Secret des correspondances : 24 mars 2016 Cour d’appel de Versailles RG n° 15/04675

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Secret des correspondances : 24 mars 2016 Cour d’appel de Versailles RG n° 15/04675
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24 mars 2016
Cour d’appel de Versailles
RG n°
15/04675

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 00A

14e chambre

ARRÊT N°

contradictoire

DU 24 MARS 2016

R.G. N° 15/04675

R.G. N° 15/04676

AFFAIRE :

SAS PRICEWATERHOUSECOOPERS CORPORATE FINANCE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

C/

SARL MEDICOM HEALTHCARE HOLDING B.V. agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 21 Novembre 2012 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° RG :

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Christophe DEBRAY

Me Martine DUPUIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT QUATRE MARS DEUX MILLE SEIZE,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

SAS PRICEWATERHOUSECOOPERS CORPORATE FINANCE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Appelante dans le RG 15/04676

N° SIRET : 341 331 627

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Représentée par Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire 627 – N° du dossier 12000592

assistée de Me Olivier HILLEL, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

SARL MEDICOM HEALTHCARE HOLDING B.V. agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Intimée dans le RG 15/04676

N° : 32072801

[Adresse 3]

[Adresse 4] (PAYS-BAS)

Représentée par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire 625 – N° du dossier 1351275

assistée de Me Jean-Daniel BRETZNER et de Me Eve DUMINY, avocats au barreau de PARIS

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 03 Février 2016, Monsieur Jean-Michel SOMMER, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-Michel SOMMER, président,

Madame Véronique CATRY, conseiller,

Madame Maïté GRISON-PASCAIL, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Agnès MARIE

FAITS ET PROCÉDURE

Le 24 juin 2011, la société Medicom Healthcare holding BV (Medicom) a fait l’acquisition de 78% du capital de la société Groupe Kolmi-Hopen (GKH) auprès de diverses personnes physiques qui ont été assistées par la société Pricewaterhouse Coopers Corporate Finance (PwC).

S’estimant victime d’une tromperie, Medicom a déposé une requête en vue de voir ordonner une mesure d’instruction, de commettre à cet effet un huissier de justice chargé de se rendre au siège de PwC pour y saisir certains documents relatifs à la cession de contrôle de GKH et les conserver.

Par une ordonnance sur requête du 9 mai 2012, le président du tribunal de commerce de Nanterre a accueilli la demande de Medicom, se réservant expressément la faculté de connaître et de trancher les difficultés en cas d’inexécution de la mission, en vertu de l’article 496 du code de procédure civile,

Le 9 mai 2012, PwC, a demandé la rétractation de l’ordonnance.

Le 6 juin 2012, l’huissier de justice s’est vu opposer un refus d’exécuter sa mission par PwC au nom du principe du secret des affaires et du respect de la vie privée.

Le 20 juillet 2012, Medicom a fait assigner PwC aux fins d’être autorisée à accéder aux pièces détenues par PwC et vérifier qu’aucun document n’avait été détruit.

Par une première ordonnance du 21 novembre 2012, le président du tribunal de commerce de Nanterre a dit n’y avoir lieu à rétractation de son ordonnance du 9 mai 2012 et a condamné PwC à verser à Medicom la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par une seconde ordonnance du même jour, saisi par Medicom, ce juge s’est déclaré compétent et a notamment ordonné l’ouverture du séquestre et la remise entre les mains de Medicom de l’ensemble des pièces séquestrées au siège de PwC, qui ne saurait persister à faire obstacle à l’ordonnance exécutoire rendue le 9 mai 2012, a ordonné à PwC de laisser le mandataire instrumenter conformément aux termes de cette ordonnance assisté d’un expert en informatique et de la force publique et ce, sous astreinte provisoire de 30 000 euros par jour de retard à compter du jour où le mandataire se présentera à nouveau au siège de PwC, s’est réservé la possibilité de liquider l’astreinte provisoire et a condamné PwC à verser Medicom la somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 5 décembre 2012, PwC a relevé appel des deux ordonnances.

Par une ordonnance du 13 février 2014, les deux affaires ont été retirées du rôle.

Une demande de rétablissement a été formée le 26 juin 2015.

Aux termes de ses deux derniers jeux de conclusions du 20 janvier 2016, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, PwC demande à la cour, pour chaque ordonnance, de :

– la déclarer recevable en son appel et bien fondée en l’ensemble de ses demandes ;

– annuler les ordonnances déférées pour excès de pouvoir et manquement au devoir d’impartialité et les rétracter ;

Concernant plus particulièrement l’ordonnance rejetant la demande de rétractation de l’ordonnance du 9 mai 2012, elle soutient essentiellement que :

– le premier juge a excédé ses pouvoirs en s’auto-saisissant, ès qualités de jugé des référés, alors qu’il était saisi en la forme des référés,

– le premier juge a manqué à son devoir d’impartialité, notamment :

. en reprenant à son compte, les accusations de fraude portées par Medicom à l’endroit de PwC, et fondées sur une présomption de mauvaise foi,

. en empiétant sur les pouvoirs du juge du fond, en interprétant et dénaturant la mission contractuelle de conseil confiée à PwC par les actionnaires cédants. Le premier juge a ainsi retenu que la mission était une mission d’évaluation de la société cible dans l’intérêt commun des parties cédantes et cessionnaire, alors qu’il apparaît que la mission de PwC était de simple assistance et à la seule destination de ses clients.

– le premier juge a dérogé au principe du contradictoire sans justification lorsqu’il a confirmé l’ordonnance rendue le 9 mai 2012, qui prescrivait une mesure d’instruction in futurum, en se fondant sur des circonstances subjectives qui lui étaient postérieures ;

– la mesure ne reposait pas sur un motif légitime, car PwC n’était pas alors considérée en sa qualité de potentiel défendeur à une instance future mais en tant que conseil, détenteur à ce titre d’informations confidentielles ;

– les clients du conseil ont droit à la protection de la confidentialité et au respect du secret des correspondances échangées avec le conseil et entre les membres du cabinet de conseil ;

– la mesure, telle que prescrite par l’ordonnance, relève d’une véritable investigation générale, assimilable à une perquisition privée donnant un accès total et sans limite au système informatique de PwC et aux données qu’il renferme ;

– la mesure n’a pas été notifiée aux cédants immédiatement après sa réalisation, violant à cet égard le principe de la contradiction.

– En outre le juge, statuant sur requête, a excédé ses pouvoirs :

. en désignant, pour exécuter la mesure d’instruction qu’il ordonnait, un mandataire de justice ;

. en déléguant à celui-ci son pouvoir juridictionnel pour lui avoir confié le soin de désigner un expert ;

. en s’auto-désignant pour examiner les pièces saisies et statuer sur la communication de celles sous séquestre ;

En conséquence, PwC demande à la cour de :

– dire que le premier juge ne pouvait faire droit à la requête de la société Medicom et ne pouvait ensuite, saisi par le cabinet PwC, en la forme des référés, aux fins de rétractation de l’ordonnance rendue sur requête le 9 mai 2012, rejeter cette demande de rétractation ;

Aux termes de ses conclusions du 22 décembre 2015, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Medicom demande à la cour, au visa des articles 145 et 495 alinéa 3 du code de procédure civile, de :

– débouter PwC de ses appels aux fins d’annulation ;

 

– débouter PwC de ses appels réformation ;

– débouter PwC de toutes demandes, fins ou conclusions contraires ;

– confirmer les ordonnances déférées en toutes leurs dispositions ;

Medicom soutient essentiellement que :

– aucun excès de pouvoirs et aucune violation de son devoir d’impartialité ne peuvent être imputés au juge du premier degré qui a ordonné les mesures litigieuses ;

– aucune violation de l’article 495 alinéa 3 du code de procédure civile ne peut être alléguée à l’encontre de Medicom et que la mesure ordonnée en l’espèce était parfaitement ‘possible’, qu’elle a du reste été exécutée le 24 mai 2013, dès lors que PwC a cessé de faire barrage à tout accès à ses locaux et ordinateurs, et qu’en toute hypothèse, son caractère éventuellement «impossible» ne saurait se traduire par la rétractation de l’ordonnance initiale.

L’ordonnance de clôture a été rendue dans chaque affaire le 7 janvier 2016.

MOTIFS DE LA DÉCISION,

I – Sur la jonction des procédures

Il existe entre les instances enregistrées sous les numéros RG15/04675 et RG15/04676 un lien tel qu’il est de l’intérêt d’une bonne justice de les juger ensemble. La jonction des ces procédures sera ordonnée conformément aux dispositions de l’article 367 du code de procédure civile.

II – Sur l’appel formé contre l’ordonnance du 21 novembre 2012 ayant dit n’y avoir lieu à rétractation de l’ordonnance sur requête du 9 mai 2012 (n°2012R01020)

A – Sur la demande d’annulation de l’ordonnance

1° sur l’excès de pouvoir du juge au regard de l’article 496 alinéa 2 du code de procédure civile

PwC soutient que, le président du tribunal de commerce ayant été saisi comme en matière de référé le 28 août 2012, pour statuer, en sa qualité de juge des requêtes, de la demande de rétractation de l’ordonnance du 9 mai 2012, le juge saisi ne pouvait, sans s”auto-saisir’ et excéder ainsi ses pouvoirs, statuer en qualité de juge des référés.

Il est cependant acquis que le juge des requêtes, saisi d’une demande de rétractation de l’une de ses ordonnances, ne peut statuer qu’en référé, en exerçant les pouvoirs que lui confère exclusivement l’article 496, alinéa 2 du code de procédure civile, peu important que l’assignation soit intitulée ‘assignation comme en matière de référé’ (Civ.2ème, 19 février 2015, Bull.II, n° 42, pourvoi n° 13-28/223).

C’est dans ces conditions sans encourir le grief que le premier juge a statué.

2° sur la dénaturation du contrat liant PwC à ses clients

Selon PwC, le premier juge aurait encore méconnu l’étendue de ses pouvoirs en dénaturant l’objet du contrat conclu entre elle et ses les actionnaires cédants.

Toutefois, l’ordonnance entreprise ne se prononce pas, dans son dispositif, sur la qualification du contrat liant PwC à ses clients, MM. [B], [Q] et [H].

En toute hypothèse, la critique formulée, à la supposer fondée, ne constitue pas un excès de pouvoir du juge.

Elle sera analysée au titre des mérites de la requête, en particulier de l’existence d’un motif légitime.

3° sur le défaut d’impartialité du juge de la rétractation

En énonçant que ‘le risque de dépérissement des preuves était caractérisé’, que ‘l’obstruction systématique de PwC, la collusion évidente avec ses clients’, pouvaient ‘légitimement inspirer à Medicom la crainte de voir certains documents disparaître’, le premier juge n’a fait montre d’aucune animosité ou d’inimité à l’égard de PwC, n’a pas usé de termes excessifs ou péjoratifs et n’a pas, comme le laisse entendre PwC, instruit un procès d’intention à son encontre. Les termes ne l’ordonnance ne sont pas de nature à laisser peser sur le juge qui l’a rendue le moindre soupçon de partialité.

Un tel soupçon ne résulte pas davantage du rapprochement de cette décision avec celle rendue par le même juge le même jour, qui a ordonné sous astreinte à PwC de laisser l’huissier de justice commis instrumenter.

B – Sur les mérites de la requête

Selon l’article 145 du code de procédure civile, ‘s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé’.

Le juge, saisi d’une demande de rétractation d’une ordonnance sur requête ayant ordonné une mesure sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile et tenu d’apprécier au jour où il statue les mérites de la requête, doit s’assurer de l’existence d’un motif légitime à ordonner la mesure probatoire et des circonstances justifiant de ne pas y procéder contradictoirement.

L’instance en rétractation d’une ordonnance sur requête ayant ordonné une mesure d’instruction sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ayant pour seul objet de soumettre à l’examen d’un débat contradictoire les mesures initiales ordonnées à l’initiative d’une partie en l’absence de son adversaire, la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet.

1° sur l’existence d’un motif légitime

La requête et l’ordonnance qui en adopte les motifs en la visant, explique qu’elle envisage d’engager une action contre les actionnaires cédants et/ou PwC en leur reprochant de lui avoir délivré une information fausse, au sujet notamment de l”Etitba’ récurrent de GKH pour 2010 et qu’il importe de vérifier à cet effet le rôle précis de PwC dans la vérification des informations fausses communiquées à Medicom et/ou dans la conception des documents dans la ‘data room’, de déterminer lequel des actionnaires cédants a fourni les informations et pièces placées dans cette ‘data room’, au sujet notamment de l”Etitba’, et de rechercher la nature et l’étendue des dommages qui en sont résultés pour la requérante.

Medicom, qui n’était pas tenue d’indiquer avec précision le fondement juridique de l’action qu’elle projetait d’introduire, s’est expliquée de la sorte avec suffisamment de netteté pour caractériser un motif légitime de rassembler des éléments de nature à conserver ou à établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige en responsabilité extra-contractuelle, fondé sur un comportement pouvant présenter les caractéristiques d’une faute délictuelle ou contractuelle de PwC ou de l’un des actionnaires cédants.

Ainsi que l’a relevé le premier juge, Medicom a de surcroît étayé sa requête par une analyse des informations communiquées et mises en ligne dans la ‘data room’, effectuée par le cabinet Accuracy, qui conclut que Medicom s’est déterminée sur la base d’une information fausse fournie par les actionnaires cédants et PwC. Cette analyse est corroborée par un expert judiciaire qui confirme le caractère volontaire de la dissimulation.

C’est à tort que PwC oppose à Medicom, à ce stade de la procédure, la nature du contrat qui la lie aux actionnaires cédants, dans la mesure où il n’appartient pas au juge de la requête de qualifier cette convention au lieu et place du juge qui sera appelé à trancher le litige futur.

L’examen de la lettre de mission de PwC du 25 octobre 2010 montre en l’état que les actionnaires de GKH ont sollicité son concours pour une mission de conseil dans la revue des différentes options stratégiques et dans la mise en oeuvre éventuelle d’une transaction. L’étendue de cette mission couvre en particulier l’assistance dans l’évaluation de la société, la compréhension des données financières et comptables de la société, la préparation d’un mémorandum d’informations, l’établissement d’une liste d’acheteurs potentiels en collaboration avec les cédants, l’envoi de ce memorandum à ces acheteurs, la coordination dans la préparation d’une data room et l’assistance dans la préparation des présentations du management de la société à l’intention des acheteurs et d’assistance au cours des négociations avec les acheteurs potentiels, en vue de la réalisation de la transaction.

La définition de la mission, dont il se déduit sans conteste que PwC serait susceptible de détenir des documents et informations en relation avec les éléments fournis à Medicom en vue de la cession, rend légitime le motif allégué, étant observé qu’aucune règle n’impose que la personne qui supporte l’exécution de la mesure soit nécessairement défendeur potentiel au procès envisagé.

La requête présentée reposait dès lors bien sur un motif légitime

2° sur le caractère légalement admissible de la mesure ordonnée

PwC soutient en premier lieu que les clients du conseil ont droit à la protection de la confidentialité et au respect du secret des correspondances échangées avec le conseil et entre les membres du cabinet de conseil.

Aucun secret ou règle de confidentialité ne peut cependant être opposée par PwC pour dénier à la mesure ordonnée un caractère légalement admissible.

La lettre de mission énonce expressément que la mission ne comprend pas les tâches confiées à un avocat.

Ni le secret des affaires ni la clause de confidentialité figurant dans la lettre de mission ne sauraient à eux seuls faire échec à l’instauration d’une mesure instaurée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.

En second lieu, la mesure, telle que prescrite par l’ordonnance déférée, n’est pas disproportionnée au but qu’elle poursuit et ne relève en aucune façon d’une mesure d’investigation générale, assimilable à une perquisition privée donnant un accès total et sans limite au système informatique de PwC et aux données qu’il renferme comme le soutient l’appelante.

Elle est circonscrite à la fois dans le temps et par l’utilisation de mots-clés précis et discriminants, la possibilité d’utiliser les mots ‘Villiers’, correspondant aussi au nom de la rue du siège social de PwC ou de ‘Etitba’, qui a été combiné avec d’autres mots-clés, ne suffisant pas à priver la mesure de son caractère admissible.

PwC ne saurait davantage tirer argument d’une impossibilité matérielle ou factuelle de mettre en oeuvre la mesure, qui révèle des difficultés d’exécution de l’ordonnance, pour en solliciter la rétractation.

En troisième lieu, PwC critique la délégation faite par le juge du pouvoir de se faire assister de tout expert judiciaire informatique de son choix.

Les mesures légalement admissibles, au sens de l’article 145 du code de procédure civile, sont celles prévues par les articles 232-à 284-1 du code de procédure civile.

L’ordonnance ne fait que s’inspirer des dispositions des articles 278 et 278-1 du code de procédure civile qui prévoient, pour le premier de ces textes, que ‘l’expert’ peut prendre l’initiative de recueillir l’avis d’un autre technicien, dans une spécialité distincte de la sienne et, pour le second, qu’il peut se faire assister dans l’accomplissement de sa mission par la personne de son choix qui intervient sous son contrôle et sa responsabilité.

Aucune disposition n’interdit au juge des requêtes de procéder ainsi, la faculté donnée à l’huissier de justice commis ne pouvant s’analyser comme il est prétendu en une délégation prohibée du pouvoir juridictionnel.

En quatrième et dernier lieu, il était également loisible au juge de dire qu’il lui en sera référé en cas de difficultés, notamment ‘en cas d’obstacles tels qu’ils ne permettent pas l’exécution de la mission’, et que les parties ‘viendraient devant lui en référé, à une audience fixée en temps utile, afin qu’il soit statué sur la communication des pièces placées sous séquestre’. Ces chefs de dispositif se bornent à mettre en oeuvre les articles 496 et 497 du code de procédure civile et ne méconnaissent pas l’étendue des pouvoirs du juge des requêtes

3° sur la nécessité des déroger aux exigences de la contradiction

La requête et l’ordonnance qui en adopte les motifs exposent que les documents qui ont vocation à être appréhendés se présentent sous une forme (e-mails, fichiers informatiques) qui rend leur dissimulation et/ou leur destruction très aisée et rapide à mettre en oeuvre, que la dissimulation volontaire des colonnes contenant des informations pertinentes dans un fichier figurant dans la data room ne peut que conduire Medicom à s’interroger sur l’éthique des cédants et de PwC, et qu’en s’abstenant de communiquer à Medicom les questions/réponses posées dans le cadre de la data room, malgré une demande réitérée, PwC et/ou les actionnaires cédants ont adopté une attitude qui permet de douter de leur propension à faire preuve de transparence.

Il est ainsi amplement justifié de circonstances justifiant de ne pas procéder contradictoirement, peu important que le juge de la rétractation a pu faire état de l’attitude postérieure de PwC pour faire échec aux demandes de Medicom ou que la mise en oeuvre de la mesure se soit heurtée à des difficultés.

C – Sur le respect des dispositions de l’article 495, alinéa 3 du code de procédure civile

Selon l’alinéa 3 de l’article 495 du code de procédure civile, ‘copie de la requête et de l’ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée’.

Le texte ne s’applique qu’à la personne qui supporte l’exécution de la mesure, qu’elle soit ou non défendeur potentiel au procès envisagé ( Civ.2ème, 4 juin 2015, pourvoi n° 14-14.233).

Le moyen selon lequel copie de la requête et de l’ordonnance aurait dû être remise aux actionnaires cédants ne peut être dès lors être accueilli.

Pour l’ensemble de ces motifs, l’ordonnance sera confirmée.

III – Sur l’appel formé contre l’ordonnance du 21 novembre 2012 ayant ordonné l’ouverture du séquestre et la remise à Medicom des pièces séquestrées (n°2012R00993)

A – Sur la demande de nullité de l’ordonnance

PwC expose que l’ordonnance est nulle car le juge saisi de la requête ne pouvait désigner le juge des référés pour statuer sur la communication des pièces séquestrées.

Il a été répondu ci-dessus à ce moyen au titre des griefs formés contre l’ordonnance ayant rejeté la demande de rétractation.

L’appelante ajoute que le juge a excédé ses pouvoirs en statuant en référé et non comme en matière de référé.

Cependant, le président du tribunal de grande instance, s’il a été saisi en référé, à la demande de Medicom le 20 juillet 2012, a statué dans les limites que lui conférait l’ordonnance sur requête du 9 mai 2012 et conformément aux dispositions des articles 496 alinéa 2 et 497 du code de procédure civile.

Il s’ensuit que ce grief n’est pas fondé.

PwC ne peut pas non plus utilement soutenir que seul le juge chargé de contrôler l’exécution des mesures d’instruction pouvait connaître des difficultés d’exécution de la mesure d’instruction ordonnée.

D’abord, la mesure d’instruction en cause n’a pas été ordonnée en application de l’article 232 du code de procédure civile, auquel renvoie l’article 155-1, mais de l’article 145 de ce code.

En toute hypothèse, ni l’article 155 du code de procédure civile ni l’article 167 du même code ne confèrent au juge chargé de contrôler l’exécution des mesures d’instruction une compétence exclusive de celle du juge qui a ordonné la mesure lorsque celui-ci, au surplus, s’est expressément réservé la possibilité de statuer sur les difficultés ou sur les modalités d’exécution de la mesure.

De la même façon, en autorisant le ‘mandataire’, assisté de l’expert en informatique, à accomplir toutes diligences propres à lui permettre de vérifier qu’aucun des documents et/ou courriels susceptibles d’être appréhendés en application de l’ordonnance sur requête n’avait été détruit et procéder la cas échéant à la restauration de tous documents et/ou courriels éventuellement détruits, le premier juge n’a fait que se conformer à l’ordonnance exécutoire du 9 mai 2012 qui avait dit qu’il lui en sera référé en cas de difficulté.

Le juge a également complété la mesure d’instruction ordonnée, en conformité avec les dispositions de l’article 497 du code de procédure civile, sans violer le droit de propriété ou le secret des affaires et des correspondances.

Enfin, il ne saurait être fait grief au juge d’avoir, dans son ordonnance, comme d’ailleurs dans celle du 9 mai 2012, utilisé l’expression de ‘mandataire’ pour désigner l’huissier de justice auquel il confiait effectivement un mandat judiciaire d’accomplir une mesure d’instruction légalement admissible.

B – Sur le défaut d’impartialité du juge

L’ordonnance entreprise n’a pas plus dénaturé la lettre de mission de PwC que l’ordonnance ayant dit n’y avoir lieu à rétractation de l’ordonnance sur requête.

En énonçant que PwC avait eu un rôle moteur dans la transaction puisqu’elle avait en charge de déterminer la valeur de la participation offerte à la vente et que son rôle a dépassé le simple rôle de conseil et qu’elle était le seul interlocuteur de Medicom, le premier juge n’a pas dénaturé un acte clair et non équivoque et n’a pas, en tous les cas, manifesté un défaut d’impartialité.

Il ne s’est pas davantage exprimé en termes péjoratifs à l’endroit de PwC, n’a pas instruit à son égard de procès d’intention et il ne résulte aucunement de l’ordonnance des éléments laissant peser sur le juge un soupçon de partialité.

Enfin, le président du tribunal a fixé le montant de l’astreinte à un niveau qu’il a apprécié dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, sans que la somme retenue traduise une quelconque animosité ou inimitié à l’égard de PwC.

L’ordonnance sera en conséquence confirmée.

Il sera fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de Medicom.

PAR CES MOTIFS ;

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

ORDONNE la jonction des affaires enregistrées sous les numéros R.G. 15- 04675 et R.G. 15-04676 ;

DIT n’y avoir lieu à annuler les ordonnances entreprises ;

CONFIRME les ordonnances rendues le 21 novembre 2012 par le président du tribunal de commerce de Nanterre ;

CONDAMNE la société Pricewaterhousecoopers corporate finance à payer à la société Medicom Healthcare Holding BV la somme de 20 000 euros (vingt mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toute autre demande ;

DIT que la société Pricewaterhousecoopers corporate finance supportera la charge des dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Monsieur Jean-Michel SOMMER, président et par Madame Agnès MARIE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,

 


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