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16 juin 2022
Cour d’appel d’Amiens
RG n°
21/01560
ARRET
N°
S.C.A. [9]
C/
[W]
copie exécutoire
le 16 Juin 2022
à
Me Renauld
Me Hertault
MVN/MR
COUR D’APPEL D’AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE
ARRET DU 16 JUIN 2022
*************************************************************
N° RG 21/01560 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IBI4
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DEPARTAGE DE COMPIEGNE DU 15 FEVRIER 2021 (référence dossier N° RG 19/00247)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
S.C.A. [9] agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée, concluant et plaidant par Me Amélina RENAULD de la SELARL POINTEL & ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN
ET :
INTIME
Monsieur [N] [W]
[Adresse 1]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représenté, concluant et plaidant par Me Amandine HERTAULT de la SCP CREPIN-HERTAULT, avocat au barreau D’AMIENS
DEBATS :
A l’audience publique du 28 avril 2022, devant Mme Marie VANHAECKE-NORET, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :
– Mme [C] [F] en son rapport,
– les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives.
Mme [C] [F] indique que l’arrêt sera prononcé le 16 juin 2022 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme [C] [F] en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,
Mme Fabienne BIDEAULT, conseillère,
Mme Marie VANHAECKE-NORET, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 16 juin 2022, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Marie VANHAECKE-NORET, conseillère, pour la présidente de Chambre empêchée et Mme Malika RABHI, Greffière.
*
* *
DECISION :
Vu le jugement en date du 15 février 2021 par lequel le conseil de prud’hommes de Compiègne, statuant en formation de départage dans le litige opposant M. [N] [W] (le salarié) à son ancien employeur la société [9] ([9]) [9] (ci-après la coopérative ou l’employeur), a déclaré recevable la demande incidente de la coopérative tendant au rejet des pièces n° 31, 38, 40, 41 et 49 produites par M. [W] et à la suppression de leur référence dans les écritures du salarié, a rejeté cette demande, a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, a condamné la coopérative à payer à M. [W] la somme de 14 717,85 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, a rappelé que l’exécution provisoire est de droit concernant le paiement des indemnités de licenciement, a condamné la coopérative à verser au salarié une indemnité de 2000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, a condamné la coopérative aux dépens ;
Vu l’appel interjeté le 15 mars 2021 par la société [9] venant aux droits de la société [9] à l’encontre de cette décision qui lui a été notifiée le 26 février précédent ;
Vu la constitution d’avocat de M. [N] [W], intimé, effectuée par voie électronique le 29 avril 2021;
Vu les conclusions notifiées par voie électronique le 11 mars 2022 par le biais du RPVA par lesquelles la [9], appelante, soutenant que les pièces adverses qu’elle énumère au dispositif de ses écritures sont irrecevables au motif que M. [W] n’y a pas eu accès de manière légitime dans le cadre de ses fonctions et qu’il y a eu violation du secret des correspondances, faisant valoir que le licenciement est justifié par l’insuffisance professionnelle de M. [W] matériellement établie, qu’il n’y pas eu licenciement verbal et que l’existence d’actes préparatoires au licenciement ne prive pas le congédiement de cause réelle et sérieuse, sollicite l’infirmation du jugement entrepris, prie la cour d’écarter des débats les pièces adverses n°31, 38, 40, 41 et 49, dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, en conséquence débouter M. [W] de l’intégralité de ses demandes, le condamner à lui verser une indemnité de 2000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;
Vu les conclusions notifiées par voie électronique par le RPVA le 15 mars 2022 aux termes desquelles le salarié intimé, réfutant les moyens et arguments de la partie adverse aux motifs que les pièces dont la production est critiquée sont strictement nécessaires à l’exercice de ses droits de la défense et que de surcroît il s’agit de correspondances professionnelles obtenues dans le cadre du travail sans que lui-même use d’un procédé illégal, que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse en ce qu’il a été décidé avant l’engagement de la procédure, subsidiairement que l’insuffisance professionnelle reprochée n’est pas caractérisée et que le licenciement est en réalité disciplinaire, prie la cour de dire l’appel recevable mais mal fondé, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, en conséquence débouter la [9] de toutes ses demandes, de dire que le licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse, condamner la coopérative à lui verser la somme de 14 717,85 euros , subsidiairement si les pièces critiquées devaient être écartées de dire le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et condamner la coopérative au paiement de la même somme soit 6 mois de salaire, en tout état de cause, condamner la coopérative à lui verser la somme de 2000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ainsi qu’aux dépens ;
Vu l’ordonnance de clôture en date du 14 avril 2022 renvoyant l’affaire pour être plaidée à l’audience du 28 avril suivant ;
Vu les dernières conclusions transmises le 11 mars 2022 par l’appelante et le 15 mars 2022 par l’intimé auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel ;
SUR CE LA COUR
M. [N] [W], né en 1986, a été recruté à compter du 1er janvier 2012 en qualité de technicien forestier par la [10] sise à [Adresse 7] suivant contrat de travail à durée indéterminée.
A la suite d’une fusion donnant naissance à la société [9] devenue [9], le contrat de travail de M. [W] a été transféré au sein de cette entité ce qui a été formalisé par un avenant prenant effet au 1er mai 2014.
En dernier lieu, le salaire mensuel brut de M. [W] s’est élevé à 2200 euros.
Convoqué à un entretien préalable initialement fixé au 12 juin 2017 par lettre du 31 mai précédent, reporté au 21 juin par lettre du 12 juin 2017, il a été licencié pour insuffisance professionnelle suivant lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 27 juin 2017 motivée comme suit :
«’Nous faisons suite à notre entretien du 21 juin dernier et sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour insuffisance professionnelle.
En effet, vous exercez au sein de notre coopérative les fonctions de technicien forestier.
Or, nous avons été contraints de constater de nombreux dysfonctionnements ou insuffisances dans votre travail.
Outre les entretiens annuels d’évaluation réalisés, de nombreux entretiens informels ont été mis en place pour faire le point sur votre activité et vous donner des axes de progression.
Malgré cela, la situation n’a pas évolué et lors de notre entretien annuel d’évaluation du 13 février, nous avons été contraints de constater une insuffisance importante des marges brutes.
Nous avons donc, par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 15 mars 2017, été contraints d’attirer votre attention sur les manquements constatés.
Nous vous rappelions notamment les actions sur lesquelles nous avions mis l’accent en 2016 et l’absence d’évolution.
Ce courrier concluait sur la nécessité pour vous d’une réaction en vue d’un point à début mai 2017.
Vous n’aviez pas contesté ce courrier du 15 mars 2017, jusqu’à ce que vous receviez une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement.
Lors de notre entretien, nous vous avons exposé les éléments suivants:
Nous avons constaté l’absence d’évolution notable de la situation puisque que malgré une progression ponctuelle sur mai, il n’y a pas de stock important d’activité identifiée et de nombreux éléments nous contraignent à constater que vos compétences ne sont vraisemblablement pas en adéquation avec les exigences de votre poste:
‘ pas de progression des marges,
‘ retards (jusqu’à 4 années de réalisation de [11]),
‘ des retours négatifs croissants de responsables professionnels et propriétaires, tant à l’oral que par écrit, s’interrogeant sur les méthodologies et sylviculture pratiquée mais aussi sur des négligences de transmission d’information.
Ainsi, à titre d’exemples depuis le courrier que nous vous avions adressé le 15 mars 2017, nous avons reçu un courrier de Monsieur [E] [O].
Monsieur [O] vous avait demandé en 2015 de mettre en place un plan de gestion. Vous avez réalisé un devis qui a fait l’objet d’un règlement.
Pourtant le 28 mars 2017, Monsieur [O], après réception d’un courrier de la [12] le mettant en demeure de se mettre en conformité en transmettant son document de gestion durable, a pris notre contact s’étonnant de l’absence de réalisation du plan.
Nous avons, par ailleurs, reçu du [6], deux courriers en date du 24 avril 2017 liés à des insuffisances dans la mise en place des plans de gestion.
En réponse, vous avez indiqué qu’il existait une forte évolution de la marge dégagée sur la facturation de mai.
Cependant, cette forte facturation est liée à la priorité donnée à ce secteur pour les enlèvements des bois vendus par [5], mais est totalement exceptionnelle par rapport à la tendance annuelle qui reste basse.
Votre activité dégage actuellement une marge qui ne nous permet pas de couvrir le coût représenté par votre poste de travail.
Les moyennes de marge sont très inférieures aux marges constatées pour les autres conseillers de la coopérative.
Vous avez, par ailleurs, indiqué que vous deviez développer la clientèle qui n’était pas acquise.
Ceci étant, je tiens à rappeler que plusieurs propriétés vous ont été attribuées depuis le démarrage de votre activité et que le développement de la clientèle relève de vos fonctions.
II faut normalement de 18 à 24 mois pour développer une clientèle permettant de dégager une rentabilité minimale. Nous avons largement dépassé ce délai.
Vous avez aussi prétendu que l’absence d’ordinateur portable vous ralentissait dans votre travail.
Nous vous rappelons que le travail administratif est censé être fait au bureau et que vous disposez d’un poste fixe parfaitement adapté. De plus un personnel administratif est à votre disposition pour l’appui à la réalisation des documents.
Vos explications ne sont donc pas de nature à changer notre appréciation des faits.
L’ensemble de ces éléments démontre que vos compétences ne sont pas en adéquation avec les exigences requises pour assumer l’ensemble des fonctions inhérentes à votre poste et nous contraint donc à vous notifier votre licenciement pour insuffisance professionnelle.
Votre préavis d’une durée de deux mois débutera à la première présentation du présent courrier.
Nous vous dispensons néanmoins de l’effectuer.
En conséquence, nous vous demandons de vous présenter le lundi 3 juillet à 11 heures au siège social de la coopérative, afin de restituer l’ensemble du matériel mis à votre disposition dans le cadre de vos fonctions.
Au terme du préavis, l’ensemble de vos documents de fin de contrat et votre solde de tout compte vous seront adressés par courrier.
Par ailleurs, nous vous informons dès à présent que nous vous dispensons de la clause de non-concurrence figurant à votre contrat de travail.
(…)’».
Contestant la légitimité de son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits au titre de la rupture du contrat de travail, M. [N] [W] a saisi le conseil de prud’hommes de Compiègne qui statuant en formation de départage suivant jugement du 15 février 2021, dont appel, s’est prononcé comme indiqué précédemment.
Sur la demande tendant à ce que les pièces n° 31, 38, 40, 41 et 49 selon bordereau de communication de M. [W] soient écartées
La cour constate à titre liminaire que la recevabilité de cette demande n’est plus contestée en cause d’appel.
La décision de première instance, non critiquée de ce chef, sera confirmée en ce qu’elle a dit cette demande recevable.
La [9] demande à la cour d’écarter ces pièces des débats en exposant qu’il s’agit de courriels imprimés à partir de la boîte mail de M. [P], reponsable de l’agence de [Localité 8], à laquelle M. [W] n’avait pas accès et dont il n’a pu avoir connaissance dans le cadre de son travail. Elle considère que l’accès à ces correspondances est constitutif de l’infraction prévue et réprimée par l’article 226-15 du code pénal, que ces éléments ont été obtenus par un procédé déloyal et même illégal. Elle oppose que la jurisprudence sur le droit à la preuve invoquée par M. [W] n’est pas applicable à la violation du secret des correspondances.
M. [W] fait valoir pour sa part qu’il convient de mettre en balance le secret des correspondances et son droit à la preuve, qu’en l’occurrence les courriels produits sont strictement nécessaires à l’exercice des droits de la défense dès lors qu’ils mettent en évidence que son licenciement a été décidé avant toute convocation à entretien préalable. Il expose en outre que ces mails sont professionnels, ont été échangés dans ce cadre et qu’ils lui ont été remis par un expéditeur qui a choisi de ne pas communiquer ses coordonnées. Il nie avoir eu accès à l’ordinateur de M. [P] et souligne qu’il n’est pas démontré qu’il ait eu accès à la boîte mail de ce collaborateur par un ‘piratage’ ni qu’il ait subtilisé les mails litigieux.
Sur ce
Il est de principe qu’un salarié, lorsque cela est strictement nécessaire à l’exercice des droits de sa défense dans un litige l’opposant à son employeur, peut produire en justice des documents dont il a eu connaissance à l’occasion de ses fonctions.
En l’espèce, il apparaît que les pièces litigieuses sont constituées de courriels échangés entre le 15 mars 2017 et le 29 juin suivant à partir de messageries professionnelles entre des collaborateurs de l’entreprise où M. [W] exerçait ses fonctions et alors qu’il était encore présent à l’effectif et dont le contenu est de nature professionnelle, en rapport avec ses activités, ces circonstances permettant de retenir qu’il en a eu connaissance à l’occasion de ses fonctions.
M. [W] pour contester son licenciement fait valoir à titre principal que ce dernier est illégitime pour avoir été décidé avant même l’engagement de la procédure de congédiement ; dès lors les pièces litigieuses antérieures pour la plupart à cette date et dont l’objet paraît en rapport direct avec ces faits sont strictement nécessaires à la défense des droits de sa défense ce qui justifie leur production dans le cadre du contrôle de la cause réelle et sérieuse de licenciement, objet de l’instance prud’homale même si ces courriels apparaissent comme couverts par le secret des correspondances.
En conséquence, les pièces ne sont pas irrecevables et il convient de débouter la coopérative de sa demande tendant à ce qu’elles soient écartées.
Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Sur la légitimité du licenciement
Poursuivant l’infirmation du jugement entrepris en ce que ce dernier a retenu que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse au motif que l’employeur a pris sa décision de rompre le contrat de travail avant même la convocation à entretien préalable, la coopérative fait valoir qu’il n’y a pas eu de licenciement verbal, que les actes préparatoires à savoir le recueil d’éléments comme des témoignages est normal et autorisé et à tout le moins ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse et ne signifie pas que la décision était déjà acquise.
Elle soutient également en substance que le motif d’insuffisance professionnelle est clairement évoqué dans la lettre de notification du licenciement et peut être précisé devant les juges, qu’en l’espèce une telle insuffisance est caractérisée au vu des retards, retours négatifs de clients et nombreux manquements techniques imputables au salarié lequel disposait des moyens nécessaires pour exercer normalement ses fonctions et qui se sont traduits par une insuffisance de ses marges brutes.
M. [W] soutient tout d’abord que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en ce que l’employeur a manifesté avant l’entretien préalable sa volonté irrévocable de mettre fin au contrat de travail, que divers courriels et offres d’emploi produits en procédure attestent que la décision était prise avant l’entretien préalable et que son sort était scellé plusieurs mois auparavant. Il souligne que lors de l’entretien préalable aucun élément concret ne lui a été livré alors que l’objectif d’un tel entretien est en principe de permettre au salarié de s’expliquer et tenter de convaincre l’employeur de renoncer au licenciement envisagé.
Il oppose aussi qu’il n’existe aucun élément précis objectivement vérifiable caractérisant une insuffisance professionnelle et que le licenciement dont il a fait l’objet est en réalité un licenciement pour motif disciplinaire.
Il souligne que la lettre de licenciement est rédigée en termes génériques sans être étayée par des éléments précis et conteste chacun des exemples ou griefs développés par l’employeur dans ses conclusions ainsi que les données versées sur les marges. Il fait valoir que son activité ne peut être comparée à celle de ses collègues en ce qu’il a dû développer une clientèle et qu’en outre il n’était pas doté d’outil informatique lui permettant d’accomplir ses tâches de manière satisfaisante ce dont la direction avait été informée.
Sur ce,
L’article L.1232-2 du code du travail énonce notamment que l’employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque avant toute décision à un entretien préalable.
L’article L.1232-6 du même code dispose que lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception, cette lettre devant comporter l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur ne pouvant être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date prévue par l’entretien préalable au licenciement auquel le salarié a été convoqué.
Par application de ces dispositions, est dépourvu de cause réelle et sérieuse un licenciement verbal défini comme la manifestation par l’employeur de sa volonté irrévocable de rompre le contrat de travail avant l’entretien préalable et à tout le moins avant l’envoi de la lettre de notification du licenciement.
Un licenciement verbal n’est pas forcément oral : tout moyen de communication ayant pour résultat l’annonce du licenciement avant sa notification au salarié constitue un licenciement verbal.
En l’espèce, M. [W] produit aux débats le courriel adressé par M. [U], directeur de la coopérative, à MM [P] et [G] le 31 mai 2017 ayant pour objet ‘BL’, désignant ainsi le salarié par ses initales avec pour pièce jointe la convocation à entretien préalable initialement fixé le 12 juin suivant.
Ce courriel est ainsi libellé : ‘ Pour info. Ça part ce jour au courrier…Procédure validée.
Entretien le 12/ Courrier de notification envoi le 15, fin de présence dans les effectifs à la date de première réception…normalement le 16 (pas d’exécution du préavis). Je vois [J] le 8, je gérerai avec lui la question des droits d’accès. Il faudra gérer au mieux par contre la présence dans les locaux durant cette période..Je serai à [Localité 8] le 9″.
Il résulte de la teneur de cette annonce faite au responsable de l’agence où était affecté M. [W] et à un autre salarié, formulée sans l’emploi du conditionnel et anticipant comme des événements futurs et certains l’absence d’exécution du préavis et la gestion concrète de la sortie des effectifs, que la décision de rompre le contrat de travail était prise de manière irrévocable par l’employeur, en la personne du directeur, avant l’entretien préalable qui s’est tenu le 21 juin 2017.
Cette analyse non contredite par les éléments de l’appelante se trouve confortée par les termes d’un précédent courriel versé par M. [W] émanant du directeur et remontant au 15 mars 2017 dans lequel il est évoqué auprès de M. [P] l’envoi d’un courrier au salarié après accord d’un conseil sur les termes ainsi que ‘la procédure prévue pour la suite à partir de mai sauf retournement de situation’.
En conséquence de ces éléments, le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse ainsi que retenu par les premiers juges dont la décision sera confirmée de ce chef.
M. [W] peut par conséquent prétendre à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Justifiant d’une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, il peut prétendre à l’indemnisation de l’absence de cause réelle et sérieuse sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige soit celle antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.
En considération de sa situation particulière et eu égard notamment à son âge, à l’ancienneté de ses services, à sa formation et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, la cour dispose des éléments nécessaires pour confirmer l’évaluation de la réparation qui lui est due telle que faite par les premiers juges correspondant aux salaires des six derniers mois.
Le salarié ayant plus de deux ans d’ancienneté et l’entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, il convient de faire application d’office des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail dans sa version applicable au litige et d’ordonner à l’employeur de rembourser à l’antenne [13] concernée les indemnités de chômage versées à l’intéressé depuis son licenciement dans la limite d’un mois de prestations.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Les dispositions de première instance seront confirmées.
Succombant en son appel, la [9] sera condamnée à verser à M. [W] en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile une somme que l’équité commande de fixer à 2000 euros pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel.
Partie perdante, la [9] sera condamnée aux dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort
Confirme le jugement rendu le 15 février 2021 par le conseil de prud’hommes de Compiègne en toutes ses dispositions,
Y ajoutant
Ordonne d’office à la [9] de rembourser à l’antenne [13] concernée les indemnités de chômage versées à M. [N] [W] depuis son licenciement dans la limite d’un mois de prestations ;
Condamne la société [9] à verser à M. [N] [W] la somme de 2000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au présent arrêt ;
Condamne la société [9] aux dépens d’appel.
LA GREFFIERE, P/ LA PRESIDENTE EMPÊCHEE