Secret des correspondances : 4 mars 2010 Cour d’appel d’Orléans RG n° 09/03033

·

·

Secret des correspondances : 4 mars 2010 Cour d’appel d’Orléans RG n° 09/03033
Je soutiens LegalPlanet avec 5 ⭐

4 mars 2010
Cour d’appel d’Orléans
RG n°
09/03033

C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE

PRUD’HOMMES

GROSSES le 04 MARS 2010 à

la SELARL VACCARO & ASSOCIES

la SELARL 2 BMP BARON-BELLANGER-MARSAULT-PALHETA

COPIES le 04 MARS 2010 à

S.A.R.L. MBAR

[G] [B]

ARRÊT du : 04 MARS 2010

N° : – N° RG : 09/03033

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Conseil de Prud’hommes de TOURS en date du 22 Avril 2008 – Section : COMMERCE

ENTRE

APPELANTE :

S.A.R.L. MBAR agissant poursuites et diligences de son représentant légal

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Maître LEFRANCOIS de la SELARL VACCARO & ASSOCIES, avocat au barreau de TOURS

ET

INTIMÉ :

Monsieur [G] [B]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité 8]

comparant en personne, assisté de Maître BARON de la SELARL 2 BMP BARON-BELLANGER-MARSAULT-PALHETA, avocat au barreau de TOURS

Après débats et audition des parties à l’audience publique du 28 Janvier 2010

LA COUR COMPOSÉE DE :

Monsieur Daniel VELLY, Président de Chambre,

Monsieur Pierre LEBRUN, Conseiller,

Madame Isabelle RAIMBAUD-WINTHERLIG, Conseiller,,

Assistés lors des débats de Mademoiselle Valérie LATOUCHE, Greffier,

Puis ces mêmes magistrats ont délibéré dans la même formation et à l’audience publique du 4 Mars 2010, Monsieur Daniel VELLY, Président de Chambre, assisté de Mademoiselle Valérie LATOUCHE, Greffier, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :

RÉSUMÉ DES FAITS et DE LA PROCÉDURE

Monsieur [G] [B] a saisi le Conseil de Prud’hommes de TOURS de diverses demandes à l’encontre de la SARL MBAR, pour le détail desquelles il est renvoyé au jugement du 22 avril 2008, la cour se référant aussi à cette décision pour l’exposé de la demande reconventionnelle.

Il a obtenu :

– 9.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement infondé ;

– 2.866,06 euros de préavis ;

– 296,67 euros de congés payés afférents ;

– 727,53 euros de salaire pendant la mise à pied conservatoire, congés payés inclus;

– 859,82 euros d’indemnité de licenciement ;

– un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation ASSEDIC sous astreinte de 15 euros par jour et par document quinze jours après la notification ;

– 900 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le remboursement des indemnités de chômage a été ordonné, dans la limite de deux mois.

Le jugement a été notifié à la société le 19 juin 2008.

Elle en a fait appel le 24 juin 2008.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES

Elle demande :

– le débouté intégral ;

– 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle expose que Monsieur [B], technicien appareil médical depuis 2003, a reçu des observations écrites et un avertissement, avant d’être licencié pour faute grave le 12 juillet 2006.

Elle explique pourquoi les griefs sont établis et constituent une faute grave, en critiquant la motivation du jugement.

Monsieur [B] fait appel incident pour obtenir :

– 15.000 euros de dommages et intérêts ;

– l’exécution provisoire (!) ;

– une astreinte de 50 euros ;

– 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il explique pourquoi les faits, ou bien ne sont pas établis, ou bien ne sont pas fautifs.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Eu égard aux dates ci-dessus, les appels, principal et incident, sont recevables.

La société a pour activité la vente, la location et la maintenance d’appareils et de fourniture à des patients dépendants, handicapés et malades.

Elle engage Monsieur [B], le 8 juillet 2003, comme technicien d’appareil médical.

Après plusieurs observations écrites et un avertissement du 16 juin 2006 (dont il ne demande pas l’annulation), elle le licencie pour faute grave le 12 juillet 2006, dans les termes suivants :

‘En effet, vous avez fait par le passé l’objet de trois avertissements en date des 7 juin 2005, 28 juin 2005 et 9 janvier 2006, toujours liés à une volonté de votre part de ne pas respecter les consignes données par la société qui vous emploie, en maintenant une opposition systématique à l’égard de la direction.

Depuis lors, les faits ci-dessous motivent la décision de licenciement à savoir :

– non-respect des horaires de travail :

Monsieur [N], votre responsable technique, vous a, à de nombreuses reprises, rappeler vos horaires et les a confirmés par le biais d’une note de service.

Notamment, dans la semaine du 14 au 20 juin 2006, le non-respect de vos horaires a entraîné un décalage énorme dans la journée de travail, que vous organisez à votre seule guise et au plus grand préjudice de notre organisation, pour être disponible vers 15 heures, tous les jours, tout en coupant alors votre téléphone professionnel, ce qui vous rend injoignable, même pour un cas d’urgence.

– insubordination :

Monsieur [N] vous a laissé le 21 juin 2006 de nombreux messages et un SMS pour vous demander d’organiser votre journée du lendemain avec Madame [O], dont la tournée était proche de la vôtre pour fixer avec elle un point de rencontre pour récupérer un examen de sommeil.

Le 22 juin 2006 à neuf heures, Monsieur [N] qui n’avait aucune nouvelle de vous, a dû vous recontacter, ce qui justifie un mode de travail compliqué, du fait de votre seule volonté de ne pas répondre pour obtenir confirmation que vous avez pris bonne note de l’instruction.

Ce même 22 juin 2006, une urgence en oxygène s’est présentée, ce qui constitue la priorité des priorités dans notre activité, vous étiez géographiquement le plus proche pour transmettre à un autre de vos collègues, Monsieur [W], l’oxygène nécessaire.

A midi, vous avez été contacté par votre responsable technique et vous avez indiqué qu’il n’était pas question que vous fassiez cette intervention, puisque vous aviez commencé votre journée à 6 h 30 (d’ailleurs sans respecter les horaires voir ci-dessus).

Vous avez par la suite empêcher tout contact avec votre responsable technique en vous rendant injoignable et vous lui avez même raccroché au nez lorsqu’il a pensé qu’il pourrait vous joindre à l’occasion de votre point de rendez-vous avec Mme [O].

– Faute dans l’exécution de votre contrat concernant la propreté du matériel :

En date du 22 mai 2006, vous avez déposé chez un patient, du matériel dans un état de santé déplorable, ce qui nous a causé des difficultés avec ce patient qui est allé se plaindre chez son pneumologue, qui nous a, à son tour, répercuté sa réelle insatisfaction.

– Problème de comportement et propos calomnieux à l’égard de la direction :

Vous adoptez généralement une attitude de provocation à l’égard de la direction, comme par exemple le jour du pot d’accueil de trois nouvelles personnes le 19 juin 2006 lors duquel vous aviez indiqué ‘il y a des gens avec lesquels je ne peux pas prendre un verre’.

Ou encore, suite à la redistribution de téléphones aux nouveaux arrivants, un message a pu être capté, laissé par vous-même à votre collègue Mme [O] et entendu par Monsieur [N] et Madame [E];

Dans le cadre de ce message, vous avez indiqué : ‘si tu arrives à leur faire donner un document écrit, ils l’ont dans le cul, on les emmène aux prud’hommes, on va les baiser jusqu’à l’os, on va couler la société’.

L’ensemble de ces faits démontre que vous êtes absolument incontrôlable dans le cas de votre travail et qu’il n’est pas possible d’imaginer la poursuite de votre contrat, même pendant la période de préavis, d’autant que parallèlement vous adoptez une attitude d’hostilité qui ne cesse de croître à l’égard de la direction, allant jusqu’à proférer des propos qui sont absolument inadmissibles à l’égard de votre employeur’.

Le non-respect des horaires

Monsieur [B] soutient que la société ne pouvait lui fixer unilatéralement ses horaires, du fait que le contrat de travail, après avoir fixé la durée de celui-ci à 151 heures 67 par mois, soit 35 heures par semaine, indique que :

‘la répartition de cette durée entre les jours de la semaine est faite d’un commun accord entre les parties’.

Ce n’est donc que la répartition de la durée des heures entre les jours de la semaine qui est soumise à l’accord de Monsieur [B]. C’est ainsi que, devant normalement faire 7 heures par jour, son acceptation était requise si la société avait décidé de lui faire faire, par exemple, 6 heures le lundi et 8 heures le mardi, mais la société était parfaitement en droit de fixer unilatéralement l’heure de début et l’heure de fin des journées de travail, dans le cadre de son pouvoir de direction et d’organisation.

Si rien ne prouve que la note de service du 13 juin 2006, imposant aux salariés de se conformer aux horaires d’ouverture des locaux, soit 8 heures-17 heures, sauf dérogation exceptionnelle après avoir averti le responsable technique Monsieur [N], ait été portée à la connaissance de l’intimé, Monsieur [N] a établi, le 15 juin 2006, un rapport qui mérite d’être retenu comme objectif, cette date étant antérieure à l’engagement de la procédure de licenciement.

Après avoir exposé que Monsieur [B] positionnait ses horaires journaliers comme il l’entendait, ce qui n’était pas sans inconvénient, et précise que, le 14 juin 2006, il a dit à celui-ci que désormais, il devait respecter les horaires de la société, comme ses collègues, et commercer sa journée à 8 heures.

Son supérieur hiérarchique, représentant l’employeur, l’a clairement informé sur ce point, peu important que ce ne soit pas par écrit.

Si le 15 juin ne peut être retenu, puisque antérieur à l’avertissement du 16 juin qui épuisait le pouvoir disciplinaire de l’employeur, même pour les faits non sanctionnés, il résulte des plannings de Monsieur [B] que :

– le 20 juin 2006, il a commencé à 6 heures 40 pour terminer à 15 heures 50 ;

– le 22 juin 2006, il a commencé à 6 heures 30 (finissant à 17 heures 20).

Ce faisant, il a méconnu l’instruction ci-dessus.

En outre, il ne conteste pas qu’à la fin de sa journée, il coupait son portable professionnel. C’est ainsi que le 20, il n’était plus joignable après 15 heures 50, même en cas d’urgence.

Dans cette mesure, ce grief sera retenu.

La subordination

Les faits du 21 et 22 juin 2006 (Mme [O])

Ce qui lui est reproché, c’est de ne pas avoir répondu à Monsieur [N], le 21 juin, qu’il avait fait le nécessaire auprès de Madame [O], la responsable technique devant le rappeler le 22 à 9 heures pour le savoir.

Là aussi, Monsieur [N] a établi un rapport de faits.

S’il dit avoir appelé Monsieur [B] à plusieurs reprises, laissant un message sur son portable, et lui envoyant ensuite un SMS, il ne précise pas qu’il avait demandé à Monsieur [B] de le rappeler une fois le nécessaire fait, alors que Monsieur [B] le nie dans sa contestation du 22 juillet 2007;

Il existe à tout le moins un doute sur ce point qui ne permet pas de retenir ce grief.

Les faits du 22 juin 2006 (M. [W])

Monsieur [B] les reconnaît, mais soutient qu’en raison de son planning chargé, d’autant plus qu’il avait déjà fait un dépannage supplémentaire, et de l’éloignement de [Localité 5], il ne lui était pas possible d’assurer ce nouvel imprévu.

Il résulte du rapport de Monsieur [N], de l’attestation de Madame [E], responsable administrative, et de celle de Madame [U], secrétaire, qu’il a opposé un refus catégorique et réitéré en invoquant les raisons ci-dessus.

Ce faisant, il a commis une faute ; c’est à l’employeur, représenté par la hiérarchie, d’apprécier l’urgence des tâches à réaliser, et de donner les instructions en conséquence, cela s’appelle le lien de subordination. Il devait donc faire ce qui lui était demandé, quitte à ne pas intervenir chez ses derniers clients programmés, après en avoir avisé Monsieur [N], si cela devait le conduire à faire des heures supplémentaires recensées au cours de cette journée.

Cette faute sera retenue.

La propreté du matériel

Selon l’attestation de Madame [E], c’est le 1er juin 2006 que le docteur [J], pneumologue, l’a appelée pour lui faire part de son ‘profond mécontentement’ du fait que Monsieur [B] avait déposé du matériel sale chez un de ses clients, Monsieur [R].

La société avait donc connaissance de ce grief à cette date.

L’avertissement du 16 juin 2006 exprimait le pouvoir disciplinaire de l’employeur, ce fait ne peut plus être invoqué.

Le comportement et les propos calomnieux

Le 19 juin 2006

Les faits sont reconnus et attestés.

Monsieur [B] n’a pas dépassé les limites de sa liberté d’expression en indiquant qu’il ne souhaitait pas partager un moment de convivialité avec certains de ses collègues.

Le message

La teneur des propos est attestée par Monsieur [N] et Madame [E].

Si Monsieur [N] pouvait écouter les messages enregistrés sur le téléphone portable professionnelle de Madame [O], qui étaient présumés avoir un tel objet, la phrase litigieuse avait un caractère privé, étant couverte par le secret des correspondances, et ne pouvait donc être retenue comme faute.

En résumé, après diverses observations écrites et un avertissement :

– Monsieur [B] a fait fi, les 20 et 22 juin 2006, des instructions verbales de son supérieur, lui ordonnant de ne commencer sa journée de travail qu’à 8 heures, n’étant plus disponible pour répondre à des urgences après 15 heures 50 le 20 ;

– le 22 juin, il a ignoré une instruction de celui-ci, lui enjoignant d’assurer un dépannage urgent, pour un motif qui ne peut être retenu.

S’il ne s’agit pas d’une faute grave, le contrat pouvait se poursuivre pendant la durée limitée du préavis, ces faits constituent malgré tout une cause sérieuse de licenciement.

Il convient de confirmer les sommes allouées, mais de rejeter les dommages et intérêts, et le remboursement des indemnités de chômage.

L’astreinte destinée à assurer la remise des documents a été justement fixée à 15 euros.

L’exécution provisoire est inutile, un éventuel pourvoi n’étant pas suspensif.

Il est inéquitable que Monsieur [B] supporte les frais irrépétibles nécessaires au recouvrement des sommes dues.

Compte tenu d’une audience supplémentaire devant la cour pour une tentative de conciliation et des frais engagés (déplacement [Localité 8]-[Localité 6], perte de salaire pour une demi-journée), il convient de confirmer les 900 euros, et d’y ajouter 600 euros.

Enfin, les dépens seront partagés par moitié.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

DÉCLARE recevables les appels, principal et incident ;

CONFIRME le jugement, sauf sur les points ci-après ;

REJETTE la demande de dommages et intérêts pour licenciement infondé ;

DIT n’y avoir lieu à remboursement des indemnités de chômage ;

CONDAMNE la SARL MBAR à payer à Monsieur [G] [B] 600 euros supplémentaires en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE chaque partie à supporter la moitié des dépens de première instance et d’appel.

Et le présent arrêt a été signé par le Président de Chambre et par le Greffier

Valérie LATOUCHE Daniel VELLY

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x