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14 septembre 2015
Cour d’appel de Paris
RG n°
15/06187
Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 1
ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2015
(n° 268, 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 15/06187
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 Mars 2015 -Tribunal de Grande Instance de Créteil – RG n° 15/00326
APPELANTS
Monsieur [W] [M] es-qualité de Délégué Syndical National CGT du LCL domicilié à ladite adresse.
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Me Fabrice FÉVRIER, avocat plaidant au barreau de PARIS, toque P0126
et ayant pour avocat postulant Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515
Fédération FEDERATION CGT DES SYNDICATS DU PERSONNEL DE LA BANQUE ET DE L’ASSURANCE (F.S.P.B.A-C.G.T) Représentée par sa Secrétaire Générale, Madame [K] [R], dûment mandatée et domiciliée en cette qualité audit siège.
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Fabrice FÉVRIER, avocat plaidant au barreau de PARIS, toque P0126
et ayant pour avocat postulant Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515
Société LA DELEGATION NATIONALE CGT ‘LE CREDIT LYONNAIS’ Représentée par le Délégué Syndical Nationale CGT, Monsieur [W] [M], domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Me Fabrice FÉVRIER, avocat plaidant au barreau de PARIS, toque P0126
et ayant pour avocat postulant Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515
INTIMEE
SA CREDIT LYONNAIS LCL agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Sophie UETTWILLER, avocat plaidant au barreau de PARIS, toque : P0261
et ayant pour avocat postulant Me Alain FISSELIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 08 Juin 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Irène CARBONNIER, Président de chambre
Madame Véronique SLOVE, Conseillère
Madame Isabelle DELAQUYS, Conseillère
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de
Madame Irène CARBONNIER, Président de chambre
Madame Martine VÉZANT, Conseillère
Madame Florence PERRET, Conseillère
Greffier : Mme Marine CARION lors des débats et de la mise à disposition
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, conformément à l’avis donné après les débats dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme CARBONNIER, Présidente, et par Madame Marine CARION, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * *
Vu l’ordonnance rendue le 12 mars 2015 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Créteil qui s’est déclaré incompétent pour statuer sur les prétentions de la Fédération CGT des syndicats du personnel de la banque et de l’assurance (FSPBA-CGT), la Délégation nationale CGT « Le Crédit Lyonnais » (CGT-LCL) et M. [W] [M] ès qualités de délégué syndical CGT-LCL,
Vu l’appel interjeté au nom de la FSPBA-CGT, de la CGT-LCL et de [W] [M] et la requête à jour fixe des appelants qui demandent l’infirmation de l’ordonnance et concluent à la compétence du juge des référés du tribunal de grande instance pour statuer sur leurs demandes, sollicitant
– la constatation que la décision prise le 18 février 2015 par LCL de procéder à la fermeture de la messagerie « [email protected] » pour une durée de 30 jours du 23 février au 23 mars 2015 constituait un trouble manifestement illicite au jour de l’ordonnance de référé entreprise,
– a condamnation de l’employeur à publier le dispositif du présent arrêt par voie électronique interne auprès de tous les salariés sous astreinte de 10 000 euros passé le délai de 24 heures et à leur verser la somme de 30 000 euros à titre provisionnel en réparation de leur préjudice ainsi que celle de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Vu les conclusions de la SA LCL tendant également à la réformation de l’ordonnance déférée et, vu l’absence de trouble manifestement illicite, la violation manifeste et réitérée par la CGT LCL de l’avenant numéro 3 à l’accord collectif relatif au dialogue social du 2 juillet 2007 et l’absence de discrimination et de violation du secret des correspondances privées, à
-l’incompétence de la formation des référés pour se prononcer sur la contestation/interprétation des modalités d’accès et d’utilisation de la messagerie interne, de l’intranet et d’internet, conclues par avenant numéro 3 de l’accord d’entreprise relatif au dialogue social,
– la condamnation des requérants à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Considérant que la CGT-DELEGATION-NATIONALE (LCL) a envoyé le 28 janvier à 19 heures 11 et le jeudi 29 janvier à 12 heures 16 et 16 heures 45 trois mails à tous les salariés de LCL, le premier, à un complément d’indemnité Congés payés, ayant pour objet « spécial cadeau sur paie de janvier 2015 😉 » et accompagné de trois pièces, le second, au 13ème mois, ayant pour objet « Special alternants » et accompagné de deux pièces, le troisième concernant les salariés plates formes téléphoniques, intitulé « Suivi action 915 € – Négociation accord PFTEL », avec trois pièces jointes ;
Que, par courrier du 18 février 2015, le directeur des ressources humaines de la SA LCL a informé M. [W] [M], délégué syndical national CGT, de la fermeture de tout accès à sa messagerie pour une durée, conforme à la pratique, de 30 jours à compter du 23 février 2015 en raison d’une utilisation abusive et réitérée, avec la volonté manifeste de contourner les dispositions de l’article 10.4.1 et 10.4.2 de l’avenant n° 3 de l’accord d’entreprise sur le dialogue social du 11 mars 2010 relatives à la nature des messages diffusés, ce en application de l’article 10.6 qui dispose que toute violation des règles d’utilisation de la messagerie interne Lotus Notes et de l’intranet par une personne bénéficiant d’un accès au titre du présent accord ou par toute autre personne qui aurait utilisé, directement ou indirectement, à juste titre ou non, la messagerie ou l’intranet, entraînera la fermeture immédiate des accès et/ou de la rubrique de l’instance concernée et expose le contrevenant à des sanctions disciplinaires ;
Considérant, s’agissant de la compétence du tribunal de grande instance, que les deux parties critiquent à juste titre l’ordonnance déférée en ce qu’elle s’est déclarée incompétente au profit de la juridiction prudhommale ; qu’il est en effet indiscutable, alors qu’aucune sanction disciplinaire ne peut être prononcée en raison d’un fait reproché au salarié dans l’exercice d’un mandat représentatif, que le présent litige oppose l’employeur à une organisation syndicale, non à un salarié ; que le courrier du crédit lyonnais du 18 février 2015 ne peut assurément pas s’analyser en une sanction disciplinaire individuelle dont la contestation relèverait du conseil de prudhommes ;
Considérant, sur la compétence du juge des référés contestée par LCL qui invoque l’absence de trouble manifestement illicite en s’appuyant sur les termes de l’accord collectif du 11 mars 2010 en l’absence de toute disposition légale, qu’il appartient au président du tribunal de grande instance de prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état s’imposant pour faire cesser un trouble manifestement illicite, lequel est caractérisé par toute violation évidente d’une règle de droit ;
Mais considérant que, déclinant l’un des aspects de la liberté syndicale, l’article L.2142-6 du code du travail dispose qu’un accord d’entreprise peut autoriser la mise à disposition des publications et tracts de nature syndicale, soit sur un site syndical mis en place sur l’intranet de l’entreprise, soit par diffusion sur la messagerie électronique de l’entreprise. Dans ce dernier cas, cette diffusion doit être compatible avec les exigences de bon fonctionnement du réseau informatique de l’entreprise et ne doit pas entraver l’accomplissement du travail.
L’accord d’entreprise définit les modalités de cette mise à disposition ou de ce mode de diffusion, en précisant notamment les conditions d’accès des organisations syndicales et les règles techniques visant à préserver la liberté de choix des salariés d’accepter ou de refuser un message ;
Que c’est dans ce cadre qu’a été pris l’avenant n° 3 du 11 mars 2010 à l’accord relatif au dialogue social du 2 juillet 2007, dont l’article 10 intitulé « Modalités d’accès et d’utilisation de la messagerie interne, de l’intranet et d’internet ‘ Mise en place d’espaces de travail en ligne » prévoit que les représentants du personnel et les organisations syndicales ont accès à l’intranet de LCL ainsi qu’à la messagerie interne, chaque salarié, chaque représentant du personnel, chaque organisation syndicale disposant d’une adresse nominative Lotus Notes et d’un accès à l’intranet et trois boîtes aux lettres Lotus Notes étant attibuées respectivement au délégué syndical national, au délégué syndical national adjoint et à la délégation nationale ;
Qu’au sujet de l’utilisation de la messagerie interne Lotus Notes, l’article 10.4.1 précise que la messagerie interne, qui a pour objet de faciliter et d’organiser la circulation électronique des informations et correspondances entre les salariés titulaires de mandats et entre les salariés titulaires de mandats et leurs interlocuteurs au sein de la Direction, ne constitue pas un outil de communication des organisations syndicales et instances représentatives du personnel vers les salariés de LCL et n’a pas vocation à être utilisée à titre personnel, politique, diffamatoire, etc ; qu’il résulte de l’article 10.4.2 que « les envois particuliers ou en masse de messages ou de documents au personnel de l’entreprise, quels qu’ils soient, quelle que soit la forme de l’envoi (internet, messagerie interne) et de quelque ordinateur que ce soit, ne sont pas autorisés » mais que « les réponses aux questions individuelles posées par les collaborateurs via la messagerie Lotus Notes sont autorisées » ;
Et considérant que les trois courriels des 28 et 29 janvier 2015 sanctionnés par la direction des ressources humaines de LCL constituent indiscutablement, non des tracts et publications de nature syndicale faisant l’objet d’une diffusion de masse dans un but de propagande électorale, d’appel à la grève ou de revendications diverses, mais des réponses informatives à des questions individuelles, auraient-t-elles été, comme en justifient les appelants, posées à la CGT-LCL par de nombreux collaborateurs et nécessité par conséquent un envoi groupé ; que ni la forme, ni le contenu des trois messages accompagnés de plusieurs pièces mis en cause par la direction de LCL ne permettent de tenir ces documents pour des tracts syndicaux ou des messages personnels, politiques ou diffamatoires ;
Qu’en l’état de ces éléments, la fermeture de tout accès à la messagerie du DSN ([email protected]) du 23 février au 23 mars 2015 prise par LCL constitue une violation des dispositions légales et conventionnelles applicables et, partant, un trouble manifestement illicite dont la FSPBA-CGT, la Délégation CGT-LCL et M. [W] [M] étaient en droit, à la date de l’assignation du 3 mars 2015, de demander de le faire cesser ;
Considérant, s’agissant de la demande de provision sur dommages-intérêts, que la sanction prononcée abusivement par LCL à l’encontre de la CGT porte un préjudice à l’intérêt collectif de la profession représentée par les instances représentatives du personnel à l’origine de la procédure ; que la SA LCL, tenue de réparer ce préjudice, doit être condamnée à verser à titre provisionnel aux demandeurs la somme totale de 5 000 euros ;
Qu’il n’y a pas lieu, en l’état de la procédure, d’ordonner la publication par voie de communication électronique interne du dispositif de l’arrêt ;
Que l’équité commande de condamner LCL au paiement à la FSPBA-CGT, la Délégation CGT-LCL et M. [W] [M] de la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Infirme l’ordonnance déférée,
Constate que la fermeture de la messagerie « [email protected] » constituait, à la date de l’assignation, un trouble manifestement illicite,
En conséquence, condamne la SA LCL à verser une provision globale de 5 000 euros, à valoir sur leur préjudice, à la Fédération CGT des syndicats du personnel de la banque et de l’assurance, la Délégation nationale CGT « Le Crédit Lyonnais » et M. [W] [M], ès qualités de délégué syndical CGT-LCL,
Condamne LCL aux dépens et à payer à la Fédération CGT des syndicats du personnel de la banque et de l’assurance, la Délégation nationale CGT « Le Crédit Lyonnais » et M. [W] [M] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de toutes autres demandes.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT