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11 juillet 2017
Cour de cassation
Pourvoi n°
16-81.066
N° W 16-81.066 F-D
N° 1672
FAR
11 JUILLET 2017
REJET
M. GUÉRIN président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
– – – –
La société Adecco Groupe France,
La société Adecco France,
La société Adecco Holding France,
La société Pontoon anciennement Adjust Hr,
contre l’ordonnance du premier président de la cour d’appel de PARIS, en date du 13 janvier 2016, qui, a prononcé sur la régularité des opérations de visite et saisie effectuées par les services d’instruction de l’Autorité de la concurrence en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 31 mai 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme X…, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de Mme le conseiller X…, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, la société civile professionnelle BARADUC, DUHAMEL et RAMEIX, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général Y… ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que suite à une requête présentée à l’occasion de l’enquête des services de l’Autorité de la concurrence d’où il résultait que les entreprises de travail temporaires Manpower, Adecco et Ranstad utiliseraient leurs filiales respectives, Alisia (groupe Manpower), Adjuste HR (groupe Adecco) RSR (groupe Ranstad AD) et Pixid (société commune aux trois groupes), spécialisées dans la gestion externalisée du travail temporaire, pour acquérir des informations commerciales sensibles sur leurs concurrents,de nature à orienter leurs stratégies commerciales pour faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris a autorisé, par ordonnance du 1er juillet 2013, Mme F… générale de l’Autorité de la concurrence à faire procéder en application des dispositions de l’ article L. 450-4 du code de commerce à des opérations de visites et de saisies dans les locaux desdites sociétés ; que les opérations de visites et de saisies ont été effectuées simultanément le 10 et le 11 juillet 2013 ; que les sociétés Adecco ont demandé l’annulation de ces opérations ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, L. 450-4, du code de commerce, 591 et 593 du code de procédure pénale, contradiction de motifs manque de base légale ;
“en ce que l’ordonnance attaquée s’est bornée à annuler la saisie des cinq documents protégés par la confidentialité des correspondances avocat/clients, avant de rejeter les autres demandes et de confirmer l’ensemble des opérations de visite et de saisie effectuées les 10 et 11 juillet 2013 ;
“aux motifs que ( ) sur la nature des documents saisis lors des opérations de visite et de saisie et sur le caractère disproportionné de la méthode employée par l’Autorité de ces saisies informatiques ; que l’article 8, § 2, de la Convention européenne des droits de l’homme dispose, tout en énonçant le droit au respect de sa vie privée et familiale, que “Il ne peut y avoir ingérence d’une Autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui.” ; que sur le caractère massif et indifférencié de la saisie, il y a lieu d’indiquer que la pratique en matière de visite domiciliaire consiste effectivement à introduire des mots clés mais également à introduire d’autres mots ou noms qui permettent une discrimination pour éviter de copier notamment, les correspondances échangées entre le ou les avocats et leurs clients ; que ceci étant précisé, une saisie lorsqu’elle est opérée dans ces conditions, ce qui semble être le cas en espèce, ne présente pas un caractère massif et indifférencié sous réserve que l’extraction des fichiers informatiques opérée par des agents de l’administration, assistés d’un officier de police judiciaire, soit faite à partir de mots-clés dont l’intitulé est en lien avec le champ d’application de l’autorisation du juge ; que par ailleurs, le procès-verbal de visite et de saisies fait état d’un logiciel « Encase » utilisé par les administrations ou les Autorités administratives indépendantes, lequel un logiciel d’investigations et de recherche de preuves cryptées ou effacées directement dans le serveur ; que ce logiciel a (été) utilisé que sur les messageries électroniques de cinq salariés sur onze messageries électroniques consultées, sous le contrôle de l’officier de police judiciaire et en la présence d’un représentant de l’entreprise qui ont pu constater la régularité des saisies effectuées par les rapporteurs et que celles-ci figurent avec une description suffisante dans les inventaires papiers, permettant sans équivoque de les identifier et de constater qu’elles entrent dans le champ d’application de l’autorisation, étant précisé que les sociétés requérantes ont reçu une copie des éléments copiés ; qu’en l’espèce, il ressort de la lecture de l’inventaire que l’Autorité est intervenue de manière sélective et ciblée que cette sélection ressort d’une part du nombres de fichiers saisis sur la totalité des fichiers existants (ratio de 0.488 % soit 4983 fichiers sur plus d’un million de fichiers analysés selon l’Autorité de la concurrence) ; qu’en ce qui concerne, les techniques moins intrusives ou plus discriminantes comme celles qui seraient utilisées par les services d’enquêtes de la Commission européenne, l’Autorité n’a pas à justifier de la méthode qu’elle emploie si celle-ci est appropriée au but recherché par l’ordonnance, étant précisé que les pouvoirs des inspecteurs de la Commission européenne sont différents de ceux des agents de l’Autorité de la concurrence, ces derniers avant la possibilité de saisir les supports d’information alors que les inspecteurs de la Commission européenne ne peuvent effectuer que des copies ; qu’en outre, les agents de l’Autorité de la concurrence agissent sur autorisation et la surveillance du Juge des libertés et de la détention et que leurs opérations peuvent faire l’objet d’un recours juridictionnel devant le Premier président de la cour d’appel, il est donc vain de comparer les deux méthodes d’investigations ; que par ailleurs, la pratique de la mise sous scellés provisoires n’est qu’une faculté laissée à la discrétion de l’Autorité lorsqu’une difficulté survient au cour des opérations de visite et de saisie ; que cette pratique est celle qui permet de concilier l’efficacité de la recherche et le bon fonctionnement de la société visitée dans la mesure où si chaque fichier devait être vérifié, l’activité économique de ladite société pourrait être bloquée pendant plusieurs jours voire plusieurs semaines, ce qui n’est pas l’objectif d’une visite domiciliaire, à savoir ralentir, voire stopper l’activité économique et commerciale d’une société ;
“1°) alors qu’à défaut de pouvoir prévenir la saisie de documents étrangers à l’objet de l’enquête, les entreprises visitées doivent pouvoir faire apprécier a posteriori et de manière concrète et effective sa régularité ; que le conseiller délégué du premier président de la cour d’appel qui doit contrôler en fait et en droit le déroulement des opérations de visite et saisie, doit procéder à un examen concret des pièces saisies et ne saurait se borner à apprécier la régularité du cadre formel des saisies litigieuses ; qu’ainsi, le juge est désormais tenu d’exercer un contrôle concret de proportionnalité sur la visite et saisie réalisée ; qu’en se bornant à affirmer pour dire que les saisies pratiquées dans des sociétés et des locaux distincts du groupe Adecco n’avaient pas été massives et indifférenciées qu’une saisie lorsqu’elle est opérée à partir de mots clefs en lien avec l’autorisation délivrée, ne présente pas un caractère massif et indifférencié, la cour d’appel qui n’a pas exercé son contrôle concret sur la pertinence des mots clefs effectivement retenu n’a pas légalement justifié sa décision ;
“2°) alors qu’à défaut de pouvoir prévenir la saisie de documents étrangers à l’objet de l’enquête, les entreprises visitées doivent pouvoir faire apprécier a posteriori et de manière concrète et effective leur régularité ; que le conseiller délégué du Premier président de la cour d’appel qui doit contrôler en fait et en droit le déroulement des opérations de visite et saisie, doit procéder à un examen concret des pièces saisies et ne saurait se borner à apprécier la régularité du cadre formel des saisies litigieuses ; qu’ainsi, le juge est désormais tenu d’exercer un contrôle concret de proportionnalité sur la visite et saisie réalisée ; qu’en se bornant à affirmer pour dire que les saisies pratiquées dans des sociétés et des locaux distincts du groupe Adecco n’avaient pas été massives et indifférenciées que la saisie semble avoir été opérée à partir de mots clefs en lien avec l’autorisation délivrée, la cour d’appel qui n’a pas exercé son contrôle concret sur la pertinence des mots clefs effectivement retenu n’a pas légalement justifié sa décision ;
“3°) alors qu’à défaut de pouvoir prévenir la saisie de documents étrangers à l’objet de l’enquête, les entreprises visitées doivent pouvoir faire apprécier a posteriori et de manière concrète et effective leur régularité ; que le conseiller délégué du premier président de la cour d’appel qui doit contrôler en fait et en droit le déroulement des opérations de visite et saisie, doit procéder à un examen concret des pièces saisies et ne saurait se borner à apprécier la régularité du cadre formel des saisies litigieuses ; qu’ainsi, le juge est désormais tenu d’exercer un contrôle concret de proportionnalité sur la visite et saisie réalisée ; qu’en affirmant que l’Autorité n’a pas à justifier de la méthode qu’elle emploie si celle-ci est appropriée au but recherché par l’ordonnance et qu’il n’est pas non plus nécessaire de se demander s’il existe des techniques d’investigation moins intrusives, la cour d’appel a violé les articles 6 et 8 de la Convention des droits de l’homme et L. 450-4 du code de commerce ;
“4°) alors que la personne morale dont les locaux sont visités doit pouvoir prévenir la saisie de documents étrangers à l’objet de l’enquête, ou, à défaut faire apprécier a posteriori et de manière concrète et effective sa régularité ; qu’en considérant que la présence d’un représentant de l’entreprise et d’un officier de police judiciaire lors de l’utilisation du logiciel de recherche suffisent pour s’assurer de la régularité de la saisie, la cour d’appel a violé de plus fort les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et L. 450-4 du code de commerce” ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, L. 450-4, du code de commerce,66-5 de la loi du 31 décembre 1971, 591 et 593 du code de procédure pénale, contradiction de motifs manque de base légale ;
“en ce que l’ordonnance attaquée s’est bornée à annuler la saisie des cinq documents protégés par la confidentialité des correspondances avocat/clients, avant de rejeter les autres demandes et de confirmer l’ensemble des opérations de visite et de saisie effectuées les 10 et 11 juillet 2013 ;
“aux motifs que ( ) s’agissant des messageries de M. Jacques Z…, de Mme Thérésa G…, de M. Alain A…, de M. Jean-Marc B… dont il est demandé l’annulation dans le dispositif des conclusions récapitulatives des sociétés requérantes au motif que ces messageries combinées à un nombre important de documents relevant du secret des correspondances avocat/client, il est cité cinq saisies effectuées dans les messageries des cadres sus-mentionnés ; qu’il est constant, cependant, que la présence de l’échange de courriels contestés dans la saisie des fichiers informatiques n’entraîne pas la nullité de toute la saisie, étant précisé que la saisie des documents contestés ne procède pas d’une volonté délibérée de la part des enquêteurs mais de la nature spécifique de la messagerie Outlook ; que de plus, l’annulation des seules pièces bénéficiant de la protection prévue par l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 suffit à rétablir l’entreprise dans ses droits car elle offre à la requérante une double garantie tendant à l’élimination physique des documents protégés contenus dans les fichiers placés sous scellés en sus du caractère inutilisable de toute copie détenue, prononcée par le Juge ; que compte tenu de ce qui précède, la saisie des courriels sus-mentionnés à savoir ceux de M. Jacques Z…, de Mme Thérésa G…, de M. Alain A… et de M. Jean-Marc B… sera annulée avec interdiction pour l’Autorité d’en faire état ; qu’il convient en revanche de valider l’ensemble des autres saisies informatiques ; que ces moyens seront rejetés à l’exception des cinq documents énoncés dans les conclusions et relatives à MM Jacques Z…, Alain A…, Jean-Marc B… et Mme Thérésa G… ;
“1°) alors que la violation du secret professionnel intervient dès la saisie et la restitution des documents irrégulièrement saisis ne suffit pas à rétablir la société dans ses droits ; qu’en affirmant le contraire, la cour d’appel a violé les textes visés au moyen ;
“2°) alors que la violation du secret professionnel intervient dès la saisie et la restitution des documents irrégulièrement saisis ne suffit pas à rétablir la société dans ses droits ; qu’en affirmant pour refuser d’annuler l’essentiel de la saisie que la saisie des documents contestés ne procède pas d’une volonté délibérée de la part des enquêteurs, la cour d’appel qui a statué par des motifs impropres à justifier la saisie de courriers couverts par le secret professionnel et partant insaisissables, n’a pas légalement justifié sa décision ;
“3°) alors qu’en affirmant qu’il est possible d’ordonner l’élimination physique de certaines pièces seulement des messageries lorsqu’elles sont couvertes par le secret professionnel, tout en justifiant leur saisie initiale par la nature insécable de toute boîte de messagerie, la cour d’appel a entaché sa décision d’une contradiction de motifs” ;
Les moyens étant réunis ;