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7 juillet 2022
Cour d’appel d’Orléans
RG n°
20/00338
C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S
CHAMBRE SOCIALE – A –
Section 2
PRUD’HOMMES
Exp +GROSSES le 07 JUILLET 2022 à
la SCP DERUBAY – KROVNIKOFF
Me Véronique PIOUX
-LD-
ARRÊT du : 07 JUILLET 2022
MINUTE N° : – 22
N° RG 20/00338 – N° Portalis DBVN-V-B7E-GDLH
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’ORLEANS en date du 08 Janvier 2020 – Section : ENCADREMENT
APPELANTE :
SARL AVRCI prise en la personne de son Gérant et représentant légal domicilié en cette qualité au siège
191 allée du Bois Vert
45640 SANDILLON
représentée par Me Helene KROVNIKOFF de la SCP DERUBAY – KROVNIKOFF, avocat au barreau d’ORLEANS
ET
INTIMÉ :
Monsieur [W] [C]
né le 10 Septembre 1961 à ORLEANS (45000)
67 RUE DU BOURG NEUF
45560 SAINT DENIS EN VAL
représenté par Me Véronique PIOUX, avocat au barreau d’ORLEANS
Ordonnance de clôture :11 MAI 2022
Audience publique du 12 Mai 2022 tenue par Mme Laurence DUVALLET, Présidente de chambre, et par Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller, et ce, en l’absence d’opposition des parties, assistés lors des débats de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier,
Après délibéré au cours duquel Mme Laurence DUVALLET, Présidente de chambre et Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller, ont rendu compte des débats à la Cour composée de :
Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité,
Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre,
Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller.
Puis le 07 Juillet 2022, Madame Laurence Duvallet, présidente de Chambre, présidente de la collégialité, assistée de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier a rendu l’arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCEDURE
La SARL AVRCI, ayant pour objet la vente et l’installation d’automatismes de dispositifs de vision, de robotique et de câblage industrielle, a été créée le 24 janvier 2003 par MM. [V] [G] et [E] [S], tous deux associés, M. [V] [G] étant le gérant.
Selon contrat de travail à durée indéterminée du 25 juin 2003, la SARL AVRCI a engagé M. [W] [C] en qualité de directeur technique, cadre position 3A, en application de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie.
MM. [V] [G] et [W] [C] se sont connus à l’occasion d’une précédente expérience professionnelle et M. [W] [C] et M. [E] [S] étaient en famille.
La SARL AVRCI compte moins de 11 salariés.
Courant mars 2004, M. [E] [S] a cédé une partie de ses parts à Mme [Z] [C], épouse de M. [W] [C], et à M. [V] [G], celui-ci devenant actionnaire majoritaire.
A compter de l’automne 2017, les relations entre M. [V] [G] qui souhaitait changer d’activité et M. [W] [C] se sont dégradées.
Le 26 juin 2018, M. [W] [C] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 09 juillet 2018, avec mise à pied à titre conservatoire.
Le 13 juillet 2018, M. [W] [C] a été licencié pour faute grave.
Par requête du 22 octobre 2018, il a saisi le conseil de prud’hommes d’Orléans aux fins, au principal, de dire et juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et d’obtenir le paiement de diverses sommes dont une somme au titre d’une prime.
Faisant valoir que M. [W] [C] se considérait en réalité comme associé de la société, démentant l’existence d’un lien de subordination, la SARL AVRCI a contesté la compétence de la juridiction prud’homale.
Par jugement du 08 janvier 2020, le conseil de prud’hommes d’Orléans, section encadrement, a :
– Déclaré que M. [W] [C] est salarié de la SARL AVRCI,
En conséquence,
– S’est déclaré compétent pour traiter du litige entre M. [W] [C] et la SARL AVRCI,
– Dit que le licenciement de M. [W] [C] ne repose sur aucun fondement et s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– Fixé la moyenne du salaire mensuel à la somme 6197 euros,
En conséquence,
– Condamné la SARL AVRCI à verser à M. [W] [C] les sommes suivantes :
– 37 182 euros au titre de l’indemnité de préavis,
– 3718 euros au titre des congés payés sur préavis,
– 52 767 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
– 80 561 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 6000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
– 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Déclaré que la prime annuelle résulte d’un usage constant et que le solde de prime 2018 est dûe,
En conséquence,
– Condamné la SARL AVRCI à verser à M. [W] [C] la somme de :
– 13573 euros au titre du solde de la prime 2018.
– Ordonné, en application de l’article L.1235-4 du code du travail, à la SARL AVRCI de rembourser à pôle emploi les indemnités chômage versées à M. [W] [C] suite à son licenciement, dans la limite de six mois d’indemnité de chômage, soit 37 182 euros,
– Ordonné à la SARL AVRCI de remettre à M. [W] [C] les documents légaux de fin de contrat, conformes au présent jugement,
– Ordonné l’exécution provisoire du présent jugement,
– Débouté M. [W] [C] du surplus de ses demandes,
– Débouté la SARL AVRCI de sa demande reconventionnelle,
– Condamné la SARL AVRCI aux entiers dépens.
La SARL AVRCI a relevé appel de cette décision le 05 février 2020.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 6 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles, la SARL AVRCI demande à la cour de :
A titre principal,
– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
– Déclarer que le litige ne relève pas du droit du travail et, renvoyer M. [W] [C] à mieux se pourvoir,
A titre subsidiaire,
– Infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes ayant accordé à M. [W] [C] un rappel de prime 2018,
Et statuant à nouveau,
-Déclarer que la prime 2018 ne relève pas d’un usage et débouter en conséquence M. [W] [C] de se demande,
– Infirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes ayant estimé que le licenciement ne repose pas sur un motif réel et sérieux et condamné la SARL AVRCI au versement des indemnités de rupture et de dommages et intérêts,
Et statuant à nouveau,
– Déclarer que le licenciement de M. [W] [C] repose sur une faute grave et le débouter en conséquence de ses demandes d’indemnité de rupture, dommages et intérêts et demandes subséquentes,
– Confirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes ayant débouté M. [W] [C] de sa demande de dommages et intérêts pour nullité du forfait jours,
– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes ayant condamné la SARL AVRCI au titre des dispositions de l’Article L 1235-4 du code du travail, ainsi qu’au versement d’une somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles de 1ère instance,
En tout état de cause,
– Condamner M. [W] [C] à verser à la SARL AVRCI la somme de 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles de 1ère instance et d’appel,
– Condamner M. [W] [C] aux entiers dépens, en ce compris les frais et honoraires d’Huissier pour l’exécution et le recouvrement des condamnations et ceux concernant les droits de recouvrement ou d’encaissement dont bénéficient les Huissiers de justice au titre de l’article A 444-32 du code de commerce (ancien article 10 du décret n° 96-101080 du 12/12/1996).
Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 9 mai 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [W] [C], relevant appel incident, demande à la cour de :
– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– Condamné la SARL AVRCI à verser à M. [W] [C] les sommes suivantes :
– 37.182,00 euros au titre d’indemnité de préavis,
– 3.718,00 euros au titre des congés payés sur préavis,
– 52.767,00 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
– 80.561,00 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 6.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
– 3.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Déclaré que la prime annuelle résulte d’un usage constant et que le solde de prime 2018 est dû,
– Condamné en conséquence la société AVRCI à verser à M. [W] [C] la somme de 13.573,00 euros au titre du solde de la prime 2018,
– Ordonné à la SARL AVRCI de remettre à M. [W] [C] les documents légaux de fin de contrat conformes au présent jugement,
– Ordonné l’exécution provisoire du présent jugement,
– Infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a débouté M. [W] [C] de sa demande de dommages et intérêts pour nullité de forfait jours sollicités pour 10.000,00 euros,
– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a limité le montant des dommages intérêts compte tenu des circonstances vexatoires de la rupture à la somme de 6.000,00 euros sur celle de 37.192,00 euros sollicitée,
En conséquence,
– Condamner la société AVRCI à payer à M. [W] [C] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour nullité de forfait jours,
– Condamner la société AVRCI à payer à M. [W] [C] la somme de 37.182,00 euros à titre de dommages et intérêts à titre de préjudice moral,
– Débouter la société AVRCI de toutes ses demandes plus amples ou contraire aux termes des présentes,
– Condamner la société AVRCI à verser à M. [W] [C] la somme de 5.000,00 euros au titre des frais irrépétibles,
– Condamner la SARL AVRCI en tous les dépens.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 11 mai 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
– Sur l’exception d’incompétence de la juridiction prud’homale:
La SARL AVRCI soutient que le litige ne relève pas du droit du travail dans la mesure où M. [W] [C] se présente comme associé de la société en ayant contribué à la création de la société en 2003 avec M. [G] qu’il aurait guidé et formé dans son rôle d’associé et gérant, ainsi que cela ressort de conclusions prises par Mme [C] et M. [S] dans le cadre d’un litige commercial les opposant à M. [G]. Elle ajoute que M. [W] [C] détenait la carte bancaire de la société, a rédigé le chèque en réglement des sommes mises à leur charge dans ce litige par la cour d’appel d’Orléans et était présent aux assemblées générales.
La cour relève l’existence d’un contrat de travail, l’établissement de bulletins de salaire établis depuis son embauche et des documents relatifs à une procédure de licenciement (convocation, entretien préalable, lettres de discussion sur une rupture conventionnelle puis de licenciement et documents de fin de contrat de travail) , autant d’éléments qui attestent de la qualité de salarié.
Si les écritures de M. [W] [C] dans le cadre du présent litige et les conclusions prises devant la juridiction commerciale exposent sans ambiguité l’implication de M. [W] [C] dans le projet de création de la SARL AVRCI, son développement et l’exercice de son activité aux côtés de M. [G], associé majoritaire et gérant, rôle majeur dans le fonctionnement de l’entreprise qui peut aussi se justifier par le poste à responsabilité exercé par l’intéressé dans le cadre de son emploi salarié de directeur technique d’une entreprise comptant 5 salariés, il n’est pas pour autant démontrer qu’il aurait été gérant de fait ou associé avec prête nom.
Il n’est pas établi, ni même allégué, qu’il aurait exercé de telles fonctions aux lieu et place de M. [G], représentant légal de la société et titulaire du pouvoir de direction dévolu à l’employeur. Il n’est pas démontré qu’il avait la signature pour engager la société sur un plan financier ou bancaire, la seule détention d’une carte bancaire au nom de la société ne suffisant pas à le démontrer tandis qu’elle s’explique par la prise en charge de frais professionnels tels que des déplacements.
En outre, la présence de M. [W] [C] aux cotés de M. [G] aux assemblées générales ne fait pas de lui un associé.
Enfin, M. [G] dans le cadre de sa fonction de gérance a considéré M. [W] [C] comme un salarié, particulièrement dans la période de mésentente, n’ayant pas manqué dans un courriel d’avril 2018 de lui rappeler qu’en cette qualité, il n’avait pas à connaître du montant des primes allouées au gérant.
Il en résulte que par voie de confirmation du jugement entrepris, la qualité de salarié de M. [W] [C] doit être retenue, et l’exception d’incompétence soulevée par la SARL AVRCI rejetée.
– Sur le licenciement pour faute grave
L’article L 1235-1 du code du travail dispose qu’en cas de litige, le juge à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute existe, il profite au salarié.
La cause réelle est celle qui présente un caractère d’objectivité. Elle doit être existante et exacte. La cause sérieuse est celle d’une gravité suffisante pour justifier la rupture des relations contractuelles.
La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie son départ immédiat. La charge de la preuve de la faute grave pèse sur l’employeur.
La lettre de licenciement fixe les limites du litige. Elle reprend trois griefs, le piratage de la boîte mail professionnelle du gérant impliquant violation du secret des correspondances et divulgation des informations auprès du tiers titulaire de l’adresse IP à partir de laquelle le piratage est fait, utilisation frauduleuse de la signature du gérant sans autorisation, comportements inadaptés et rétentions d’informations à l’égard du personnel dégradant les conditions de travail.
S’agissant de l’usurpation de signature du gérant, il est reproché à M. [W] [C] d’avoir utilisé la signature scannée du gérant afin de l’apposer sur des documents commerciaux et notamment sur des devis. Il est produit par l’employeur un devis. Cependant, il n’est nullement démontré que la signature figurant sur ce document serait scannée, et qui plus est, sans l’autorisation de M. [G]. De son côté, M. [W] [C] fait valoir de manière convaincante par la production d’autres documents commerciaux qu’il était usuel que ces écrits soient revêtus de la double signature du gérant et du directeur technique. La SARL AVRCI ne produit pas d’éléments contredisant cette pratique et le fait que le salarié aurait agi sans y être autorisé. Ce grief n’est pas établi et sera écarté.
S’agissant du comportement inadapté reproché, la preuve de ce grief ne repose que sur les attestations de trois salariés qui se plaignent du comportement de M. [W] [C] (main mise, manipulation, provocation au conflit ou humiliation devant les clients …) , sans toutefois donner des exemples précis. Il est fait état pour l’un de difficultés depuis des années alors que les comportements reprochés n’ont jamais fait l’objet de signalement ou de plaintes auprès de la direction avant le licenciement de M. [W] [C]. Un autre évoque une démission déposée à deux reprises pour impossibilité de travailler avec M. [W] [C], sans aucune pièce produite en ce sens. Ces attestations ne sont corroborées par aucun autre élément de preuve tangible et seront appréciées avec beaucoup de précaution au regard du contexte particulièrement conflictuel existant entre la direction de l’entreprise et M. [W] [C] les derniers mois de la relation contractuelle. Elles sont, en outre, nuancées par la production de nombreux SMS relatant des échanges professionnels ou personnels entre ces salariés et M. [W] [C] qui sont cordiaux et ne reflètent en rien des relations compliquées. La preuve de ce grief n’est pas suffisamment rapportée, le doute devant profiter au salarié, il sera écarté.
S’agissant du piratage de la boîte mail de M. [G], il ressort de la procédure que celui-ci a déposé plainte le 23 février 2018 pour des faits d’entrée ou maintien irrégulier dans un système informatique. Il a dénoncé une consultation de ses courriels adressés à son adresse personnelle ouverte au sein de l’entreprise. La plainte a fait l’objet d’un classement sans suite, les preuves étant insuffisantes pour démontrer la caractérisation de l’infraction. Les investigations ont établi que M. [W] [C] avait consulté les mails de la boîte attribuée à M. [G] dont il connaissait les mots de passe pour avoir créé les différentes adresses de l’entreprise ( celle de l’entreprise, celle du gérant, celle du bureau d’études et la sienne ) et entré les mots de passe choisis par les utilisateurs, les faits n’étant pas contestés mais justifiés par une pratique habituelle et ancienne au sein de l’entreprise pour les besoins professionnels (devis, échanges avec la clientèle…). Il n’est pas démontré que cette consultation a concerné des mails personnels, le constat de l’huissier de justice du 30 juillet 2018 n’apportant pas d’élément précis ni tangible, et il est établi que M. [G] n’a jamais estimé devoir modifier son mot de passe en 5 ans, particulièrement après décembre 2017 lorsque les relations se sont dégradées entre les deux hommes. Il n’a pas été indiqué à M. [W] [C] qu’il n’était plus autorisé à accéder à ces documents. En outre, M. [W] [C] n’a jamais cherché à cacher qu’il continuait de lire les mails de l’adresse de M. [G], étant observé que l’entreprise pousuivait son activité. Il apparaît ainsi que si la consultation de la boîte de réception de M. [G] par M. [W] [C] depuis un poste personnel ou son téléphone est établie, ce fait, au regard de ces éléments de contexte, ne revêt pas le caractère d’une faute de nature à justifier un licenciement pour faute grave, ni une cause sérieuse de licenciement.
Par voie de confirmation du jugement entrepris, il convient de dire le licenciement de M. [W] [C] dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Il n’est pas nécessaire à la cour d’examiner le comportement dénoncé par l’employeur comme ayant eu lieu postérieurement au licenciement, étant observé qu’il ne ressort pas des constatations de l’huissier de justice que M. [W] [C] aurait supprimé des messages ou modifié le contenu de l’outil informatique restitué après son licenciement.
– Sur la demande en paiement du solde de la prime pour 2018
M. [W] [C] demande le paiement du solde d’une prime pour l’année 2018 d’un montant de 13 573 euros nets correspondant à la prime versée chaque année en mars au gérant. Il a déjà perçu, à ce titre, la somme de 8073,70 euros brut.
La SARL AVRCI s’oppose à cette demande, rappelant le caractère de gratification bénévole de cette prime et estimant que M. [W] [C] est rempli de ses droits.
Il n’est pas contestable que ce dernier a perçu chaque année une prime exceptionnelle ainsi que cela ressort des bulletins de salaire de mars 2005 à mars 2017 produits aux débats, étant relevé que la SARL AVRCI a également payé la somme 8073, 70 euros précitée à ce titre en avril 2018 à la suite des réclamations du salarié effectuées les 13 et 27 avril 2018, reconnaissant ainsi que la prime était dûe. Cette prime présente les caractères de constance et de régularité en sorte qu’elle est due.
Au vu des éléments de la cause, il convient de fixer à 13 573 euros brut le solde de la prime restant dû au salarié. Le jugement entrepris sera confirmé dans son principe et son montant, la somme étant toutefois prononcée en brut.
– Sur les conséquences financières du licenciement dénué de cause réelle et sérieuse
– Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
La perte injustifiée de son emploi cause au salarié un préjudice dont il appartient au juge d’apprécier l’étendue.
L’article L.1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 , prévoit, compte tenu de l’ancienneté de M. [W] [C] qui est de 15 années complètes dans l’entreprise, et de la taille de l’entreprise, inférieure à 11 salariés, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre 3 et 13 mois de salaire brut.
M. [W] [C] sollicite la confirmation du jugement qui lui alloué la somme de 80 561 euros nets au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, représentant 13 mois de salaire fixé à 6187 euros/mois. La SARL AVRCI soutient que la rémunération mensuelle moyenne des 12 derniers mois s’élève à 4896,28 euros, prime annuelle comprise et que la demande du salariée n’est pas étayée. Et qu’en tout état de cause, si le rappel de prime exceptionnelle accordée par les premiers juges est confirmée par la cour, le salaire mensuel s’élève à 6027,36 euros brut, montant qui sera retenu par la cour.
Au regard des éléments soumis à la cour, compte tenu de l’âge du salarié (57 ans) au moment du licenciement, de son ancienneté, de son emploi retrouvé en contrat à durée indéterminé le 2 juillet 2019, il y a lieu d’évaluer à 78 000 euros brut le préjudice consécutif à la perte injustifiée de son emploi.
Par voie d’infirmation du jugement entrepris, la SARL AVRCI sera condamnée à payer cette somme à M. [W] [C].
– Sur l’indemnité de préavis :
Le salarié peut prétendre à une indemnité de préavis de 6 mois.
Il y a lieu de fixer à 36 164,16 euros la somme que M. [W] [C] aurait perçue s’il avait travaillé pendant la durée du préavis, outre 3616,42 euros de congés payés afférents.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
– Sur l’indemnité conventionnelle de licenciement :
En application de l’article 29 de la convention collective applicable, il convient d’accorder à M. [W] [C] la somme de 51 292,83 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement et d’infirmer le jugement sur ce point.
Il convient d’ordonner à la SARL AVRCI de remettre à M. [W] [C] les bulletins de salaire rectifiées, attestation Pôle emploi et solde de tout compte conformes à la présente décision.
– Sur la condamnation au remboursement des indemnités de chômage au Pôle emploi
Aux termes de l’article L.1235-5 du code du travail dans sa version issue de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, applicable au litige, ‘Ne sont pas applicables au licenciement d’un salarié de moins de deux ans d’ancienneté dans l’entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives au remboursement des indemnités de chômage, prévues à l’article L. 1235-4, en cas de méconnaissance des articles L. 1235-3 et L. 1235-11.’
Au cas particulier, il n’est pas contesté que la SARL AVRCI comptait moins de 11 salariés le 13 juillet 2018 (5 salariés), en sorte qu’il ne peut lui être ordonné de rembourser des allocations chômage versées à M. [W] [C].
Le jugement sera infirmé sur ce point.
– Sur le forfait en jours
M. [W] [C] demande la somme de 10 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la nullité de la convention de forfait jour qui n’a jamais été signée par les parties et qui était mentionnée sur les bulletins de salaire.
La cour constate que la convention de forfait jour conclue avec M. [W] [C] n’est pas signée, la SARL AVRCI ne démontrant pas que celui-ci aurait refusé de la signer. Elle est frappée de nullité.
Pour autant M. [W] [C] qui sollicite une indemnisation pour ne pas avoir été en mesure de faire valoir ses droits au regard de sa charge de travail, ne justifie d’aucun élément sur les heures de travail réellement effectuées, ni d’aucune atteinte à sa sécurité résultant de son rythme de travail.
Par voie de confirmation du jugement entrepris, sa demande sera rejetée.
– Sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire
M. [W] [C] demande à la cour d’infirmer le jugement qui a limité à 6000 euros le montant des dommages-intérêts pour licenciement intervenu dans des circonstances vexatoires en raison du dépôt des affaires personnelles du salarié sur le parking de l’entreprise et d’allouer à ce titre la somme de 37 182 euros.
Il ressort de la procédure qu’un rendez vous a été fixé entre les parties pour la remise des effets personnels de M. [W] [C] à la suite de son licenciement, cette restitution ayant été faite le samedi 21 juillet 2018. Le climat particulièrement conflictuel peut justifier le choix de l’employeur de ne pas laisser M. [W] [C] pénétrer dans les locaux de l’entreprise. Il n’est pas contesté que ces effets comportaient du mobilier volumineux et nécessitaient une manutention, le salarié venant accompagné de M. [S] et d’un tiers et muni d’une camionnette. Les photos produites aux débats par la SARL AVRCI démontrent que ces affaires n’ont pas été jetées pêle mêle, gisant sur le parking mais au contraire qu’elles étaient entreposées de manière correcte par temps sec, ce point n’étant pas utilement contesté par les témoignages produits par M. [W] [C].
Les éléments médicaux produits par ce dernier (arrêt de travail de deux semaines et precription médicamenteuse d’un mois), s’ils peuvent confirmer le retentissement d’un licenciement dénué de fondement et opéré dans un contexte envenimé depuis des mois, ne caractérisent pas pour autant une rupture intervenue dans des circonstances vexatoires qui justifieraient l’existence d’un préjudice distinct de celui réparé par l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse allouée par la cour.
Par voie d’infirmation du jugement entrepris, M. [W] [C] sera débouté de sa demande présentée à ce titre.
– Sur les demandes présentées au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la SARL AVRCI à payer à M. [W] [C] la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et rejeté la demande de la société.
La SARL AVRCI qui succombe pour l’essentiel en cause d’appel sera également condamnée à payer à M. [W] [C] la somme de 1500 euros sur le même fondement, sa propre demande étant rejetée.
La SARL AVRCI supportera la charge des dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement rendu entre M. [W] [C] et la SARL AVRCI, le 8 janvier 2020, par le conseil de prud’hommes d’Orléans, section encadrement, en ce qu’il a dit le licenciement de M. [W] [C] dénué de cause réelle et sérieuse, rejeté la demande en paiement de dommages-intérêts pour nullité de la convention de forfait en jours et condamné la SARL AVRCI à payer à M. [W] [C] la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
Condamne la SARL AVRCI à payer à M. [W] [C] les sommes suivantes:
– 78 000 euros brut au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 36 164,16 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 3616,41 euros de congés payés afférents ;
– 51 292,83 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 13 573 euros brut au titre du solde de la prime exceptionnelle payable en 2018,
Ordonne à la SARL AVRCI de remettre à M. [W] [C] les bulletins de salaire rectifiées, attestation Pôle emploi et solde de tout compte conformes à la présente décision.
Rejette la demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement intervenu dans des circonstances vexatoires présentée par M. [W] [C] ;
Dit n’y avoir lieu à ordonner à la SARL AVRCI le remboursement aux organismes concernés des allocations de chômage versées à M. [W] [C] dans la limite de six mois ;
Condamne la SARL AVRCI à payer à M. [W] [C] la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Et rejette sa demande présentée à ce titre ;
Dit que la SARL AVRCI supportera la charge des dépens de première instance et d’appel.
Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre, président de la collégialité, et par le greffier
Fanny ANDREJEWSKI-PICARD Laurence DUVALLET