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4 janvier 2022
Cour de cassation
Pourvoi n°
20-83.813
N° Q 20-83.813 F-D
N° 00011
CK
4 JANVIER 2022
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 4 JANVIER 2022
La société [2] a formé un pourvoi contre l’ordonnance n° 33 du premier président de la cour d’appel de Versailles, en date du 28 novembre 2019, qui a confirmé l’ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant le rapporteur général de l’Autorité de la concurrence à effectuer des opérations de visite et de saisie en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles et rejeté son recours contre le déroulement des opérations de visite et saisies.
Des mémoires, en demande, en défense, en intervention volontaire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société [2], les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de l’ordre des avocats au barreau de Paris et les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat du rapporteur général de l’Autorité de la concurrence, et les conclusions de Mme Philippe, avocat général référendaire, les avocats ayant eu la parole en dernier, après débats en l’audience publique du 23 novembre 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. Seys, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l’ordonnance attaquée et des pièces de procédure ce qui suit.
2. À la suite d’une procédure d’enquête mise en oeuvre le 28 avril 2017, l’Autorité de la concurrence a, par requête en date du 11 mai 2017, saisi le juge des libertés et de la détention en application de l’article L. 450-4 du code de commerce, afin d’être autorisée à pratiquer des opérations de visite et de saisie dans les locaux des sociétés [2] au [4] (ci-après société [2]), [5] à [Adresse 3].
3. Par ordonnance en date du 18 mai 2017, le juge des libertés et de la détention a autorisé les opérations sollicitées, qui se sont déroulées les 30 et 31 mai 2017.
4. La société [2] a exercé des recours contre l’ordonnance ci-dessus et les opérations de visite et saisie.
Examen de la recevabilité de l’intervention volontaire du barreau de Paris, mise dans le débat
5. L’ordre des avocats au barreau de Paris s’est constitué en intervention volontaire accessoirement au pourvoi de la société [2] et a déposé un mémoire à cette fin.
6. Selon l’article L. 450-4, dernier alinéa, du code de commerce, les recours contre les opérations de visite et de saisie sont exercés selon les règles du code de procédure pénale.
7. L’intervention volontaire du barreau de Paris, qui est accessoire à un tel recours, exercé par la société [2], et qui se produit pour la première fois devant la Cour de cassation, est dès lors irrecevable.
8. Ainsi, le mémoire ne peut être examiné.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses troisième à sixième branches, le deuxième moyen, pris en ses deuxième à sixième, neuvième et dixième branches et le troisième moyen
9. Ils ne sont pas de nature à permettre l’admission du pourvoi au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
10. Le moyen, pris en ses première et deuxième branches, critique l’ordonnance attaquée en ce qu’elle a autorisé M. [I] [W], rapporteur général de l’Autorité de la concurrence, à faire procéder, dans les locaux de la société [2], [Adresse 1], et des sociétés du même groupe sises à la même adresse, aux visites et saisies prévues par les dispositions de l’article L. 450-4 du code de commerce, afin de rechercher la preuve des agissements qui entrent dans le champ des pratiques prohibées par les articles L. 420-1, 2° et 4°, du code de commerce et 101-1 a) et c) du TFUE relevés dans le secteur de l’équarrissage, ainsi que toute manifestation de cette concertation prohibée, alors :
« 1°/ qu’en vertu du principe général de procédure selon lequel le juge de l’action est le juge de l’exception, il appartient au juge compétemment saisi de la question principale de trancher lui-même toutes les questions accessoires ou préalables dont la solution commande celle du litige principal ; que les règles et procédures applicables aux opérations de concentration, d’une part, et celles applicables à la répression des pratiques anticoncurrentielles, d’autre part, étant distinctes et inconciliables entre elles, il entre dans l’office du délégué du premier président de la cour d’appel devant lequel est contestée la légalité de l’autorisation sollicitée par l’Autorité de la concurrence au titre d’une suspicion d’entente anticoncurrentielle, au motif que les faits à la base de la demande d’autorisation ne constituent pas une entente mais une opération de concentration, de sorte que l’autorisation repose sur une base légale inapplicable rendant illicite les mesures sollicitées, de qualifier les faits en cause et de rechercher, en particulier, s’ils ne relèvent pas en réalité d’une opération de concentration ; qu’en affirmant, pour rejeter la demande de la société [2], qu’il ne relevait pas de la compétence du juge des libertés et de la détention de déterminer si les opérations de cession de fonds de commerce fondant la demande d’autorisation litigieuse constituaient des opérations de concentration économique n’entrant pas dans le champ d’application des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, § 1, du TFUE, aux motifs inopérants que l’Autorité de la concurrence détient une compétence exclusive, en vertu de l’article L. 430-3 du code de commerce, pour examiner les opérations de concentration et qu’une telle qualification relevait exclusivement du collège de l’Autorité de la concurrence, puis de la cour d’appel de Paris et de la chambre commerciale de la Cour de cassation, quand il ne lui était pas demandé d’exercer la compétence de cette Autorité en matière d’autorisation des opérations de concentration, mais, conformément à son office, de qualifier les faits fondant la demande d’autorisation d’opérations de visite et saisie dont il lui appartenait de contrôler la légalité, le délégué au premier président de la cour d’appel de Versailles a méconnu son office et entaché sa décision d’un excès de pouvoir négatif, en violation des articles L. 420-1, L. 430-1 et L. 450-4 du code de commerce, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III et l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme ;
2°/ qu’en vertu du principe général de procédure selon lequel le juge de l’action est le juge de l’exception, il appartient au juge compétemment saisi de la question principale de trancher lui-même toutes les questions accessoires ou préalables dont la solution commande celle du litige principal ; qu’il n’en va différemment que si ces questions relèvent de la compétence d’attribution exclusive d’une autre juridiction et qu’elles soulèvent une difficulté sérieuse ; que dans une telle hypothèse, le juge du principal est alors tenu de poser une question préjudicielle au juge exclusivement compétent et de surseoir à statuer dans l’attente de sa réponse ; qu’en opposant sa propre incompétence pour refuser de se prononcer sur la question de la qualification des faits invoqués par l’Autorité de la concurrence au soutien de sa demande d’autorisation, pourtant nécessaire à la résolution du litige dont il était saisi, sans poser de question préjudicielle à la juridiction selon lui compétente pour ce faire, le délégué au premier président de la cour d’appel de Versailles a méconnu son office et violé l’article 49 du code de procédure civile. »