Your cart is currently empty!
30 mars 2018
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
16/15193
COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE
9e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 30 MARS 2018
N° 2018/176
Rôle N° 16/15193 –
N° Portalis DBVB-V-B7A-7DYJ
SAS CARMEN X… Y…
C/
Eric Z…
Grosse délivrée le :
30 MARS 2018
à :
Me Jean philippe A…, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Me Jérôme B…, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE – section E – en date du 13 Juillet 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 15/02369.
APPELANTE
SAS CARMEN X… Y…, demeurant […]
représentée par Me Jean philippe A…, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, vestiaire : 137 substitué par Me Mélissa C…, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, vestiaire : 137
INTIME
Monsieur Eric Z…, demeurant […]
représenté par Me Jérôme B…, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 19 Février 2018 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur David MACOUIN, Conseiller faisant fonction de Président
Mme Nathalie FRENOY, Conseiller
Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Mars 2018.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Mars 2018.
Signé par Monsieur David MACOUIN, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu le jugement du conseil de prud’hommes de Marseille du 13 juillet 2016 qui:
– dit que le licenciement notifié le 9 juin 2015 est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– condamne la SAS CARMEN X… Y… à payer à Monsieur Z… les sommes suivantes:
* 45 000 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
* 4 500 euros au titre des congés payés afférents,
* 6 000 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
* 8 307,51 euros à titre de rappel de salaire durant la mise à pied à titre conservatoire,
* 830,75 euros au titre des congés payés afférents,
* 90 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– dit que les sommes dues en exécution du contrat de travail porteront intérêts de droit au taux légal à compter du 4 septembre 2015 et celles de nature indemnitaire à compter du jugement, avec capitalisation,
– ordonne à la SAS CARMEN X… de remettre à Monsieur Z… une attestation Pôle emploi, un reçu pour solde de tout compte et un bulletin de salaire conformes à la décision,
– dit n’y avoir lieu à fixation d’une astreinte,
– ordonne le remboursement par la SAS CARMEN X… Y… aux organismes d’affiliation des indemnités de chômage versées à Monsieur Z… dans la limite de 6 mois,
– dit qu’une copie du jugement sera adressée par le greffe aux dits organismes,
– déboute Monsieur Z… de ses autres demandes,
– déboute la SAS CARMEN X… Y… de sa demande reconventionnelle,
– condamne la SAS CARMEN X… Y… au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Vu l’appel régulièrement interjeté contre ce jugement par la SAS CARMEN X… par déclarations électroniques des 10 et 16 août 2016.
Vu l’ordonnance de jonction des procédures du 22 septembre 2016.
Vu les dernières conclusions de la SAS CARMEN STEVENS demandant à la cour:
– de réformer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que le licenciement de Monsieur Z… était dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu’il l’a condamnée à payer à ce dernier diverses sommes à ce titre,
– de débouter Monsieur Z… de toutes ses demandes,
– de condamner Monsieur Z… au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Vu les dernières écritures de Monsieur Z… tendant à ce que la cour:
– confirme le jugement entrepris en ce qu’il a dit que son licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse,
– constate qu’il a été victime d’un harcèlement moral,
– condamne la SAS CARMEN X… à lui payer les sommes suivantes;
* 10 370 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
* 53 944,53 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
* 5 394,45 euros au titre des congés payés afférents,
* 8 307 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied à titre conservatoire,
* 20 064,36 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,
* 215 778,12 euros à titre d’indemnité pour licenciement abusif et vexatoire,
* 107 889,06 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et exécution déloyale du contrat,
* 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamne la SAS CARMEN X… à lui délivrer sous astreinte de 500 euros par jour de retard un solde de tout compte conforme,
– ordonne la capitalisation des intérêts.
Vu l’ordonnance de clôture du 12 février 2018.
MOTIFS
Attendu que Monsieur Eric Z…, par ailleurs détenteur de plusieurs mandats sociaux au sein du groupe, a été embauché par la SAS CARMEN X… Y…, spécialisée dans la fabrication et la vente de chaussures et sacs pour femmes, le 1er janvier 2013, suivant contrat à durée indéterminée, en qualité de directeur de développement;
Que dans le dernier état de la relation contractuelle, sa rémunération brute mensuelle était de 15 000 euros;
Que le 21 mai 2015, il a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable;
Que par courrier du 9 juin 2015, l’employeur lui a notifié son licenciement pour faute grave;
Que c’est dans ces conditions qu’il a saisi, par requête reçue au greffe le 4 septembre 2015, le conseil de prud’hommes de Marseille aux fins de contestation du bien-fondé de la mesure de licenciement, d’indemnisation subséquente et au titre d’un harcèlement moral;
Que la SAS CARMEN X… fait grief à cette juridiction d’avoir dit que le licenciement de Monsieur Z… était dépourvu de cause réelle et sérieuse;
Que Monsieur Z… pour sa part reproche audit jugement de l’avoir débouté de sa demande au titre du harcèlement moral;
Que chaque partie sollicite donc l’infirmation des chefs qui lui font grief;
Sur le harcèlement moral
Attendu selon l’article L 1152-1 du code du travail, qu’ ‘aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.’;
Que lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L1152-1 à L11522-3 et L1153-1 à L 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement;
Qu’au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement;
Qu’en l’espèce, Monsieur Z… fait valoir que son licenciement est l’aboutissement d’un processus de mise à l’écart et d’humiliations répétées ayant eu pour objectif de le pousser au départ;
Que plus particulièrement, il indique avoir été l’objet d’attaques personnelles, d’un isolement par la privation de contact avec les autres salariés, d’une violation du secret des correspondances et enfin d’une tentative de démission forcée;
Qu’à l’appui de ses assertions, il produit:
* s’agissant des attaques personnelles, un mail que lui a adressé Monsieur Artur D… le 30 avril 2015 lequel lui indique qu’il n’a pas à connaître l’identité de la personne avec laquelle il lui est demandé d’organiser un rendez-vous et deux attestations de Mesdames E… et F…;
Que cependant, il sera d’emblée constaté que ces deux dernières attestations ne sont accompagnées d’aucun élément d’identité de leurs auteurs de sorte qu’elles seront écartées; que s’agissant du mail de Monsieur D…, outre le fait qu’il s’agit là d’un fait isolé, sa teneur doit être mise en rapport avec celle des échanges précédents et plus particulièrement du ton employé par Monsieur Z… lui-même: ‘ Je sais à qui appartient CSE ( Carmen X… Y…), je ne sais pas qui est Roger G…’; que l’attaque personnelle alléguée n’est donc pas suffisamment établie;
* s’agissant de l’isolement, une attestation de Madame H…, là encore non assortie d’élément d’identité et dactylographiée et qui sera donc écartée, enfin un mail émanant de Madame Nina I… lui indiquant que tout ce qui est en rapport avec les boutiques est décidé par Madame Natacha J… et elle-même; que Monsieur Z… estime que ce mail, par ailleurs virulent est en contradiction avec les attributions qui sont les siennes telles que rappelées par Madame I… elle-même dans son mail du 10 décembre 2014 et qui consistent notamment à ‘ Négocier des nouveaux locaux pour ouvrir Carmen X… K… en K… et Y…, prospecter des locaux/ franchisés dans les villes où l’enseigne souhaitait ouvrir en K…’; que cependant, il ressort de l’examen comparé des attributions de Monsieur Z… et de celles de Madame J… un doute sérieux sur la compétence de l’un ou de l’autre sur le point en litige, Madame J… ayant pour mission de ‘ former le staff des ventes et d’assurer la formation des responsables de boutiques’; que l’isolement allégué n’est pas non plus établi;
* s’agissant de la violation du secret des correspondances, un courriel émis par l’avocat du service juridique de la société le 1er avril 2015, à destination de la boîte mail personnelle de Natacha J… autorisant à ouvrir un courrier qui lui était adressé en tant que responsable du magasin; que néanmoins, Monsieur Z… n’apporte aucune explication sur les circonstances dans lesquelles il est entré en possession de ce message dont il n’est pas le destinataire et qui a été transmis postérieurement à sa mise à pied à titre conservatoire accompagnée selon ses propres propos d’une privation de l’accès aux différents comptes web; qu’au delà de cette possible violation du secret des correspondances par Monsieur Z… lui-même, il ne ressort nullement des éléments produits que le courrier litigieux dont il fait état avait un caractère personnel; que ce fait n’est donc pas non plus établi;
* s’agissant enfin de la démission forcée, un mail du 27 avril 2015 de Monsieur Mario L… dont le caractère inachevé doit être relevé; qu’au demeurant il est clairement fait référence dans cette ébauche de message manifestement envoyée par erreur aux fonctions de gérant de Monsieur Z… de sorte qu’il se rapporte de toute évidence à sa démission de ses fonctions de gérant de la société Carmen Paradis formalisée le 1er avril 2015 et est donc sans rapport avec ses fonctions salariées de directeur du développement; que de la même façon la révocation de pouvoirs produite par ses soins peut tout aussi bien se rapporter à ses fonctions de gérant; qu’enfin il ne saurait être fait grief à l’employeur d’avoir fait délivrer le 21 mai 2015 une sommation d’huissier d’avoir à quitter les locaux situés […] dans lesquels il ne conteste pas s’être maintenu en dépit de sa mise à pied à titre conservatoire et de sa démission préalable de ses fonctions de gérant; que ce fait n’est donc pas non plus établi;
Qu’au final, seule la détérioration de son état de santé est établie par le certificat de son médecin traitant du 12 juin 2015; que cependant le lien fait avec la mise à l’écart alléguée ne peut procéder que des propres allégations de Monsieur Z… que ce médecin se contente de répercuter; qu’en lui-même et en l’abence d’élément objectif complémentaire, ce document est insusceptible de laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral;
Que Monsieur Z… sera donc débouté de ce chef de demande par confirmation du jugement entrepris;
Sur le licenciement
Attendu que la faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue la violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis;
Qu’il appartient à l’employeur qui l’invoque de la prouver;
Qu’en l’espèce, aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, il est reproché à Monsieur Z…:
* d’avoir tenu au mois d’avril 2015 des propos rabaissants, injurieux, discriminatoires, racistes et de s’être rendu l’auteur d’un comportement de harcèlement; que plus particulièrement il est indiqué dans la lettre de licenciement:
‘ A titre d’exemple notamment, Monsieur Stéphane M…, qui occupe des fonctions de Store Manager, nous a reporté ( sic) avoir fait l’objet à plusieurs reprises de propos rabaissants et humiliants de votre part qui ont généré chez lui un profond mal être. Vous avez notamment tenu des propos homophobes’; ‘ Madame Cécile N… qui occupe les fonctions de vendeuse, nous a, elle aussi, fait part avoir été victime de propos dévalorisants et déplacés, ainsi qu’avoir été victime de vos sautes d’humeur. Notamment, elle nous a reporté (sic) qu’alors qu’elle s’adressait récemment à la comptable, vous lui avez crié dessus en lui disant: ‘ Cassez-vous de là, je m’en bats les couilles, ici on travaille’. Adopter un tel langage envers les salariés est tout à fait inacceptable qui plus est de la part d’un cadre tel que vous. Madame Marie-Line O… a quant à elle reporté ( sic) avoir été victime de propos sexistes de votre part tels que ‘ Vous avez un beau cul pour une femme. Vous devriez faire du botox……’ Plus encore, la teneur d’un courriel que vous avez adressé le 4 décembre 2014 à Madame Natacha J… nous a récemment été rapportée. Alors que celle-ci vous proposait l’embauche d’une nouvelle collaboratrice, vous lui avez répondu en adoptant des termes racistes et discriminatoires qui ne sauraient être tolérés au sein de notre société. Enfin, le 25 avril 2015, vous avez adressé à notre responsable de coordination marketing une capture d’écran de surveillance, en dénonçant le comportement d’une vendeuse qui se tenait debout à l’entrée du magasin, en ces termes: ‘ Quelle attitude! Plantée à l’entrée du magasin, ce doit être la nouvelle technique pour animer un magasin’ Et partir 5 minutes avant l’heure, déjà changée, etc, ce doit être pour donner l’exemple. Formation super!!! Dans le cadre de ce même courriel, vous faisiez un commentaire sur le travail des responsables des boutiques. S’agissant du responsable de la boutique de Nice, vous avez tenu les propos suivants: ‘ Les stocks sont faux , parce que le ‘ Responsable’ n’est en fait pas très intelligent et ne comprend pas grand chose à la partie gestion des stocks ( en dépit de son CV qui doit être un peu bidonné)’. Enfin, vous faisiez un commentaire sur le travail de formation effectué par Madame Natacha J…: ‘ Il n’y a je crois que Cannes qui procède à des inventaires tournants comme elle l’a toujours fait. Mais c’est vrai, la Responsable n’a pas eu le plaisir d’être formée par la Super superviseur, Natacha J… qui forme avec des emails, des ‘coucous’ et des ‘ super’. Ce type de propos est tout à fait inacceptable, venant d’un cadre à responsabilité. Les exemples précités ne sont malheureusement pas exhaustifs…..’;
* d’avoir diffusé le 19 mai 2015 des informations confidentielles relatives à la société auprès de Monsieur R… P…,
* d’avoir procédé au détournement du stock de la société en conseillant à Madame Ingrid Q… de conserver une paire de chaussures qui venait d’être réceptionnée sans l’entrer dans le fichier adéquat,
* d’avoir le 26 mai 2015, postérieurement à sa mise à pied à titre conservatoire, adressé aux salariés de toutes les boutiques un courriel portant dénigrement de la société;
Attendu qu’à l’appui du premier de ces griefs, l’employeur produit l’attestation de Monsieur M… qui indique qu’alors qu’il informait au mois de février 2015 Monsieur Z… de ce qu’il prendrait des congés au début du mois de septembre 2015 pour son mariage, ce dernier a alors demandé à Madame Q… si le mariage gay était légal au Brésil car ‘elle pouvait dans ce cas là faire un post facebook pour le 1er mariage gay chez Carmen X…!’
Qu’il est également fourni l’attestation de Madame N… qui affirme notamment que Monsieur Z… lui aurait dit: ‘ Je ne veux plus d’homosexuels dans la boîte’ et confirme les propos tenus à son encontre tels que mentionnés dans la lettre de licenciement et celle de Madame Marie-Line O… qui plus particulièrement en ce qui la concerne confirme que Monsieur Z… lui a tenu les propos suivants: ‘ Vous avez un beau cul pour une femme ménopausée, vous devriez faire du botox.’;
Qu’enfin, l’employeur produit l’attestation de Madame Léa R… qui se plaint de propos déplacés à son égard ainsi que celle de Madame S…;
Attendu que Monsieur Z… entend contester au préalable la validité et la sincérité de l’ensemble de ces témoignages et solliciter la confirmation du jugement entrepris de ce chef en s’appuyant sur la production d’un mail de Madame Léa R… dictant à Madame S… le contenu de sa future attestation; que pour autant, à l’instar du courriel émis le 1 er avril 2015 par l’avocat du service juridique de la société, Monsieur Z… n’explique pas dans quelles conditions il est entré en possession, postérieurement à sa mise à pied conservatoire, d’un mail qui ne lui était pas destiné et qui se trouve manifestement couvert par le secret des correspondances; que la cour ne peut donc retenir cet élément qui au demeurant n’est pas susceptible de remettre en question la totalité des autres témoignages;
Que pour le reste, Monsieur Z… conteste la matérialité des faits qui lui sont imputés et qui sont contenus dans les attestations produites aux débats par l’employeur; que plus particulièrement il affirme s’être très peu rendu à Nice au cours du mois d’avril 2015 pour rencontrer Monsieur M…; qu’il se réfère à cet égard à l’attestation de Madame Q…; que néanmoins, la cour ne peut retenir cette pièce dans la mesure où cette dernière présentée comme très proche de Monsieur Z… est directement mise en cause comme bénéficiaire du détournement allégué d’une paire de chaussures et ne satisfait donc pas aux conditions d’objectivité requises;
Que Monsieur Z… ajoute que Monsieur M… se serait vanté devant les salariés d’avoir fait de fausses attestations à son encontre et aurait diffusé l’information diffamatoire selon laquelle il aurait été licencié pour avoir détourné un million d’euros;
Que toutefois les attestations sur lesquelles il se fonde pour remettre en cause la bonne foi de Monsieur M… ne peuvent être retenues dès lors qu’elles ne sont pas assorties des éléments permettant d’identifier leur auteur ( attestations attribuées à Madame F… et Madame E…) ou émanent de Madame Q… dont la parfaite objectivité ne peut être retenue ainsi qu’il vient d’être vu ou ont trait aux pratiques commerciales de Monsieur M… et sont donc sans objet avec l’appréciation de la validité de son témoignage;
Que Monsieur Z… remet en cause également la bonne foi de Madame O… en excipant de ce qu’elle aurait bénéficié d’une revalorisation salariale concomitamment à la procédure de licenciement dont s’agit; qu’il ajoute que cette dernière se trompe sur l’adresse exacte de la boutique et mentionne également des propos tenus à l’encontre d’une secrétaire alors qu’il n’y en a jamais eu au sein de la société;
Mais attendu que l’employeur établit par la production de l’avenant au contrat de travail de Madame O… et de ses bulletins de paie des mois d’avril et juin 2015 qu’en réalité celle-ci n’a bénéficié que d’une contractualisation des heures supplémentaires régulièrement réalisées auparavant et que son salaire est resté strictement identique; que pour le reste, il apparaît que la personne à laquelle fait référence Madame O… n’était pas secrétaire mais responsable administrative et que l’adresse de la société ne se situait pas au […] mais au 79; qu’il s’agit cependant d’erreurs minimes qui ne sont pas en elles-mêmes susceptibles d’altérer la sincérité du propos de l’intéressée plus particulièrement en ce qui la concerne;
Qu’ainsi les attestations de Monsieur M…, de Madame N… et de Madame O… sont parfaitement valables; qu’elle mettent en évidence la tenue réitérée par Monsieur Z… de propos dévalorisants, injurieux voire discriminatoires; que ces propos doivent être mis en perspective avec ceux tenus dans un mail émis par le 4 décembre 2014 qui, pour être antérieur de plus de deux mois à la mise en oeuvre de la procédure de rupture, peut être utilement invoqué par l’employeur au titre de la réitération d’un même comportement fautif; que dans ce message, Monsieur Z… qui répond à une proposition de recrutement d’une nouvelle salariée dénommée Soukaima BENACHOUR tient les propos discriminatoires suivants: ‘ Et bien si tu crois que c’est le type de profil qu’il faut pour Nice, ville qui a eu un maire Font National ( Jacques T…) et pour une boutique qui accueille une importante clientèle russe, peuple hyper raciste, alors fais-le. Mais c’est une énorme connerie. […] Je ne suis pas favorable. Et je comprends ta rétention d’information. Même au Brésil il n’y a pas autant de diversité que dans nos boutiques.’;
Que la nature des propos tenus par Monsieur Z… était incompatible avec son niveau de responsabilité et justifiait en soi, nonobstant l’absence d’antécédent disciplinaire, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres motifs, la rupture immédiate du contrat de travail sans préavis;
Que le licenciement de Monsieur Z… est donc fondé, étant précisé que le fait que le directeur juridique de la société Monsieur BRUNELLI lui ait indiqué le 12 mai 2015 que le contexte économique défavorable l’amenait à ne plus avoir besoin de son poste, ne permet pas de considérer qu’une décision ferme et arrêtée de licenciement a été prise avant l’entretien préalable comme le prétend Monsieur Z… qui sera donc, débouté, par infirmation du jugement entrepris, de toutes ses demandes subséquentes;
Qu’indépendamment du caractère fondé du licenciement, la salarié n’établit pas les circonstances vexatoires qui l’auraient accompagné de sorte qu’il sera débouté de sa demande d’indemnisation à ce titre;
Attendu que la disposition du jugement faisant application des dispositions de l’article L 1235-4 du code du travail à la SAS CARMEN X… Y… sera en conséquence infirmée;
Sur la contestation du solde de tout compte
Attendu que Monsieur Z… sollicite la somme de 20 064,36 euros à titre de rappel de congés payés;
Que pour partie cette somme comprend les incidences congés payés sur l’indemnité compensatrice de préavis et le rappel de salaire afférent à la mise à pied à titre conservatoire; que néanmoins, dans la mesure où la faute grave est retenue, l’intéressé ne peut y prétendre;
Que pour le reste, Monsieur Z… conteste le mode de calcul de ses droits à congés payés tels que répercutés dans le solde de tout compte au motif que l’employeur se serait basé sur un mauvais salaire de référence en ne prenant pas en compte le salaire le plus avantageux correspondant à la moyenne des trois derniers mois;
Mais attendu qu’aux termes de l’article L 3141-22 du code du travail dans sa rédaction applicable, l’indemnité afférente au congé est égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence, sous réserve qu’elle ne soit pas inférieure au salaire théorique et non pas de la rémunération des trois derniers mois, laquelle constitue la base de calcul de l’indemnité de licenciement, même si elle s’avère plus avantageuse;
Que partant la prétention de Monsieur Z… est mal fondée; qu’il en sera donc débouté, par confirmation du jugement entrepris, ainsi que de sa demande de rectification sous astreinte du solde de tout compte;
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Attendu que les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront infirmées;
Attendu qu’il est équitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais qu’elles ont exposés non compris dans les dépens;
Attendu que les dépens de première instance et d’appel seront à la charge de Monsieur Z…, dont les prétentions sont rejetées par la cour, par application de l’article 696 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Infirme le jugement en ce qu’il dit que le licenciement de Monsieur Z… est dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamne la SAS CARMEN X… Y… à lui payer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents, une indemnité légale de licenciement, un rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, le tout assorti des intérêts au taux légal avec capitalisation, en ce qu’il ordonne la remise par l’employeur des documents de rupture rectifiés, en ce qu’il fait application à l’encontre de la SAS CARMEN X… Y… des dispositions de l’article L 1235-4 du code du travail et en ce qu’il condamne cette dernière à une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
Le confirme pour le surplus,
Statuant des chefs infirmés et y ajoutant:
Dit que le licenciement de Monsieur Z… pour faute grave est fondé,
Déboute Monsieur Z… de ses demandes aux titres de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l’indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, de l’indemnité légale de licenciement, du rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire et de la remise, sous astreinte, par l’employeur, des documents de rupture rectifiés,
Dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur Z… aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
David MACOUIN faisant fonction