréciation de la demande de changement d’usage.
Par ailleurs, sur le second moyen, la demande de changement d’usage n’a été faite qu’a posteriori et sur demande de régularisation de la situation par la ville de [Localité 9] après son constat d’infraction, en sorte que l’association est mal fondée à soutenir s’être conformée aux conditions et obligations imposées par l’article L 631-7 du code de la construction et de l’habitation. L’infraction est bien constituée en l’absence d’autorisation préalable à l’exercice de l’activité associative dans des locaux à usage d’habitation.
Quant à l’élément intentionnel de l’infraction que les deux intimés contestent en soutenant :
– l’association, qu’en n’occupant qu’une petite partie du local elle pouvait légitiment croire qu’elle respectait le Règlement municipal,
– M. [T] et Mme [P], qu’ils sont étrangers à l’usage des lieux par l’association qu’ils ne pouvaient maîtriser et dont ils n’ont eu connaissance qu’au moment de l’infraction relevée par la Ville de [Localité 9],
ces moyens sont inopérants dès lors que :
– par le fait même de l’exercice de son activité associative dans un appartement expressément destiné à l’habitation selon les termes du bail, quelle que soit la surface occupée et un usage parallèle d’habitation par Mlle [N], l’association ne pouvait qu’être consciente d’enfreindre la réglementation faute d’avoir préalablement sollicité et obtenu une autorisation préalable, alors en outre qu’elle n’ignorait pas l’existence de cette réglementation relative au changement d’usage pour y avoir eu précédemment recours pour l’occupation de son précédent lieu d’exercice ; en effet, comme elle l’expose elle-même, après avoir occupé un local [Adresse 4] suivant bail commercial auquel elle a mis fin, l’association a envisagé de louer un autre local d’habitation à la même adresse pour lequel elle a sollicité un changement d’usage en vue d’y exercer son activité professionnelle (sans toutefois l’obtenir) ;
– les propriétaires-bailleurs ne peuvent valablement soutenir n’être pas responsables de l’infraction alors qu’ils l’ont eux-mêmes commise en n’ignorant pas le statut d’usage d’habitation de leur appartement et en conférant un bail d’habitation meublée à l’association Bridge club Monceau, dont le nom ne laissait aucun doute sur la nature de son activité, et qui n’était pas susceptible d’occuper l’appartement pour un usage d’habitation qui ne se conçoit pas pour une association, mais bien pour l’exercice de son activité associative.
L’infraction de changement d’usage sans autorisation préalable est donc caractérisée à l’encontre tant de M. [T] et Mme [P] que de l’association Bridge club Monceau, l’ordonnance étant confirmée de ce chef.
L’ordonnance sera toutefois infirmée sur le quantum de l’amende prononcée (45.000 euros) et en ce qu’elle a écarté les actions en garantie en les considérant à tort irrecevables, compte tenu des éléments suivants :
– s’agissant tant des propriétaires-bailleurs que de la locataire, il n’est pas soutenu par la ville de [Localité 9] qu’un gain aurait été tiré de la location illicite, les appelants n’étant pas contredits sur le fait par eux allégué que le loyer qui a été fixé aurait été le même pour un bail à usage d’habitation ;
– l’association Bridge club Monceau a un but non lucratif et rencontre manifestement des difficultés à louer des locaux adaptés à son activité dans le 8ème arrondissement de [Localité 9] où vivent ses adhérents âgés ;
– pour mettre fin à l’infraction, M. [T] et Mme [P] ont donné congé à leur locataire pour le 1er août 2017, terme du bail, mais l’association est restée dans les lieux jusqu’au 1er septembre 2020, en sorte que si l’infraction a bien duré le temps du bail, soit du 7 août 2014 au 1er septembre 2020 qui est une durée conséquente, les bailleurs ont cherché à y mettre fin au 1er août 2017, au contraire de l’association qui s’est volontairement maintenue dans les lieux en toute connaissance de l’infraction reprochée en avril 2017 par la ville de [Localité 9].
L’amende sera ainsi fixée à 30.000 euros et les appelants seront condamnés in solidum à la payer à la ville de [Localité 9]. Dans leurs rapports entre eux, M. [T] et Mme [P] supporteront cette amende à hauteur de 12.000 euros et l’association Bridge club Monceau à hauteur de 18.000 euros, les recours en garantie étant accueillis dans ces proportions.
La décision de première instance sera confirmée sur l’application des dépens et frais irrépétibles dont elle a fait une juste appréciation.
Le sens de la décision rendue en appel commande de laisser à chacune des parties la charge de ses dépens et frais irrépétibles exposés à hauteur d’appel.
PAR CES MOTIFS
Reçoit M. [T], Mme [P] et l’association Bridge club Monceau en leurs appels respectifs,
Rejette la demande d’annulation de l’ordonnance entreprise,
Infirme l’ordonnance entreprise sur le montant de l’amende prononcée et en ce qu’elle a jugé irrecevables les actions en garantie,
Statuant à nouveau de ces chefs,
Condamne in solidum M. [T], Mme [P] et l’association Bridge club Monceau à payer à la Ville de [Localité 9] une amende de 30.000 euros,
Dit que dans leurs rapports entre eux, les appelants supporteront l’amende à hauteur de 12.000 euros pour M. [T] et Mme [P] et de 18.000 euros pour l’association Bridge club Monceau,
Fait ainsi droit aux recours en garantie des appelants dans les proportions susvisées,
Dit que chaque partie supportera la charge de ses dépens et frais irrépétibles d’appel,
Rejette toute demande plus ample ou contraire.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE