Secret des correspondances : 17 mars 2016 Cour de cassation Pourvoi n° 15-14.557

·

·

Secret des correspondances : 17 mars 2016 Cour de cassation Pourvoi n° 15-14.557
Je soutiens LegalPlanet avec 5 ⭐

17 mars 2016
Cour de cassation
Pourvoi n°
15-14.557

CIV. 1

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 mars 2016

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 278 F-P+B

Pourvoi n° G 15-14.557

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. [I] [W], domicilié [Adresse 2],

contre l’arrêt rendu le 22 janvier 2015 par la cour d’appel de Paris (pôle 2, chambre 1), dans le litige l’opposant :

1°/ au bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau de Paris, domicilié Ordre des avocats de Paris, [Adresse 1],

2°/ à l’ordre des avocats au barreau de Paris, dont le siège est [Adresse 1],

3°/ au procureur général près la cour d’appel de Paris, domicilié en son parquet général [Adresse 3],

défendeurs à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 16 février 2016, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme Wallon, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Laumône, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Wallon, conseiller, les observations de la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat de M. [W], de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat du bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau de Paris, l’avis de M. Ingall-Montagnier, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 22 janvier 2015), que M. [W], avocat, a fait l’objet d’une poursuite disciplinaire à l’initiative du bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau de Paris, qui lui reprochait notamment d’avoir produit, au cours d’une instance l’opposant à deux collaboratrices libérales, des documents couverts par le secret des correspondances, et ainsi manqué aux principes essentiels de la profession d’avocat, définis à l’article 1.3 du Règlement intérieur national des avocats (RIN) ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. [W] fait grief à l’arrêt de dire qu’il a manqué au principe de délicatesse et, ainsi, violé l’article 1.3 du RIN, alors, selon le moyen :

1°/ que le collaborateur, qui laisse une messagerie électronique ouverte sur l’ordinateur professionnel mis à sa disposition par l’avocat auquel il est lié par un contrat de collaboration, confère à ladite messagerie le caractère d’annexe professionnelle, en sorte que les courriels y figurant sont présumés professionnels, sauf leur identification comme étant personnels au collaborateur, et que l’avocat peut donc les consulter hors la présence de ce dernier ; qu’en l’espèce, la cour d’appel qui a affirmé que « M. [W] ne pouvait pas déduire du fait que sa collaboratrice avait laissé (sa messagerie) ouverte (sur l’ordinateur professionnel mis à sa disposition) qu’elle consentait à ce qu’il la consulte » et en a conclu qu’ « en en prenant connaissance dans ces conditions, il (avait) commis un manquement à la délicatesse », a statué par des motifs erronés et a violé par fausse application l’article 1.3 du RIN ;

2°/ que la production d’un courriel présumé professionnel d’un collaborateur dans une procédure relative à la rupture du contrat le liant à un avocat ne suppose l’accord du collaborateur ou, à défaut, une autorisation judiciaire, que si le contenu du courriel s’avère relever de la vie privée de ce dernier ; que la cour d’appel, qui n’a pas vérifié si le contenu des courriels produits dans la procédure opposant M. [W] à ses collaboratrices concernait des faits de la vie privée de ces dernières ou si, au contraire, ce contenu était en rapport avec leur activité professionnelle, ainsi que le demandeur le faisait valoir dans ses conclusions d’appel, a privé sa décision de base légale au regard des dispositions combinées de l’article 1.3 du RIN et de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

3°/ que constitue une atteinte au principe de l’égalité des armes résultant du droit à un procès équitable garanti par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales le fait d’interdire à une partie de faire la preuve d’un élément de fait essentiel pour le succès de ses prétentions ; qu’en l’espèce, le droit à la preuve justifiait que M. [W], ayant pris régulièrement connaissance de mails échangés entre collaborateurs au temps de la collaboration et figurant sur l’annexe professionnelle de l’ordinateur mis à leur disposition, produise devant la commission de conciliation les mails, non identifiés comme personnels, révélant un refus de travail et des propos insultants pour son cabinet et sa personne qui constituaient les motifs mêmes de la rupture des contrats de collaboration ; qu’en affirmant que « M. [W] (avait) commis un manquement à la délicatesse en les produisant devant la commission de conciliation », au motif erroné que « la provenance de ces messages était pour le moins douteuse » et qu’il importait peu que « ces messages aient présenté ou non un caractère purement privé », la cour d’appel a violé par fausse application l’article 1.3 du RIN ;

Mais attendu qu’ayant énoncé que les messageries utilisées par les deux collaboratrices libérales étaient privées, s’agissant d’adresses personnelles « gmail » mises à la disposition des internautes par la société Google, l’arrêt relève que, si l’accès au serveur de l’opérateur internet s’effectuait au moyen de l’ordinateur professionnel, la boîte de réception électronique personnelle de la collaboratrice conservait néanmoins son caractère privé et que M. [W] ne pouvait déduire de l’absence de fermeture de la messagerie, le consentement de sa collaboratrice à la consultation, hors sa présence, de son contenu ; qu’en l’état de ces énonciations et appréciations, la cour d’appel a exactement décidé que M. [W] avait manqué à la délicatesse en prenant connaissance de messages couverts par le secret des correspondances, dès lors qu’ils figuraient sur une messagerie personnelle, quel qu’en soit le contenu, et en les produisant devant la commission de conciliation ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. [W] fait grief à l’arrêt de prononcer la sanction de l’interdiction temporaire d’exercice de la profession d’avocat pendant une durée de deux mois, assortie pour moitié du sursis ;

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x