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14 septembre 2022
Cour d’appel de Reims
RG n°
21/01923
Arrêt n°
du 14/09/2022
N° RG 21/01923
MLB/FJ
Formule exécutoire le :
à :
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
Arrêt du 14 septembre 2022
APPELANTE :
d’un jugement rendu le 14 octobre 2021 par le Conseil de Prud’hommes de TROYES, section Activités Diverses (n° F 21/00052)
Madame [S] [I]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par la SELARL BOUHANA, avocats au barreau de PARIS
INTIMÉE :
L’UNION DEPARTEMENTALE CGT (UD CGT) DE L’YONNE
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par la SCP MICHEL HENRY ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS
DÉBATS :
En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 juin 2022, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Christine ROBERT-WARNET, président de chambre, et Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 14 septembre 2022.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Madame Christine ROBERT-WARNET, président
Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller
Monsieur Olivier BECUWE, conseiller
GREFFIER lors des débats :
Monsieur Francis JOLLY, greffier
ARRÊT :
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Christine ROBERT-WARNET, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Madame [S] [I] a été embauchée par l’Union Départementale CGT de l’Yonne (ci-après l’UD-CGT) en qualité de secrétaire administrative dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée le 18 septembre 1989, renouvelé le 17 avril 1990 puis le 17 avril 1991.
À compter du 17 avril 1992, l’UD-CGT l’a embauchée dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée, avec reprise d’ancienneté.
Suivant avenant au contrat de travail en date du 1er mars 2003, Madame [S] [I] a été promue au poste de secrétaire de direction.
Elle a été salariée protégée de 2008 au 2 novembre 2020, étant désignée conseiller du salarié pour la CGT.
Le 1er juillet 2020, Madame [S] [I] a saisi le conseil de prud’hommes d’Auxerre de différentes demandes à caractère indemnitaire et salarial, lequel, par jugement du 21 janvier 2021, a renvoyé l’affaire devant le conseil de prud’hommes de Troyes.
Le 7 octobre 2020, l’UD-CGT a notifié à Madame [S] [I] une sanction disciplinaire.
Le 13 octobre 2020, Madame [S] [I] a saisi le conseil de prud’hommes de nouvelles demandes, tendant notamment au prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur et à l’annulation de la sanction disciplinaire.
Par jugement en date du 14 octobre 2021, le conseil de prud’hommes de Troyes a :
– écarté des débats la pièce n°20 versée par Madame [S] [I],
– ordonné la jonction des deux instances inscrites sous les n° de RG 20/00052 et n° 20/00053,
– dit Madame [S] [I] recevable mais mal fondée en ses réclamations,
– débouté Madame [S] [I] de ses demandes,
– débouté l’UD-CGT de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens.
Le 20 octobre 2021, Madame [S] [I] a formé une déclaration d’appel.
Madame [S] [I] est en arrêt-maladie depuis le 18 novembre 2021.
Dans ses écritures en date du 5 avril 2022, elle demande à la cour :
– de confirmer le jugement du chef de la jonction, en ce qu’il l’a dite recevable en ses réclamations et en ce qu’il a débouté l’UD-CGT de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– d’infirmer le jugement en ce qu’il a écarté sa pièce n°20 des débats, en ce qu’il l’a dite mal fondée en ses réclamations, l’a déboutée de ses demandes et a dit que chaque partie supportera la charge de ses dépens.
Elle demande à la cour statuant à nouveau, de juger recevables et bien-fondées ses demandes :
– in limine litis, de juger que sa pièce n°20 ne doit pas être écartée,
– sur le fond, de juger qu’elle est victime d’une discrimination syndicale et d’un harcèlement moral et de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur et en conséquence de le condamner à lui payer les sommes de :
. 83032,32 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,
. 5189,52 euros bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
. 518,95 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
. 25515,14 euros nets à parfaire au titre de l’indemnité légale de licenciement,
. 5185,92 euros au titre du rappel de salaire pour privation de l’augmentation de salaire annuel de 2019 à 2021, à parfaire,
. 518,59 euros au titre des congés payés y afférents à parfaire,
. 412,81 euros nets au titre de rappel de salaire suite à arrêt maladie sur salaires de février et mars 2020,
. 41,18 euros nets au titre des congés payés y afférents,
. 15568,56 euros nets au titre de l’indemnité pour violation du statut protecteur à parfaire,
. 10000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l’obligation de formation et adaptation de l’employeur à parfaire,
. 15568,56 euros nets pour privation d’indemnité de fin de carrière à parfaire,
– de prononcer l’annulation de la sanction disciplinaire du 7 octobre 2020,
– de condamner l’UD-CGT à lui payer les sommes de :
. 50000 euros à parfaire à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale,
. 50000 euros à parfaire à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
. 50000 euros à parfaire à titre de dommages-intérêts pour défaut de prévention du harcèlement moral et manquement à l’obligation de sécurité,
– de condamner l’UD-CGT à lui payer la somme de 12192 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– de prononcer l’intérêt légal sur toutes les condamnations avec capitalisation des intérêts,
– d’ordonner la remise des documents de fin de contrat et du bulletin de salaire rectifiés et ce sous astreinte,
– de condamner l’UD-CGT aux dépens, avec application de l’article 699 du code de procédure civile.
Dans ses écritures en date du 2 mai 2022, l’UD-CGT demande à la cour :
– in limine litis, de confirmer le jugement en ce qu’il a écarté des débats la pièce n°20 produite par Madame [S] [I],
par conséquent,
– d’écarter des débats la pièce n°20 produite déloyalement dans le cadre de son appel par Madame [S] [I],
en tout état de cause,
– de confirmer le jugement,
– de condamner Madame [S] [I] à lui payer la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé.
Motifs :
– Sur la pièce n°20 de Madame [S] [I] :
Madame [S] [I] demande vainement à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a écarté des débats la pièce n°20 qu’elle a produite.
En effet, il s’agit d’un mail adressé le 14 décembre 2019 par le secrétaire général de l’UD CGT Yonne à Mesdames [L] [O] et [Y] [E] -contenant les échanges précédents intervenus entre eux-, lequel ne lui a pas été remis volontairement ni par l’expéditeur ni par les destinataires, puisque la salariée indique l’avoir récupéré à la suite d’un oubli sur la photocopieuse.
Or, la preuve résultant de la production en justice d’un écrit obtenu par un procédé déloyal est irrecevable.
Le jugement doit donc être confirmé de ce chef.
– Sur l’avertissement :
Le 2 septembre 2020, l’UD-CGT a convoqué Madame [S] [I] à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire, lequel se tenait le 18 septembre 2020.
Le 7 octobre 2020, l’UD-CGT lui a notifié un avertissement pour avoir violé le secret des correspondances en produisant en justice un échange de mails issus des messageries électroniques protégées par un code confidentiel de trois membres de l’Union départementale et pour avoir refusé de s’expliquer à ce sujet lors de l’entretien préalable.
Madame [S] [I] avait sollicité en première instance l’annulation d’une telle sanction, injustifiée selon elle, alors que la pièce en cause avait été oubliée sur la photocopieuse et alors qu’elle n’avait pas refusé de s’expliquer, étant dans l’ignorance du contenu des mails visés.
Madame [S] [I] réclame vainement l’infirmation d’une telle disposition alors même qu’il a été précédemment retenu qu’elle avait produit en justice un mail privé entre deux membres du bureau qui ne lui a pas été remis volontairement et que la sanction prononcée, mineure dans l’échelle des sanctions, est proportionnée.
Le jugement doit donc être confirmé du chef du rejet de la demande d’annulation de la sanction disciplinaire.
– Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur :
Les premiers juges ont débouté Madame [S] [I] de sa demande tendant à la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’UD-CGT, ce qu’elle demande à la cour d’infirmer, tandis que l’UD-CGT conclut à la confirmation du jugement sur ce point.
Les manquements de l’employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation contractuelle.
Madame [S] [I] prétend avoir été victime de discrimination syndicale et de harcèlement moral, ce que conteste l’UD-CGT.
Il appartient dans ces conditions à Madame [S] [I], dans un premier temps :
– de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination syndicale, en application de l’article L.1134-1 du code du travail,
– de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral, en application de l’article L.1154-1 du code du travail.
Madame [S] [I] invoque indifféremment les mêmes faits -comme le fait remarquer l’UD-CGT- à l’appui de la discrimination syndicale et du harcèlement moral.
Les faits dénoncés par Madame [S] [I] sont étrangers à tout acte de discrimination syndicale, puisqu’ils le sont au-delà du 2 novembre 2020, date à laquelle Madame [S] [I] n’est plus conseiller du salarié.
Madame [S] [I] doit donc être déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour discrimination syndicale -qui n’était au demeurant reprise que dans le dispositif de ses écritures- et le jugement doit être confirmé de ce chef.
A l’appui du harcèlement moral, Madame [S] [I] soutient en premier lieu que ses tâches lui ont été progressivement retirées à compter de 2017, qu’une telle situation s’est intensifiée lors du confinement, avant d’aboutir à un retrait de toutes ses tâches au mois de septembre 2020, à son retour de congés, lequel s’est poursuivi jusqu’à son arrêt-maladie de novembre 2021.
Elle verse aux débats la fiche de poste qui était la sienne, signée par les parties au mois de février 2018, de laquelle il ressort qu’elle avait des tâches de secrétariat courantes, qu’elle était en charge de la gestion du matériel et des consommables, de la gestion des fichiers militants et de la comptabilité de l’UD89.
A son retour d’arrêt-maladie au mois de mai 2020, en période de confinement, Madame [S] [I] a trouvé une note relative à sa reprise d’activité dans laquelle il est notamment indiqué que les syndicats et structures qui veulent rencontrer la direction de l’UD CGT89 ou pour toute autre demande doivent s’adresser uniquement par mail ou téléphone au secrétaire général de l’UD ou à la secrétaire générale adjointe.
Il lui est aussi adressé un mail relatif à de nouvelles règles de travail, par le responsable à la politique financière de l’UD le 27 mai 2020, aux termes duquel il lui est indiqué qu’elle n’a plus accès au compte en banque en ligne de l’organisation et les modifications concernant le règlement des factures.
Le 28 mai 2020, elle écrit alors au secrétaire général de l’UD CGT qu’elle a toujours effectué le paiement des factures, que ce soit par chèque ou par virement, et qu’elle a toujours eu accès à la banque en ligne et que les nouvelles consignes sont très différentes de celles pratiquées depuis son embauche.
Elle lui écrit encore le 8 septembre 2020 que depuis le 31 août 2020, il ne lui a confié aucune tâche à accomplir, qu’elle arrive le matin, ouvre la boîte mél, répond à 2 ou 3 appels par jour, privée de toute information relative au fonctionnement de l’UD. Elle indique dans ses écritures qu’une telle situation s’est poursuivie, ne recevant qu’un à deux mails par jour d’instructions de demandes, qui ne permettent pas de remplir une journée de 7 heures de travail, ce qu’elle établit au moyen des mails reçus qu’elle produit de l’été 2020 à novembre 2021.
Madame [S] [I] établit encore qu’à l’occasion de son arrêt de travail au mois de février 2020, l’employeur n’a plus, comme par le passé, pratiqué la subrogation de salaire.
Madame [S] [I] établit enfin que le 11 octobre 2021, un avertissement lui a été délivré pour 3 retards à son poste de travail (5 minutes le 26 août 2021, 20 minutes le 14 septembre 2021 et 14 minutes le 20 septembre 2021) alors que sur les fiches de déclaration de présence mensuelle, la secrétaire générale a indiqué qu’il ne faut pas tenir compte des retards et que les heures normales doivent être réglées.
Madame [S] [I] verse enfin aux débats des éléments médicaux :
– l’attestation de son médecin traitant en date du 6 juillet 2020 faisant état la concernant d’un état anxieux sévère réactionnel et des troubles du sommeil liés à ces phénomènes anxieux et la prescription d’anxiolytiques.
– des justificatifs de consultations auprès d’un médecin psychiatre le 3 juillet 2020 et le 18 novembre 2021. Dans le certificat de prolongation d’arrêt de travail en date du 29 mars 2022, le psychiatre écrit au titre des constatations détaillées : ‘syndrome anxio dépressif sévère réactionnel aux conditions du travail’.
– le 28 octobre 2021, à l’issue d’une visite médicale de Madame [S] [I] à sa demande, le médecin du travail écrivait à l’employeur que celle-ci lui avait rapporté que ‘sa situation professionnelle se serait dégradée, marquée par l’absence de prescription de tâches et d’insécurité de la situation de travail, sur fond d’absence de communication et d’information générant stress au travail, risque psycho social potentiellement pathogène’, et que conformément à ses missions, il lui conseillait d’évaluer la situation de travail de Madame [S] [I] et de prendre toutes les dispositions visant à réduire et prévenir les risques professionnels en l’occurrence les risques psychosociaux.
De tels éléments pris dans leur ensemble laissent présumer des agissements de harcèlement moral, de sorte qu’il n’est pas nécessaire d’examiner le surplus des faits présentés par Madame [S] [I].
Il appartient dans ces conditions à l’employeur d’établir que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, ce qu’il ne fait pas.
En effet, si l’employeur justifie que le confinement lié à la Covid-19 a eu un impact sur le fonctionnement de l’UD et par conséquent sur le travail de Madame [S] [I], il ne justifie pas à l’issue du confinement des raisons du maintien de la modification des tâches de Madame [S] [I] et de leur forte réduction.
Il n’explique pas davantage les raisons pour lesquelles il a mis un terme au régime de la subrogation de salaire -qui avait toujours été appliqué en cas d’arrêt de travail- et ce au mois de février 2020, précisément à une date à laquelle Madame [S] [I] l’avait informé d’un arrêt de travail possible en février 2020 (pièce n°40 de L’UD-CGT et pièce n°78 de la salariée).
Il ne donne enfin aucune explication sur l’avertissement délivré le 11 octobre 2021 au regard des mentions apposées quelques jours auparavant par la secrétaire générale telles que précédemment décrites.
Dans ces conditions, le harcèlement moral est établi.
En réparation du préjudice subi à ce titre, l’UD-CGT sera condamnée à payer à Madame [S] [I] la somme de 7000 euros titre de dommages-intérêts.
Le jugement doit être infirmé en ce sens et confirmé du chef du rejet de la demande de dommages-intérêts pour défaut de prévention du harcèlement moral et manquement à l’obligation de sécurité, en ce qu’il n’est caractérisé, dans les écritures de Madame [S] [I], aucun préjudice subi à ce titre distinct de celui réparé au titre du harcèlement moral.
Madame [S] [I] doit être accueillie en sa demande tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur, les agissements de harcèlement moral et le manquement à l’obligation de sécurité étant des manquements suffisamment graves de ce dernier pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
La résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur produit les effets d’un licenciement nul.
En application de l’article L.1235-3-1 du code du travail, l’UD-CGT sera condamnée à payer à Madame [S] [I], âgée de 54 ans et qui travaillait en son sein depuis plus de 33 ans, la somme de 45000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.
En application de l’article L.1234-1 du code du travail, l’UD-CGT doit être condamnée à payer à Madame [S] [I] la somme de 5189,52 euros au titre du préavis, correspondant à deux mois de salaire, outre les congés payés y afférents.
Madame [S] [I] réclame une somme de 25515,14 euros nets à parfaire au titre de l’indemnité légale de licenciement.
En application de l’article R.1234-2 du code du travail, l’UD-CGT doit être condamnée à lui payer la somme de 26452,13 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement.
Une telle indemnité est calculée sur la base de l’ancienneté de Madame [S] [I] acquise à la date d’expiration du préavis, soit le 14 novembre 2022, au regard de la date de la résiliation judiciaire prononcée le 14 septembre 2022 au jour de l’arrêt, et se décompose comme suit :
– 6486,90 euros (2594,76 euros/4 = 648,69 euros x 10 ans)
– 19965,23 euros (2594,76 euros/3 = 864,92 euros x 23 ans et 1 mois)
Le jugement doit être infirmé en ce sens.
– Sur l’indemnité au titre de la violation du statut protecteur :
Madame [S] [I] sollicite vainement l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande d’indemnité pour violation du statut protecteur.
En sa qualité de conseiller du salarié jusqu’au 2 novembre 2020, Madame [S] [I] bénéficiait d’une période de protection jusqu’au 2 novembre 2021. En effet, sauf dispositions expresses contraires, la recodification du code du travail est intervenue à droit constant. Il en résulte que s’appliquent au conseiller du salarié les dispositions de l’article L. 2411-3 du code du travail relatives à la durée de la protection d’un délégué syndical.
Dès lors que la période de protection est expirée à la date de l’arrêt prononçant la résiliation judiciaire du contrat de travail, Madame [S] [I] ne peut prétendre à aucune indemnité au titre de la violation du statut protecteur.
Le jugement doit donc être confirmé de ce chef.
– Sur le rappel de salaire de 2019 à 2021 :
Madame [S] [I] reproche encore aux premiers juges de l’avoir déboutée de sa demande au titre d’un rappel de salaire de 2019 à 2021.
Elle prétend en effet, qu’en vertu d’un usage, elle aurait dû continuer à bénéficier d’une augmentation de salaire depuis 2019.
Or, une telle demande ne saurait prospérer en ce qu’elle repose sur un usage alors même qu’un des critères de l’usage fait défaut, celui de la fixité.
En effet, si Madame [S] [I] a bénéficié d’augmentations de 2015 à 2018, il n’y a aucun mode de calcul déterminé, ce qui ressort des éléments chiffrés fournis par la salariée et de l’attestation de Madame [O] produite par l’employeur.
Le jugement doit donc être confirmé du chef du rejet de la demande de Madame [S] [I] au titre du rappel de salaire.
– Sur le rappel de salaire au titre des mois de février et mars 2020 :
Madame [S] [I] demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande en paiement d’une somme de 412,81 euros nets correspondant à la différence entre les salaires perçus au mois de février et mars 2020 (3160,29 euros) et les salaires maintenus à 100 % qu’elle aurait dû percevoir (3573,20 euros).
Or, l’UD-CGT justifie au moyen des bulletins de paie produits, avoir réglé à Madame [S] [I] le temps de son arrêt-maladie d’une durée de 30 jours (pièce n°87 de la salariée), les indemnités complémentaires conformes aux dispositions légales applicables, à hauteur de 90 % du salaire brut.
Le jugement doit donc être confirmé du chef du rejet du rappel de salaire.
– Sur les dommages-intérêts pour privation d’indemnité de fin de carrière :
C’est encore vainement que Madame [S] [I] demande à la cour de condamner l’UD-CGT à lui payer la somme de 15568,56 euros correspondant à l’indemnité de départ à la retraite qu’elle aurait dû percevoir à cette occasion, en application de l’avenant à la convention d’assurance n°8007202 d’indemnités de fin de carrière des entités membres de la confédération générale du travail, correspondant à 6 mois de salaire pour plus de 30 ans de cotisations versées.
En effet, tout au plus, Madame [S] [I] aurait-elle pu prétendre à ce titre à une perte de chance de percevoir une telle indemnité, ce qu’elle ne réclame pas.
Le jugement doit donc être confirmé du chef du rejet de sa demande au titre de la privation d’indemnité de fin de carrière.
– Sur les dommages-intérêts pour non-respect de l’obligation de formation et d’adaptation de l’employeur :
Madame [S] [I] est salariée de l’UD-CGT depuis le 18 septembre 1989.
Elle n’a suivi que deux formations le temps de la relation salariée (pièce n°27 de Madame [S] [I]). Si le manquement de l’UD-CGT au titre de son obligation d’assurer à la salariée l’adaptation à son poste de travail et de veiller au respect de sa capacité à occuper un emploi est établi, Madame [S] [I] ne caractérise toutefois aucun préjudice à ce titre, ne faisant état que d’un préjudice hypothétique dans ses écritures.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a débouté Madame [S] [I] de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.
– Sur la remise des documents de fin de contrat et bulletin de salaire rectifiés sous astreinte :
Il y a lieu d’enjoindre à l’UD-CGT de remettre à Madame [S] [I] les documents de fin de contrat et le dernier bulletin de paie rectifiés conformément à la présente décision, sans qu’il y ait lieu toutefois au prononcé d’une astreinte.
**********
Il y a lieu de dire que les condamnations sont prononcées sous déduction des éventuelles cotisations sociales salariales applicables.
Il y a lieu de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts présentée par Madame [S] [I] en application de l’article 1343-2 du code civil.
Partie succombante, l’UD-CGT doit être condamnée aux dépens de première instance et d’appel -avec pour ceux d’appel application de l’article 699 du code de procédure civile-, déboutée de sa demande d’indemnité de procédure au titre des deux instances et condamnée en équité à payer à Madame [S] [I] la somme de 3000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel.
Par ces motifs :
La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a :
– ordonné la jonction des deux instances ;
– écarté des débats la pièce n°20 de Madame [S] [I] ;
– débouté Madame [S] [I] de sa demande d’annulation de l’avertissement en date du 7 octobre 2020, de sa demande de dommages-intérêts pour discrimination syndicale, de sa demande de dommages-intérêts pour défaut de prévention du harcèlement moral et manquement à l’obligation de sécurité, de ses demandes de rappel de salaire de 2019 à 2021 et au titre du maintien de salaire de février et mars 2020 et des congés payés y afférents, de sa demande d’indemnité pour violation du statut protecteur, de ses demandes de dommages-intérêts pour privation d’indemnité de fin de carrière et pour non-respect de l’obligation de formation et adaptation de l’employeur ;
– débouté l’UD-CGT de sa demande d’indemnité de procédure ;
L’infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant :
Condamne l’UD-CGT à payer à Madame [S] [I] la somme de 7000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [S] [I] aux torts de l’UD-CGT ;
Dit que la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’UD-CGT produit les effets d’un licenciement nul ;
Condamne l’UD-CGT à payer à Madame [S] [I] les sommes de :
– 45000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ;
– 5189,52 euros au titre de l’indemnité de préavis ;
– 518,95 euros au titre des congés payés y afférents ;
– 26452,13 euros au titre de l’indemnité légale ;
Dit que les condamnations sont prononcées sous déduction des éventuelles cotisations sociales salariales applicables ;
Ordonne la capitalisation des intérêts dûs au moins pour une année entière ;
Enjoint à l’UD-CGT de remettre à Madame [S] [I] les documents de fin de contrat et le dernier bulletin de paie rectifiés conformément à la présente décision ;
Dit n’y avoir lieu à astreinte de ce chef ;
Condamne l’UD-CGT à payer à Madame [S] [I] la somme de 3000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel ;
Déboute l’UD-CGT de sa demande d’indemnité de procédure ;
Condamne l’UD-CGT aux dépens de première instance et d’appel, avec pour ceux d’appel, application de l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT