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10 septembre 2019
Cour d’appel de Paris
RG n°
16/00001
Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 2 – Chambre 6
ORDONNANCE DU 10 SEPTEMBRE 2019
Contestations d’Honoraires d’Avocat
(N° , 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 16/00001 – N° Portalis 35L7-V-B7A-BXYEQ
NOUS, Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre à la Cour d’Appel de PARIS, agissant par délégation de Madame le Premier Président de cette Cour, assistée de Sarah-Lisa GILBERT, Greffière lors des débats et au prononcé de l’ordonnance.
Vu le recours formé par :
SCP [O]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me [N] [P], avocat au barreau de Paris, toque : P0525
Demanderesse au recours enregistré sous le numéro RG 16/00001,
Défenderesse au recours enregistré sous le numéro RG 16/00010
contre une décision du Bâtonnier de l’ordre des avocats de PARIS dans un litige l’opposant à :
Madame [M] [R]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Comparante en personne, assistée de Me Isabelle CLANET DIT LAMANIT, avocate au barreau des Hauts-de-Seine, toque : PN 366
Défenderesse au recours enregistré sous le numéro RG 16/00001,
Demanderesse au recours enregistré sous le numéro RG 16/00010
Par décision contradictoire, statuant publiquement, et après avoir entendu les parties présentes à notre audience du 11 juin 2019 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,
L’affaire a été mise en délibéré au 10 septembre 2019 :
Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;
EXPOSE DU LITIGE
La SCP [O] a été chargée, le 5 février 2015, des intérêts de Mme [M] [R] dans le cadre d’une situation difficile avec son employeur ayant conduit à la saisine du conseil des prud’hommes en résiliation judiciaire du contrat de travail et à une procédure devant le conseil des prud’hommes en référé.
Le 30 septembre 2015, Mme [R] a dessaisi son avocat.
La SCP [O] a saisi, par lettre reçue le 20 octobre 2015, le bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau de Paris d’une demande en fixation de ses honoraires pour un montant de 25 000 € HT.
Par décision du 21 décembre 2015, le bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris a :
– fixé à la somme de 15 737 € HT le montant total des honoraires dus à SCP [O] par Mme [M] [R],
– dit en conséquence que Mme [M] [R] devra verser à la SCP [O] la somme de 15 737 € HT, outre la TVA au taux de 20 % , avec intérêts au taux légal à compter de la notification de sa décision,
– rejeté toute autre demande,
– dit que la signification de la décision sera à la charge de celle des parties qui jugerait nécessaire d’y avoir recours.
Par lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 31 décembre 2015, la SCP [O] a formé un recours devant le premier président de la cour contre cette ordonnance qui lui a été notifiée le 23 décembre 2015.
Par lettre recommandée avec accusé de réception adressée le 4 janvier 2016, Mme [M] [R] a fait de même.
Aux termes de ses écritures soutenues oralement lors de l’audience, la SCP [O] demande à la présente juridiction de :
– fixer les honoraires dus par Mme [R] à la somme de 60 437,50 € HT, outre la TVA au taux de 20 %,
-fixer le point de départ des intérêts à la date du 20 octobre 2015, date de notification de la convocation devant le bâtonnier,
– condamner Mme [R] à lui verser la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, en ce compris les éventuels frais de signification de la décision.
Aux termes de ses écritures soutenues oralement lors de l’audience, Mme [M] [R] demande à la présente juridiction de :
– in limine litis, ordonner le rejet des pièces n°8 et 14 produites par la SCP [O] en violation du secret des correspondances entre avocats,
– ordonner la jonction des deux procédures,
– débouter la SCP [O] de l’intégralité de ses demandes,
– infirmer la décision du 21 décembre 2015,
– constater l’absence de convention d’honoraires et de tout honoraire de résultat,
– fixer l’honoraire de diligences à la somme de 6 385 € HT qu’elle s’engage à acquitter à réception de la décision à intervenir,
– condamner la SCP [O] au paiement de la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
SUR CE,
Sur le rejet des pièces n° 8 et 14 produites par la SCP [O]
Mme [R] sollicite le rejet des pièces adverses n° 8 et 14 qui sont des courriels entre avocats au motif que ces correspondances sont couvertes par le secret professionnel qui est général, absolu et illimité, conformément au règlement intérieur national du barreau et au motif que le protocole transactionnel joint au courriel correspondant à la pièce 14 adressé par erreur à Me [P] contient une clause de confidentialité que la SCP [O] ne peut produire sans manquer à ses obligations déontologiques.
La SCP [O] rétorque que la divulgation des courriels échangés avec son contradicteur (pièce 8) et de la lettre de couverture de son ancien contradicteur à laquelle était jointe la copie de la transaction (pièce 14) nécessaire à sa propre défense, n’est pas une contravention au secret professionnel comme l’admet l’article 4 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, ajoutant que pour le document transactionnel, il n’est pas tenu au secret professionnel puisqu’il ne l’a pas obtenu dans le cadre de son mandat.
Mme [R] justifie de la saisine de la commission de déontologie du barreau de Paris en avril 2019 mais non de l’issue de celle-ci.
L’article 2 du règlement intérieur du barreau de Paris intitulé ‘Le secret professionnel’ reprend en son premier alinéa la disposition du règlement intérieur national selon laquelle ‘L’avocat est le confident nécessaire du client. Le secret professionnel de l’avocat est d’ordre public. Il est général, absolu et illimité dans le temps’ et dans son second alinéa la disposition de l’article 4 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 selon laquelle ‘Sous réserve des strictes exigences de sa propre défense devant toute juridiction et des cas de déclaration ou de révélation prévues ou autorisées par la loi, l’avocat ne commet, en toute matière, aucune divulgation contrevenant au secret professionnel.’
En l’espèce, les deux correspondances dont le rejet des débats est demandé sont produites par la SCP [O] pour sa propre défense et il n’est pas justifié d’une violation par cette dernière du secret professionnel. Ces pièces ne seront pas écartées des débats.
Sur la fixation des honoraires
La SCP [O] fait valoir que la stratégie mise en place dès le premier entretien a parfaitement réussi puisqu’une transaction était signée avec son employeur le 9 mai 2016.
Elle soutient qu’une convention d’honoraires a été formalisée par échanges de courriels les 6 et 10 février 2015 prévoyant un honoraire de diligences au temps passé et un honoraire de résultat de 15 % HT sur les sommes versées par l’employeur, que Mme [R] a tenté en vain d’en obtenir la modification en juillet 2015 et l’a dessaisie par courriel du 30 septembre suivant.
Elle reconnaît que la convention d’honoraires est devenue caduque et sollicite la taxation de ses honoraires conformément aux dispositions de l’article 10 du décret du 12 juillet 2005 mais expose qu’il est loisible au juge taxateur d’honoraires de prendre en compte la contribution de l’avocat dessaisi au résultat final, au regard du travail accompli, en rappelant qu’un alinéa prévoyant expressément une fixation en fonction du résultat obtenu en cas d’interruption de la mission de l’avocat avant son terme, à été ajouté à l’article précité le 2 août 2017, non applicable au litige.
Elle estime que sa contribution a été déterminante pour obtenir l’indemnité transactionnelle de 285 000 € puisque le scénario qu’elle avait anticipé s’est réalisé et en tout état de cause, qu’elle a obtenu avant d’être dessaisie, un résultat définitif correspondant à l’indemnité conventionnelle de licenciement qui a été versée spontanément par l’employeur pour un montant de 50 300 €.
Elle sollicite donc un honoraire global de 60 437,50 € HT, se décomposant comme suit :
– diligences au temps passé : 8 192,50 € HT, correspondant à 29h31,
– honoraire de résultat effectif avant reprise du dossier : 15 % x 50 300 = 7 545 € HT,
– équivalent de l’honoraire de résultat sur la transaction finale soit 44 250 € HT (285 000 + 10 000 x 15 %),
– honoraire autonome de la première consultation facturé le 6 février 2015 pour un montant de 450 € HT.
Mme [R] soutient que la simple proposition de fixation des honoraires adressée par l’avocat par courriel du 6 février 2015 a appelé plusieurs demandes d’éclaircissement de sa part dès sa réponse par courriel du 13 février suivant et que, n’ayant pas été suivie de la formalisation d’une convention d’honoraires, elle ne peut être considérée comme un accord, de sorte que les honoraires doivent être fixés selon les critères posés par l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971. Elle fait valoir à ce titre que :
– le mandat a duré du 4 février au 30 septembre 2015 car elle n’a pas été satisfaite de la prise en charge de son dossier par la SCP [O] qui ne répondait pas à ses interrogations, l’a obligée à préparer seule sa défense devant le bureau de conciliation et qui l’a menacée le 6 septembre 2015 de mettre fin à sa collaboration,
-elle ne conteste pas le taux horaire de 300 € HT s’agissant des diligences réalisées par Me [P] mais fait valoir que le dossier a été majoritairement traité par Me [I] qui avait moins de trois mois de barreau,
– la SCP [O] a commis des erreurs d’appréhension de son affaire en proposant une résiliation judiciaire qui a précipité son licenciement puis une procédure de référé qui a abouti à un non lieu à référé,
– l’affaire n’a pas été considérée comme difficile puisqu’elle a été confiée à une collaboratrice junior,
– elle a perçu des indemnités de Pôle Emploi du 1er février 2016 jusqu’au 30 avril 2019 et à la charge de deux adolescents.
Elle conteste tout honoraire de résultat en l’absence de convention et à titre subsidiaire, soutient que le dernier alinéa de l’article 2-2 du décret n° 2017-1226 du 2 août 2017 n’est pas applicable de manière rétroactive et que lorsqu’il est mis fin de manière prématurée au mandat de l’avocat, celui-ci ne peut prétendre à l’honoraire complémentaire de résultat fixé dans la convention d’honoraire, sauf clause le prévoyant en cas de dessaisissement.
Elle ajoute qu’à la date où il a été mis fin au mandat aucun argumentaire au fond n’avait été développé et aucune négociation entamée de sorte que le résultat obtenu est étranger aux diligences de la SCP [O].
Elle sollicite l’infirmation de la décision du bâtonnier en ce qu’il a retenu un honoraire de résultat sur l’indemnité de licenciement alors que le licenciement n’était pas la stratégie recherchée et que le versement de l’indemnité de licenciement n’est pas imputable à l’intervention de la SCP [O].
A titre reconventionnel, elle estime que les diligences de la SCP [O] peuvent être fixées à la somme de 6 385 € HT, après fixation du taux horaire de la collaboratrice à 150 €HT, l’exclusion d’actes inutiles et la rectification d’une erreur de taux horaire.
Dans son courriel du 6 février 2019, la SCP [O] a effectué un bref rappel de la stratégie proposée et proposé de fixer ses honoraires comme suit :
‘Outre un honoraire au temps passé sur la base d’un taux horaire unique de 300 € HT (360 € TTC), nous sollicitons un honoraire de résultat de 15 % HT sur les sommes de toute nature récupérées de l’employeur grâce à notre intervention. Je précise que votre alternative étant de démissionner, l’honoraire de résultat ne s’appliquera pas aux sommes auxquelles vous pourriez prétendre dans ce cas ( indemnités de préavis et de congés payés).
Si ces modalités vous agréent, je vous remercie de me le confirmer par retour de mail. Nous pourrons alors lancer la stratégie proposée, en ajustant à la fois le timing et le dosage.
En tout état de cause, vous pourrez trouver ci-joint la facture relative à ces premières diligences, limitées comme annoncé à 1 h 30 malgré les 2 h 30 passées ensemble, plus le temps consacré aux présentes.’
Dans son courriel en réponse du 10 février 2015 Mme [R] a écrit:
‘ Je suis d’accord avec votre proposition mais souhaiterais clarifier les points suivants discutés hier et le calendrier’ sans qu’un seul des deux points abordés (cadre ou cadre de direction, part variable) ne concerne les honoraires.
Il s’en déduit que Mme [R] a accepté les termes de la proposition et qu’une convention d’honoraires a été établie.
Toutefois, cette convention est devenue caduque du fait du dessaisissement de l’avocat avant qu’il soit été mis fin au litige par un acte ou une décision juridictionnelle irrévocable, comme le reconnaît la SCP [O] et aucune clause de la convention d’honoraires ne prévoyait les modalités de la rémunération de l’avocat en cas de dessaisissement.
Par ailleurs, la SCP [O] n’était plus l’avocat de Mme [R] dans le cadre de la négociation du protocole transactionnel ayant mis fin à l’instance et elle ne peut prétendre à aucun honoraire de résultat. La décision du bâtonnier sera infirmée en ce sens.
Les honoraires dus à l’avocat pour la mission accomplie doivent être fixés selon les critères définis par l’article 10 alinéa 2 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, en vertu duquel l’honoraire revenant à l’avocat est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.
La SCP [O] réclame le paiement des honoraires correspondant à la consultation initiale selon facture du 6 février 2015 d’un montant de 450 € HT ainsi que la somme de 8 192,50 € HT correspondant au temps passé à compter du 10 février 2015 et jusqu’au 9 septembre 2015 correspondant à 25 h 01 facturés au taux de 300 € HT et 4h30 facturés à 50 % s’agissant des déplacements et attentes aux audiences de référé et de conciliation.
Mme [R] conteste avoir reçu la facture de la première consultation alors qu’il est fait état des modalités de la facturation et de l’envoi de la facture dans le courriel du 6 février 2015 auquel elle a répondu le 10 février suivant en acceptant les honoraires convenus sans faire état de l’absence de pièce jointe. En tout état de cause, il est établi que Me [P] a reçu en personne sa cliente lors de leur première entrevue et cette facture mentionne un taux horaire de 300 € HT que Mme [R] accepte le concernant.
Elle sera retenue pour son montant de 450 HT correspondant à 1 h 30 de rendez-vous conformément à ce qu’indiqué dans le courrier du 6 février 2015.
S’agissant du montant des diligences postérieures, Mme [R] ne conteste pas le temps passé mais le taux horaire de Me [I] qu’elle souhaite voir réduit à 150 € HT, les deux heures de recherches inutiles et effectuées par un stagiaire pour un montant de 600 € HT ainsi que la facturation d’une conversation téléphonique de 15 mn facturée au taux horaire de 350 € HT au lieu de 300 € HT.
S’agissant de la fixation d’un taux horaire uniforme de 300 € HT qu’il s’agisse d’actes effectués par Me [P] ou par sa collaboratrice, Mme [R] l’avait accepté ainsi qu’il ressort de son courriel du 20 avril 2015 dans lequel elle écrit ‘ d’accord pour votre projet d’honoraires’ en réponse au mail du 16 avril précédent de Me [P] mentionnant ‘s’agissant d’ailleurs des honoraires et conformément à votre demande, vous pourrez trouver ci-joint le détail des diligences au 1er avril dernier’ et auquel était joint un détail de facturation portant un taux uniforme de 300 € HT pour les actes accomplis par leur ou l’autre de ses interlocuteurs avocats.
Par ailleurs, le temps passé à effectuer des recherches doit être pris en compte, le magistrat taxateur n’étant pas compétent pour statuer sur leur inutilité prétendue et que Mme [R] ne démontre d’ailleurs pas.
En revanche, l’erreur de tarification de 27,50 € HT relevée par Mme [R] doit être prise en compte, de sorte que les honoraires de diligences pour la période du 10 février au 9 septembre 2015 doivent être fixés à la somme de 8 165 € HT.
En définitive, les honoraires de diligences de la SCP [O] dont Mme [R] est redevable sont fixés à la somme totale de 8 615 € HT(450 +8 165).
Chacune des parties, partiellement perdante, conservera la charge des dépens et autres frais exposés par elle.
PAR CES MOTIFS
Statuant en dernier ressort, publiquement, par ordonnance contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Ordonnons la jonction des affaires enrôlées sous les n° 16/00001 et 16/00010,
Rejetons la demande de Mme [R] tendant à voir les pièces n° 8 et 14 produites par son adversaire écartées des débats,
Infirmons la décision entreprise et, statuant à nouveau,
Fixons le montant des honoraires dus par Mme [M] [R] à la SCP [O] à la somme de 8 615 € HT,
Disons que Mme [M] [R] doit payer à la SCP [O] la somme de 8 615 € HT, majorée de la TVA au taux de 20 %, ainsi que les intérêts au taux légal à compter de ce jour,
Disons que chacune des parties conservera la charge des dépens et autres frais exposés par elle,
Disons qu’en application de l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, la présente décision sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception.
ORDONNANCE rendue par mise à disposition au greffe de la cour le DIX SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX-NEUF par Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre, qui en a signé la minute avec Sarah-Lisa GILBERT, Greffière, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues dans l’article 450 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE