Secret des correspondances : 23 juin 2011 Cour d’appel de Paris RG n° 09/09494

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Secret des correspondances : 23 juin 2011 Cour d’appel de Paris RG n° 09/09494
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23 juin 2011
Cour d’appel de Paris
RG n°
09/09494

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 5

ARRÊT DU 23 Juin 2011

(n° 21 , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 09/09494

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 Octobre 2009 par le conseil de prud’hommes de PARIS – Section ACTIVITÉS DIVERSES – RG n° 08/04142

APPELANTE

Madame [G] [C]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne

assistée de Me Xavier LOUBEYRE, avocat au barreau de PARIS, toque : R196

INTIMÉE

SCM CETERMED

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Thierry ROULETTE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 205

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 12 Mai 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Françoise FROMENT, président

Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, conseiller

M. Julien SENEL, Vice-Président placé sur ordonnance du Premier Président en date du 18 mars 2011

qui en ont délibéré,

Greffier : Madame Violaine GAILLOU, lors des débats

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Françoise FROMENT, Président et par Mme Violaine GAILLOU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La société CETERMED est une société civile de moyen constituée par cinq médecins exerçant en libéral.

Madame [G] [C] a été embauchée par la société CETERMED en contrat à durée indéterminée du 3 avril 2000 en qualité de secrétaire médicale au coefficient 135, avec reprise d’ancienneté conformément à la convention collective des cabinets médicaux, décomptée à partir du 1er juillet 1996, soit 4% sur le salaire de base, moyennant un salaire de 9568 francs et un horaire mensuel de 169 heures.

Alors qu’elle était en arrêt maladie depuis le 7 janvier 2008, [G] [C] a reçu deux avertissements, les 23 et 29 janvier 2008, concernant l’utilisation de la ligne téléphonique de la société et des factures non comptabilisées.

Convoquée à un entretien préalable par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 février 2008 pour le 18 février suivant , auquel elle s’est rendue assistée d’un conseiller, [G] [C] a été licenciée par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 février 2008 pour ” motifs réels et sérieux “, à savoir la violation du secret professionnel voire médical, une mauvaise exécution de ses tâches, des insultes à l’encontre d’un des médecins, un usage personnel de l’ordinateur du cabinet, des erreurs et manquements dans le suivi des éléments comptables, et un usage de la ligne téléphonique France telecom alors qu’il existait un accès ‘gratuit’ par internet.

Le contrat s’est terminé à l’issue du préavis non effectué, la salariée étant toujours en arrêt maladie, au 28 avril 2008 .

Contestant son licenciement, [G] [C] a, le 11 avril 2008, saisi le Conseil de Prud’hommes de Paris d’une demande tendant, en dernier lieu, à obtenir le paiement notamment de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail avec intérêts et anatocisme, d’un rappel de salaire en deniers ou quittance au titre des mois de février et mars 2007, de dommages et intérêts pour remise tardive d’une attestation assedic, et d’une indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par décision en date du 13 octobre 2009, le conseil des Prud’Hommes, estimant que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, l’a déboutée de ses demandes et l’a condamnée aux dépens.

[G] [C] a régulièrement relevé appel le 6 novembre 2009 de la totalité de cette décision.

Assistée de son conseil, [G] [C] a, lors de l’audience du 12 mai 2011, développé oralement ses conclusions, visées le jour même par le greffier, aux termes desquelles elle sollicite l’infirmation du jugement en toutes ses dispositions.

Elle demande à la Cour au préalable d’écarter des débats les attestations non conformes de Mesdames [N], [P], [Y] et [W] versées par CETERMED (pièces n° 1, 2, 3 et 4).

Le licenciement étant selon elle nul et de nul effet pour harcèlement en application des dispositions de l’article L 1152-3 du Code du travail, et subsidiairement, le licenciement ayant une nature disciplinaire, en l’absence d’identification de fautes personnelles circonstanciées à l’encontre de la salariée, les faits étant prescrits ou déjà sanctionnés par les avertissements, la sanction du licenciement étant disproportionnée par rapport aux faits allégués par l’employeur, ni prouvés ni établis, elle demande de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, et donc de condamner la SCM CETERMED à lui payer à titre de dommages et intérêts la somme de 62 000 € à ce titre, ainsi que la somme de 15 000 € au titre de l’article L 1152-1 du Code du travail, à titre de dommages et intérêts pour faits de harcèlement caractérisés, constants et répétés sur une période de plus de deux ans, outre 5000€ sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile et les entiers dépens.

Représentée par son conseil, la SCM CETERMED a, lors de l’audience du12 mai 2011, développé oralement ses conclusions, visées le jour même par le greffier, aux termes desquelles elle sollicite la confirmation du jugement déféré, sauf en ce qui concerne sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700, et donc la condamnation d’ [G] [C] à lui payer 1000€ sur ce fondement outre les entiers dépens.

MOTIFS ET DÉCISION DE LA COUR

Considérant, sur la demande visant à écarter des débats les ‘attestations’ de Mesdames [N], [P], [Y] et [W], pièces numérotées 1 à 4 communiquées par la SCM CETERMED, qu'[G] [C] soutient qu’il s’agit d’attestations non conformes aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile ;

Considérant que les règles de formes de l’article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité, le juge du fond appréciant souverainement en cas de non conformité d’une attestation à ces dispositions si elle présente ou non des garanties suffisantes pour emporter sa conviction et ne pas l’écarter des débats ; qu’il est constant que parmi les pièces numérotées 1 à 4 communiquées par la SCM CETERMED, dénommées ‘attestations’ par les parties, seules les pièces 1, 3 et 4 sont des attestations ne respectant pas lesdites dispositions, notamment l’obligation faite à leur auteur d’indiquer de sa main que l’attestation est établie en vue de sa production en justice et que son auteur a connaissance qu’une fausse attestation de sa part l’expose à des sanctions pénales ; que, si leur force probante se trouve ainsi amoindrie du fait des non conformités relevées, il n’y a cependant pas lieu de les écarter des débats, ces attestations comportant un justificatif d’identité permettant de les authentifier ;

Considérant qu’il en est de même s’agissant de la pièce numérotée 2, qui est en fait un courrier, bien que l’enveloppe permettant de vérifier qu’il a bien été envoyé n’est pas jointe, sa réception n’étant pas contestée ;

Considérant, sur la demande au titre du harcèlement moral, qu’aux termes de l’article L1152-1du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Considérant que selon l’article L1154-1 du code du travail, en cas de litige relatif à l’application de l’article L. 1152-1 de ce code, dès lorsque le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu des ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en tant que de besoin, toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ;

Considérant que le licenciement opéré en violation de l’article L.1152-1 du Code du travail est nul et emporte pour le salarié un droit à réintégration; que si le salarié ne sollicite pas sa réintégration, il est alors en droit de percevoir les indemnités de rupture, y compris l’indemnité compensatrice de préavis quand bien même il ne serait pas en mesure de l’exécuter, et une indemnité réparant l’intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement au moins égale à six mois de salaire, quelle que soit l’ancienneté du salarié ;

Considérant qu’en l’espèce, [G] [C] soutient tout d’abord qu’elle a subi des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail, consistant en la multiplication des tâches qui lui étaient confiées alors qu’elle était la seule salariée d’un cabinet médical regroupant cinq médecins, qu’elle a subi des pressions psychologiques, que les médecins ne communiquaient pas directement avec elle, qu’elle était isolée, qu’elle était la victime d’un chantage affectif de la part du Dr [I] et qu’elle a subi un dénigrement et une disqualification, l’employeur ayant profité de ses arrêts maladie pour lui adresser deux avertissements successifs les 23 et 29 janvier 2008, avant d’entamer une procédure de licenciement ; qu'[G] [C] soutient ensuite que ces agissements, contestés par l’employeur, ont altéré sa santé physique et mentale ;

Considérant qu’à l’appui de ses prétentions, [G] [C] produit les éléments suivants :

– s’agissant de la multiplication de ses tâches :

une fiche de poste récapitulant l’ensemble de ses missions auprès de chacun des médecins qu’elle a réalisée pour attirer lors d’une réunion du 18 décembre 2007 leur attention sur ce qu’elle estimait être sa surcharge de travail, exposant notamment qu’avec une moyenne de 780 patients venus au cabinet par mois, le téléphone occupait près de ’85 à 90%’ du temps journalier, incluant la réalisation des autres tâches journalières, sachant ‘qu’en règle générale trois médecins sont au cabinet par jour’ ;

une lettre du Dr [I] du 17 février 2007 lui disant que ‘dorénavant nos relations resteront strictement professionnelles mais il faudra être professionnelle : on ne répond pas à son employeur, on arrive à l’heure, on prévient systématiquement de l’arrivée des patients ou de l’annulation d’un RV’ et des messages du réseau interne de l’employeur -realpopup- attestant qu’elle devait désormais alerter les médecins en cas de retard des rendez-vous dans les cinq minutes ;

une lettre adressée au Dr [I] qu’elle a rédigée en date du ‘4 avril 2007” dans laquelle elle fait part principalement d’un incident survenu le ’19 avril’ en présence de Mle [N], présentée comme patiente de ce médecin et amie de la salariée, qu’elle explique avoir appelé pour lui confirmer son rendez-vous, ce que lui aurait sèchement reproché le docteur lorsqu’il en a eu connaissance et à l’occasion de cet incident, elle a contesté avoir parlé de la vie privée du docteur auprès de ses patients tout en reconnaissant avoir ‘toujours dit la vérité: c’est un bon médecin mais on ne s’entend pas et je me sens de plus en plus harcelée’ ;

l’ordre du jour de la réunion 18 décembre 2007, au terme duquel la salariée demandait deux heures de travail supplémentaires pour la tenue du livre de compte ;

– s’agissant des pressions psychologiques :

la lettre adressée au Docteur [I] du 4 avril 2007, dans laquelle elle affirme qu’une patiente lui aurait indiqué : “De toute façon, elle t’a dans le nez et elle ira jusqu’au bout… ” et dans laquelle elle s’exprime en ces termes : “Je me sens de plus en plus harcelée… J’ai fait part à vos confrères de vos réflexions ainsi que de la menace d’un licenciement pour faute grave… ” ;

un échange intranet avec le Docteur [I] en ces termes : ” Madame [I], vous dites que vos confrères ne veulent qu’une seule chose, c’est que je démissionne, alors que j’ai un autre discours de leur part, d’autre part pourquoi ai-je toujours des remarques déplaisantes de votre part qui ne sont pas justifiées : j’ai toujours répondu et assuré ” ;

un autre échange intranet avec le Docteur [I] en ces termes ” II est hors de question que je subisse un jour de plus les comportements irrespectueux… Dans ces conditions, il est très difficile de travailler… Le Docteur [K] m’a regardée droit dans les yeux et m’a dit : les gens, je les ai à l’usure… ” ;

– s’agissant de l’absence de communication directe :

diverses instructions manuscrites sur papier blanc ou à entête du médecin les ayant rédigées, dont l’une du Docteur [I] – [I] en ces termes : ” Je suis trop crevée… Tout ceci n ‘a rien d’agressif… Je suis de mauvais poil… crevée en fait… ” ;

– s’agissant de son isolement :

la lettre du 4 avril 2007 relatant l’incident en présence d’une patiente avec le Docteur [I] et le message intranet du 2 juin lui disant qu’il était ‘inutile’ qu’elle téléphone à [F] – sa remplaçante-, celle- ci venant le 3 et qu’il ‘faudra simplement quelques jours avant voir pour la transmission de clés. pour le reste, je lui ai dit’ ;

– s’agissant du chantage affectif :

une carte de visite attribuée à noël 2006 de la part du Docteur [I] en ces termes: ‘[G], je vous souhaite de réaliser vos désirs les plus intenses. Nous sommes arrivés à un âge où j’espère, nous pourrons nous pardonner nos petits mouvements d’humeur. Il n’en reste pas moins que je suis terrifiée à l’idée de vous perdre’ ;

une lettre adressée par elle au Docteur [I] datée du 16 février 2007 en ces termes: ” Je suis très affectée par votre comportement à mon égard depuis cet après-midi. (…) Compte tenu de votre attitude à mon encontre, je ne souhaite plus vous rendre les services suivants qui ne s’inscrivent pas du tout dans la fonction pour laquelle j’ai été embauchée et pour laquelle je suis rémunérée.(..) Je souhaite, à partir d’aujourd’hui, que nos relations soient purement professionnelles, ce qui exclut toutes discussions relatives à votre vie privée et notamment vos problèmes familiaux. J’espère sincèrement que vous changerez votre comportement à mon égard car sachez qu’il est extrêmement difficile pour moi de travailler correctement dans cette ambiance pesante et que vous faites régner par votre manque de compréhension de la situation à laquelle je me trouve aujourd’hui confrontée”, étant arrivée hier à 17heures au lieu de 13 heures à la suite d’un rendez-vous médical qui a duré plus longtemps que prévu, dans la perspective d’une intervention chirurgicale ;

– s’agissant du dénigrement et de sa disqualification :

un courrier adressé par le Docteur [I] à son confrère ‘[A]’ daté du 5 janvier 2007 en ces termes : ” Je voulais par ailleurs te demander de ne pas accorder à [G] un jour de repos supplémentaire sans nous en aviser (le 2 mot illisible ) car c’est un jour où elle aurait pu avancer le secrétariat ( mon courrier a toujours beaucoup de retard) et prendre les RV.( Elle n’avait laissé aucun message sur le répondeur). Les gens ne savaient donc pas quand le cabinet rouvrait. Et les jours où nous travaillons, le téléphone la submerge. Enfin je me permets de lire à tête reposée le bail et la forte augmentation de loyer car j’avoue avec les charges qui croissent sans cesse ne pas être sûre de pouvoir poursuivre ( d’autant qu'[G] a souhaité une augmentation de salaire plus conséquente que celle accordée. Elle n ‘en a jamais assez !) ” ;

sa lettre du 4 avril 2007, dans laquelle elle proteste contre la société CETERMED qui aurait “court-circuité ” toutes les relations personnelles nouées avec certaines clientes en provoquant la rupture d’amitiés anciennes ;

les deux avertissements, celui du 23 janvier 2008 , contesté à réception le 28 janvier 2008 et celui du 29 janvier 2008 ;

Considérant qu’elle ajoute à l’ensemble de ces griefs que la procédure de licenciement a été mise en ‘uvre par convocation du 5 février 2008 pour le 16 février alors même que sa remplaçante était embauchée par CDD du 14 février 2008 au 30 avril 2008, converti par la suite en CDI, ce qui révélerait l’intention de l’employeur de se séparer de sa salariée avant même l’entretien préalable ; que ces ‘nuisances’ se seraient enfin poursuivies après la rupture du contrat, l’employeur ayant multiplié les difficultés pour délivrer les actes et les règlements contraignant la salariée à engager une procédure en référé ;

Considérant que l’employeur rétorque qu’il n’a commis aucun harcèlement moral, ayant régulièrement octroyé des augmentations de salaires et des primes à sa salariée, qui a manifestement photocopié des instructions et des courriers qui lui avaient été remis ou déposés sous enveloppe sur son bureau dès 2005-2006 ; qu’à l’appui de ses prétentions, il produit notamment les attestations de Madame [J], remplaçante d'[G] [C], en date des 7 octobre 2008 et 4 avril 2011, et certaines des pièces également produites par la salariée, notamment les échanges de messages sur intranet, ainsi qu’une attestation en date du 28 mars 2011 de la société FICOGEX certifiant que la comptabilité est tenue par ce cabinet et que ‘Mme [C]’ leur fournissait chaque année toutes les pièces comptables ;

Considérant que le contrat de travail ne définit pas les fonctions et attributions de secrétaire médicale occupées par la salariée, mais précise qu’elle ‘assurera les fonctions se rapportant au secrétariat’, en se référant explicitement à la convention collective applicable, dont l’avenant du 2 mai 1990 relatif à la classification dispose que les fonctions d’accueil et de secrétariat sont classées au coefficient 135, ce qui correspond à celui de [G] [C], lorsque s’ajoutent aux fonctions de standard, réceptionniste, dactylographie, celles de participation à un travail technique, sténographie, tenue de caisse et des livres de recettes, dépenses ;

Considérant que la fonction d’ [G] [C] consistait donc à gérer les comptes-rendus d’examens, les rendez-vous, les courriers, le suivi bancaire, les règlements, le classement et l’archivage, les comptes-rendus opératoires, l’ accueil et le téléphone, ainsi qu’à effectuer certaines tâches comptables , ce qu’elle reconnaît, estimant cependant qu’elle était en surcharge de travail ; que la multiplication de ses tâches n’avait donc rien d’anormal, puisque, s’il est exact que la salariée était seule pour assurer l’ensemble de ces tâches, elles lui incombaient ; que par ailleurs, elle reconnaît que le nombre de médecins présents était de trois en moyenne par jour, ce qui lui permettait en principe de s’organiser, ce qu’elle a d’ailleurs fait pendant des années, ayant même obtenu le versement de primes ; qu’en outre, sa remplaçante, toujours en poste a ce jour, a manifestement su s’organiser et donner satisfaction à son employeur sans recrutement de personnel supplémentaire; qu’ainsi, le surmenage invoqué n’est pas établi ;

Considérant que les notes produites correspondent à des instructions usuelles de la part des médecins et renvoient à l’exécution des tâches confiées à la salariée en conformité avec ses fonctions ; que ni leur usage, ni leur contenu, pas plus que les pièces produites par la salariée elle-même, ne caractérisent de pressions psychologiques, un isolement, un chantage affectif, un dénigrement et une disqualification de nature à laisser présumer l’existence d’un harcèlement moral de la part de l’employeur; qu’il en est de même des deux avertissements et de la convocation à l’entretien préalable; que les ‘nuisances’ invoquées après la rupture du contrat, à supposer qu’elles soient établies, ne sauraient être constitutives du harcèlement allégué au soutien de la demande de nullité du licenciement, puisque celui-ci était déjà intervenu ;

Considérant que, si Madame [C] a été envoyée par son médecin traitant consulter un spécialiste au regard de son état anxio-dépressif avec crises d’angoisse et d’insomnies le 13 décembre 2007, a été suivie du 5 avril au 13 juin 2007 par le Dr [U], psychiatre psychothérapeute, a été arrêtée à compter du 7 janvier 2008, et a été déclarée le 16 juin 2008 en incapacité de travail constatant un traitement médical pour dépression et engagement d’une psychothérapie, force est de constater que les éléments produits par la salariée ne permettent pas de dire que cette altération de sa santé physique et mentale résulte du fait de son employeur ;

Considérant dès lors, que la conviction de la cour est qu'[G] [C] n’a pas été victime du harcèlement invoqué ;

Considérant, sur la rupture des relations contractuelles, qu’en application des articles L 1232-1 et L 1235- 1 du code du travail, tout licenciement doit avoir une cause réelle et sérieuse ; qu’en cas de litige, le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties; que si un doute subsiste, il profite au salarié ;

Considérant qu’en l’espèce, la lettre de licenciement du 26 février 2008, dont la motivation fixe les limites du litige, reproche à la salariée d’avoir violé le secret professionnel voire médical, une mauvaise exécution de ses tâches, des insultes à l’encontre d’un des médecins, un usage personnel de l’ordinateur du cabinet, des erreurs et manquements dans le suivi des éléments comptables, et un usage de la ligne téléphonique France telecom alors qu’il existait un accès ‘gratuit’ par internet ;

Considérant, s’agissant du mauvais accueil et la mauvaise gestion des rendez-vous reproché à la salariée, contesté par la salariée, qu’au soutien de ce grief l’employeur invoque principalement les attestations de Madame [W], Madame [Y] et Madame [P] ;

Considérant que Madame [W] relate une erreur d’inscription d’1/2 heure de son rendez-vous du 2 février 2008 avec le Dr [I], fait qui est avéré; que Madame [Y] certifie que ‘Mme [I] a constaté récemment que la secrétaire ne m’avait pas envoyé par courrier plusieurs ordonnances qui m’étaient destinées. Les ordonnances sont restées dans mon dossier médical. Ne les ayant jamais reçu, j’ai pensé que le courrier avait été perdu ou égaré par les services de La Poste’; qu’elle certifie en outre que la secrétaire l’a tutoyée en salle d’attente et devant le Dr [I], ce qui n’était pas son habitude et qu’elle ne l’annonçait pas systématiquement aux médecins quand elle arrivait en salle d’attente ;

Considérant que ce comportement est corroboré par les attestations de la remplaçante de Madame [C] notamment en ces termes ‘ lors de mes remplacements, j’ai été amené à constater un certain nombre de dysfonctionnements et de tâches non exécutées par la titulaire du poste, à savoir: de nombreux comptes rendu d’examens médicaux n’étaient pas classés dans les dossiers des patients, des comptes rendus d’examens médicaux n’avaient pas été communiqués au médecin prescripteur, concernant la prise de rendez-vous, j’ai constaté des rendez-vous ‘fantôme’ allant même pour certain avec un nom presque approchant d’un malade connu, la dissimulation de courriers recommandés…’ ;

Considérant que Madame [H] épouse [R] certifie pour sa part avoir abandonné son régime durant la grossesse du fait d’une ‘secrétaire désagréable lors de la prise de rendez-vous ou d’annulation’; que Madame [P], patiente de puis 1997 du Dr [I], a fait part dans un courrier daté du 16 février 2008 d’un changement brutal d’attitude de Madame [C] à son égard, celle-ci ne lui parlant plus ou avec un minimum de mots, et avoir été accueillie ‘plutôt sèchement’ sans raison apparente ; que Madame [Z] atteste le 17 décembre 2008 avoir constaté ‘que le comportement de Mme [G] [C] était très changeant d’un rendez-vous à l’autre et je me suis vue refuser un rendez-vous (… ) Toutefois, à d’autres reprises, elle pouvait être tout à fait charmante’ ;

Considérant que ce grief intervient dans un contexte d’accueil non contesté de patients particulièrement fragiles psychologiquement; qu’il est ainsi établi ;

Considérant, sur les insultes, qu’il est reproché à la salariée d’avoir insulté le Docteur [K] le 14 décembre 2007 en ces termes ‘ je vous souhaite de pourrir de l’intérieur’ en présence d’un autre médecin et patients, en élevant la voix de sorte qu’un patient du médecin a quitté le cabinet médical pendant sa consultation, ce que conteste Madame [C] en soutenant que le Docteur [K] était l’auteur de plusieurs actes de harcèlement envers elle dont les autres médecins étaient parfaitement informés; qu’aucun élément ne vient corroborer cet incident, pas plus que le contexte invoqué par la salariée d’ailleurs; que le grief n’est donc pas avéré ;

Considérant, sur l’utilisation de l’ordinateur à des fins personnelles, que la salariée ne conteste pas cet usage mais explique qu’elle a droit, au temps et au lieu de son travail, au respect de l’intimité de sa vie privée et au respect du secret des correspondances et que l’employeur, profitant de son remplacement durant son arrêt maladie, a vérifié son ordinateur et tous documents figurant à son adresse dédiée et à son nom ;

Considérant que, si un salarié a effectivement droit au respect de sa vie privée et de ses correspondances écrites comme orales, encore faut-il que ces correspondances présentent des indices de leur caractère personnel ; que tel n’est en l’espèce pas le cas puisque Madame [C], qui n’ignorait pas que l’ordinateur dans lequel ont été trouvés les documents en cause était un outil de travail appartenant au cabinet sur lequel tout remplaçant avait vocation à travailler, a usé de cet ordinateur à des fins personnelles sans prendre de précautions particulières pour protéger ses documents, dont certains constituent un dénigrement de l’employeur ; qu’elle ne peut utilement se retrancher derrière le fait qu’aucune disposition ni instruction ne lui interdisaient l’usage personnel des outils informatiques du cabinet médical dès lors que cet usage pouvait s’avéré néfaste pour l’employeur, ces outils ayant vocation à être utilisés par un tiers en cas de remplacement ;

Considérant qu’il est en outre établi qu’elle a utilisé un télécopieur de son employeur pour envoyer son propre CV ; que le grief reproché est ainsi avéré ;

Considérant, sur la gestion et la comptabilité, que l’employeur lui reproche des défauts de mise à jour des journaux comptables relatant les opérations courantes et les mouvements bancaires, l’utilisation de la ligne fixe France Telecom après l’installation de la ligne Free, le défaut de suivi de la comptabilité et de paiement de factures fournisseurs, ce qu’elle conteste ;

Considérant qu’à l’appui de ce grief, il produit la facture d’un fournisseur N MEDICAL du 3 janvier 2008 d’un montant de 82 €, reçue le vendredi 4 alors que la salariée était en arrêt de travail à partir du lundi 7, remplacée par Mademoiselle [J] ;

Considérant que la salariée rétorque à juste titre que les faits allégués relatifs à la comptabilité et au téléphone ont déjà fait l’objet des avertissements des 23 et 29 janvier 2008 qui sanctionnaient l’absence de bilan, l’absence de saisie des données comptables et bancaires et la gestion du site internet HSBC ; que ces faits ont donc déjà été sanctionnés, alors au surplus que la salariée avait expressément refusé auprès du Docteur [I] la prise en charge de la comptabilité et de la gestion des écritures hors de sa mission ;

Considérant que, s’agissant de la violation du secret professionnel voire médical, l’employeur reproche à la salariée de s’être “épanchée” auprès de plusieurs de ses patients et plus particulièrement de Mlle [N] , Madame [P] et Madame [Y] ; que la salariée rétorque principalement que la connaissance de faits révélés à la faveur de liens d’amitié qu’elle entretenait avec Mlle [N], ne peut être couverte par le secret professionnel et que les faits découverts et actés en 2007 sont prescrits ;

Considérant que Mlle [N], patiente du Dr [I], a certifié dans une lettre datée du 3 février 2008 à destination du cabinet médical qu’elle avait noué une relation amicale personnelle avec Madame [C] depuis 2002 et que cette dernière lui a fait part des difficultés rencontrées dans le cadre de l’exercice de ses fonctions, en ces termes ‘ elle ne fit aucun secret sur ses relations conflictuelles, en permanence, avec le Dr [K] et par intermittence, avec le Dr [I]. Par son intermédiaire j’ai su les grands traits de la vie personnelle des médecins du cabinet, par exemple, l’état de santé de la femme du Dr [V]…

Bien sûr, je n’en parlais pas avec mon médecin, jusqu’en janvier 2007, je lui ai demandé pourquoi le cabinet payait aussi mal leur secrétaire et la faisait travailler dans des conditions aussi inacceptables.(…) Le Dr [I] fut très surprise par toutes ses remarques qui lui semblaient injustifiées car [G] ne s’était jamais plainte. Néanmoins, elle en prit note et elle vit ces différents problèmes avec [G]’ ;

Considérant que les deux autres attestations des patients visés dans la lettre de licenciement ne comportent aucun élément permettant pas de caractériser le grief allégué ;

Considérant qu’il est ainsi établi que dès janvier 2007, le Dr [I] a eu connaissance d’indiscrétions relatives à sa vie privée ainsi qu’à celle d’autres médecins du cabinet, alors que la salariée était astreinte à une obligation de discrétion ; que, si l’employeur a attendu le 16 février 2008 pour lui en faire le reproche, l’existence de faits découverts postérieurement, permet de retenir ces indiscrétions au-delà du délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance ; que, dans ces conditions, le grief allégué est fondé ;

Considérant par ailleurs que les autres pièces communiquées sans être visées dans la lettre de licenciement relatives au changement de banque notifié à France Telecom le 2 janvier 2008 ou à l’absence de télécollecte des cartes bleues du Docteur [V] pendant plus de deux ans, ne caractérisent pas de griefs sérieux ; que la lettre de licenciement évoque ” quelques doutes sur la fiabilité des informations que vous transmettez à notre comptable’ sans évoquer de fait précis daté et circonstancié ; que ces griefs ne sont donc pas établis ;

Considérant qu’il ressort de ces éléments que le licenciement de Madame [C] repose sur une cause réelle et sérieuse, l’accueil et la mise en place des rendez-vous s’étant dégradés sans que le contexte de surcharge de travail invoqué soit démontré, et la salariée ayant fait un usage personnel, dans le cadre du dénigrement de son employeur et d’une recherche d’un autre emploi, de l’ordinateur et du télécopieur mis à sa disposition pour exercer ses fonctions ;

Considérant que l’issue du litige et la situation économique des parties commandent de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre des parties ; que Madame [C] succombant en ses prétentions supportera les dépens de première instance et d’appel ;

PAR CES MOTIFS

Rejette la demande visant à écarter des débats les attestations de Mesdames [N], [P], [Y] et [W], pièces n° 1, 2, 3 et 4 produites par la SCM CETERMED ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Rejette la demande de nullité du licenciement pour harcèlement moral et les demandes de dommages et intérêts formulées par Madame [C] ;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Madame [C] aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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