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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-8
ARRÊT AU FOND
DU 19 OCTOBRE 2022
N° 2022/ 460
N° RG 20/06303
N° Portalis DBVB-V-B7E-BGAMC
[C] [M] épouse [X]
C/
[R] [J] épouse [G]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Fanny ESCARGUEL
Me Jocelyne PUVENEL
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal Judiciaire de MARSEILLE en date du 24 Juin 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 11-19-1819.
APPELANTE
Madame [C] [M] épouse [X]
demeurant [Adresse 2]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/2887 du 01/04/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE),
représentée par Me Fanny ESCARGUEL, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
Madame [R] [J] épouse [G]
née le 21 Juillet 1965 à [Localité 5], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Jocelyne PUVENEL, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Philippe COULANGE, Président
Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère
Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Octobre 2022.
ARRÊT
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Octobre 2022, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE
Suivant contrat conclu sous signatures privées le 1er mars 1995, Monsieur [U] [J] a donné à bail d’habitation à Madame [C] [M] épouse [X] une petite maison de type 3 élevée sur un étage, située [Adresse 1].
Le bailleur est décédé le 27 octobre 2000, laissant pour lui succéder ses descendants et son épouse survivante.
A la suite d’un premier congé pour vendre, un protocole transactionnel a été conclu entre les parties le 25 mars 2003 mettant fin aux procédures en cours, par lequel le propriétaire s’est engagé à consentir un nouveau bail de trois ans et à effectuer diverses réparations dans le logement, en contrepartie d’une augmentation du loyer mensuel à la somme de 430 euros.
Madame [R] [J] épouse [G] a acquis par la suite la pleine propriété de l’immeuble en vertu d’un acte notarié de cession à titre de licitation faisant cesser l’indivision en date du 30 mai 2008.
Par exploit d’huissier du 13 août 2018, elle a donné congé à sa locataire pour l’échéance du 28 février 2019, aux fins de reprise du logement pour occupation personnelle.
Madame [X] ayant refusé de quitter les lieux, Madame [G] l’a assignée à comparaître devant le tribunal d’instance de Marseille par acte délivré le 6 mai 2019, afin d’entendre valider le congé, ordonner son expulsion et fixer une indemnité d’occupation.
La défenderesse s’est opposée à cette action en invoquant l’irrégularité du congé du fait du caractère indécent du logement, et a réclamé reconventionnellement paiement de 15.480 euros à titre de restitution des loyers perçus sur une période de 36 mois, et de 7.622,45 euros au titre de travaux de remise en état réalisés par ses soins en lieu et place du propriétaire.
Par jugement rendu le 24 juin 2020 et expressément assorti de l’exécution provisoire, la juridiction saisie, devenue entre-temps le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire, a :
– validé le congé,
– ordonné l’expulsion de Madame [X] et de tous occupants de son chef,
– fixé une indemnité d’occupation équivalente au montant du loyer et des charges,
– débouté Madame [X] de ses demandes reconventionnelles,
– et condamné la défenderesse aux dépens.
Madame [C] [X] a interjeté appel de cette décision par déclaration adressée le 9 juillet 2020 au greffe de la cour.
La mesure d’expulsion a néanmoins été exécutée le 4 août 2022 avec le concours de la force publique.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses conclusions d’appel notifiées le 1er octobre 2020, Madame [C] [M] épouse [X] fait valoir en premier lieu que la bailleresse ne justifie pas du caractère réel et sérieux du motif de la reprise.
En tout état de cause, elle invoque les dispositions de l’article 1719 du code civil, en vertu desquelles le bailleur ne peut se prévaloir de la résiliation du bail pour demander l’expulsion de l’occupant lorsque les locaux loués sont impropres à l’usage d’habitation en raison de leur caractère indécent. Elle soutient que tel est le cas en l’espèce dans la mesure où le logement est dépourvu d’eau chaude et ne dispose pas d’une porte d’entrée fonctionnelle.
Elle réitère d’autre part les demandes reconventionnelles formulées en première instance.
Elle demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau :
– de déclarer le congé non valide,
– de condamner Madame [G] à lui payer la somme de 15.480 euros à titre de restitution des loyers perçus durant 36 mois, et celle de 7.622,45 euros au titre des travaux de remise en état du bien financés en lieu et place du propriétaire,
– de condamner l’intimée aux dépens, outre la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions récapitulatives en réplique notifiées le 18 août 2022, Madame [R] [G] née [J] soutient que le caractère réel et sérieux du motif du congé réside dans sa volonté de se rapprocher de sa mère âgée, dont l’état de santé nécessite des soins.
Elle conteste le caractère indécent du logement, et ajoute qu’en toute hypothèse les dispositions de l’article 1719 du code civil ne font pas obstacle à l’exercice de son droit de reprise.
Elle fait valoir que Madame [X] est seule responsable du préjudice de jouissance qu’elle invoque, en raison de son obstruction à l’intervention des artisans chargés d’effectuer les réparations nécessaires.
S’agissant enfin de la demande en remboursement du coût des travaux de remise en état, elle soutient que ceux-ci auraient été effectués dans le cadre d’un accord conclu entre les parties lors de la prise d’effet du bail, et qu’en tout état de cause cette réclamation n’est pas justifiée par la production des factures correspondantes.
Elle demande à la cour de confirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions, et de condamner l’appelante aux entiers dépens, ainsi qu’à lui verser la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La clôture de l’instruction est intervenue le 22 août 2022.
DISCUSSION
Sur la validité du congé :
En vertu des dispositions de l’article 15 paragraphe I de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur peut donner congé à son locataire en observant un délai de préavis de six mois au moins avant l’échéance du bail en cours, lorsqu’il entend notamment reprendre le logement pour l’habiter lui-même. Il lui incombe en ce cas de justifier du caractère réel et sérieux de sa décision.
En l’espèce le congé délivré le 13 août 2018 pour l’échéance du 28 février 2019 mentionnait expressément que Madame [R] [G] entendait reprendre les lieux loués afin de les occuper personnellement, en raison de ‘son souhait de se rapprocher géographiquement de sa mère, laquelle nécessite des soins.’
Il est produit aux débats deux certificats médicaux :
– le premier en date du 7 février 2019, contemporain de la date d’échéance du congé, indiquant que l’état de santé de Madame [P] [N] veuve [J], alors âgée de 80 ans révolus, nécessitait la présence de sa fille à ses côtés,
– et le second daté du 12 août 2022, contemporain de l’exécution de la mesure d’expulsion, précisant que l’intéressée a besoin d’une assistance à domicile pour les actes de la vie courante.
Il résulte également des autres pièces soumises à l’appréciation de la cour que Madame [R] [G] résidait à l’époque de la notification du congé sur la commune de [Localité 6], tandis que le logement objet de la reprise se situe à 15 minutes à pied du domicile de sa mère situé [Adresse 4].
Ces éléments, qui ne sont pas utilement contredits par l’appelante, conduisent à considérer que le caractère réel et sérieux du motif de la reprise est suffisamment justifié.
D’autre part, c’est à bon droit que le premier juge a considéré que les dispositions de l’article 1719-1° du code civil, en vertu desquelles le bailleur ne peut se prévaloir de la résiliation du bail pour demander l’expulsion de l’occupant lorsque les locaux loués sont impropres à l’usage d’habitation, ne s’appliquent pas dans le cas de l’exercice par le bailleur de son droit de reprise.
Le jugement entrepris doit dès lors être confirmé en ce qu’il a validé le congé litigieux et ordonné l’expulsion de Madame [C] [X], avec toutes ses conséquences de droit.
Sur la demande reconventionnelle en remboursement du coût de travaux :
L’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit que le bailleur est obligé de délivrer au locataire un logement en bon état d’usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement ; toutefois les parties peuvent convenir par une clause expresse des travaux que le locataire exécutera ou fera exécuter et des modalités de leur imputation sur le loyer ; cette clause prévoit la durée de cette imputation et, en cas de départ anticipé du locataire, les modalités de son dédommagement sur justification des dépenses effectuées.
En l’espèce le bail conclu entre les parties ne contient pas une telle clause, et Madame [X] ne produit aucune facture propre à établir la nature et le coût des travaux qu’elle aurait réalisés en lieu et place du propriétaire.
D’autre part, s’il résulte des pièces versées aux débats que l’intéressée avait effectivement souscrit en 1999 un prêt d’un montant de 7.000 francs pour financer des travaux évalués au total à la somme de 12.000 francs, il ressort également de la relation des faits transcrite par son assistante sociale que cette dépense avait été réalisée en contrepartie de l’engagement du propriétaire de renouveler le bail. Or, le contrat de location s’étant poursuivi durant 24 ans, il convient de considérer que celle-ci est désormais largement amortie.
En outre le premier juge a justement relevé que les conditions du bail avaient été renégociées en 2003.
Le jugement déféré sera donc également confirmé en ce qu’il a débouté la locataire de sa demande en paiement de la somme de 7.622,45 euros.
Sur la demande reconventionnelle en répétition des loyers :
Enfin c’est par de justes motifs, adoptés par la cour, que le tribunal a rejeté la demande en répétition des loyers formulée par Madame [X], en retenant que l’intéressée avait fait obstruction à l’intervention des artisans chargés par la bailleresse de remplacer la porte d’entrée et de réparer le chauffe-eau, que ledit appareil avait été ‘disjoncté’ par la locataire, et que celle-ci avait en outre piraté le compteur électrique du logement.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Madame [C] [M] épouse [X] aux dépens de la procédure d’appel, ainsi qu’au paiement d’une somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par l’intimée.
LA GREFFIERELE PRESIDENT