Bail d’habitation : 29 septembre 2022 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/01467

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Bail d’habitation : 29 septembre 2022 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/01467
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ARRÊT N°

N° RG 21/01467 – N° Portalis DBVH-V-B7F-IAKA

LM

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES

24 février 2021 RG :20/00844

[S]

[N]

C/

[C]

E.P.I.C. HABITAT DU GARD

Grosse délivrée

le

à Selarl Leonard Vézian

Me Touzellier

SCP Delran Sergent

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section A

ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2022

APPELANTS :

Monsieur [P] [S]

né le 29 Août 1965 à [Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté par Me Aurore VEZIAN de la SELARL LEONARD VEZIAN CURAT AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 21/4144 du 05/05/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Nîmes)

Madame [U] [N] épouse [S]

née le 29 Avril 1973 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Aurore VEZIAN de la SELARL LEONARD VEZIAN CURAT AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/004144 du 05/05/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Nîmes)

INTIMÉES :

Madame [M] [C]

née le 13 Novembre 1975 à [Localité 5] (MAROC)

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Marion TOUZELLIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/004625 du 19/05/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Nîmes)

E.P.I.C. HABITAT DU GARD immatriculé au RCS de Nîmes sous le numéro 273.000.018, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège social

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Sylvie SERGENT de la SCP DELRAN-BARGETON DYENS-SERGENT- ALCALDE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 14 Avril 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Madame Laure Mallet, conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Agnès Michel, présidente de chambre

Mme Catherine Ginoux, conseillère

Madame Laure Mallet, conseillère

GREFFIER :

Mme Véronique Laurent-Vical, greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

à l’audience publique du 05 Mai 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 07 Juillet 2022, prorogé au 28 juillet puis prorogé à ce jour

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Laure Mallet, conseillère, en remplacement de la présidente légitimement empêchée, et Mme Véronique Laurent-Vical, greffière, le 29 septembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DU LITIGE

Le 1er janvier 2008, l’établissement public industriel et commercial (EPIC) Habitat du Gard a donné à bail un local à usage d’habitation situé [Adresse 2] à Mme [U] [N] épouse [S] et à M. [P] [S], moyennant un loyer de 442.17 € hors charges.

Mme [M] [C] est devenue locataire de l’appartement situé en dessous du logement des époux [S] depuis le 22 mars 2017.

Les époux [S] se disant importunés par leur voisine et reprochant l’inaction de leur bailleur afin de faire cesser les troubles de jouissance allégués, ont par acte d’huissier du 22 septembre 2020 fait assigner Mme [M] [C] et l’EPIC Habitat du Gard devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nîmes sur le fondement des articles 6 et 7 de la loi du 6 juillet 1989, afin :

à titre principal,

– de dire et juger que Mme [M] [C] a commis des voies de fait et violences à leur égard,

– en conséquence, de condamner leur bailleur Habitat du Gard à les reloger dans un appartement de même catégorie dans un autre immeuble appartenant à leur parc immobilier,

subsidiairement,

– de condamner Habitat du Gard à résilier le bail le liant à Mme [M] [C] à compter de la signification de la décision à venir, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à venir,

en tout état de cause,

– de condamner Habitat du Gard à leur payer la somme de 4.500’€ en réparation de leur préjudice moral,

– de condamner Mme [M] [C] à leur payer la somme de 4.500’€ en réparation du préjudice moral et matériel subi,

– de condamner solidairement Habitat du Gard et Mme [C] aux dépens.

Par jugement contradictoire du 24 février 2021, le tribunal judiciaire de Nîmes a :

– débouté les époux [S] de toutes leurs prétentions à l’égard de Mme [M] [C] et de l’EPIC Habitat du Gard,

– débouté Mme [M] [C] de toutes ses prétentions à l’égard des époux [S],

– condamné solidairement les époux [S] à régler la somme de 600 euros à Mme [M] [C] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné solidairement les époux [S] à régler la somme de 600 euros à l’EPIC Habitat du Gard au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné solidairement les époux [S] aux dépens qui seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle.

Par déclaration du 14 avril 2021, les époux [S] ont relevé appel de ce jugement.

Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 21 février 2022, auxquelles il est expressément référé, les époux [S] demandent à la cour de :

Accueillant l’appel et le dire recevable et bien-fondé,

– réformer le jugement querellé en ce qu’il a :

* débouté les époux [S] de leurs prétentions tendant à voir :

‘ juger que Mme [C] a commis des voies de fait et violences à leur égard,

‘ condamner le bailleur à les reloger dans un appartement de même catégorie dans un autre immeuble appartenant à leur parc immobilier,

‘ subsidiairement, condamner le bailleur à résilier le bail le liant à Mme [M] [C] à compter de la signification de la décision à venir, condamnation assortie d’une astreinte de 50’€ par jour de retard à compter de la signification de la décision à venir,

‘ en tout état de cause, condamner Habitat du Gard à leur porter et payer la somme de 4.500’€ en réparation de leur préjudice moral subi,

‘ condamner Mme [C] à leur porter la somme de 4.500’€ en réparation du préjudice matériel et moral subi,

‘ condamner solidairement Habitat du Gard et Mme [C] aux entiers dépens,

. condamné les époux [S] à porter et payer à Habitat du Gard et à Mme [C] une somme de 600 € chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

Statuant à nouveau,

– débouter Habitat du Gard et Mme [C] de toutes leurs demandes, fins ou conclusions,

Vu les articles 6 et 7 de la loi du 6 juillet 1989,

– juger l’appel incident formulé par Mme [C] infondé,

– juger que Mme [M] [C] a commis des voies de fait et violences à l’égard de M. [S] et de son épouse,

– donner acte aux époux [S] de leur tentative de règlement amiable du litige,

en conséquence,

– condamner Habitat du Gard à reloger les époux [S] ainsi que leurs enfants dans un appartement de même catégorie dans un autre immeuble appartenant à leur parc immobilier,

– subsidiairement, condamner Habitat du Gard à résilier le bail le liant à Mme [M] [C] à compter de la signification de la décision à venir,

– assortir cette condamnation d’une astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à venir,

en tout état de cause,

– condamner Habitat du Gard à porter et payer à M. et Mme [S] la somme de 4.500 € en réparation de leur préjudice moral subi,

– condamner Mme [M] [C] à porter et payer à M. et Mme [S] la somme de 4.500 € en réparation du préjudice moral et matériel subi,

– condamner solidairement Habitat du Gard et Mme [M] [C] aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 7 octobre 2021, auxquelles il est expressément référé, Mme [C] demande à la cour de :

Vu l’article 7 b de la loi n° 89-462du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs,

Vu le principe général relatif aux troubles anormaux du voisinage,

– recevoir et dire bien fondé l’appel incident formé par Mme [C] par voie d’écritures,

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté les époux [S] de leurs demandes présentées à l’encontre de Mme [C], et les a condamnés à lui porter et payer la somme de 600’€ au titre des frais irrépétibles,

– réformer le jugement sur le surplus,

– juger que les époux [S] n’ont pas usé paisiblement du logement loué,

– juger que les époux [S] ont commis des troubles anormaux du voisinage au préjudice de Mme [C],

en conséquence,

– enjoindre les époux [S] de mettre fin aux nuisances sonores et voies de fait commises,

– enjoindre Habitat du Gard à résilier le bail d’habitation consenti aux époux [S],

– condamner solidairement les époux [S] à porter et payer à Mme [C] la somme de 2.000 € en réparation du préjudice moral subi,

– condamner solidairement les époux [S] à porter et payer à Mme [C] la somme de 1.200 €, en cause d’appel, en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

– rejeter les demandes plus amples ou contraires présentées par les époux [S].

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 19 octobre 2021, auxquelles il est expressément référé, l’EPIC Habitat du Gard demande à la cour de :

Vu les dispositions de la loi du 6 juillet 1989,

Vu le jugement rendu le 24 février 2021 par le tribunal judiciaire de Nîmes,

– confirmer purement et simplement le jugement rendu le 24 février 2021 en toutes ses dispositions,

en conséquence,

– débouter Mme [C] de son appel incident et de sa demande d’injonction envers Habitat du Gard,

– débouter les époux [S] de l’intégralité de leurs demandes,

– les condamner à payer à Habitat du Gard la somme de 2000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– les condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel, ces derniers distraits au profit de la SCP Delran Bargeton-Dyens Sergent Alcade.

La clôture de la procédure est intervenue le 14 avril 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Il ne ressort pas des pièces du dossier d’irrecevabilité de l’appel que la cour devrait relever d’office et les parties n’élèvent aucune discussion sur ce point.

Selon l’article 7 b) de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, le locataire est obligé d’user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location.

Les parties étant des colocataires, l’obligation de jouissance paisible du bailleur trouve sa source à l’article 6 et non à l’article 6-1 de la loi du 6 juillet 1989, les victimes des troubles n’étant pas des tiers.

Selon l’article 6 de ladite loi, le bailleur est tenu d’assurer au locataire la jouissance paisible du logement.

Mme [C] et les époux [S] se reprochent mutuellement des comportements nuisant à leur jouissance paisible des lieux loués et reprochent au bailleur son inaction.

Ce dernier réplique qu’il a systématiquement fait un rappel écrit aux règles du bail et a tenté une conciliation à partir du moment où il a été saisi de plaintes en 2019, ces plaintes émanant tant de Mme [C] que des époux [S], qu’ aucune correspondance ne lui ayant été transmise par les deux protagonistes en 2020 et 2021, il pensait légitimement que la situation était réglée.

Par ailleurs, il fait valoir qu’il a tout fait pour faire respecter les clauses du bail par les locataires mais qu’il ne peut pas intervenir pour régler les litiges entre particuliers.

Les locataires produisent aux débats des photographies, des attestations, des plaintes et des mains courantes.

Pour autant, ces pièces n’établissent pas le trouble de jouissance réciproque occasionné par les locataires, susceptible de fonder une résiliation des baux par le bailleur.

En effet, le premier juge, par des motifs que le cour approuve, a justement indiqué que dans ce contexte de reproches mutuels, aucune des parties locataires n’apporte des éléments objectifs permettant de confirmer ses dires ni de témoignages directs et dans les formes prescrites des faits dénoncés.

Ainsi,

-l’attestation en date du 10 mars 2020 a été rédigée par Madame [S] elle-même et non par les personnes qui se sont contentées d’y apposer leur signature; il ne s’agit donc pas de témoignages directs et circonstanciés des agissements de Mme [C],

-l’attestation de M. [X] ne concerne pas des faits entre les deux locataires parties à la présente instance,

-les photographies produites de part et d’autre des boîtes aux lettres ou des parties communes de l’immeuble souillées et dégradées ne permettent pas d’en déterminer l’ origine et les responsables, pas plus que le lieu exact où elles ont été prises et leur date, qu’il en est de même pour la page d’insultes versée par Mme [C],

-le bulletin de sortie du CHU de [Localité 6] du 16 septembre 2018 de Mme [C] à la suite d’une chute dans les escaliers ne permet pas en lui-même d’affirmer que la famille [S] en était la cause,

-le certificat médical en date du 23 août 2019 établi au moment de la plainte de Mme [C] le même jour pour des violences commises par Mme [S] à son encontre ne constate aucune trace physique sur Mme [C], mentionnant seulement son état abattu et reprenant ses propres déclarations sur les faits , aucun élément ne démontrant la suite qui aurait été donnée à cette plainte,

-la plainte de Mme [S] pour violence sur sa fille le 16 juin 2021 est certes corroborée par un certificat médical mais à ce jour il ressort du certificat du SAUJ que les deux parties sont convoquées à la maison de justice et du droit en vue d’une médiation mais qu’aucune poursuite n’est initiée.

Il ressort par ailleurs des pièces produites aux débats que les plaintes et mains courantes réciproques se succèdent, celles de Mme [S] entraînant celles de Mme [C] et inversement.

De même, les locataires ont chacune à leur tour alerté le bailleur à compter de 2019, la lettre des uns appelant une plainte de l’autre et réciproquement.

Comme l’a pertinemment relevé le premier juge, les pièces produites ne permettent pas d’objectiver les agissements imputés à la partie adverse.

Il est seulement constant que les époux [S] et Mme [C] entretiennent un contentieux dont la cause est ignorée, trouvant assurément sa cause dans un conflit extérieur aux clauses du bail imposant une jouissance paisible.

Le bailleur, contrairement aux allégations des parties, n’est pas resté inactif et a, dès le moment où il en a été informé en 2019, adressé des courriers aux locataires pour leur rappeler leurs obligations, conseillant également la saisine d’un conciliateur, saisi mais sans succès, et a organisé une rencontre avec les locataires les 20 juin et le 4 octobre 2019.

Par la suite, les parties n’établissent pas avoir ressaisi le bailleur qui pouvait légitiment en conclure que la situation s’était apaisée.

En conséquence, le premier juge, par des motifs que la cour adopte, a mis en évidence que dans cette situation de reproches mutuels entre les deux locataires, le bailleur, à défaut de pouvoir affirmer que l’une des parties était plus impliquée dans le trouble de jouissance et la tranquillité de l’autre et donc à défaut d’être en mesure d’imposer une résiliation de leur bail aux parties ou à une seule d’entre elles pour trouble à la tranquillité de l’autre, a pris les dispositions nécessaires et adaptées en les invitant successivement à respecter les règles du bail pour assurer la jouissance paisible des lieux à leur voisinage, en leur proposant des rencontres dans ses locaux et en les orientant vers un conciliateur de justice.

Dès lors sa responsabilité ne saurait être engagée.

Le jugement déféré sera donc confirmé sauf en ce qu’il a condamné solidairement les époux [S] à régler la somme de 600 euros à Mme [M] [C] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

En application de l’article 696 du code de procédure civile, les appelants qui succombent supporteront les dépens d’appel.

Il est rappelé que le droit de recouvrement direct n’a plus d’objet du fait de la suppression de tout tarif de l’avocat au regard de la date du jugement déféré du 24 février 2021, rendu postérieurement au 8 août 2015, date de l’entrée en vigueur de la loi du 6 août 2015.

Il n’est pas inéquitable de laisser supporter à Mme [M] [C] ses frais irrépétibles de première instance et d’appel. Elle sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il n’est pas inéquitable de laisser supporter au bailleur ses frais irrépétibles d’appel.Il sera débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a condamné solidairement les époux [S] à régler la somme de 600 euros à Mme [M] [C] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Déboute Mme [M] [C] de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,

Déboute Habitat du Gard de sa demande au titre des frais irrépétibles d’appel,

Condamne Mme [U] [N] épouse [S] et à M. [P] [S] aux dépens d’appel,

Dit sans objet la demande de distraction des dépens.

Arrêt signé par la conseillère, en remplacement de la présidente légitimement empêchée et par la greffière.

La greffière, La conseillère,

 


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