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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-5
ARRÊT AU FOND
DU 15 SEPTEMBRE 2022
N° 2022/
MA
Rôle N°18/20184
N° Portalis DBVB-V-B7C-BDQVU
[M] [I]
C/
S.C.P. BR ASSOCIES, ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS BOOMING
Association UNEDIC-AGS CGEA DE [Localité 5]
Copie exécutoire délivrée
le : 15/09/2022
à :
– Me Thierry Laurent GIRAUD, avocat au barreau d’AIX EN PROVENCE
– Me Stéphanie JACOB BONET de la SELARL SJB AVOCAT, avocat au barreau d’AIX EN PROVENCE
– Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d’AIX EN PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AIX EN PROVENCE en date du 23 Octobre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F18/00002.
APPELANTE
Madame [M] [I], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Thierry Laurent GIRAUD, avocat au barreau d’AIX EN PROVENCE
INTIMEES
S.C.P. BR ASSOCIES, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS BOOMING, sise [Adresse 3]
représentée par Me Stéphanie JACOB BONET de la SELARL SJB AVOCAT, avocat au barreau d’AIX EN PROVENCE
Association UNEDIC-AGS CGEA DE [Localité 5], sise [Adresse 1]
représentée par Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d’AIX EN PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Mariane ALVARADE, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre
Madame Mariane ALVARADE, Conseiller
Monsieur Antoine LEPERCHEY, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Septembre 2022.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Septembre 2022
Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Pascale ROCK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [M] [I] a travaillé pour le compte de la société EXPERTS MANAGEMENT SERVICES (EMS), devenue SAS BOOMING, dans le cadre d’un contrat de portage salarial à compter du 1er février 2016.
Elle a par suite été engagée en qualité de directrice des ressources humaines, statut cadre dirigeant, à compter du 1er janvier 2017, suivant contrat à durée indéterminée, moyennant un salaire brut moyen mensuel de 5000 euros, outre une part variable à hauteur de 50% pour 100% d’atteinte des objectifs, avec un minimum garanti de 1500 euros sur l’année 2017.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des bureaux d’Etudes Techniques, Cabinets d’Ingénieurs Conseils et Sociétés de Conseils (SYNTEC).
La SAS BOOMING employait habituellement moins de onze salariés au moment de la rupture de la relation de travail.
Par courriel du 21 juillet 2017, Mme [I] a mis la SAS BOOMING en demeure de lui verser les salaires, primes et accessoires convenus.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 26 juillet 2017, Mme [I] a pris acte de la rupture de son contrat de travail et a saisi la juridiction prud’homale le 2 janvier 2018 aux fins de voir dire que la rupture de son contrat de travail produit les effets d’un licenciement abusif et condamner la SAS BOOMING au paiement de diverses sommes à titre d’indemnités et de dommages et intérêts.
Par jugement du 23 octobre 2018, le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence a :
– débouté Mme [I] de ses demandes à titre d’indemnité compensatrice de préavis, des congés payés y afférents et d’indemnité pour licenciement abusif,
– débouté Mme [I] de sa demande de régularisation des bulletins de salaire, de l’attestation pôle emploi, du certificat de travail, du solde de tout compte et de toute autre régularisation auprès des organismes sociaux,
– débouté Mme [I] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé,
– débouté Mme [I] de ses demandes au titre des rémunérations fixes et variables 2017, du 1er janvier au 26 juillet 2017 et des congés payés afférents,
– condamné la SAS BOOMING à payer à Mme [I] la somme de 5451,85 euros au titre des frais de déménagement,
– condamné Mme [I] à payer à la SAS BOOMING la somme de 6382,83 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis non effectué,
– dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire,
– débouté les parties de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens.
Mme [I] a interjeté appel de cette décision, le 20 décembre 2018, dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas critiquées.
La SAS BOOMING a été placée en liquidation judiciaire suivant jugement du tribunal de commerce d’Aix-en-Provence du 26 septembre 2019, la SCP BR ASSOCIES, mandataire judiciaire, ayant été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
Suivant arrêt du 16 septembre 2021, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a prononcé la révocation de l’ordonnance de clôture du 10 juin 2021 et renvoyé l’affaire à la mise en état aux fins de mise en cause des organes de la procédure.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières écritures transmises par la voie électronique le 14 mars 2019, Mme [I], appelante, a formulé ses prétentions comme suit :
«’- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a condamné l’employeur aux frais de remboursement liés au déménagement, mais l’infirmer dans son quantum,
En conséquence,
– dire que la prise d’acte produira les effets d’un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,
– condamner la société Booming à verser à Mme [M] [I] les sommes suivantes:
– 14 659,08 euros bruts, outre 1465,90 euros bruts de congés payés afférents à titre de rappel de rémunération fixe sur la période du 1er janvier au 26 juillet 2017,
– 17 500 euros bruts, outre 1750 euros bruts de congés payés afférents au titre de la rémunération variable 2017 du 1er janvier au 26 juillet 2017,
– 45 000 euros nets à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
– 15.471,44 euros au titre de la prise en charge d’une partie des frais engagés par la salariée dans le cadre de son changement de résidence,
– 22 500 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 2 250 euros bruts de congés payés afférents,
– 30 000 euros nets, soit 4 mois de salaire à titre d’indemnité pour licenciement abusif,
En tout état de cause,
– condamner la société Boorning à régulariser les bulletins de paie de Mme [M] [I] ainsi que son attestation destinée à Pôle Emploi, son certificat de travail et son solde de tout compte conformément à la décision à intervenir,
– condamner la société Booming à régulariser la situation de Mme [M] [I] auprès des organismes sociaux,
– condamner la société Booming à payer à Mme [M] [I] la somme de 5 000,00 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Booming au paiement des intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud’hommes concernant les rappels de salaire sur rémunération fixe et sur rémunération variable, de la décision à intervenir s’agissant des autres demandes.’»
Aux termes de ses dernières écritures transmises par la voie électronique le 21 décembre 2021, la SAS BOOMING, intimée, demande à la cour de :
«’- confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions à l’exception des frais de déménagement;
– dire et juger que la prise d’acte par Mme [M] [I] de la rupture de son contrat de travail n’est justifiée par aucun manquement suffisamment grave de la société Booming à son encontre;
– faire produire à la prise d’acte, par Mme [M] [I], de la rupture de son contrat de travail les effets d’une démission ;
– condamner Mme [M] [I] au versement d’une somme de 6.382,83 euros correspondent à l’indemnité compensatrice de préavis (3 mois) ;
– débouter Mme [M] [I] de l’ensemble de ses demandes ;
– dire et juger que l’indemnité contractuellement prévue ne concerne que le cas de double résidence,
En conséquence,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société BOOMING A payer à Mme [I] la somme de 5.451,85 euros au titre des frais de déménagement,
Si par extraordinaire, la cour entrait en voie de condamnation à l’égard de la Société Booming:
– constater que la demande de Mme [M] [I] au titre de l’indemnité pour licenciement abusive est excessive ;
– constater que le calcul de la part variable de rémunération est erroné ;
En conséquence :
– limiter la condamnation de la société BOOMING au titre de l’indemnité de licenciement abusif à1 euro symbolique;
– limiter le montant de la part variable de rémunération à la somme de 4.134 euros bruts ;
– débouter l’appelante de ses autres demandes;
– dire et juger que les demandes de Mme [M] [I] sont parfaitement infondées ;
En conséquence :
– débouter Mme [M] [I] de sa demande de versement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
– condamner Mme [M] [I] à verser à la société Boomlng la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner Mme [M] [I] aux entiers dépens,
– rejeter toutes demandes fins et conclusions contraires aux présentes écritures.’»
Aux termes de ses dernières écritures transmises par la voie électronique le 20 janvier 2022, l’UNEDIC AGS CGEA, Délégation de [Localité 5], partie intervenante, demande à la cour de :
‘Vu l’appel principal de Mme S. [I] ;
Vu la procédure collective ouverte contre BOOMING S.A.S.’: liquidation judiciaire du 26/09/2019′;
Vu l’assignation en intervention forcée délivrée le 03/11/2021 à l’UNEDIC AGS CGEA DE [Localité 5], en application des articles L. 625-3 et L. 641-14 (L.J) du code de commerce ;
Vu les articles L. 1231-1 et suivants du code du travail ;
– confirmer le jugement du conseil des prud’hommes d’Aix du 23/10/2018 et débouter Mme S. [M] des fins de son appel dès lors que sa prise d’acte de rupture ne repose pas sur des griefs suffisamment graves et récents de nature à imputer la rupture à l’employeur ;
Subsidiairement,
Vu les articles L. 622-21 du code de commerce ;
– constater et fixer les créances de Mme S. [I] en fonction des justificatifs produits ; à défaut débouter Mme S. [I] de ses demandes ;
– fixer en tant que de besoin l’indemnité compensatrice de préavis (L. 1234-1 et L.1234-5 C.TRAV.), l’indemnité compensatrice de congés payés (L. 3143-24 et suivants C.TRAV.) et l’indemnité de licenciement (L. 1234-9 C.TRAV.) ;
Vu les articles L.1235-3, et L. 1235-5 du code du travail dans sa rédaction applicable aux faits c’est-à-dire antérieurement au mois de septembre 2017 ;
– réduire le montant des dommages et intérêts au strict montant résultant de la justification de son préjudice par la salariée appelante ;
Vu les articles L. 3253-6 et suivants du code du travail,
– débouter Mme S. [I] de toute demande de paiement directement formulée contre l’AGS dès lors que l’obligation de l’UNEDIC-AGS CGEA DE [Localité 5] de faire l’avance de montant total des créances définies aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail, compte tenu du plafond applicable (articles L. 3253-17 et D. 3253-5), ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé de créances par le mandataire judiciaire conformément aux articles L. 3253-19 et suivants du code du travail ;
– débouter Mme S. [I] de toute demande de garantie sur la totalité de ses créances, dès lors qu’en application de l’article L. 3253-17 du code du travail, la garantie AGS est limitée, toutes sommes et créances avancées confondues, à un ou des montants déterminés par décret (art. l’article D. 3253-5 du code du travail), en référence au plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions du régime d’assurance chômage, et inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d’origine légale, ou d’origine conventionnelle imposées par la loi ;
– débouter Mme S. [I] de toutes demandes au titre des frais irrépétibles visés à l’article 700 du code de procédure civile, des dépens, de l’astreinte, des cotisations patronales ou résultant d’une action en responsabilité, dès lors qu’elles n’entrent pas dans le cadre de la garantie de l’UNEDIC-AGS CGEA DE [Localité 5] ;
– débouter Mme S. [I] de toute demande accessoire au titre des intérêts dès lors que le jugement d’ouverture de la procédure collective opère arrêt des intérêts légaux et conventionnels (art. L. 622-28 C.COM);
Débouter Mme S. [I] de toute demande contraire et la condamner aux dépens.’»
La SCP BR ASSOCIES, mandataire judiciaire, en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS BOOMING, régulièrement assignée suivant acte d’huissier du 3 novembre 2021, n’a pas constitué avocat.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 avril 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail :
Il est constant que la prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.
C’est au salarié qu’il incombe de rapporter la preuve des manquements invoqués à l’encontre de son employeur.
Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture, qui entraîne la cessation immédiate du contrat de travail, produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission.
En l’espèce Mme [I] a déclaré prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur par lettre du 26 juillet 2017, ainsi rédigée:
« J’exerce les fonctions de DRH de votre société, officiellement depuis le 1er janvier 2017, selon contrat de travail du 21 décembre 2016. Je travaillais en réalité déjà pour le compte de votre société l’an passé par le biais d’un portage salarial qui était censé vous « arranger ” financièrement.
Nous étions convenus que je devienne DRH salariée de votre société à compter du 1er janvier 2017.
En contrepartie de ces fonctions sous statut Cadre Dirigeant, mon contrat de travail prévoyait une rémunération de 60 000 euros bruts annuels, soit un salaire de 5000 euros bruts mensuels.
A cette rémunération devait s’ajouter une rémunération variable de 30 .000 euros bruts (50% de la rémunération fixe annuelle) selon des objectifs devant être fixés en début d’année.
Compte tenu de la localisation de la société à [Localité 4], nous étions convenus que je déménagerai également en Provence afin de pouvoir exercer normalement mes fonctions au sein des locaux de la société.
Vous étiez conscient que ce déménagement affectait profondément :
* d’une part ma vie de famille (mon époux a dû démissionner de son emploi afin de me suivre, j’ai du inscrire mon enfant à une école en [Localité 7]),
* d’autre port la situation financière de notre foyer (nous avons vendu en urgence notre maison à [Localité 6] dès la fin du mois de décembre afin que je puisse occuper mon poste dans les plus brefs délais dès le début du contrat, nous avons rapidement loué un logement à proximité du siège social de l’entreprise).
C’est dans ce contexte que nous étions convenus que je bénéficierai d’une indemnité pouvant atteindre 51.000 euros afin de compenser les coûts induits par mon déménagement (prise en charge de mon loyer, des frais de déménagement…).
Les compensations prévues par mon contrat de travail m’ont convaincu d’accepter le poste que vous me proposiez. Or, en raison de problèmes de trésorerie, vous ne m’avez jamais versé la totalité de ma rémunération fixe de base. J’ai du me résoudre à attendre une amélioration de la santé financière de l’entreprise.
Après 7 mois passés au sein de la société, je constate que :
– vous ne m’avez toujours pas versé la totalité de mes salaires de base;
– vous n’avez jamais appliqué la clause qui devait me permettre d’être dédommagée des frais direct et indirects de mon déménagement (mon mari a subi une baisse de rémunération suite à la démission de son poste);
– vous n’avez jamais défini le moindre objectif afin d’éluder tout droit à ma rémunération variable.
– Vous m’avez fait des promesses « d’arrangement amiable ” qui n’ont été destinées qu’à vous faire gagner du temps.
Je constate aujourd’hui qu’au lieu de redresser la situation en me versant ce qui m’est dû, vous commencez à inventer des griefs complètement injustifiés sur mes compétences professionnelles que vous avez pourtant eu tout le loisir d’éprouver depuis près d’un an et demi que nous travaillons ensemble.
Ma situation financière personnelle, celle de mon époux, est aujourd’hui tellement dégradée que je ne peux continuer à attendre plus longtemps que vous me versiez ce qui m’est du.
Vous avez rendu impossible la poursuite de ma collaboration. Vous assumez l’entière responsabilité de cette situation.
Je vous informe que je quitte l’entreprise dès notification de ce courrier compte tenu de l’impossibilité de poursuivre plus longtemps l’exécution d’un contrat de travail que vous bafouez délibérément”.
Mme [I] fait valoir que litige qui l’oppose à son ex-employeur est la conséquence de l’absence de réalisation des espérances et ambitions de développement de son dirigeant, M. [R] [V], et en sa qualité de salariée de la société, elle ne saurait en faire les frais,
que la SAS BOOMING prétend avoir découvert des manquements d’une exceptionnelle gravité qu’elle aurait commis, alors qu’elle a toujours donné satisfaction dans l’accomplissement de ses fonctions et qu’ils ont en outre collaboré depuis la fin de l’année 2015, la SAS EMS l’ayant sollicitée à plusieurs reprises aux fins de permettre son développement,
que la société BOOMING a gravement manqué à ses obligations les plus élémentaires et au contrat de travail qu’elle avait négocié, approuvé et validé, en s’abstenant de lui fournir du travail, en supprimant son poste, et en ne lui versant pas, ce, de façon systématique, l’intégralité de sa rémunération.
La SCP BR ASSOCIES, en qualité de liquidateur de la SAS BOOMING fait valoir que peu après son embauche, l’entreprise a découvert de nombreux manquements de la salariée dans l’exercice de ses fonctions, l’amenant à envisager en raison de leur gravité la rupture du contrat de travail, une rupture conventionnelle ayant été proposé à la salariée dès la fin du mois d’avril 2017,
qu’en l’absence d’accord, elle décidait de procéder à son licenciement,
que c’est dans ces conditions que la salariée lui a adressé le 21 juillet 2017, un courriel faisant état de prétendus manquements à son encontre et quelques jours plus tard par courrier recommandé du 25 juillet 2017, elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail, travestissant la situation pour tenter de caractériser des fautes de l’employeur,
que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail n’est pas fondée en l’absence de mise en demeure ou de tout acte valant interpellation suffisante, la salariée ne lui ayant pas laissé, en outre, un délai raisonnable pour s’exécuter,
qu’elle contestait l’ensemble des griefs allégués par courrier du 3 août 2017, observant en revanche que peu avant son départ de l’entreprise, Mme [I] a supprimé la quasi-intégralité de sa boîte courriel professionnelle, ce qui démontre qu’elle avait parfaitement conscience des manquements qui pouvaient lui être reprochés dans l’exercice de ses fonctions.
L’UNEDIC AGS CGEA, Délégation de [Localité 5] conclut à la confirmation de la décision.
Sur la validité de la prise d’acte
Les modes de rupture du contrat de travail, à l’initiative de l’employeur ou du salarié, sont régis par des règles particulières,’et emportent des conséquences spécifiques, de sorte que les dispositions de l’article 1226 du code civil ne leur sont pas applicables.
Il en résulte que’la prise d’acte de la rupture du contrat de travail est valable, même en l’absence de mise en demeure préalable adressée par le salarié à son employeur.
Sur les griefs allégués
Sur l’absence de fourniture de travail et la suppression de poste
Mme [I] fait valoir que progressivement l’employeur ne lui a plus fourni de travail et a supprimé son poste,
que ses fonctions étaient clairement définies et par nature mobiles,
que ces conditions spécifiques ne peuvent toutefois justifier une retenue de près de la moitié de ses salaires, alors même qu’elle était à la disposition de son employeur, ( échanges de courriels des 29 mai et du 6 juin 2017),
qu’elle était notamment en charge du développement, comprenant la recherche de nouveaux « boomers ”, la communication interne, avec notamment l’interface et les relations avec les « boomers” et l’animation du «campus»,
qu’elle a découvert qu’un poste de « Responsable Relation Clients~Boomers ” était à pourvoir, que des discussions avaient été engagées en ce sens avec une candidate dès le mois de juin 2017 et qu’une offre d’emploi reprenant les fonctions qui lui étaient dévolues a été publiée au cours de ce mois avec adjonction de nouvelles missions,
que de fait la SAS BOOMING avait supprimé le poste de Directrice des Ressources Humaines qu’elle occupait.
La SCP BR ASSOCIES, en qualité de liquidateur de la SAS BOOMING réfute ces allégations observant qu’à compter du 22 mai 2017, Mme [I] refusait de continuer à assurer ses fonctions, transmettant les demandes qui lui étaient faites, pour ne plus transférer les courriels contenant des informations importantes, alors que la société a continué à lui verser son salaire,
que son poste n’a pas été supprimé et elle n’a pas été remplacée, le poste «’relation client-boomers’» , spécifiquement tourné vers l’activité commerciale, ne correspondant en aucun cas aux fonctions de directrice des ressources humaines qu’elle exerçait, la personne recrutée intervenant du reste dans le cadre d’une convention de stage.
Elle produit un courriel adressé à la salariée le 22 mai 2017, qu’elle a transféré le même jour à Mme [X] [Z] pour traitement indiquant «’compte tenu de la situation actuelle, je te laisse voir ça avec [R]’», un courriel adressé le 26 juin 2017 transféré le 3 juillet 2017 à [X] et [F] pour étude.
À l’examen des observations et justifications présentées par la SAS BOOMING, le grief n’apparaît pas caractérisé.
Sur le non-paiement systématique de la rémunération contractuelle due
Mme [I] fait valoir que la modification de sa rémunération imposée au salarié justifie la prise d’acte de la rupture du contrat de travail, ainsi que le non-paiement de ses salaires,
qu’elle a systématiquement perçu une rémunération mensuelle brute d’un montant nettement inférieur à celle prévue à l’article six de son contrat de travail,
qu’il lui reste dû une somme de 14’659,08 euros brut sur la période du 1er janvier au 26 juillet 2017,
que si son contrat de travail prévoyait qu’elle serait autorisée à poursuivre une activité de consultant formatrice dans une limite maximale représentant 10% de son temps de travail, il était également prévu que ces éventuelles absences feraient l’objet d’une autorisation préalable,
qu’elle n’a jamais eu à faire de telles demandes d’absence alors qu’elle n’intervenait que ponctuellement au sein de l’école supérieure des RH, et que les demi-journées consacrées à cette activité ne l’empêchaient pas d’accomplir ses missions au sein de la SAS BOOMING dans le cadre d’un temps complet, notamment en travaillant à distance,
que les retenues opérées en réalité à la suite d’instructions verbales du dirigeant, dans le but de réduire les coûts de l’activité économique de la société, sont illicites.
La SCP BR ASSOCIES, en qualité de liquidateur de la SAS BOOMING rétorque qu’il avait été décidé en commun que Mme [I] était autorisée à poursuivre ses activités dont celles de formatrice au sein de l’école SUP RH, la salariée devant bénéficier d’une autorisation préalable d’absence non rémunérée ,
que ces absences autorisées avaient également été décidées tant dans leur principe que dans leur nombre, soit trois jours par semaine,
que la salariée en sa qualité de directrice des ressources humaines validait du reste l’ensemble des éléments de paie, incluant les absences.
*
L’article 6, intitulé « Rémunération ” du contrat de travail prévoit: «En contrepartie des fonctions qui lui sont confiées, sur la base d’un temps plein, Mme [M] [I] percevra une rémunération mensuelle fixe brute de 5000 euros (cinq mille euros), soit une rémunération annuelle fixe brute de 60 000 euros.”
L’article 1 alinéa 5 intitulé «’engagement et fonctions’» prévoit en outre «’Il est entendu entre les parties que Mme [M] [I] est autorisée à poursuivre son activité de consultante- formatrice auprès des structures avec lesquelles elle s’est engagée, sous réserve d’une durée maximale annuelle représentant 10 % de son temps de travail. Celles-ci feront l’objet d’une autorisation préalable d’absence non rémunérée’».
Il en résulte que les parties avaient contractualisé la possibilité pour la salariée d’intervenir au sein de différentes structures auprès desquelles elle était engagée, et notamment auprès de l’école SUP RH.
Mme [I] a manifestement exercé cette option qui lui était offerte par son contrat de travail, reconnaissant avoir effectué des interventions ponctuelles au profit de l’école SUP RH. Pour autant, elle n’établit pas l’absence d’interventions au profit d’autres structures, la cour ne pouvant dès lors suivre la salariée lorsqu’elle indique que les demi-journées qui lui ont été octroyées conformément à la clause de son contrat de travail, qu’elle a au demeurant elle-même rédigée, ne l’ont pas empêchée d’accomplir un temps complet hebdomadaire.
Le grief insuffisamment caractérisé ne sera pas retenu.
Sur le non-paiement de la part variable
Mme [I] fait valoir que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et qu’ils doivent être exécutés de bonne foi,
que les objectifs n’ont jamais été définis et la rémunération variable telle que prévue à l’article 6 de son contrat de travail, n’a jamais été versée,
qu’elle est donc en droit d’obtenir le paiement de sa rémunération variable au prorata temporis de son temps de présence, soit la somme de 17.500 € brut outre les congés payés y afférents.
La SCP BR ASSOCIES, en qualité de liquidateur de la SAS BOOMING répond que la rémunération variable présente un caractère annuel et que la jurisprudence admet qu’elle puisse être réservée aux seuls salariés présents dans l’entreprise au moment de leur versement, ses modalités pouvant résulter de l’existence d’un usage ou d’une disposition expresse du contrat travail comme au cas d’espèce.
Si le contrat de travail signé entre les parties ne précise pas expressément que le salarié doit être présent dans les effectifs au 31 décembre, il prévoit que «’la part variable est garantie à hauteur de 50 % minimum sur l’année 2017 (soit 15’000 €)’», le versement du minimum garanti au titre de 2017 supposant donc au sens de la dite clause une présence de la salariée sur l’ensemble de cette année.
Le grief non fondé sera en conséquence écarté.
Sur le travail dissimulé
Il résulte des dispositions de l’article L 8223-1 du code du travail que le salarié dont l’employeur a volontairement dissimulé une partie du temps de travail a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire en cas de rupture de la relation de travail.
La dissimulation d’emploi salarié prévue par l’article L.8221-1 du code du travail n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
Au regard de l’issue du litige, n’étant pas établi le non-paiement d’une partie des salaires, la demande à ce titre sera rejetée.
Sur le défaut de prise en charge des frais de changement de résidence
Mme [I] fait valoir que les parties étaient convenues qu’elle devait fixer son domicile à [Localité 4] au plus tard le 1er septembre 2017,
qu’elle s’est conformée à son obligation, son déménagement n’ayant pas manqué d’avoir un impact sur sa vie familiale et sur sa situation financière,
que la SAS BOOMING fait preuve de mauvaise foi refusant d’appliquer la clause du contrat travail qui avait précisément pour objectif de réduire les conséquences du transfert de son lieu de vie,
qu’elle s’est installée dans la région aixoise avec sa famille le 1er mai 2017, ayant dû faire face à des frais de double résidence et à des frais de déménagement, produisant la facture du 31 mai 2017 mentionnant un chargement à la même date pour un montant de 5451,85 euros.
L’article 4 relatif au lieu de travail prévoit que la salariée exercera ses fonctions siège de la société située à [Localité 4] et qu’elle s’engage à se rapprocher du siège social de la société au plus tard le 1er septembre 2017, étant convenu qu’elle bénéficiera d’une indemnité de double résidence dont l’attribution ne pourra excéder 51000 euros afin de répondre à cette obligation, cette enveloppe pouvant servir au versement d’un loyer et/ou des frais de déménagements, sur présentation de justificatif et sous réserve de validation préalable par l’entreprise.
Il résulte du dossier que Mme [I] a eu à faire face à des frais de double résidence, toutefois entre le 1er et le 31 mai 2017, dès lors que son logement initial, qui a été vendu le 9 juin 2017, était vide de tout mobilier le 31 mai 2017.
La cour considère que la salariée qui a respecté son engagement de se rapprocher de son employeur peut prétendre à la somme de 7770,72 €, correspondant aux frais de déménagement à hauteur de 5451,85 €, aux honoraires liés au bail d’habitation pour 1235 € et aux frais de logement au titre du mois de mai 2017 pour 1083,87 euros, la demande n’étant pas justifiée au titre des mois de juin et juillet 2017, soit postérieurement à la vente du précédent logement.
Le jugement sera infirmé en ce qu’il a octroyé une somme de 5451,85 euros à titre de remboursement des frais engagés.
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Le manquement subsistant relatif au non-versement des frais de double résidence que la salariée a exposés sur le mois de mai 2017, après avoir effectué une demande de prise en charge des seuls frais de déménagement le 28 avril 2017, ceux-ci ayant été réglés le 31 mai 2017, n’est pas d’une gravité telle qu’il empêchait la poursuite du contrat de travail.
La prise d’acte n’était donc pas justifiée et produira en conséquence les effets d’une démission, Mme [I] étant déboutée de ses demandes afférentes à la rupture du contrat de travail.
Sur la demande reconventionnelle au titre de l’indemnité compensatrice de préavis
La SCP BR ASSOCIES, en qualité de liquidateur de la SAS BOOMING est fondée à solliciter la condamnation de Mme [I] à lui régler la somme de 6382,83 euros au titre du préavis non effectué, le jugement étant confirmé sur ce point.
Sur l’intervention et la garantie de l’AGS
Il conviendra de dire que la décision sera opposable à l’association AGS CGEA Délégation de [Localité 5] dans la limite des dispositions des articles L. 3253-6 et suivants et D 3253-5 du code du travail, lesquelles excluent l’indemnité de procédure et que l’AGS devra sa garantie dans les limites et plafonds légaux.
Sur les dépens et les frais non-répétibles
En considération de l’équité, il ne sera pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile.
Les dépens de première instance et d’appel seront pour leur part fixés au passif de la liquidation judiciaire de la SAS BOOMING.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud’homale,
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a condamné la SAS BOOMING à payer à Mme [I] la somme de 5451,85 euros au titre des frais de déménagement,
Statuant à nouveau du chef infirmé,
Fixe la créance de Mme [I] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS BOOMING à la somme de 7770,72 € au titre des frais de double résidence, en ce compris les frais de déménagement,
Déclare le présent arrêt opposable à l’AGS dans la limite de ses garanties légales et réglementaires,
Déclare l’Unedic AGS CGEA délégation de [Localité 5] tenue à garantie dans les termes des articles L.3253-8 et suivants du code du travail, en l’absence de fonds disponibles,
Y ajoutant,
Dit que les dépens d’appel seront inscrits au passif de la liquidation judiciaire de la SAS BOOMING,
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions.
LE GREFFIER LE PRESIDENT