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8 novembre 2017
Cour de cassation
Pourvoi n°
16-84.528
N° J 16-84.528 F-D
N° 2583
SL
8 NOVEMBRE 2017
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
–
La société Essilor International,
contre l’ordonnance n° 14/19 284 du premier président de la cour d’appel de PARIS, en date du 27 mai 2016, qui a prononcé sur la régularité des opérations de visite et de saisie effectuées par l’Autorité de la concurrence en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles et d’abus de position dominante ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 27 septembre 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. X…, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Bray ;
Sur le rapport de M. le conseiller X…, les observations de la société civile professionnelle CÉLICE, SOLTNER, TEXIDOR et PÉRIER, de la société civile professionnelle BARADUC, DUHAMEL et RAMEIX, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général Y… ;
Vu les mémoires en demande, en défense, et les observations complémentaires produits ;
Attendu qu’il résulte de l’ordonnance attaquée et des pièces de procédure que, statuant sur une requête de la rapporteure générale de l’Autorité de la concurrence, présentée dans le cadre d’une enquête relative à des pratiques commerciales prohibées susceptibles d’être relevées dans le cadre de la commercialisation des verres optiques, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris a autorisé, par ordonnance du 2 juillet 2014, la rapporteure générale de l’Autorité de la concurrence à faire procéder en application des dispositions de l’ article L. 450-4 du code de commerce, à des opérations de visite et de saisie dans les locaux des sociétés Essilor International, BBGR, Novavel Ophtalmique, M… N… Vision France et Hoya Lens France ; que les opérations de visite et de saisie se sont déroulées les 9 et 10 juillet 2014 ; que la société Essilor International a fait appel le 18 juillet 2014 de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention de Paris, et a demandé l’annulation de cette ordonnance ainsi que de celle du juge des libertés et de la détention de Créteil rendue sur commission rogatoire, l’annulation des opérations de visite et saisie effectuées dans les locaux de la société Essilor International, ainsi que la restitution de pièces et scellés ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 450-4 du code de commerce, 593 du code de procédure pénale, défaut de base légale ;
“en ce que, à l’exception de certaines pièces et de certains documents, le premier président a rejeté la demande d’annulation des opérations de saisie qui ont été effectuées le 9 juillet 2014 en exécution d’une ordonnance du juge des libertés et de la détention du 2 juillet précédent ;
“alors que la cassation à intervenir de l’ordonnance n° 14/19277 rendue le 27 mai 2016 pour valider l’autorisation de visite domiciliaire entraînera par voie de conséquence l’annulation de l’ordonnance du même jour qui a statué sur le déroulement de ces opérations et privera d’objet le présent pourvoi” ;
Attendu que le pourvoi formé à l’encontre de l’ordonnance du premier président confirmant l’ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant autorisé la rapporteure générale de l’Autorité de la concurrence à effectuer des opérations de visite et saisie ayant été rejeté par arrêt de ce jour, le moyen est devenu sans objet ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L.450-4 du code de commerce, 56 et 593 du code de procédure pénale, 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, défaut de motifs et manque de base légale ;
“en ce que l’ordonnance attaquée a rejeté le recours de la société Essilor International tendant à l’annulation de l’ensemble des opérations de visite et de saisies qui se sont déroulées dans ses locaux le 9 juillet 2014 et n’a prononcé qu’une annulation partielle de la saisie des pièces visées en annexe n° 14 et des documents listés dans la pièce n° 10, à l’exception des documents 3, 9, 33, 34, 36, 37, 41, 42, 43, 48, 60, 99 et 101 ;
“aux motifs que vu les conclusions déposées par la société Essilor International le 2 janvier 2015, développées oralement à l’audience du 18 mars 2016, vu les observations de l’autorité de la concurrence déposées le 29 juin 2015, développées oralement à l’audience du 18 mars 2016, vu les conclusions du ministère public déposées le 16 février 2016, développées oralement à l’audience du 18 mars 2016 ; et que, sur les griefs relatifs à la saisie irrégulière de documents, le grief d’ingérence disproportionnée ayant abouti à la saisie de documents hors champs en nombre bien supérieur aux pièces potentiellement dans le champ de l’enquête ; que le seul fait vérifié ci- dessus par le juge, qu’une messagerie électronique contienne pour partie seulement des éléments entrant dans le champ de l’autorisation judiciaire suffit à valider la saisie globale opérée ; que la saisie, dans ce cadre global, de certains documents personnels à des salariés ou de documents étrangers à l’objet de l’opération autorisée par le juge n’invalide pas la saisie mais doit conduire l’administration à restituer les documents concernés dès lors qu’ils auront été identifiés par les intéressés ; qu’au stade de l’enquête, aucune disposition légale n’impose de dévoiler contradictoirement les motifs de recherche ou mots-clés utilisés pour identifier les documents saisis ; que sur la saisie massive disproportionnée ayant abouti à la saisie de documents hors champ en nombre supérieur aux pièces potentiellement dans le champ de l’enquête, que la société Essilor indique que trois de ses salariés (MM. J… , Z…, et A…) ont fait l’objet d’une saisie intégrale et indifférenciée de la totalité de leurs messagerie et que, après filtrage par mots clés, moins de 15% peuvent potentiellement entrer dans le champ de l’ordonnance ; qu’elle fonde ces allégations sur sa pièce n°9 qui est un document rédigé en langue anglaise et non traduit ; mais que l’autorité de la concurrence expose que, sur plus de 2 million de fichiers, les rapporteurs en ont retenu un peu moins de 2000 soit moins de 0,1% ; que, de plus, le périmètre des investigations portant sur « le secteur de la commercialisation des verres optiques » le champ est beaucoup plus large que celui résultant des mots clés utilisés par l’appelante pour parvenir à son nombre de documents dits « hors champs » ; que le grief ainsi soulevé doit être écarté ; que le grief relatif aux saisies réalisées en violation du droit fondamental à la confidentialité des correspondances avocat-client ; que sur les saisies de fichiers de messageries électroniques réalisées en violation du droit fondamental à la confidentialité des correspondances avocat-client bénéficiant à ce titre de la protection prévue par l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, que la présence de tels courriels ne saurait entraîner la nullité de la saisie informatique des messageries dans leur entier mais uniquement des courriels identifiés comme comportant de tels échanges ; que la cour ordonnera l’annulation de la saisie des documents listés dans la pièce n° 10 de l’appelante à l’exception des documents suivants qui ne portent pas sur des échanges entre la société Essilor et ses propres avocats documents n° 3, 9, 33, 34, 36, 37, 41,42, 43, 44, 48, 60, 99 et 101 ; que les deux documents sur support papier, (scellé n° 7, côte n° 57 à 60, ordinateur de M. B…) et le scellé n° 3 côte 90 à 95, messagerie de M. C… (PV D…, pièce n° 4) ne comportent aucune correspondance avocat-client ; qu’il n’y a pas lieu d’ordonner l’annulation de leur saisie pas plus que des 4 dossiers intitulés “personal folders,pst” effectuée à partir de l’ordinateur de M. E… (scellé n° 1″PC de M. E…, PV D…, pièce n° 4) ; que le grief relatif aux saisies ont été réalisées en violation du droit fondamental au respect de la vie privée ; que l’article 8§2 de la Convention européenne des droits de l’homme dispose, tout en énonçant le droit au respect de sa vie privée et familiale, que “Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi, vise un but légitime et être nécessaire dans une société démocratique (bien être économique du pays)” ; qu’en l’espèce l’article L.450-4 du code commerce autorise une telle ingérence pour la recherche de la preuve de pratiques anticoncurrentielles ; que le seul fait vérifié ci-dessus par le juge, qu’une messagerie électronique contienne pour partie seulement des éléments entrant dans le champ de l’autorisation judiciaire suffit à valider la saisie globale opérée ; que la saisie, dans ce cadre global, de certains documents personnels à des salariés ou de documents étrangers à l’objet de l’opération autorisée par le juge n’invalide pas la saisie mais doit conduire l’administration à restituer les documents concernés dès lors qu’ils auront été identifiés par les intéressés ; que dans la présente espèce l’appelante a listé dans sa pièce n°14 des messages identifiés dont il se déduit de leur intitulé qu’ils relèvent de la vie privée ; que les salariés concernés sont MM. F…, G…, Mme L…, MM. Z…, B…, E…, A…, H…, et J… ; qu’il convient d’ordonner l’annulation de la saisie des pièces visées en annexe n° 14 ” ;
“1°) alors que le juge est tenu de répondre aux conclusions dont il est régulièrement saisi ; qu’en se contentant de statuer au visa des écritures déposées par la société Essilor International le 2 janvier 2015, sans viser ni analyser les conclusions récapitulatives déposées le 29 mai 2015, en réponse aux observations de l’Autorité de la Concurrence en date du 27 février 2015, le juge délégué a méconnu les termes du litige et, par suite, entaché sa décision d’un défaut de réponse aux conclusions ;
“2°) alors que lesdites conclusions récapitulatives, accompagnées de pièces nouvelles, avaient pour objet de réfuter les dernières allégations de l’Autorité de la concurrence qui tentait de ramener à 0,1% l’ampleur des pièces saisies par rapport aux pièces consultées ; qu’en retenant ce ratio au motif que l’étude réalisée par le cabinet Alix Partners qui faisait ressortir que ce ratio était de 25 %, aurait été « rédigée en anglais », sans viser ni analyser ladite étude versée aux débats en langue française sous le n° 9 bis, tel qu’elle avait été annexée aux conclusions du 29 mai 2015, le juge a de plus fort méconnu les termes du litige et partant violé le principe du « procès équitable » correspondant à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ;
“3°) alors qu’en se référant à un « périmètre d’investigations » portant sur l’ensemble du secteur de la commercialisation des verres optiques, le président de la cour d’appel, qui n’examine pas la contestation soulevée par la demanderesse dans ses conclusions du 29 mai 2015, lesquelles faisaient valoir que le périmètre ainsi revendiqué par l’Administration procédait d’une interprétation trompeuse de l’ordonnance d’autorisation, laquelle n’avait été rendue qu’au visa de pratiques intéressant exclusivement « la vente en ligne de produits optiques », a, une fois encore, méconnu les termes du litige en violation des textes susvisés ;
“4°) alors de toutes façons que prive sa décision de motifs la décision attaquée qui laisse dépourvues de toute réponse les conclusions de la société Essilor International reprochant aux enquêteurs d’avoir saisi près de 10 % de documents antérieurs à la limite temporelle correspondant au début de l’activité, en 2008, des sites de vente par internet” ;