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24 octobre 2017
Cour d’appel de Versailles
RG n°
16/01903
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
SM
Code nac : 00A
12e chambre section 2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 24 OCTOBRE 2017
R.G. N° 16/01903
AFFAIRE :
SARL 6-TECH
C/
SARL JOBS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 09 Mars 2016 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 2015F00814
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Bertrand ROL
Me Martine DUPUIS
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE VINGT QUATRE OCTOBRE DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
SARL 6-TECH
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentant : Me Bertrand ROL de l’AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 – N° du dossier 20160199
Représentant : Me François-xavier LANGLAIS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J100
APPELANTE
****************
SARL JOBS
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 1655799
Représentant : Me Marie DUVERNE-HANACHOWICZ, Plaidant, avocat au barreau de LYON – substituée par Me DUCRET
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 27 Juin 2017 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Hélène GUILLOU, Conseiller et Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller, chargés du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sylvie MESLIN, Président,
Madame Hélène GUILLOU, Conseiller,
Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,
Greffier F.F., lors des débats : Monsieur James BOUTEMY,
Vu l’appel déclaré le 14 mars 2016 par la société à responsabilité limitée 6-Tech (société 6-Tech.) contre le jugement prononcé le 9 mars 2016 par le tribunal de commerce de Nanterre dans l’affaire qui l’oppose à la société à responsabilité limitée Jobs (société Jobs.) ;
Vu le jugement entrepris ;
Vu, enregistrées par ordre chronologique, les ultimes écritures notifiées par le réseau privé virtuel des avocats et présentées le :
– 9 août 2016 par la société Jobs, intimée,
– 11 octobre 2016 par la société 6-Tech, appelante ;
Vu l’ensemble des actes de procédure ainsi que, les éléments et pièces transmises par chacune des parties.
SUR CE,
La Cour se réfère au jugement entrepris pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions initiales de chaque partie. Il suffit, en synthèse, de rappeler les éléments constants suivants tirés des écritures d’appel.
1. données analytiques, factuelles et procédurales du litige
Par requête du 23 décembre 2014, la société Jobs a sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, sollicité du président du tribunal de commerce de Nanterre, la saisie par huissier de fichiers informatiques sur tous les ordinateurs placés au siège social de la société 6-Tech, par ailleurs domicile privé de son ancien salarié, M. [O] [P]. Elle précisait dans sa requête que la société 6-Tech dont l’activité est, le dépannage ainsi que la maintenance de machines outils similaires à celles commercialisées par elle, avait été créée en mars 2014 par un ancien salarié licencié le 7 février précédent et qu’elle reproduisait sur son site internet, plusieurs photographies prises et plans de machines créés par elle sans en indiquer la source de création.
Par ordonnance du 14 janvier 2015, le président du tribunal de commerce de Nanterre a fait droit à cette requête et désigné la SCP [C] – [U], huissiers de justice, avec pour mission de :
– se rendre au siège de la société 6-Tech sis [Adresse 1], qui est également le domicile de M. [O] [P] ou à tout autre adresse à laquelle la société pourrait avoir un établissement,
– se faire décliner les identités des personnes qui lui seront présentées et celles présentes au moment de son intervention et consigner les déclarations des répondants et toutes paroles prononcées pendant les opérations,
– prendre connaissance et copies des descriptifs et/ou du catalogue des produits commercialisés par la société 6-Tech,
– prendre connaissance et copies de tous documents, listing client, photographies, plans faisant apparaître le nom de la société Jobs ou étant référencés comme appartenant à lasociété Jobs, ainsi que tous documents notamment commerciaux faisant apparaître l’une des 3 photographies figurant dans le procès-verbal de constat produit en annexe,
– lister les noms des clients de la société Jobs qui sont désormais des clients de la société 6-Tech en fonction de la liste des clients de la société Jobs fournie en annexe par la requérante,
– prendre copie de tous documents informatiques stockés sur l’ordinateur personnel de M. [O] [P] ainsi que sur les ordinateurs présents dans les locaux de la société 6-Tech faisant apparaître l’un ou plusieurs des documents et/ou créations précités, et pour ce faire, autoriser l’huissier désigné à s’adjoindre tout technicien informatique habilité à ce type de relevés d’informations.
L’ordonnance prévoyait également, que l’huissier désigné devait conserver sous séquestre, l’ensemble des documents saisis et qu’il devait, procéder au tri des pièces relatives à la vie privée de M. [O] [P] afin de les restituer à ce dernier, aucune pièce ne devant être communiquée à la requérante avant que le juge du fond éventuellement saisi, n’en ordonne la levée ou avant, que les parties n’aient donné leur accord. Cette ordonnance a été exécutée et selon constat établi le 6 février 2015, les fichiers informatiques saisis ont été copiés sur clé USB puis, gravés sur une disquette Blue-Ray conservée par l’huissier commis.
La société Jobs a le 9 avril 2015, assigné la société 6-Tech devant le tribunal de commerce de Nanterre pour obtenir la communication de ses fichiers séquestrés et le paiement de 2 000€ à titre de frais irrépétibles ainsi que la condamnation de son adversaire aux entiers dépens de l’instance, y compris ceux, découlant des articles 10 et 12 du décret du 12 décembre 1996 en cas d’exécution forcée.
Dans le dernier état de ses écritures, la société Jobs a demandé aux premiers juges de :
– vu les articles 145 et 495 du code de procédure civile,
– vu l’ordonnance de M. le président du tribunal de commerce de Nanterre du 14 janvier 2015,
– juger que le juge ayant rendu l’ordonnance sur requête était compétent,
– constater que les mesures ordonnées n’ont porté atteinte ni au droit de 1a défense, ni au droit à la vie privée, au secret des correspondances et à la confidentialité,
– En conséquence,
– rejeter la demande de la société 6-Tech visant à annuler le procès-verbal de constat dressé par Maître [R] [U] le 6 février 2015,
– juger que la communication des fichiers séquestrés par Maître [R] [U] est nécessaire pour permettre à la société Jobs de connaître l’étendue de la concurrence déloyale menée par la société 6-Tech et d’éva1uer avec certitude son préjudice,
– En conséquence,
– ordonner la communication à la société Jobs des fichiers séquestrés auprès de Maître [R] [U],
– juger que la société Jobs n’a pas mené une procédure abusive,
– En conséquence,
– débouter la société 6-Tech de l’ensemble de ses demandes,
– En tout état de cause,
– condamner la société 6-Tech à verser à la société Jobs la somme de 2000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société 6-Tech aux entiers dépens, y compris ceux découlant des articles 10 et 12 du décret du 12 décembre 1996 en cas d’exécution forcée.
Par jugement contradictoire du 9 mars 2016, le tribunal de commerce de Nanterre a tranché le litige en ces termes :
– ordonne la mainlevée du séquestre avec remise, sur support informatique, des documents séquestrés ;
– déboute la Sarlu 6-Tech de l’ensemble de ses demandes ;
– condamne la Sarlu 6-Tech à payer à la Sarlu Jobs la somme de 1500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonne l’exécution provisoire sans constitution de garantie.
– condamne la Sarlu 6-Tech aux entiers dépens.
– liquide les dépens du Greffe à la somme de 82,44€ dont TVA 13,74€.
Les éléments essentiels de cette décision sont les suivants : – la société Jobs a découvert sur le site Intemet de son adversaire, deux photographies de ses propres machines reproduites sans son autorisation ainsi qu’un plan, dont la propriété est revendiquée par elle-même et par le dirigeant de la société 6-Tech, ancien salarié de la société Jobs ; – si ces reproductions sont susceptibles de violer les droits de propriété intellectuelle de la société Jobs, elles peuvent tendre, par confusion et par parasitisme, à capter frauduleusement la clientèle et ainsi, à engager la responsabilité de la société 6-Tech pour concurrence déloyale ; – la mission dévolue à l’huissier par ordonnance du 15 janvier 2015 est précisément énoncée et ne peut donc, être qualifiée de générale ; – le défaut de mentions se rapportant à l’éventuel tri de pièces relevant de la vie privée de l’ancien salarié aujourd’hui gérant de la société 6-Tech, ne saurait pour autant, établir que l’huissier a conservé par devers lui des fichiers ayant trait à la vie privée de ce dernier ; – la validité du procès-verbal de constat du 6 février 2015 est certaine ; – la mainlevée du séquestre est nécessaire, pour permettre à la société Jobs d’apprécier l’opportunité d’exercer une action en indemnisation contre la société 6-Tech ; – la demande de mainlevée du séquestre est ainsi recevable et bien fondée.
La société 6-Tech a déclaré appel de cette décision. Elle a le 21 mars 2016, parallèlement assigné la société Jobs devant le magistrat délégué par le premier président aux fins de, solliciter l’arrêt de l’exécution provisoire attachée au jugement du 9 mars précédent en observant, que la levée du séquestre et la communication des pièces entraîneraient une violation irréversible du droit à la vie privée de M. [O] [P] ainsi qu’une atteinte au secret professionnel et à la liberté syndicale. Par ordonnance du 3 mai 2016, le magistrat délégué a fait droit à cette demande.
Sur demande de la société Jobs tendant dans le cadre d’une instance d’incident devant le magistrat de la mise en état d’une part, à se voir reconnaître l’accès aux pièces saisies sur les postes informatiques de M. [O] [P] relatives aux droits de propriété intellectuelle et au fichier clients de la société Jobs pour déterminer l’étendue du préjudice subi par cette dernière et d’autre part, à voir constater la présence de fichiers au sein des données informatiques séquestrées mentionnant plusieurs clients de la société Jobs fondant la prescription d’une mesure d’instruction permettant d’effectuer un tri des pièces séquestrées par l’huissier désigné, le magistrat de la mise en état a par ordonnance du 11 juillet 2016, rejeté cette demande motif pris, de ce que le magistrat de la mise en état dont les attributions ne concernent que les exceptions de procédure et les incidents relatifs à l’instance d’appel, n’est pas compétent pour statuer sur une exception de procédure déjà soulevée devant les premiers juges se rapportant à l’incompétence matérielle du tribunal de commerce de Nanterre. La clôture de l’instruction a été ordonnée le 25 octobre 2016 et l’affaire, a été renvoyée à l’audience du 27 juin 2017 tenue en formation de juge rapporteur pour y être plaidée. A cette date, les débats ont été ouverts et l’affaire, a été mise en délibéré à la date de ce jour.
2. dispositifs des conclusions des parties
Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile ;
La société 6-Tech demande à la Cour de :
– vu les articles 6 et 8 de la convention européenne des droits de l’homme,
– vu les articles L. 332-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle,
– vu l’article 1382 du code civil,
– vu l’article 145 du code de procédure civile,
– vu les pièces énumérées au bordereau annexé aux présentes conclusions,
– A titre principal :
– dire la société 6-Tech recevable et fondée en son appel du jugement rendu le 9 mars 2016 par le tribunal de commerce de Nanterre,
– En conséquence,
– infirmer le jugement du 9 Mars 2016 en ce qu’il a :
– ordonné la mainlevée du séquestre avec remise sur support informatique, des documents séquestrés.
– débouté la Sarlu 6-Tech de l’ensemble de ses demandes.
– condamné la Sarlu 6-Tech à payer à la Sarlu Jobs la somme de 1 500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
– ordonné l’exécution provisoire sans constitution de garantie.
– condamné la Sarlu 6-Tech aux entiers dépens.
– et, statuant à nouveau :
– se déclarer compétent pour statuer sur la validité du procès-verbal dressé par Maître [R] [U] en date du 6 février 2015 ;
– constater l’incompétence matérielle du juge ayant rendu l’ordonnance sur requête n° 2015 00057 ;
– constater en tout état de cause que les mesures ordonnées sont disproportionnées au regard des objectifs poursuivis, que le but poursuivi est lui-même illégitime.
– en conséquence :
– annuler le procès-verbal de constat dressé par Maître [R] [U] en date du 6 février 2015;
– ordonner la restitution à la société 6-Tech de l’exemplaire des documents saisis par Maître [R] [U] et copiés sur un Blue-Ray ;
– condamner la société Jobs à payer à la société 6-Tech la somme de 10 000€ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
– condamner la société Jobs à payer à la société 6-Tech la somme de 10 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel dont le recouvrement sera effectué pour ceux la concernant par l’AARPI JRF Avocats représentée par Maître Bertrand Rol, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La société Jobs prie de son côté la Cour de :
– vu les articles 145 et 495 du code de procédure civile,
– vu l’ordonnance de M. le président du tribunal de commerce de Nanterre du 14 janvier 2015,
– vu le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 9 mars 2016,
– vu les pièces versées au débat,
I. Sur le rejet des demandes de la société 6-Tech
– dire et juger que le juge ayant rendu l’ordonnance sur requête était compétent,
– constater que les mesures ordonnées n’ont porté atteinte ni au droit de la défense, ni au droit à la vie privée, au secret des correspondances et à la confidentialité,
– dire et juger que la société Jobs n’a pas mené une procédure abusive,
– En conséquence,
– confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre ;
II. Sur les demandes de la société Jobs
– dire et juger que la communication des fichiers séquestrés par Maître [R] [U] est nécessaire pour permettre à la société Jobs de connaître l’étendue de la concurrence déloyale menée par la société 6-Tech et d’évaluer avec certitude son préjudice,
– En conséquence,
– confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre ;
– En tout état de cause,
– condamner la société 6-Tech à verser à la société Jobs la somme de 10 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société 6-Tech aux entiers dépens, y compris ceux découlant des articles 10 et 12 du décret du 12 décembre 1996 en cas d’exécution forcée.
– dire que les dépens pourront être, directement recouvrés par la Selarl Lexavoué Paris-Versailles, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
CELA ETANT EXPOSE,
La Cour statue sur le mérite, d’une demande de main-levée d’une mesure de séquestre pratiquée, au visa de l’article 145 du code de procédure civile, sur autorisation judiciaire du juge consulaire ainsi que sur la validité du procès-verbal de constat auquel cette mesure se trouve adossée.
Sur la validité du procès-verbal de constat établi le 6 février 2015
La société 6-Tech soutient en effet à l’appui de sa demande de réformation que le procès-verbal de constat litigieux est frappé de nullité dès lors, qu’il a été établi en exécution d’une décision de justice constituant un détournement de la procédure de contrefaçon instituée par l’article L.332-1 du code de la propriété intellectuelle.
Elle précise que : – la requête présentée était en effet, principalement fondée sur des faits de contrefaçon relevant, aux termes de l’article L.331-1 du code de la propriété intellectuelle, de la compétence exclusive du tribunal de grande instance ; – si une mesure d’instruction liée à une demande en contrefaçon, accompagnée d’une demande fondée sur la concurrence déloyale et/ou parasitaire ne peut être autorisée que par un juge du tribunal de grande instance, des mesures d’instruction peuvent en revanche être prononcées par le président du tribunal de commerce lorsque le requérant, bien que mentionnant l’existence d’un droit de propriété intellectuelle lui appartenant, n’invoque que des actes de concurrence déloyale et/ou parasitaire sans prétendre à la contrefaçon de son droit de propriété intellectuelle ; – la présente affaire s’inscrivant cependant dans une hypothèse faisant à la fois état de faits de contrefaçon et de faits de concurrence déloyale, le tribunal de grande instance se trouvait être, seul compétent pour ordonner les mesures sollicitées ; – la chronologie même de l’action engagée par la société Jobs démontre que cette société a depuis le début de la procédure que ce soit dans, les mises en demeure, le cadre de la requête présentée au président du tribunal de commerce ou l’assignation, entendu invoquer des actes de contrefaçon et des actes de concurrence déloyale et parasitaire ; – le juge compétent était donc, le tribunal de grande instance et non pas, la juridiction consulaire.
Elle ajoute que : – il existe en matière de preuve de contrefaçon, une procédure spécifique régie par le code de propriété intellectuelle ; – le requérant doit ainsi pour bénéficier de cette procédure, démontrer l’étendue des droits de propriété intellectuelle qu’il invoque puisque, les saisies-contrefaçon ne sont autorisées que pour la protection de droits identifiés et excluent le recours à l’article 145 du code de procédure civile ; – en l’espèce, non seulement la requête de la société Jobs aurait dû être présentée devant le tribunal de grande instance mais, elle aurait dû respecter les contraintes de la procédure de saisie-contrefaçon en justifiant les droits d’auteur sur les créations dont la propriété intellectuelle était revendiquée et en identifiant précisément, les oeuvres prétendument contrefaites ; – faute pour la société Jobs d’avoir suivi cette démarche, le procès-verbal de constat litigieux est nul puisque, établi sur autorisation d’un juge incompétent ratione materiae sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, au mépris de la procédure de la saisie-contrefaçon instituée par l’article L.332-1 du code de la propriété intellectuelle.
La société Jobs répond que : – elle a motivé sa requête sur des faits de concurrence déloyale et non pas sur des agissements de contrefaçon puisqu’elle fait grief à son adversaire d’avoir reproduit ses photographies et plans sur son site internet pour créer une confusion dans l’esprit de la clientèle ; – sont donc seuls en cause, des actes parasitaires trouvant leur essence dans la reproduction de ses créations ; – son objectif n’était pas de se prémunir d’une preuve pour agir ensuite sur le fondement de la contrefaçon dès lors qu’elle possédait d’ores et déjà la preuve de la reproduction sans son autorisation de ses photographies et plans par la société 6-Tech mais uniquement, de connaître l’étendue du pillage et de la concurrence parasitaire menée par la société 6-Tech pour être en mesure, de connaître l’étendue de la faute de cette société ainsi que l’étendue de son préjudice directement issu de cette faute ; – elle reproche à son adversaire de s’être ainsi inscrit dans son sillage sans bourse délier ; – les tribunaux de commerce sont bien compétents pour ordonner une mesure visant à connaître l’étendue des fichiers et documents détournés par un concurrent et non pas, le tribunal de grande instance ; – la mesure ordonnée était ainsi parfaitement légitime et ne saurait, être entachée de nullité.
Vu l’article 145 du code de procédure ainsi que les articles, L.332-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle ;
Constatant que la société 6-Tech exerçait une activité de maintenance de machines-outils, similaire à celle commercialisée par elle et ayant ‘découvert que [cette société] reproduisait sur son site internet http://www.6-tech.fr/ plusieurs photographies prises et plans créés par la société Jobs, représentant des machines et plans de machines de la société Jobs’, expliquant que ‘ ces photographies et ce plan étant des création de la société Jobs, elle seule est habilitée à les utiliser et à les reproduire’ et que la ‘société 6-Tech ne détient aucun droit de propriété intellectuelle sur ces créations’ et qu’ainsi elle ‘se rendait donc coupable de contrefaçon’, la société Jobs a présenté une requête au juge du tribunal de commerce de Nanterre au vu de laquelle ce dernier a délivré une autorisation de constat par huissier.
Il suit de ce qui précède, qu’il ressort des énonciations de la requête présentée par la société Jobs et des pièces jointes, que le différend qui l’opposait à la société 6-Tech, s’inscrit dans un contexte mettant en cause tant des actes de concurrence déloyale que des actes de contrefaçon et qu’ainsi, la mesure de constat sollicitée pour déterminer l’étendue des agissements de concurrence déloyale imputés à la société 6-Tech était de manière indissociable, liée à des actes de contrefaçon.
Le juge compétent pour connaître de l’affaire au fond étant par conséquent en application de l’article L.716-3 du code de la propriété intellectuelle le tribunal de grande instance de Nanterre seul, le président de ce tribunal était compétent pour ordonner une mesure d’instruction sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.
La cour étant juridiction d’appel tant du tribunal de grande instance que du tribunal de commerce peut, par application de l’article 89 du code de procédure civile, évoquer l’affaire et ainsi, constater que la saisie a été pratiquée sur la base d’une décision prise par un juge qui était matériellement incompétent pour en connaître, selon une procédure qui n’était pas la procédure adéquate, les saisies-contrefaçons relevant des dispositions de l’article L.332-1 du code de commerce.
Le procès-verbal de constat établi le 6 février 2015 est donc frappé de nullité.
Le jugement entrepris sera infirmé en toutes ses dispositions et la demande de main-levée de séquestre écartée, les documents saisis devant être restitués à la société 6 Tech.
Sur les autres demandes
La saisie étant annulée, les demandes de la société Jobs ne peuvent qu’être écartées.
En l’absence de circonstances particulières susceptibles de faire dégénérer le droit d’agir en justice en abus, la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ne peut prospérer.
Vu les articles 696 et 699 du code de procédure civile;
La société Jobs, partie perdante au sens de ces dispositions, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel avec, pour ceux d’appel, faculté de recouvrement direct en faveur de Maître Bertrand Rol, avocat.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire.
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
STATUANT DE NOUVEAU et Y AJOUTANT :
SE DECLARE compétent pour statuer sur la validité du procès-verbal dressé le le 6 février 2015 par Maître [R] [U], huissier de justice.
ANNULE le procès-verbal de constat dressé par Maître [R] [U], huissier de justice, le 6 février 2015.
ORDONNE la restitution à la société à responsabilité limitée 6-Tech, de l’exemplaire des documents saisis par Maître [R] [U] et copiés sur un Blue-Ray.
CONDAMNE la société à responsabilité limitée Jobs aux entiers dépens de première instance et d’appel avec, pour ceux d’appel, faculté de recouvrement direct en faveur de l’AARPI JRF avocats représentée par Maître Bertrand Rol.
Vu l’article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE la société à responsabilité limitée Jobs à payer à la société à responsabilité limitée 6-Tech une indemnité de quatre mille euros (4 000€) à titre de frais irrépétibles.
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Sylvie MESLIN, Président et par Monsieur BOUTEMY, Faisant Fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier f.f., Le président,