Secret des correspondances : 20 juin 2011 Cour d’appel de Grenoble RG n° 10/03554

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Secret des correspondances : 20 juin 2011 Cour d’appel de Grenoble RG n° 10/03554
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20 juin 2011
Cour d’appel de Grenoble
RG n°
10/03554

RG N° 10/03554

N° Minute :

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU LUNDI 20 JUIN 2011

Appel d’une décision (N° RG F08/00176)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VIENNE

en date du 13 juillet 2010

suivant déclaration d’appel du 30 Juillet 2010

APPELANT :

Monsieur [J] [G]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Comparant et assisté par Me Joël GAUDE (avocat au barreau de LYON)

INTIMÉE :

La S.A. RES HUMANA

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Madame [X] (P.D.G.) et assistée par la SCP AGUERA & ASSOCIES (avocats au barreau de LYON) substituée par Me BIDAL (avocat au barreau de LYON)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur Daniel DELPEUCH, Président de Chambre,

Monsieur Eric SEGUY, Conseiller,

Madame Dominique JACOB, Conseiller,

Assistés lors des débats de Madame Simone VERDAN, Greffier.

DEBATS :

A l’audience publique du 16 Mai 2011,

Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 20 Juin 2011.

L’arrêt a été rendu le 20 Juin 2011.

Notifié le :

Grosse délivrée le :

RG 10 3554 ES

A l’issue de pourparlers dans le cadre desquelles une convention de confidentialité a été signée entre les parties le 8 avril 2002 pour une durée de dix années, [J] [G], à l’époque dirigeant d’une société d’informatique, a été engagé à compter du 1er décembre 2002 et pour une durée indéterminée par la société RES HUMANA, entreprise de gestion externalisée de ressources humaines pour les PME, en qualité de responsable de la recherche et développement informatique, statut cadre, moyennant une rémunération annuelle forfaitaire brute de 45.800 euros.

Il a fait l’acquisition de 200 parts de cette société soit 15.000 € et son contrat de travail prévoyait que, compte tenu de sa contribution au projet, il serait associé au plan d’attribution de bons de souscription ou d’achat d’actions de la société.

Un avertissement lui a été notifié le 24 janvier 2005.

[J] [G] a été convoqué le 17 février 2005, avec mise à pied conservatoire, à un entretien préalable fixé au 28 février 2005 puis a été licencié pour faute lourde par lettre du 4 mars 2005.

Il a contesté cette mesure dès le 17 mars 2005 devant le conseil de prud’hommes de Lyon qui, le 2 mars 2006, a ordonné à la requête de la défenderesse le renvoi de l’affaire devant celui de Vienne en raison de la qualité de conseiller prud’homme du PDG de la société, [O] [X].

Entre-temps, suite à une plainte avec constitution de partie civile déposée le 23 septembre 2005 par son ancien employeur, une information judiciaire a été ouverte le 21 novembre 2005 et [J] [G] a été mis en examen pour abus de confiance pour avoir détourné l’ordinateur, la connexion internet mis à sa disposition par l’employeur et le logiciel SOFT RH SYSTEM et pour avoir saboté ce programme informatique.

Cette procédure a été clôturée par un arrêt de non-lieu prononcé le 30 avril 2010 par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Lyon, arrêt frappé d’un pourvoi.

Par jugement du 10 juillet 2007, le conseil de prud’hommes de renvoi a estimé qu’il n’y avait pas d’identité d’objet entre les griefs de la lettre de licenciement et ceux ayant fait l’objet de cette plainte et a jugé n’y avoir lieu de surseoir à statuer dans l’attente de l’issue de cette procédure pénale.

C’est dans ce contexte que, par jugement du 13 juillet 2010, le conseil de prud’hommes de Vienne a :

– dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse,

– débouté [J] [G] de ses demandes au titre d’un harcèlement moral, d’heures supplémentaires non rémunérées et du paiement d’une contrepartie financière à une clause considérée par le salarié comme une clause de non concurrence et au titre de la privation de la possibilité de lever l’option d’achat d’actions qui lui avait été consentie,

– condamné la société RES HUMANA à verser au demandeur :

‘ 1.459,49 € d’indemnité de licenciement,

‘ 11.450 euros d’indemnité compensatrice de préavis, plus les congés payés afférents,

‘ 3.434 euros d’indemnité compensatrice de congés payés, plus les congés payés afférents,

‘ 1.500 euros d’indemnité pour frais irrépétibles.

[J] [G] a relevé appel le 30 juillet 2010.

Il demande à la cour d’infirmer cette décision sur l’existence d’une cause réelle et sérieuse, de condamner son ancien employeur à lui verser :

‘ 45.8000 euros, soit 12 mois de salaire, à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

‘ 12.267 euros de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire,

‘ 22.900 euros de dommages et intérêts distincts pour harcèlement moral,

‘ 13.009,60 euros de rappel d’heures supplémentaires,

‘ 27.480 euros d’indemnité compensatrice de clause de non-concurrence,

‘ 28.400 euros en réparation du préjudice consécutif à la privation de son droit de lever ses stock-options,

‘ 7.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il conteste point par point les griefs de développement d’un logiciel hermétique, de menace de prendre la société en otage et de dénigrement.

Il reproche aux premiers juges d’avoir caractérisé une insubordination et un comportement insultant non visés dans la lettre de licenciement.

Il invoque la décision de non-lieu dont il avait bénéficié sur les accusations d’abus de confiance et qui recouvraient, selon lui, une partie des griefs.

Il estime :

‘ que l’audit du logiciel SOFT RH, au développement duquel il avait travaillé et son licenciement reposaient en réalité sur des motifs dissimulés, à savoir permettre à la société RES HUMANA, via un prestataire de service improprement qualifié de consultant, de s’assurer de la possibilité d’utiliser l’outil informatique sans lui et de trouver matière à reproches à l’appui d’une éviction à venir,

‘ que cette éviction reposait sur un motif économique dissimulé, à savoir l’arrivée à terme des prêts et avances de l’ANVAR obtenues pour financer le développement de ce logiciel, maintenant achevé et des difficultés de trésorerie qui avaient notamment retardé le paiement de ses importants salaires.

Il fait observer qu’il n’avait pas été remplacé.

Il fait valoir que l’apport de 15.000 € en capital, la reconnaissance par l’employeur le 24 janvier 2005 de sa compétence professionnelle et du fait que le logiciel était le ‘fleuron’ de la société, était contradictoire avec la prétendue intention de nuire.

Il invoque une ambiance de travail stressante entretenue par [O] [X] et le directeur administratif et financier, [P] [Z], un dénigrement systématique des salariés dont certains avaient d’ailleurs démissionné.

Il conteste le détournement de clientèle au profit de sa propre société AVEIS, explique qu’au moment de son embauche, l’employeur savait qu’il avait détenait des parts dans une société informatique, qu’en 2004 il avait dissout cette société pour investir dans une autre, mais que cela n’avait jamais constitué une activité concurrente. Il souligne que les pièces obtenues par l’employeur dans le cadre d’une procédure non contradictoire avaient été annulées par d’autres décisions juridictionnelles et accuse à son tour son employeur de machiavélisme.

Il prétend qu’il travaillait régulièrement 40 heures par semaine.

Il estime que l’article 3 de son contrat de travail s’analysait en une clause de non concurrence.

Il conclut au rejet de la demande en paiement d’une somme de 45.800 euros pour inobservation des obligations d’exclusivité et de fidélité en contestant le manquement allégué, en invoquant l’absence de toute preuve et en relevant le caractère variable au fil de la procédure des réclamations formées contre lui de ce chef.

La société RES HUMANA demande à la cour de confirmer le jugement sur l’existence d’une cause réelle et sérieuse, d’infirmer ses autres dispositions, de juger que le licenciement litigieux repose bien sur une faute lourde, de débouter l’appelant de ses demandes et au contraire de le condamner au paiement des sommes de 45.800 euros par application de l’article 3 de son contrat de travail et de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle rappelle l’antécédent disciplinaire du 24 janvier 2005 dont elle relève que l’annulation n’était pas sollicitée.

Elle s’explique point par point sur les griefs de la lettre de licenciement, reproche à [J] [G] d’avoir adopté un comportement perturbateur, d’avoir dénigré l’employeur, d’avoir déclaré que le logiciel ne pouvait fonctionner sans lui, de n’avoir pas mis à jour depuis 2003 la documentation de ce logiciel, de ne pas avoir fourni, dans l’intention de nuire, le modèle conceptuel des données et les éléments structurant du logiciel, rendant celui-ci impossible à maîtriser, ce qui avait été découvert lors de l’audit et de s’être consacré, pendant l’exécution de son travail, à l’activité de la société, dont il avait été l’un des fondateurs en février 2004 et qui était une société concurrente.

Elle conteste que l’appelant produise des éléments précis et concordants au soutien de son accusation de harcèlement moral et de sa demande de rappel de salaire d’heures supplémentaires en faisant valoir qu’il était cadre autonome soumis à une convention contractuelle de forfait.

Elle estime que l’article 3 du contrat de travail constituait une clause de fidélité, de loyauté et une convention de confidentialité dont le cadre [J] [G] s’était affranchi, d’où la demande reconventionnelle égale à un an de rémunération et qu’au demeurant, si cet article constituait une clause de non concurrence, l’intéressé ne l’avait pas respectée.

Elle soutient que [J] [G] avait perdu son droit de lever l’option d’achat d’actions de la société et fait valoir subsidiairement que la valorisation des actions était sinon fantaisiste du moins excessive.

Sur quoi :

Attendu que la lettre de licenciement pour faute lourde du 4 mars 2005 rappelle les termes de l’avertissement infligé le 24 janvier 2005 pour des faits du 20 janvier 2005 et énonce quatre griefs nouveaux et distincts :

(a) avoir menacé de prendre l’entreprise en otage pour avoir dit à [O] [X], le 7 février 2005, que la société ne valait ‘pas grand chose’ et, le 8 février 2005, lorsque la dirigeante lui avait annoncé sa décision de procéder à un audit destiné à mesurer les potentialités d’évolution du logiciel SOFT RH SYSTEM, que celui-ci ‘ne pouvait fonctionner sans lui et que la société ne valait rien sans lui ‘,

(b) s’être permis de dire ‘avec un air goguenard ‘ au consultant de la société PERCALL, [B] [KF], lors de la définition de la mission d’audit, qu’il trouvait que c’était une ‘très bonne idée’ de rayer un nom sur une carte de visite de la société PERCALL pour mettre le nom de ce consultant à la place de celui du dirigeant de PERCALL,

(c) d’une part, l’inexistence de divers documents ayant trait au logiciel SOFT RH, à savoir un modèle conceptuel de données, un diagramme des flux, un manuel d’exploitation et d’administration et, d’autre part, l’absence de mise à jour de la documentation technique de ce logiciel depuis un an, situation présentée par l’employeur en premier lieu comme lui ayant permis de comprendre le sens des propos tenus par [J] [G] le 8 février et, en second lieu, comme de nature à rendre difficile pour un autre que [J] [G] la compréhension du développement de cet outil,

(d) un dénigrement de l’employeur pour avoir critiqué devant deux collaboratrices stagiaires, [TM] [KF] et [GF] [U], les horaires ou le comportement de la direction et pour avoir invité ces stagiaires à ‘noter telle ou telle information’ ;

Attendu que le conseil de prud’hommes a considéré que le salarié avait fait preuve d’une insubordination mais que ce grief n’est pas énoncé dans la lettre de licenciement qui fixe définitivement les limites du litige ;

Attendu qu’il ressort des éléments aux débats que plusieurs mois avant la conclusion du contrat de travail litigieux, [J] [G] avait réalisé le schéma directeur informatique du projet SOFT RH SYSTEM pour le compte de la société RES HUMANA, dans le cadre de relations commerciales et, plus particulièrement, dans le cadre d’un contrat de prestations techniques conclu le 2 août 2002 entre la société d’informatique IMEF CONSEIL que [J] [G] exploitait alors, et la société RES HUMANA ;

Que, dans le cadre de contrat de travail qui avait ensuite été conclu entre les parties le 1er décembre 2002, [J] [G] avait été notamment chargé de la définition et de la conception des cahiers des charges pour les applicatifs du logiciel de gestion administrative du personnel ‘SOFT RH SYSTEM’, progiciel dont la fonction était principalement d’assurer pour les clients de la société le traitement complet de la paie, le suivi des relations avec les organismes sociaux, la gestion des événements liés aux contrats de travail ainsi qu’un accès de ces clients à des conseils personnalisés ;

Attendu qu’un audit d’évaluation de ce logiciel SOFT RH avait été décidé en février 2005 par le PDG de la société ; que cette décision avait été annoncée à [J] [G] le 8 février 2005 par [O] [X], qui lui avait présenté le même jour [B] [KF], consultant de la société PERCALL chargé de cet audit dont le commencement avait été fixé par la dirigeante au 14 février suivant ;

Attendu que pour preuve du grief tenant à la réaction verbale de [J] [G] à l’annonce de cet audit, l’intimée se fonde sur le témoignage rédigé le 3 mars 2005 par un dénommé [W] [K] à propos de cette annonce qui avait provoqué, selon le témoin, une vive réaction chez [J] [G] qui avait déclaré que ‘le programme SOFT RG ne pouvait fonctionner sans lui et que la société n’avait aucun valeur sans lui’ ;

Que B. [K] se présente comme le gérant d’une société de gestion de risque et de recherche de financement, mandaté par RES HUMANA et qui avait présenté à cette dernière l’entreprise PERCALL pour faire évaluer le logiciel précisément dans le cadre d’une recherche d’investisseurs ;

Que toutefois, il n’est pas contesté par l’intimée que B. [K] était aussi administrateur de la société RES HUMANA, ce qu’il n’avait pas mentionné dans son témoignage écrit et ce qui altère sérieusement le caractère d’impartialité de ce document, présenté comme émanant d’un tiers ;

Attendu que l’intimée produit des attestations rédigées les 8 mars 2005 et 2 mai 2011 par [P] [Z], qui n’est pas non plus un simple collègue de travail de [J] [G] comme tente le présenter l’employeur, mais qui était le directeur associé de la société RES HUMANA et, à l’époque des faits, l’ami intime de [O] [X], de sorte que sa version des faits n’est qu’une redite des affirmations de l’employeur avec lequel ce témoin se confond ;

Attendu que l’intimée tente également d’asseoir le grief sur les témoignages de [M] [Y], DRH d’une entreprise cliente, et de [D] [KH], actionnaire de la société RES HUMANA ;

Mais que la première se borne à indiquer que le comportement de [J] [G] lors de la mise en place de l’outil logiciel dans sa propre entreprise l’avait surpris en ce qu’il avait l’air d’ ‘être ailleurs’, levait les yeux au ciel lorsque la dirigeante s’exprimait sur les fonctionnalités de ce système, qu’il était difficile à joindre et peu disponible pour régler les problèmes techniques ;

Que, toutefois, le grief ne porte pas sur le comportement professionnel de [J] [G] avec les clients et qu’il n’apparaît pas que [M] [Y] avait assisté à la réunion du 8 février 2005 ;

Que la seconde se borne à des généralités sur ses relations avec Mme [X] et M. [Z], relève des ‘attitudes très décontractées … à la limite du respect’ de [J] [G] et fait état de ses inquiétudes sur l’attitude de ce dernier mais sans évoquer de fait précis et daté, à l’exception d’un fait survenu le 30 juin 2004 lors d’une assemblée générale annuelle de la société mais qui n’est pas repris dans la lettre de licenciement ;

Que le reste de son témoignage contient des éléments indirects rapportés par Mme [X] et des appréciations sur le litige prud’homal ;

Attendu que dès l’entretien préalable, dont il est produit un compte rendu détaillé rédigé par [T] [V], conseiller du salarié, [J] [G] avait contesté l’ensemble des reproches, avait nié en particulier avoir dit que ‘SOFT RH ne pas fonctionne pas sans moi’ mais aurait dit, toujours selon lui : ‘la société vaut moins sans moi dedans’ ce qui n’a pas du tout le même sens ni la même portée ;

Attendu qu’aucun élément fiable ne permet de départager les parties sur la réalité des propos tenus par l’intéressé le 8 février 2005 alors que la preuve de la faute lourde incombe à l’employeur ;

Que par ailleurs, à la lecture même de la lettre de licenciement qui rattache entre eux ces deux éléments, ce grief (a) ne constitue qu’un accessoire du grief (c), en réalité essentiel et d’une toute autre gravité, à savoir la menace de prise en otage de la société, grief qui sera examiné ci-après ;

Attendu que dans ses conclusions reprises oralement devant la cour et d’ailleurs dans l’attestation de [P] [Z] du 8 mars 2005 déjà citée, l’employeur développe des griefs qui ne figurent pas dans la lettre de licenciement mais qui se rattachent uniquement à des faits identiques à ceux dénoncés dans la plainte avec constitution de partie civile, à savoir le sabotage, le développement d’une activité et d’un logiciel concurrents et le détournement d’un client, accusations dont [J] [G] a été entièrement lavé par une ordonnance de non-lieu du juge d’instruction confirmée par arrêt du 30 avril 2010 de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Lyon ;

Que [J] [G] n’a pas été licencié pour avoir détourné son savoir-faire ou son expérience ni pour s’être mis au service d’une autre société concurrente pendant le cours de son contrat de travail ;

Qu’au soutien de son accusation d’un prétendu sabotage technique, la société RES HUMANA produit des courriels des 22 et 23 mars 2005 d’un agent de la société PERCALL relatifs à une anomalie relevée sur le logiciel à propos d’un code ‘fonction entreprise’ ‘avec une annotation à coté de [J] [G] datant du 9/02/2005 confirmant’, selon ce technicien D. BLANC, que ce code ‘n’était plus envoyé vers SAGE’ (progiciel de traitement de la paie), le technicien ayant rendu cette ligne de code à nouveau active ;

Que ce fait n’est pas invoqué dans la lettre de licenciement qui ne reproche à [J] [G] aucun dysfonctionnement technique du logiciel qui aurait été mis en évidence lors de l’audit ; que la valeur professionnelle de l’intéressé en terme de compétence avait d’ailleurs été expressément reconnue par l’employeur dans la lettre d’avertissement ;

Qu’au demeurant, le salarié s’était expliqué dossier par dossier sur des problèmes de cette nature ou similaires, avant l’engagement de la procédure disciplinaire, au moyen d’un courriel envoyé le 7 février 2005 à [O] [X], en réponse au courriel du 5 février 2005 de la dirigeante sur la question des ‘archivages intempestifs’ et des ‘désarchivages inopérants’ ;

Attendu que ces griefs reposent au surplus sur des constats postérieurs au licenciement et annulés ;

Qu’en effet, le président du tribunal de grande instance de Paris, saisi par requête du 23 mars 2005 de la société RES HUMANA, avait autorisé le même jour 23 mars 2005 qu’il soit procédé à des investigations non contradictoires auprès d’un fournisseur d’accès à une messagerie internet, afin de prendre copie de messages électroniques qui auraient été échangés, via l’adresse personnelle de [J] [G], entre lui et cinq associés ou partenaires de la société AVEIS OFFICE dont il était l’un des associés fondateurs ;

Que par ordonnance du 27 juin 2007, le juge qui l’avait rendue avait finalement rétracté cette décision pour violation du secret des correspondances et avait ordonné respectivement l’annulation et la destruction des constats d’huissier dressés à la suite les 13 avril et 21 juillet 2005 ainsi que les éléments matériels de ces constats ;

Que par arrêt du 19 décembre 2007, la cour d’appel de Paris avait confirmé cette ordonnance, considérant que l’ordonnance sur requête avait violé le principe de la contradiction ;

Attendu que dans ses attestations, [P] [Z] fait état d’un stratagème qu’il impute à [J] [G] en ce, d’une part, il aurait entretenu des liens avec la société AVEIS, en ce que, d’autre part, il aurait orchestré son départ en ayant entretenu des relations de concubinage avec une autre salariée de l’entreprise, [H] [L] qui avait démissionné le 24 décembre 2004 et en ce que la propre mère de cette salariée, [TL] [F], administrateur de la société, avait démissionné de son mandat le 20 février 2005;

Attendu qu’il résulte des éléments aux débats que cette SARL AVEIS, dont les statuts datent du 6 février 2004, avait été immatriculée au RCS de Lyon le 18 février 2004 et avait pour objet social l’édition, l’intégration de progiciel ainsi que des activités de conseil et de formation en systèmes d’information et de gestion ; que [J] [G] en était l’un des fondateurs et détenait de 25% de ses parts ; qu’il en était même le cogérant (extrait Kbis du 29 novembre 2006) ;

Que l’employeur verse à son dossier un procès-verbal de constat d’huissier du 13 juillet 2005 concernant sur le site ‘www.aveis.fr’ et le progiciel ‘Avéis RH’ ; qu’il fait état de la découverte, sur le poste informatique de [J] [G], d’un fichier ‘guide utilisateur’ dans lequel se serait trouvé un ‘guide utilisateur AVEIS OFFICE’ se rapportant, toujours selon l’employeur, à un autre logiciel développé par [J] [G] ;

Mais que, là encore, ces faits ne sont pas invoqués dans la lettre de licenciement, dans laquelle la société RES HUMANA n’avait pas reproché à son responsable de la recherche et du développement informatique d’avoir manqué à son obligation d’exclusivité, ni d’avoir développé ou même tenté de développer une activité avec une société concurrente ou d’avoir, pendant l’exécution de son contrat de travail avec RES HUMANA, travaillé au profit d’une autre société ou d’une autre entreprise ;

Que le prétendu détournement par [J] [G] au profit de sa société AVEIS du client CONJONXION, démarché par un partenaire de la société RES HUMANA, à savoir [R] [E], consultant informatique indépendant, apporteur d’affaires et sous traitant croisé de RES HUMANA, n’est pas davantage énoncé à la lettre de licenciement dans laquelle il n’a pas été reproché non plus à l’appelant d’avoir détourné à son profit ou au profit de tiers des prospects de la société RES HUMANA ;

Qu’au surplus, [J] [G] produit une attestation du directeur général délégué de CONJONXION, [KG] [C], dont il résulte que le projet (réponse à un appel d’offre et projets de contrat de prestations de 58.000 euros de mai 2004) avait donné lieu à un simple contact commercial en mai 2004, ne s’était jamais concrétisé ni avec RES HUMANA ni avec G. [E] ni avec une autre structure en particulier pas avec AVEIS dont ce témoin dit qu’il n’avait pas entendu parler à cette époque ;

Que [J] [G] produit une attestation dans le même sens de [R] [E] et le procès-verbal d’audition de ce partenaire également dans le même sens le 7 novembre 2007 dans le cadre de la procédure d’instruction ;

Que, sur ce point, le reproche se superpose au surplus avec l’accusation d’abus de confiance pour avoir détourné le logiciel SOFT RH au motif, supposé par le plaignant, de permettre l’élaboration du logiciel AVEIS RH, accusation qui avait abouti au non-lieu déjà cité, le juge d’instruction et la chambre de l’instruction ayant considéré que le détournement n’était pas caractérisé, ayant relevé que la pertinence d’une similarité entre les fonctionnalités des deux logiciels était très limitée dans la mesure où il s’agissait de thèmes habituels de gestion du personnel et des ressources humaines et ayant relevé aussi que, lors de la confrontation, Mme [X] avait admis qu’AVEIS RH n’était pas une copie servile de SOFT RH SYSTEM;

Que la société intimée fait une lecture parcellaire et tronquée de l’ordonnance de lieu lorsqu’elle estime que l’instruction avait relevé une ‘similitude’ entre les logiciels ;

Attendu que le litige prud’homal est définitivement limité aux griefs énoncés dans la lettre de licenciement, à savoir avoir voulu se rendre indispensable et avoir pris en otage ou tenté de prendre en otage l’entreprise, les griefs se recoupant ou se superposant d’ailleurs quant même en partie avec la procédure pénale puisque l’un des faits matériels invoqués dans la plainte et dans la lettre de licenciement est l’absence de documentation technique ;

Attendu que l’intimée se fonde pour l’essentiel sur le rapport d’audit et d’évaluation du logiciel par la société PERCALL dans lequel le consultant [B] [KF] avait écrit : ‘ dans l’ensemble la documentation est d’ordre général et n’apporte que peu de réponses pratiques. Ce sont principalement des documents de synthèse et de présentation créés à l’origine du projet. Certains documents incontournables manquent ainsi à l’appel : modèle conceptuel des données, diagramme des flux, schéma d’enchaînement des écrans et des process, règles de gestion, cycle de mise en production, manuel d’exploitation et d’administration’ … ‘la documentation n’est pas suffisante pour appréhender SOFT RH SYSTEM. Elle n’est pas à jour pour être utilisée de manière opérationnelle. En outre, elle ne donne qu’un aperçu parcellaire de l’application. On constate que le suivi de la documentation s’est fait jusqu’à fin 2003. Néanmoins, depuis cette période, elle n’a quasiment pas évolué. Il n’est donc plus réaliste de s’appuyer sur cette documentation aujourd’hui’ ;

Attendu que lors de l’entretien préalable, [J] [G] avait invoqué l’existence d’un modèle logique de données (qu’il avait affirmé avoir donné à l’auditeur), respectant les normes qu’il avait mises en place dans la société, plus détaillé, tout aussi important et plus efficace que le modèle conceptuel de données, lequel pouvait, toujours selon le salarié, être recréé à partir du modèle logique de données ;

Que [J] [G] avait également invoqué l’existence de mises à jour en 2004 sur le réseau, remises à l’auditeur et indiqué que c’étaient Mme [X] et M. [Z] qui étaient responsable de leur sauvegarde ;

Que [J] [G] produit le témoignage rédigé en sa faveur le 20 juin 2005 par un maître de conférence à l’université de [Localité 5], [CA] [I], directeur des études dans l’établissement d’enseignement des Méthodes informatiques appliquées à la gestion (MIAGE), qui indique, d’une part, que [J] [G] était un encadrant efficace et compétent des stagiaires de maîtrise de MIAGE, d’autre part, qu’un modèle logique des données, bien documenté, respectant ‘la 3ème forme normale’ comme celui réalisé par [J] [G], était tout à fait suffisant pour aboutir à un développement fiable et réussi et, enfin, que, dans cette situation, l’existence d’un modèle conceptuel de données n’apporterait aucun élément supplémentaire pour la qualité et la fiabilité du produit final, ni pour la maintenance ultérieure ;

Attendu que la preuve de la faute lourde repose sur l’employeur ; que ce dernier ne produit aucun élément en réponse aux arguments techniques sérieux opposés par le salarié et étayés par cette note d’un universitaire ;

Attendu que de plus, les affirmations contenues dans son rapport du 4 mars 2005, invoquées par la société RES HUMANA, ont été révisées et complétées par la suite par ce consultant [B] [KF] dans un sens plus favorable au salarié mis en cause ;

Que dans l’ordonnance de non-lieu du 24 juillet 2009, déjà évoquée, le juge d’instruction avait en effet relevé, d’une part, qu’entendu par lui, ‘[B] [KF]… déclarait que rien ne lui permettait de penser que [J] [G] avait voulu rendre opaque le développement du projet SOFT RH pour en conserver sa maîtrise ou voulu de dégrader … il n’avait relevé aucun élément laissant supposer que le logiciel avait été détourné pour être utilisé par un tiers’, d’autre part, que le rédacteur du rapport d’audit avait nuancé ses conclusions lors de la confrontation avec [J] [G], que l’instruction n’avait mis en évidence aucune destruction de données ou un quelconque sabotage susceptible de recevoir une qualification pénale, la partie civile ayant même admis qu’elle n’avait sur ce point que de simples ‘interrogations’ ;

Que la chambre de l’instruction avait également considéré que l’instruction n’avait mis en évidence aucune destruction de données ni aucun sabotage susceptible de recevoir une quelconque qualification pénale ;

Que [J] [G] a été autorisé le 23 février 2011 par le parquet général de la cour d’appel de Lyon à faire état dans la présente instance de certains procès-verbaux dont celui du consultant [B] [KF] de la société PERCALL, lequel avait déclaré en substance dans sa déposition du 12 novembre 2007 devant les enquêteurs sur commission rogatoire du juge d’instruction :

– que les conclusions de son audit étaient que le logiciel était utilisable mais n’avait pas de grandes capacités d’évolution en tous cas ne pouvait évoluer au niveau désiré par la direction,

– que le travail était bien fait au départ, le logiciel solide mais que son évolution n’avait pas été maîtrisée de manière cohérente ce qui l’avait rendu fragile,

– qu’il y avait une très grande tension entre [J] [G] d’une part et les deux dirigeants d’autre part, qu’il n’avait pas senti de volonté de [J] [G] de se faire licencier mais estimait que [J] [G] devait sentir qu’il n’avait pas d’avenir dans cette société,

– qu’à un moment les dirigeants avait dit à [J] [G] de ne plus toucher à rien et qu’il n’avait plus accès à la société, ce qui avait paru ‘brutal’ à ce témoin,

– que ‘le logiciel est effectivement hermétique, c’est ce que dit … le rapport mais celà ne tient pas à une volonté de M. [G] mais au choix de la plate-forme de départ et des évolutions réalisées par M. [G] à la demande de la direction. M. [G] a transcrit informatiquement les demandes de sa direction.

De plus, la société PERCALL suite au départ de M. [G] a repris la maintenance du logiciel, ce qui prouve que M. [G] n’était pas indispensable.

Je précise que suite à cette maintenance j’ai compris le quotidien de M. [G] qui devait s’avérer difficile. Mme [X] ne cessant de me solliciter concernant le logiciel pour des modifications successives. Au départ nous avions un contrat de quelques jours… mais en fait nous travaillons tous les jours pour Mme [X]. Elle était très directive et j’ai fini par demander par rapport à ne plus être son interlocuteur… j’ai quitté la société.

Il existait une documentation qui n’était pas à jour et qui était complètement dispersée. Elle était inexploitable. Mais il ne s’agit pas d’une volonté délibérée de M. [G]. Selon mon expérience, au départ d’un projet les choses sont bien planifiées et suite aux évolutions successives c’est plus brouillon. L’état de cette documentation me semblait normal vu qu’il s’agissait d’une PME et de la charge de travail de M. [G]’ ;

Attendu que l’employeur ne produit aucun élément matériel de nature à caractériser un sabotage ; qu’une telle accusation supposerait, pour prospérer, que la preuve soit rapportée de la détention par [J] [G] d’un moyen technique quelconque de paralysie, de blocage ou de frein sur le fonctionnement de l’entreprise et de son logiciel, ce qui au vu de l’audition du consultant technique, n’apparaît pas être le cas ;

Que la preuve n’est pas administrée :

– que l’absence de la documentation avait un caractère bloquant ou même gênant,

– encore moins que [J] [G] avait eu l’intention délibérée d’entraver ou de désorganiser le fonctionnement de la société pour se rendre artificiellement indispensable où pour la ruiner,

– que [J] [G] avait sciemment placé la société RES HUMANA en situation de totale dépendance à son égard ou qu’il avait entretenu une opacité quant au développement du logiciel,

– que la dispersion et l’absence de mise à jour de la documentation du logiciel avait un caractère même simplement fautif, compte tenu des observations de l’auditeur sur la pratique habituelle dans une entreprise cette nature, sur la charge de travail du responsable et sur le fait qu’il avait été possible de passer outre ces lacunes documentaires ;

Attendu que pour tenter d’établir le dernier grief, la société RES HUMANA se prévaut d’une attestation établie le 18 avril 2008 par [GF] [U], selon laquelle [J] [G] ‘multipliait les provocations’ ;

Mais que ce témoin n’évoque qu’une seule circonstance, à savoir le fait pour [J] [G] de s’être rendu à 9 heures dans le bureau qu’elle occupait avec [TM] [KF] pour lui demander l’heure et pour lui demander de la noter ‘en indiquant que les dirigeants n’étaient pas arrivés et que l’on veuille bien en prendre note. Il était évident qu’il cherchait à jeter le discrédit sur la direction et confondait les rôles’ ;

Que dans la fin de son attestation, ce témoin prononce en réalité un jugement de valeur ; que le fait pour l’un des quatre salariés permanents de l’entreprise, qui occupait un emploi de cadre, de faire simplement noter que la directrice et le DAF, l’un des deux autres emplois permanents, n’étaient pas présents tel jour à telle heure, en dehors de toute explication sur le contexte, ne constitue pas l’expression d’un dénigrement de l’employeur;

Attendu que lors de l’entretien préalable dont le compte rendu rédigé a déjà été cité, [J] [G] avait contesté l’ensemble des reproches et avait indiqué, concernant l’incident de la carte de visite du consultant, qu’il s’agissait d’une boutade, concernant les accusations de dénigrement, qu’il s’agissait de propos anodins avec la stagiaire [GF] [U] sur la présence de M. [Z] et qu’il avait demandé à la stagiaire de noter que M. [Z] passait à coté de lui sans le saluer, ce qu’elle avait refusé en répondant qu’elle ne voyait pas ce genre de chose ;

Que l’employeur ne produit aucune attestation de [TM] [KF] ; qu’en revanche, [J] [G] verse aux débats divers témoignages de salariés ou d’anciens salariés, qui seront analysés ci-après dans le cadre de l’examen des accusations de harcèlement moral, qui font apparaître que l’ambiance de travail était tendue du fait il est vrai tant de la part des employeurs que de [J] [G] ;

Que si une partie de cette tension peut être imputée à [J] [G], elle ne saurait être constitutive pour autant d’une manifestation de dénigrement réitéré après l’avertissement du 24 janvier 2005 ;

Qu’il n’apparaît pas que [J] [G] avait dénigré l’employeur devant autres salariés ni devant un prestataire de service ou un partenaire après l’incident ayant donné lieu à l’avertissement ;

Qu’un dénigrement réitéré aurait d’ailleurs été contre productif dans la mesure où [J] [G] était entré au capital de la société à hauteur de 15.000 euros représentant 1,6% du capital ;

Attendu que le propos, dont la matérialité n’est pas contestée, tenant aux ratures sur la carte de visite apparaît insignifiant et en tout cas nullement constitutif à lui seul ni d’une faute lourde, ni d’une faute grave ni même d’une cause réelle et sérieuse de licenciement ;

Attendu que finalement, contrairement à ce qu’a considéré le conseil de prud’hommes, l’employeur n’établit pas que [J] [G] avait commis un manquement quelconque à ses obligations professionnelles ou avait monté une machination ou une entreprise machiavélique dans l’intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise, qu’il avait commis une faute quelconque susceptible de constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, ni, à plus forte raison, une faute lourde ou une faute grave ;

Attendu que les éléments aux débats tendent au contraire à établir que le licenciement litigieux repose sur un motif dissimulé à savoir des difficultés économiques sérieuses et durables reflétées par les résultats comptables ci-après, notamment une situation devenue durablement déficitaire à partir de 2004 jusqu’à 2007 ;

Que la date de la rupture coïncide non seulement avec ces difficultés économiques mais aussi avec les échéances de remboursement du financement de ce logiciel qui avaient été obtenues par la société RES HUMANA, à savoir le prêt de 150.000 euros de l’agence nationale de valorisation de la recherche, dont le premier remboursement (35.000 euros) était exigible à compter du 31 mars 2004 puis deux autres remboursements (52.000 puis 63.000 euros) en mars 2005 et mars 2006 ; que l’avance de 250.000 francs (38.167 euros) accordée le 10 avril 2000 par la région Rhône Alpes était remboursable trois ans après le mandatement des fonds en trois annuités égales ;

Que [J] [G] fait observer, avec pertinence, que la trésorerie de la société était gravement affectée puisqu’il fait état, sans être contredit sur ce point, du décalage jusqu’à une vingtaine de jours, voire plus, du payement de son salaire mensuel au cours des huit premiers mois de l’année 2004, notamment son salaire d’août 2004 payé le 12 octobre 2004;

Qu’il affirme, également sans être contredit, qu’il n’avait pas été remplacé à son poste après son licenciement, ce que confirme la copie du registre d’entrée et de sortie du personnel produit par l’employeur ;

Attendu que le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a consacré l’existence d’une cause réelle et sérieuse de licenciement mais qu’il sera confirmé sur les montants de l’indemnité de préavis, de l’indemnité de licenciement et le paiement d’une indemnité compensatrice des congés payés acquis ;

Attendu que [J] [G] comptait deux ans et trois mois d’ancienneté dans la société RES HUMANA, dont il est constant que l’effectif était inférieur à 10 ; que son salaire mensuel moyen était de 3.816,67 euros ; qu’il justifie d’une période de chômage et d’une inscription à l’ANPE et à l’ASSEDIC du 29 mars 2005 jusqu’au 1er octobre 2006 ;

Qu’il lui sera alloué une indemnité de 35.000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu qu’il résulte des éléments aux débats et notamment du témoignage du consultant de PERCALL, que la convocation à l’entretien préalable le 18 février 2005 et la mise à pied ont été lues au salarié par [O] [X] en présence d'[B] [KF], ce qui constitue une circonstance vexatoire ;

Que [J] [G] a été accusé à tort non seulement de griefs matériellement non établis mais d’une intention gravement malveillante à l’égard de son employeur, ce qui caractérise également les circonstances non seulement brutales mais vexatoires dans lesquelles la rupture est intervenue ;

Qu’en réparation de ce préjudice distinct, il sera alloué une indemnité de 10.000 euros;

Attendu que l’avertissement du 24 janvier 2005 était motivé par un comportement verbal et par une attitude physique considérée par l’employeur comme ayant été violente à l’égard de [P] [Z] le 20 janvier 2005 et par une attitude considérée comme irrespectueuse à l’égard de [O] [X], suite au constat par eux le 20 janvier 2005 d’un problème de destruction accidentelle de données informatiques d’un client lors d’une procédure d’import de données et de la recherche de fichiers de sauvegarde pour remédier au problème ;

Attendu que la matérialité du comportement de [J] [G] à l’égard de [P] [Z] est établie par le témoignage d’une salariée de RES HUMANA, [TM] [KF];

Attendu que dans sa lettre en date du 28 janvier 2005, visée par le conseil de prud’hommes, le salarié soutenait qu’il disposait d’une sauvegarde, qu’il n’avait pas demandé à [P] [Z] de sortir pour s’expliquer mais seulement de se rendre avec lui à un cours de ju-jitsu, que c’était au contraire [P] [Z] qui avait perdu son sang froid et l’avait menaçé;

Qu’en réalité [J] [G] jouait sur les mots et que la proposition de l’accompagner à un cours de lutte constituait bien une faute ; que cette lettre ne contenait d’ailleurs pas une contestation de la sanction mais plutôt des observations sur les relations et conditions de travail ;

Que dans ses conclusions d’appel reprises oralement à l’audience, [J] [G] reconnaît qu’il y avait dans cette lettre des points de désaccord mais aussi des points d’accord avec les motifs de la sanction dont d’ailleurs il ne sollicite pas l’annulation;

Que cette sanction n’apparaît donc pas objectivement infondée ;

Attendu que [J] [G] s’est vu prescrire un arrêt de travail du 27 février 2005 au 11 mars 2005 pour anxiété, harcèlement professionnel ;

Mais que le salarié ne rapporte pas une preuve suffisante de faits matériels ou d’éléments objectifs établissant ou permettant même de présumer qu’il avait été l’objet de harcèlement moral pendant son contrat de travail ; qu’il établit tout au plus qu’il existait dans cette entreprise une mauvaise ambiance collective de travail ;

Que les témoignages des 14 mars 2005 et 29 août 2006 et procès-verbal d’audition du 6 août 2007 de la salariée [N] [CC] ne relatent aucun fait précis matériellement établi; qu’ils relatent des appréciations de l’employeur sur les qualités professionnelles de [J] [G], lesquelles, sorties de leur contexte, sont insuffisantes pour établir que [J] [G] aurait été dénigré par son propre employeur ;

Que les propos que ce témoin attribue à Mme [X] à propos de [J] [G] : ‘il se croit super fort mais il ne passe pas du tout auprès des clients’, ne sont pas datés ;

Que le reste du témoignage contiennent des appréciations purement subjectives, porte sur le comportement des employeurs à son propre égard ce qui n’intéresse pas directement le litige;

Attendu que les témoignages et procès-verbaux d’audition des stagiaires [TM] [A] et [CD] [S] décrivent tout au plus une ambiance tendue ou pesante qu’ils attribuent à [O] [X] et à [P] [Z] ;

Que le procès-verbal d’audition déjà cité de [R] [E] indique que Mme [X] pouvait avoir des propos vifs, vexants et humiliant mais ne contient aucun exemple précis à l’adresse de [J] [G] ;

Attendu que les attestations d'[H] [L] sur un constat ‘direct et indirect’ des effets du harcèlement de [O] [X] et [P] [Z] sur [J] [G] plus particulièrement pendant la période de décembre 2004 à février 2005 et son procès-verbal d’audition du 9 août 2007 sur un dénigrement constant des employés par les deux dirigeants, n’apparaissent pas constituer un témoignage suffisamment impartial en raison de liens de concubinage, non sérieusement contestés, entretenu depuis 2004 entre [J] [G] et l’auteur de ces attestations, qui indique d’ailleurs dans celles des 14 mars 2005 et 22 août 2006 qu’elle était sa concubine et dans une autre non datée qu’elle avait vécu avec [J] [G] jusqu’en décembre 2007 ;

Attendu que la décision de procéder à un audit indépendant du logiciel qui constitue le coeur de l’entreprise relève du pouvoir de direction de l’employeur, notamment pour disposer d’une appréciation externe auprès d’éventuels soutiens financiers en période de difficultés économiques et que cet audit s’est d’ailleurs révélé justifié puisqu’il a démontré la fragilité du système par rapport aux ambitions de l’exploitant et a ‘mis en exergue les limitations de l’outil actuel, notamment au niveau de sa technologie, de ses capacités d’évolution et de son potentiel de diffusion à grande échelle’ pour reprendre les termes du rapport ;

Que la décision de procéder à cet audit ne constitue pas un acte de défiance à l’égard de [J] [G] ;

Attendu que la procédure sur requête et les investigations sur la messagerie personnelle, également invoquées au soutien de ce chef de prétention de harcèlement moral, sont postérieures à la rupture du contrat de travail ;

Attendu que [J] [G] ne produit aucune preuve susceptible d’étayer sa demande de rappel d’heures supplémentaires, qui présente un caractère totalement forfaire; que [J] [G] postule l’exécution de 40 heures hebdomadaires et ne produit aucun décompte précis ;

Qu’il résulte des éléments de la cause qu’il disposait, conformément aux stipulations de son contrat, d’une large autonomie dans l’organisation de son travail ;

Qu’il ne saurait avec pertinence se comparer non plus aux salariés subalternes, dont il invoque les témoignages et selon lesquels l’horaire collectif hebdomadaire réel n’était pas celui affiché de 35 heures mais 39 heures ;

Attendu que [J] [G] est indemne de toute faute lourde, grave ou même simple ;

Attendu qu’il résulte des éléments examinés ci-avant pour apprécier les motifs du licenciement qu’aucune preuve n’est fournie par la société RES HUMANA du développement par [J] [G], avec ou même sans les outils de l’entreprise, d’un logiciel similaire pour le compte de la société AVEIS ;

Que la société intimée sera donc déboutée de sa demande de paiement d’une indemnité pour un prétendu manquement aux obligations d’exclusivité et de loyauté et à l’obligation de confidentialité ;

Attendu que l’article 3 consacré dans le contrat de travail à l’obligation d’exclusivité stipule que :

‘le salarié s’engage pendant la durée de son contrat de travail et pendant une durée de deux ans après son départ, qu’elle qu’en ait été la forme et la cause à :

– ne pas reproduire ou faire reproduire tout ou partie des programmes d’ordinateurs, des méthodes ou techniques spécifiques à la société,

– ne pas indiquer à un tiers ou à une autre entreprise quelconque la liste des clients de la société et à ne pas prospecter ceux qui sont clients à la date du départ, ou les prospects de la société ayant reçu une proposition datant de trois mois avant le départ.

Le non respect des engagements précités entraînera le paiement à la société d’une indemnité égale à la rémunération du salarié au cours des 12 derniers mois du contrat de travail’ ;

Attendu que cette clause, limitée après le contrat à une clientèle très précise et restreinte, s’analyse en une clause de confidentialité, d’exclusivité et de non-sollicitation de la clientèle mais pas en une clause de non concurrence ;

Attendu que le jugement sera donc confirmé sur ces quatre chefs ;

Levée d’options de souscription à des actions nouvelles de la société :

Attendu que le 4 juillet 2003, le conseil d’administration de la société RES HUMANA avait consenti à [J] [G] 200 options de souscription à des actions nouvelles de la société au prix unitaire de 60 €, à lever dans un délai de 10 ans à compter du 5 juillet 2003;

Que la notification du 4 juillet 2003 indiquait au salarié que ‘les options de souscription d’action étant exclusivement réservées aux salariés ou aux mandataires sociaux de la société RES HUMANA… elles deviendront caduques dès la perte de cette qualité par les bénéficiaires’;

Attendu que, dans l’hypothèse la moins favorable du document de proposition d’accession au capital de juin 2002, la valorisation prévisionnelle à cinq ans (2005) était la suivante :

chiffre d’affaires de 1,83 M€, résultat net de 300 K€, valorisation de 1,52 M€, valeur du titre: 101 €

d’où une valeur de 200 X 101 = 20.200 euros alors que [J] [G] valorise les titres sans explication à 28.400 euros soit 142 euros le titre, d’ailleurs sans tenir compte du prix d’achat de 12.000 euros qu’il aurait dû verser en toute hypothèse ;

Attendu que les résultats effectifs de la société RES HUMANA ont été les suivants, au regard des bilans comptables produits par elle :

2003 : CA net 221.956 €, résultat net + 6.037 €

2004 : CA net 326.708 €, résultat net – 99.008 €

2005 : CA net 265.883 €, résultat net : – 40.366 €

2006 : CA net 269.320 €, résultat net : – 99.852 €

2007 : CA net 295.243 €, résultat net : – 76.859 €

(dotation exceptionnelle aux amortissements et provisions de 186.000 euros)

2008 : CA net 362.182 €, résultat net : 23.331 €

2009 : CA net 316.659 €, résultat net : 14.001 €

Attendu qu’au regard des résultats de la société très inférieurs aux prévisions, mais en redressement, l’indemnité destinée à réparer le préjudice consécutif à la privation pour [J] [G] en raison de son licenciement abusif de son droit de lever l’option, sera fixée à 5.000 euros ;

Attendu qu’en raison de l’ancienneté du préjudice, le point de départ des intérêts légaux y compris sur les sommes à caractère non salarial mais indemnitaire, réclamées dès le 17 mars 2005, sera reporté à la date de convocation devant le bureau de conciliation soit le 7 avril 2005 ;

Attendu qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de [J] [G] ses frais irrépétibles d’instance et d’appel ;

PAR CES MOTIFS

la Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi :

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a considéré que le licenciement de [J] [G] reposait sur une cause réelle et sérieuse, débouté le salarié des demandes formées à ce titre, débouté le salarié de ses demandes d’indemnités au titre de la privation de son droit de lever les options litigieuses et au titre de ses frais irrépétibles ;

Infirme également les dispositions du jugement sur le point de départ des intérêts, les frais irrépétibles et les dépens ;

Statuant à nouveau :

Dit que le licenciement de [J] [G] est dénué de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société RES HUMANA à verser à [J] [G] les sommes de :

– 35.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-10.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif aux circonstances vexatoires du licenciement,

– 5.000 euros à titre d’indemnité destinée à réparer le préjudice consécutif à la privation pour [J] [G] du fait de son licenciement abusif de son droit de lever l’option d’achat d’actions qui lui avait été consentie par l’employeur,

– 5.000 euros par application des dispositions prévues à l’article 700 du code de procédure civile;

Fixe le point de départ des intérêts légaux sur les sommes revenant à [J] [G], hors frais irrépétibles, au 7 avril 2005 ;

Confirme les autres dispositions du jugement et déboute [J] [G] du surplus de ses prétentions ;

Rejette les demandes de la société RES HUMANA ;

Condamne la société RES HUMANA aux dépens d’instance et d’appel.

Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du nouveau Code de procédure civile.

Signé par Monsieur DELPEUCH, Président, et par Madame VERDAN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

 


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