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27 février 2018
Cour de cassation
Pourvoi n°
17-81.850
N° U 17-81.850 F-P+B
N° 8
VD1
27 FÉVRIER 2018
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :
REJET du pourvoi formé par Mme Sarah Y…, partie civile, contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Basse-Terre, en date du 26 janvier 2017, qui, dans l’information suivie contre personne non dénommée des chefs de violation du secret professionnel et atteinte au principe de la libre défense et à la confidentialité des correspondances, a confirmé l’ordonnance de non-lieu rendue par le juge d’instruction ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 9 janvier 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. SOULARD, président, Mme DURIN- KARSENTY , conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Bray ;
Sur le rapport de Mme le conseiller DURIN- KARSENTY, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LAGAUCHE ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, 226-15 et 432-9 du code pénal, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, violation de la loi, violation des droits de la défense :
“en ce que l’arrêt attaqué a rejeté les demandes formulées par la partie civile, estimé que l’élément moral de l’infraction n’était pas établi et confirmé l’ordonnance de non-lieu en son dispositif ;
“aux motifs que l’atteinte au principe de la libre défense et à la confidentialité des correspondances entre un client et son avocat, constatée par la chambre de l’instruction, ayant entraîné l’annulation mécanique des mentions des deux appels téléphoniques du 20 février 2006, il importe de vérifier au dossier si l’officier de police judiciaire à l’origine de ces mentions a intentionnellement porté atteinte au secret des correspondances ; qu’en d’autres termes, cela revient à rechercher si existent au dossier des éléments à la charge de l’officier de police judiciaire M. Ludovic A… d’avoir porté en procédure en 2006 les mentions annulées en 2007 avec intention de nuire à la partie civile Mme Sarah Y… ; que le fonctionnaire de police M. A… a été interrogé à trois reprises et par trois juges d’instruction différents, les 18 août 2008, 22 mai 2012 et 11 décembre 2014, en qualité de simple témoin ; qu’il aurait été clairvoyant et adapté à la teneur de la plainte avec constitution de partie civile et aux déclarations de la partie civile que soit octroyé à l’intéressé, à l’occasion de ces interrogatoires, le statut de témoin assisté ; que sur la retranscription des mentions annulées, M. A… déclarait notamment : le 18 août 2008 : “[…] au moment des écoutes le numéro de téléphone n’était pas identifié”, “je ne savais pas du tout qui était l’interlocuteur qui se présentait comme étant avocat, d’ailleurs son nom n’est pas apparu dans la conversation […]” ; le 22 mai 2012 : “dans un premier temps je ne savais pas qu’il s’agissait d’un avocat pénaliste ou quelqu’un qui se disait avocat pénaliste comme cela peut être parfois le cas aux Antilles ; “j’ai reçu la facturation détaillée bien plus tard, peut-être une bonne semaine après et c’est à ce moment-là que j’ai rempli la mention que vous avez ; je ne connaissais pas au demeurant le nom de l’avocat puisque pendant la conversation il n’a jamais donné son nom” ; le 11 décembre 2014 : “je précise que je n’ai jamais écouté Maître Y…, je ne la connaissais pas, je venais d’arriver en Guadeloupe ; c’est la ligne de M. E… qui était sur écoute” ; que M. Christophe B…, directeur interrégional de la police judiciaire Antilles-Guyane lorsqu’il était entendu le 21 novembre 2007, déclarait : “dans cette affaire dont le mis en cause est M. E… C…, une écoute téléphonique a été exécutée conformément aux instructions du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre ; à cette occasion ont été interceptées des conversations entre quelqu’un se disant être l’avocat de M. E… et ce dernier” ; que la cour observe qu’il n’existe aucun élément au dossier de nature à permettre de comprendre pourquoi le fonctionnaire de police et/ou sa hiérarchie auraient entendu nuire à Mme Y…, avocat, particulièrement ; qu’il ne saurait être soutenu sérieusement que ces éléments s’induisent des seules qualités des personnes en présence, policier d’un côté, avocat de l’autre ; que la partie civile ne produit de surcroît pas d’explication éclairant sur la ou les raisons pour lesquelles elle aurait en février 2006 été la cible de ce fonctionnaire de police et/ou de sa hiérarchie ; qu’entendre de nouveau M. Christophe B…, directeur interrégional de la police judiciaire Antilles-Guyane en 2007, ne pourrait conforter le délit d’atteinte au secret des correspondances qui ne saurait être constitué que si commis de mauvaise foi, alors qu’il apparaît, comme déjà rappelé par la chambre de l’instruction que les enregistrements litigieux annulés ont été effectués “de manière fortuite” ; que l’atteinte au principe de la libre défense et à la confidentialité des conversations entre l’avocat et son client a comme elle devait l’être été sanctionnée le 11 janvier 2007 par l’annulation des mentions de ces deux conversations ; que rien n’établit pour autant et rien n’est susceptible d’établir onze ans après les retranscriptions litigieuses, que le fonctionnaire de police M. A… ou quiconque ait, de mauvaise foi, porté atteinte au secret des correspondances entre Mme Y… et M. E… et ait procédé à ces retranscriptions avec l’intention de nuire à Mme Y…, avocat ; qu’il y a lieu de substituer les présents motifs à ceux de l’ordonnance de non-lieu du 16 août 2016 et d’en confirmer le dispositif ;
“1°) alors que le délit d’atteinte au secret des correspondances est constitué par le fait, pour une personne dépositaire de l’autorité publique agissant dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, d’ordonner, de commettre ou de faciliter, hors les cas prévus par la loi, le détournement, la suppression ou l’ouverture de correspondances ou la révélation du contenu de ces correspondances ; qu’en jugeant que le délit d’atteinte au secret des correspondances n’était pas caractérisé aux motifs qu’aucun élément ne permettait d’établir ni l’intention de nuire à Mme Y…, avocat, ni la mauvaise foi du fonctionnaire de police ayant procédé aux retranscriptions litigieuses et/ou de sa hiérarchie, la chambre de l’instruction, qui a ajouté une condition non prévue par la loi, a violé les textes susvisés, et notamment l’article 432-9 du code pénal, par refus d’application ;
“2°) alors qu’en estimant que l’élément intentionnel du délit d’atteinte au secret des correspondances et à la confidentialité des échanges entre un avocat et son client n’était pas constitué, tout en constatant que M. A… avait déclaré que l’interlocuteur de M. E…, dont la ligne était mise sur écoute conformément aux instructions du juge des libertés et de la détention, se présentait comme étant avocat, de sorte que le fonctionnaire de police avait conscience au moment des faits qu’il retranscrivait les échanges de M. E… avec son avocat, la chambre de l’instruction a entaché sa décision d’une contradiction de motifs, en violation des articles 226-15 et 432-9 du code pénal” ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué, de l’ordonnance qu’il confirme et des pièces de la procédure que Mme Y…, avocat, a porté plainte et s’est constituée partie civile auprès du doyen des juges d’instruction des chefs précités ; qu’elle a exposé que le contenu de diverses conversations téléphoniques échangées avec son client, M. E…, qu’elle assistait dans le cadre d’une procédure diligentée pour divers délits, avait fait l’objet de mentions suivantes, versées au dossier de l’enquête préliminaire : “appel 170 du 21 février 2006 entre 10 h 12 et 10 h 14 : “conversation entre C… et un cabinet d’avocat, ils parlent d’un rendez-vous à la gendarmerie RAS” et à la rubrique “Identité” était mentionné “Cabinet d’avocat”, appel 215 du 21 février 2006 entre 16 h 53 et 16 h 55 avec dans la rubrique résumé : “conversation entre C… et cabinet d’avocats, ils parlent d’un rendez-vous à la gendarmerie RAS” ; que la partie civile a rappelé que dans le cadre de l’information judiciaire concernant M. E…, la chambre de l’instruction, par un arrêt du 11 janvier 2007, a fait droit à la requête en nullité dont elle était saisie et ordonné le retrait du dossier des pièces faisant état de ces deux conversations téléphoniques au motif que la mention du simple objet de ces communications, même de façon particulièrement succincte et sans indiquer le nom du cabinet d’avocat, portait atteinte au principe de la libre défense et à la confidentialité des correspondances entre un client et son avocat ; que, le 16 août 2016, à la suite de plusieurs suppléments d’information, le juge d’instruction, après avoir rejeté des demandes d’actes, a rendu une ordonnance de non-lieu dont la partie civile a relevé appel ;
Attendu que, pour confirmer l’ordonnance entreprise par substitution de motifs, l’arrêt énonce notamment que l’atteinte au principe de la libre défense et à la confidentialité des correspondances entre un client et son avocat, constatée par la chambre de l’instruction, ayant entraîné l’annulation mécanique des mentions des deux appels téléphoniques du 20 février 2006, il importe de vérifier si l’officier de police judiciaire, à l’origine de ces mentions, a intentionnellement porté atteinte au secret de ces correspondances ; qu’ après avoir analysé le contenu des auditions de ce dernier, les juges retiennent que rien n’est susceptible d’établir, onze ans après les retranscriptions litigieuses, que ce fonctionnaire ou quiconque ait, de mauvaise foi, porté atteinte au secret des correspondances entre Mme Y… et M. E… et ait procédé à ces retranscriptions avec l’intention de nuire à Mme Y… ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations, si c’est à tort que la chambre de l’instruction retient que l’intention de nuire à la partie civile est requise au titre de l’élément moral de l’infraction prévue et réprimée par l’article 432-9 du code pénal, ajoutant ainsi à la loi une condition qu’elle ne prévoit pas, la cassation n’est cependant pas encourue, dès lors qu’il ressort des autres motifs de l’arrêt, exempts d’insuffisance comme de contradiction, qu’il n’existe pas de charges contre l’officier de police judiciaire ayant procédé aux mentions litigieuses ou toute personne dépositaire de l’autorité publique agissant dans l’exercice de ses fonctions, d’avoir, par les retranscriptions litigieuses, eu l’intention de porter atteinte au contenu de correspondances protégées entre Mme Y… et M. E…, au sens de l’article 432-9 précité ;
D’où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;