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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-8
ARRÊT AU FOND
DU 19 OCTOBRE 2022
N° 2022/ 458
N° RG 20/01796
N° Portalis DBVB-V-B7E-BFRZ5
SAS PROJEST
C/
[Y] [P]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Roselyne SIMON-THIBAUD
Me Camille REMUSAT
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal d’Instance de MARSEILLE en date du 13 décembre 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 11 19-541.
APPELANTE
SAS PROJEST
représentée par la société Cabinet [C], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 2]
représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD, membre de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant Me Xavier CACHARD, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
Madame [Y] [P]
née le 06 Mai 1962 à [Localité 3] (MAROC), demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Camille REMUSAT, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Philippe COULANGE, Président
Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère
Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Octobre 2022.
ARRÊT
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Octobre 2022, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Mme Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE
Suivant contrat sous signatures privées, la société civile immobilière BR, agissant par son mandataire le cabinet [C], a donné à bail d’habitation à Madame [Y] [P] à compter du 1er novembre 1999 un appartement au premier étage d’un immeuble situé [Adresse 1].
Par arrêté de péril en date du 9 décembre 2011 pris en application des articles L 511-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation, le maire de la commune a mis en demeure le bailleur, par ailleurs propriétaire de l’entier immeuble, de réaliser des travaux de réparation des désordres affectant certaines parties communes ainsi que les parties privatives occupées par Madame [P].
L’arrêté de mainlevée du péril est intervenu le 23 mai 2014.
A compter du mois de juillet 2016, la caisse d’allocations familiales a suspendu le versement de l’allocation logement.
Suivant exploit d’huissier du 22 novembre 2017, la société PROJEST, venant aux droits de la société BR, a fait délivrer à la locataire un commandement de payer un arriéré de 6.720,94 euros, visant la clause résolutoire stipulée au contrat.
Après avoir été déboutée en cause de référé, la société bailleresse a saisi le tribunal d’instance de Marseille d’une assignation au fond délivrée le 5 février 2019, afin d’entendre prononcer la résiliation du bail en application de ladite clause et par suite l’expulsion de Madame [P], ainsi que sa condamnation au paiement de la somme principale de 10.793,97 euros au titre de la dette locative, outre une indemnité d’occupation jusqu’à la libération des lieux. En cours de procédure, elle a réactualisé le montant de la dette locative à hauteur de 14.340,25 euros.
La défenderesse a conclu au rejet de l’ensemble de ces prétentions, faisant valoir qu’elle était à jour du règlement du loyer résiduel redevenu exigible à compter de la mainlevée de l’arrêté de péril, et que la suspension de ses droits à l’allocation logement était imputable au comportement frauduleux du bailleur, qui aurait refusé abusivement d’attester qu’elle était à jour du règlement du loyer.
Par jugement rendu le 13 décembre 2019, le tribunal a débouté la société PROJEST de l’intégralité de ses demandes, en retenant que l’existence de sa créance n’était pas établie par les pièces produites aux débats, et l’a condamnée aux dépens, ainsi qu’au paiement d’une somme de 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La société PROJEST a interjeté appel de cette décision par déclaration adressée le 5 février 2020 au greffe de la cour, et conclusions récapitulatives notifiées le 22 juillet 2022.
Par conclusions notifiées le 30 juillet 2020, Madame [Y] [P] a sollicité pour sa part la confirmation du jugement en toutes ses dispositions.
L’ordonnance de clôture de l’instruction a été rendue le 22 août 2022, fixant l’affaire à l’audience de plaidoirie du 5 septembre.
Toutefois l’intimée n’était pas représentée à cette audience, et n’a pas fait déposer son dossier. En outre son avocat n’a pas justifié du règlement du timbre fiscal en dépit d’une demande de régularisation qui lui avait été adressée par le greffe le 27 avril 2021, ni du dépôt d’une demande d’aide juridictionnelle, de sorte que ses conclusions doivent être déclarées d’office irrecevables en application de l’article 1635 bis P du code général des impôts et des articles 963 et 964 du code de procédure civile.
MOYENS ET PRÉTENTIONS SOUMIS À LA COUR
La société PROJEST soutient que sa locataire demeure débitrice des loyers échus durant le cours de l’arrêté de péril, dans la mesure où elle s’est toujours opposée à la réalisation des travaux prescrits dans les parties privatives, en violation de l’article 7 e) de la loi du 6 juillet 1989 ainsi que de l’article VIII-8 du contrat de bail.
Elle en déduit qu’elle était fondée à refuser de délivrer une attestation permettant le maintien des droits de Madame [P] à l’allocation logement.
Elle produit un nouveau décompte de créance actualisé au 13 mai 2022.
Elle demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau :
– de constater la résiliation du bail par l’effet de la clause résolutoire,
– d’ordonner l’expulsion sans délai de Madame [P],
– de la condamner au paiement d’une somme de 23.266,92 euros au titre de la dette locative arrêtée au 13 mai 2022, à parfaire en fonction des échéances à venir jusqu’au jour de l’audience,
– de la condamner également au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle de 316,05 euros jusqu’à la complète libération des lieux,
– et de condamner enfin l’intimée aux dépens, ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
DISCUSSION
En vertu de l’article L 521-2 du code de la construction et de l’habitation, dans sa rédaction applicable au litige, le loyer d’un bail d’habitation cesse d’être dû à compter du premier jour du mois suivant l’envoi de la notification de l’arrêté de péril, et redevient exigible le premier jour du mois suivant la notification de l’arrêté de mainlevée.
D’autre part, l’article L 521-1 du même code prévoit que le propriétaire n’est tenu d’assurer le relogement des occupants que si l’arrêté a ordonné l’évacuation du bâtiment, ou s’il est assorti d’une interdiction d’habiter, ou encore si les travaux nécessaires pour mettre fin au péril rendent temporairement le logement inhabitable.
Tel n’est pas le cas en l’espèce de l’arrêté de péril pris le 9 décembre 2011 par le maire de [Localité 4], les travaux à réaliser dans l’appartement de Madame [P] portant uniquement sur la réparation du plancher dans le couloir de distribution et celle du plafond de la salle à manger.
Par lettre du 15 février 2012, la locataire a été mise en demeure de laisser libre accès à son logement à compter du 6 mars. Or le jour dit il a été constaté par un huissier de justice que l’entreprise chargée des travaux ne pouvait accéder à l’appartement.
Un second constat a été établi le 4 octobre 2012 sur autorisation de justice, à l’occasion duquel Madame [P] a entendu conditionner son accord à la remise préalable d’une ‘décharge médicale’, le représentant du bailleur ne pouvant bien évidemment pas satisfaire à une telle exigence, en conséquence de quoi l’intéressée a interdit l’accès à son logement.
Une nouvelle mise en demeure a été adressée à la locataire le 3 avril 2015, à laquelle Madame [P] a encore refusé de déférer.
L’intéressée ne pouvait indéfiniment se prévaloir du bénéfice de l’exonération du loyer alors qu’elle faisait volontairement obstacle à la réalisation des travaux en violation de l’article 7 e) de la loi du 6 juillet 1989 . Dès lors elle ne saurait utilement soutenir que la suspension de ses droits à l’allocation logement serait imputable au comportement frauduleux du bailleur.
En tout état de cause il convient de relever que l’arrêté de péril a été levé à compter du 23 mai 2014, et que la locataire n’a pas repris le règlement des loyers postérieurs, sa dette atteignant la somme de 23.266,92 euros au 13 mai 2022 suivant le dernier décompte au dossier, lequel n’encourt pas les critiques formulées par le premier juge à l’encontre des décomptes précédents.
Il y a lieu en conséquence d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de prononcer la résiliation du bail par application de la clause résolutoire visée dans le commandement de payer, avec toutes ses conséquences de droit.
Aucune circonstance ne commande cependant de réduire ou de supprimer le délai prévu par l’article L 412-1 du code des procédures civiles d’exécution à l’issue duquel il pourra être procédé à l’expulsion.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau :
Prononce la résiliation du bail d’habitation conclu entre les parties, portant sur un logement situé [Adresse 1],
Ordonne en conséquence l’expulsion de Madame [Y] [P] et de tous occupants de son chef,
Condamne Madame [P] à payer à la société PROJEST la somme de 23.266,92 euros au titre des loyers et indemnités d’occupation échues au 30 mai 2022, outre une indemnité d’occupation de 316,05 euros par mois à compter du 1er juin 2022 jusqu’à la libération effective du logement,
Condamne l’intimée aux entiers dépens de première instance et d’appel,
Dit n’y avoir lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERELE PRESIDENT