Bail d’habitation : 11 octobre 2022 Cour d’appel d’Angers RG n° 18/02563

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Bail d’habitation : 11 octobre 2022 Cour d’appel d’Angers RG n° 18/02563
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COUR D’APPEL

D’ANGERS

CHAMBRE A – COMMERCIALE

SB/IM

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 18/02563 – N° Portalis DBVP-V-B7C-ENT6

Jugement du 14 Novembre 2018

Tribunal de Commerce d’ANGERS

n° d’inscription au RG de première instance 17 008938

ARRET DU 11 OCTOBRE 2022

APPELANTS :

Monsieur [I] [K]

né le [Date naissance 4] 1986 à [Localité 9] ([Localité 9])

[Adresse 3]

[Localité 6]

Monsieur [S] [K]

né le [Date naissance 1] 1975 à MADAGASCAR

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentés par Me Sonia BERNIER de la SARL ILIRIO LEGAL, avocat postulant au barreau d’ANGERS, et Me Ivan JURASINOVIC, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIMEE :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE L’ANJOU ET DU MAINE agissant en la personne de son représentant légal domiciilié en cette qualité audit siège

[Adresse 8]

[Localité 7]

Représentée par Me Philippe LANGLOIS de la SCP ACR AVOCATS, substitué par Me Audrey PAPIN, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 71190013

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 11 Juillet 2022 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. BENMIMOUNE, Conseiller, qui a été préalablement entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, Présidente de chambre

Mme ROBVEILLE, Conseiller

M. BENMIMOUNE, Conseiller

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 11 octobre 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, Présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE

M. [I] [K] et M. [S] [K] étaient les co-gérants de la SARL AJ Sports, qu’ils ont créée le 30 juin 2014.

Le 30 juillet 2014, la Caisse régionale de Crédit Agricole mutuel de l’Anjou et du Maine (le Crédit Agricole) a consenti à la SARL AJ Sports un crédit professionnel n°10000125848 d’un montant de 30 000 euros. Par acte sous seing privé du même jour, MM. [K] se sont portés cautions solidaires de cet engagement dans la limite de la somme de 10 000 euros chacun.

Par un jugement du 15 février 2017, la société AJ Sports a été placée en liquidation judiciaire par le Tribunal de commerce de Laval, la date de cessation des paiements étant fixée au 9 février 2017.

Le 6 mars 2017, le Crédit Agricole a déclaré ses créances à la procédure par lettre recommandée avec avis de réception, pour un montant de 24 479,97 euros et a enjoint aux cautions solidaires de s’acquitter de leurs engagements.

Aux termes d’un acte d’huissier du 9 août 2017, le Crédit Agricole a fait assigner les cautions devant le tribunal de commerce d’Angers aux fins de les voir condamner à lui payer une somme de 10 019,73 euros chacune.

Pour s’opposer à cette demande, les cautions ont invoqué le caractère manifestement disproportionné de leur engagement à leurs biens et revenus et, à titre subsidiaire, sollicité la déchéance du droit aux intérêts de la banque compte tenu de l’erreur de calcul du taux effectif global.

Par jugement rendu le 14 novembre 2018, le tribunal de commerce d’Angers a notamment :

– Rejeté la demande de MM. [I] et [S] [K] sur la reconnaissance du caractère disproportionné de leurs engagements de caution,

– Condamné M. A. [K] et M. J. [K] en leur qualité de cautions cogérantes et, dans la limite de leurs engagements, à payer au Crédit Agricole la somme de 10 019,73 euros chacun outre les intérêts de retard au taux légal sur la somme de 10 000 euros à compter du 16 juillet 2017,

– Accordé un échelonnement de la dette par 24 versements mensuels égaux, le premier ayant lieu dans les 30 jours de la signification du présent jugement,

– Rejeté les autres demandes de MM. [K],

– Débouté MM. [K] de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné MM. [K] aux entiers dépens de l’instance, y compris les frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 94,34 euros TTC.

Pour statuer ainsi, les premiers juges ont écarté toute disproportion des engagements souscrits aux biens et revenus des cautions.

Par une déclaration reçue au greffe le 20 décembre 2018, MM. [K] ont interjeté appel de l’ensemble des chefs du jugement, intimant le Crédit Agricole.

M. [S] [K] et M. [I] [K] sollicitent de la cour d’appel qu’elle :

– Infirme la décision de première instance, sauf en ce qui concerne le moyen relatif au TEG,

Statuant à nouveau,

– Déboute le Crédit Agricole de toutes ses demandes,

– Condamne le Crédit Agricole à leur verser la somme de 6 360 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamne le Crédit Agricole aux dépens de première instance et d’appel lesquels seront recouvrés en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le Crédit Agricole demande à la cour d’appel de :

– Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

– Condamner solidairement M. [I] [K] et M. [S] [K], à lui payer la somme de 2 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

– Rejeter toutes prétentions contraires,

– Condamner solidairement M. [I] [K] et M. [S] [K] aux dépens de première instance et d’appel lesquels seront recouvrés en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe,

Le 15 mars 2019 pour M. [S] [K] et M. [I] [K],

Le 14 juin 2019 pour le Crédit Agricole.

Une ordonnance du 27 juin 2022 a clôturé l’instruction de l’affaire.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande en paiement

Sur la disproportion des engagements de caution au jour de leur conclusion 

Pour s’opposer à la demande en paiement formée par le créancier, les cautions soutiennent, comme en première instance, que leurs engagements étaient, au jour de leur conclusion, manifestement disproportionnés à leurs biens et revenus. A cet égard, M. [I] [K] reproche aux premiers juges de l’avoir condamné à paiement alors que son taux d’endettement était, au jour de la conclusion du cautionnement, supérieur à 64% et que les biens immobiliers dont il était propriétaire se trouvaient en cours de financement. M. [S] [K] souligne qu’étant marié sous un régime de séparation de biens, seuls ses biens et revenus personnels devaient être pris en compte pour apprécier le caractère disproportionné de son engagement. Il ajoute que les biens immobiliers dont il était personnellement propriétaires étaient également financés par des crédits en cours de remboursement.

En réponse, le Crédit Agricole conclut à la confirmation du jugement insistant sur le fait qu’il était en droit, en l’absence d’anomalie apparente, de se fier aux informations fournies par les cautions sur la fiche de renseignements, que ces dernières avaient renseignée, et n’était pas tenu d’en vérifier la véracité.

Aux termes de l’article L 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de la conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il en découle que le caractère manifestement disproportionné du cautionnement, qu’il incombe à la caution de rapporter, s’apprécie au jour où ce dernier est souscrit en tenant compte non seulement des revenus de la caution, mais aussi de tous autres biens formant son patrimoine, notamment ses immeubles et les parts sociales détenues dans le capital d’une société. De même, il doit être tenu compte de l’ensemble des obligations ou engagements incombant au débiteur au jour du cautionnement contesté.

L’appréciation de la disproportion manifeste exige donc, non pas, comme le soutiennent à tort les appelants, de prendre en compte le seul taux d’endettement de la caution au regard de ses revenus, mais l’ensemble des biens et revenus de celle-ci, à savoir l’ensemble des éléments de l’actif composant son patrimoine diminué des éléments de passif, ainsi que l’ensemble de ses ressources diminué de ses charges.

Chacune des cautions solidaires s’étant engagée dans la limite d’une somme de 10 000 euros, la disproportion éventuelle de leurs engagements doit être appréciée pour chacune d’entre elles au regard de cette somme.

En l’espèce, M. [I] [K] et M. [S] [K] ont renseigné, à la demande de la banque, le 30 juillet 2014, un questionnaire intitulé «fiche de renseignements cautions», dont ils ont certifié les réponses sincères et exactes et qui est produit à la cause.

M. [I] [K] a ainsi déclaré percevoir un revenu mensuel de 1 100 euros, supporté des charges de remboursement à hauteur de la somme de 710 euros, et être propriétaire de deux immeubles, dont sa résidence principale, d’une valeur respective de 80 000 euros et de 60 000 euros, financés par un prêt immobilier dont le capital restant dû s’élevait respectivement à la somme de 38 000 euros et de 30 000 euros au jour de la déclaration. M. [K] n’a pas mentionné l’existence d’autres engagements financiers.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments, qui ne sont pas contestés par la caution, que M. [I] [K] disposait, au jour de la conclusion du cautionnement litigieux, d’un patrimoine d’une valeur, déduction faite du solde restant dû au titre des emprunts, bien supérieure au montant de son engagement consenti à hauteur de 10 000 euros, étant en outre relevé que la fiche de renseignement comporte une mention «RP» et «RL» devant la valeur de chacun des biens immobiliers, signifiant, selon la banque, sans être contredite par la caution sur ce point, «résidence principale» et «résidence locative», dont il se déduit que M. [K] était ainsi susceptible de percevoir des loyers au titre d’un bail d’habitation.

Partant, M. [I] [K] ne démontre pas qu’il se trouvait au jour de la conclusion de son engagement de caution dans l’impossibilité manifeste d’y faire face avec l’ensemble de ses biens et revenus.

M. [S] [K], quant à lui, a déclaré être marié sous le régime de la séparation de biens, percevoir un revenu mensuel de 3 566 euros, avoir quatre enfants à charge, supporté une charge de remboursement de 1 296 euros par mois, et être propriétaire de deux immeubles situés à [Localité 10] et [Localité 9], dont sa résidence principale, d’une valeur respective de 300 000 euros et de 100 000 euros, financés par un prêt immobilier dont le capital restant dû s’élevait respectivement à la somme de 160 000 euros et de 108 000 euros au jour de la déclaration.

Pour reprocher aux premiers juges d’avoir écarté toute disproportion de son engagement de caution, il soutient que les revenus de son épouse, qui n’est pas signataire du cautionnement, devaient être exclus et que la valeur des biens immobiliers ne devait être prise en compte qu’à hauteur de sa quote-part indivise, soit pour la moitié. Il considère en revanche que les emprunts restant à rembourser pour une somme de 268 000 euros devaient être intégralement pris en compte s’agissant d’engagements solidaires.

Il est acquis que la disproportion de l’engagement d’une caution mariée sous le régime de la séparation de biens s’apprécie au regard des seuls revenus et biens personnels de cette dernière, en ce compris la quote-part dans les biens indivis.

En l’occurrence, le créancier ne conteste pas que M. [K], étant marié sous un régime de participation aux acquêts, lequel fonctionne pendant le mariage en tous points comme un régime de séparation de biens, les revenus perçus par son épouse devaient être exclus pour apprécier la capacité financière de la caution de sorte que, conformément à l’avis d’imposition de cette dernière pour les revenus perçus en 2014, seule la somme de 22 276 euros, soit 1 856 euros par mois, doit être prise en compte.

Il est exact que lorsque le créancier, qui est tenu de s’enquérir de la situation patrimoniale de la caution, exige une fiche de renseignement patrimoniale, ce dernier est en droit de se fier aux informations que la caution lui fournit en l’absence d’anomalie apparente et n’a pas à vérifier l’exactitude de ses déclarations. Dans ce cas, la caution n’est pas admise à établir devant le juge que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu’elle avait déclaré à la banque.

Dans la mesure où il n’est ni allégué ni démontré par la caution l’existence d’une anomalie apparente tenant à l’existence d’éléments incohérents ou contradictoires, la banque était fondée à se fier aux déclarations de cette dernière et donc à considérer qu’après avoir indiqué être marié sous le régime de la séparation de biens, les valeurs brutes indiquées par M. [K] au titre de son patrimoine immobilier, soit la somme de 400 000 euros, correspondaient à celle de biens qu’il avait acquis personnellement.

Par suite, eu égard à la valeur déclarée de son patrimoine immobilier et du montant de ses ressources et charges, M. [S] [K] disposait, au jour de la conclusion du cautionnement litigieux, déduction faite du solde restant dû au titre des prêts en cours, d’un patrimoine d’une valeur bien supérieure au montant de son engagement pour un montant de 10 000 euros, étant observé qu’au regard de la mention «RL» apposée sur la fiche de renseignement, l’un des immeubles était destiné à être loué.

Dès lors, M. [S] [K] ne démontre pas qu’il se trouvait au jour de la conclusion de son engagement de caution dans l’impossibilité manifeste d’y faire face avec l’ensemble de ses biens et revenus.

C’est donc à juste titre que les premiers juges ont rejeté ce moyen de défense et retenu que le créancier était en droit de se prévaloir des engagements de caution litigieux.

Dès lors, il n’est pas nécessaire de statuer sur la capacité actuelle des cautions à faire face à leurs engagements.

Sur les sommes restant dues

En application de l’article L. 643-1, alinéa 1er, du code de commerce, le jugement qui ouvre ou qui prononce la liquidation judiciaire rend exigibles les créances non échues.

Les stipulations des cautionnements rendent la déchéance du terme ainsi intervenue opposable aux cautions.

Le créancier a déclaré sa créance au titre du prêt garanti par les engagements de caution pour un montant de 21 180,96 euros par lettre recommandée avec demande d’avis de réception le 6 mars 2017 et a mis en demeure les cautions d’avoir à lui payer la somme de 10 000 euros chacune par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 26 avril 2017.

La banque justifie donc d’une créance exigible à l’égard des cautions qui doivent donc être condamnées à exécuter leur engagement en application de l’article 2288 du code civil.

Il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné MM. [K] à payer au Crédit Agricole une somme de 10 000 euros chacun, outre les intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2017, conformément à la demande du créancier.

Sur la demande de délais de paiement 

Bien que les premiers juges aient fait droit à leur demande d’octroi de délais de paiement, les appelants ont expressément interjeté appel de ce chef dans leur déclaration d’appel à laquelle ils se sont ensuite référés dans leurs conclusions.

En application de l’article 954, alinéa 4, du code de procédure civile, la cour d’appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

En l’occurrence, la cour d’appel ne peut que constater que tout en sollicitant l’infirmation du chef du jugement leur ayant octroyé des délais de paiement, les appelants ne formulent aucune prétention tendant à leur octroi dans le dispositif de leurs conclusions, de sorte que la cour ne s’en trouve pas saisie et ne peut donc statuer.

Sur les demandes accessoires 

M. [S] [K] et M. [I] [K], parties perdantes, seront condamnés in solidum aux dépens de l’appel, les dispositions du jugement relatives aux frais et dépens étant confirmées. Le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile sera accordé à l’intimée.

L’équité commande de les condamner in solidum à payer au Crédit Agricole une somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. Les appelants seront par conséquent déboutés de leur demande formée à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe, dans les limites de sa saisine,

CONFIRME le jugement entrepris,

Y ajoutant,

DEBOUTE M. [S] [K] et M. [I] [K] de leur demande de condamnation de la société Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de l’Anjou et du Maine au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum M. [S] [K] et M. [I] [K] à payer à la société Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de l’Anjou et du Maine la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum M. [S] [K] et M. [I] [K] aux dépens de l’appel, lesquels seront recouvrés en application de l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

S. TAILLEBOIS C. CORBEL

 


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