Secret des correspondances : 5 octobre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/16548

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Secret des correspondances : 5 octobre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/16548
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5 octobre 2022
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/16548

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRET DU 05 OCTOBRE 2022

(n° 162 , 17 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/16548 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCVAS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Octobre 2020 -Tribunal de Commerce de LILLE METROPOLE – RG n° 2019002168

APPELANTE

MECARUNGIS SOCIETE INFORMATIQUE DE GROSSISTES EN PRODUITS AGRO ALIMENTAIRES agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de CRETEIL sous le numéro 602 0387 228

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044, avocat postulant

Ayant pour avocat plaidant Me Olivier POMIÈS, avocat au barreau de QUIMPER, substitué par Me Julien FANEN, avocat au barreau de QUIMPER

INTIMEE

S.A. G.R.G agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de CRETEIL sous le numéro 542 063 623

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque C2477, avocat postulant

Ayant pour avocat plaidant Me Emmanuel FLEURY, avocat au barreau de Paris, substitué par Me François-Xavier QUISEFIT, avocat au barreau de PARIS.

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Brigitte BRUN-LALLEMAND, Première Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Brigitte BRUN-LALLEMAND, Première Présidente de chambre

Madame Sophie DEPELLEY, Conseillère

Madame Camille LIGNIERES, Conseillère

qui en ont délibéré,

Greffière, lors des débats : Monsieur Damien GOVINDARETTY

ARRÊT :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Brigitte BRUN-LALLEMAND, Première Présidente de chambre et par Claudia CHRISTOPHE, Greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

*******

La SA Mecarungis exerce l’activité de gestion de la Caisse centrale du Pavillon des Viandes V1P du Marché d’intérêt national (MIN) de [Localité 3]. Créée en 1972, c’est l’outil de mutualisation de l’activité des grossistes – mandataires, qui sont à la fois ses principaux actionnaires et ses clients adhérents.

Mecarungis gère actuellement la facturation de 2 200 comptes clients professionnels (artisans bouchers, semi-grossistes, restaurateurs…) pour le compte de ses adhérents’; elle assure le suivi des encaissements liés à cette activité déléguée ainsi que le suivi de leur recouvrement’; elle est également prestataire de services informatiques et met à leur disposition des logiciels de comptabilité, de gestion commerciale et de traçabilité des viandes.

Tous les grossistes du Pavillon des Viandes en étaient, jusqu’en septembre 2016, actionnaires, administrateurs et adhérents.

La SA GRG est grossiste – mandataire en viande sur la MIN de [Localité 3]. Sa surface de vente est la plus importante du Pavillon des Viandes V1P (19 %). Elle détient 15,63 % du capital de la société Mecarungis.

Mecarungis et GRC ont signé un premier «’contrat de prestation de services marché’» le 5 mars 1975, GRG conservant la faculté de facturer directement ses clients. Le second, également à durée indéterminée, date du 31 octobre 2001 et précise que sa résiliation entraîne celle du contrat de mise à disposition de matériel (pesage et terminaux de saisie) signé le 17 mai 2001.

Suite à la liquidation judiciaire de la société Busnel-Brevier, second plus gros actionnaire de Mecarungis et important partenaire de la Caisse (20 % de son chiffre d’affaires en 2015), la société Mecarungis a connu des difficultés qui lui a imposé une réorganisation de son fonctionnement consistant en un plan de réduction des charges d’une part, et en une augmentation de ses redevances contractuelles d’autre part, laquelle a été contestée par présidente de la société G.R.G., également administratrice de la société Mecarungis.

Par contrat d’installation de parcs de balances en date du 25 août 2015, la société Mecarungis a pris en charge l’installation de nouveaux postes informatiques et matériels au sein de la société GRG, laquelle a pris en charge les bascules. Les parties ont aussi convenu que la redevance de GRG à l’égard de Mecarungis resterait inchangée.

Par lettre recommandée du 26 janvier 2016, la société G.R.G. a rompu les relations commerciales avec un préavis de 8 mois expirant le 1er octobre 2016.

Par acte du 26 mai 2017, la société Mecarungis a assigné devant le tribunal de commerce de Paris la société G.R.G. afin d’obtenir la réparation pour la rupture des relations commerciales établies, qu’elle estime brutale et le paiement du complément de dépôt de garantie qui lui est du selon elle.

Cette juridiction, par application de l’article 47 du code de procédure civile le représentant légal de G.R.G étant juge consulaire au tribunal de commerce de Créteil, a par jugement du 24 septembre 2018 renvoyé l’affaire devant le tribunal de commerce de Lille.

Par jugement du 22 octobre 2020 (ayant fait l’objet d’un jugement rectificatif d’erreur matérielle le 5 novembre 2020), le tribunal de commerce de Lille a’:

– Dit qu’il n’y a pas lieu d’écarter des débats la pièce 29 produite par la société Mecarungis’;

– Débouté la société Mecarungis de sa demande de dommages et intérêts au titre de la rupture brutale de relations commerciales établies’;

– Débouté la société Mecarungis de sa demande de paiement du complément de dépôt de garantie’;

– Débouté la société G.R.G. de ses demandes reconventionnelles’;

– Condamné la société Mecarungis à payer à la SA Mecarungis la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;

– Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement’;

– Condamné la société Mecarungis aux entiers dépens, taxes et liquidités à la somme de 73.24 € (en ce qui concerne les frais du greffe).

Vu les dernières conclusions de la SA Mecarungis, appelante, déposées et notifiées le 30 mai 2022 par lesquelles il est demandé à la Cour de’:

Vu l’article L.442-6 du code de commerce dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées,

– Réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lille en ce qu’il a :

*Débouté la société Mecarungis de toutes ses demandes, notamment en dommages et intérêts au titre de la rupture brutale de relations commerciales établies, et en paiement du dépôt de garantie’;

*Condamné la société Mecarungis à payer à la SA G.R.G. la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile’;

*Condamné la société Mecarungis aux entiers dépens, taxes et liquidités à la somme de 73,24 € (en ce qui concerne les frais du greffe)’;

– Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lille en ce qu’il a :

* Dit qu’il n’y a pas lieu d’écarter des débats la pièce 29 produite par la société Mecarungis ;

* Débouté la société GRG de ses demandes reconventionnelles ;

En conséquence,

– Condamner la société GRG à payer la somme de 725 082,58 € à la société MEC à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale de relations commerciales établies ;

– La condamner à lui payer la somme de 20 701,61 € au titre du complément de dépôt de garantie ;

– Débouter la société GRG de son appel incident ;

– La débouter de l’ensemble de ses demandes ;

– Condamner la société GRG à payer la somme de 20 000 € à la société Mecarungis au titre de l’article 700 du code de procédure civile de première instance et 20 000 € au titre du même article à hauteur de cour ;

– La condamner aux entiers dépens au titre de l’article 699 du code de procédure civile dont distraction au profit de la SCP AFG, avocat au barreau de Paris.

Vu les dernières conclusions de la SA GRG, intimée, déposées et notifiées le 8 juin 2022 par lesquelles il est demandé à la Cour de’:

Vu l’article 1240 du Code civil,

Vu l’article L.442-1, II,° du Code de commerce dans sa version issue de l’ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019, anciennement L.442-6-1 du code de commerce,

– Confirmer le jugement attaqué en ce qu’il :

*Déboute la société Mecarungis de sa demande de dommages et intérêts au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies,

*Déboute la société Mecarungis de sa demande de paiement du complément du dépôt de garantie,

– Infirmer ledit jugement en ce qu’il :

*Dit qu’il n’y a pas lieu d’écarter des débats la pièce n°29 produite par la société Mecarungis’;

*Déboute les parties de leurs autres demandes mais seulement en ce qu’il n’a pas fait droit aux fins de non-recevoir soulevées par la société GRG’;

*Déboute la société GRG de ses demandes reconventionnelles visant à obtenir la condamnation de la société Mecarungis à payer à lui verser :

o la somme de 33 261,97 euros afin de rembourser le surplus de facturation illicitement mis à la charge de la société GRG par l’augmentation unilatérale du montant de ses prestations à compter du 1er janvier 2015′;

o la somme de 9 299,39 euros, déposé entre les mains de Mecarungis en application des stipulations contractuelles ayant lié les parties, augmentée du montant des intérêts légaux à compter du 1er octobre 2016′;

Par conséquent, et statuant à nouveau :

– Sur le rejet des débats de la pièce n°29 de Mecarungis’:

Ecarter des débats la pièce n°29 produite par la société Mecarungis, intitulée dans le bordereau de pièces jointes « demande de subventions de la société GRG », et bâtonner dans ses écritures adverses tous les paragraphes y faisant référence, ce document interne à la société GRG ayant été obtenue de manière illicite’;

– Sur les fins de non-recevoir soulevés par la société GRG Sa’:

Déclarer irrecevable les demandes indemnitaires formulées par la société Mecarungis, ces dernières étant formulées à titre de la perte de revenus liés à une activité illicite de service de paiement, d’activité contentieuse et d’expertise comptable pour lesquelles elle n’a pas obtenu d’agrément, en violation des réglementations applicables’;

– Débouter la société Mecarungis de toutes demandes plus amples ou contraires’;

A titre subsidiaire, sur le caractère infondé des demandes au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies, débouter la société Mecarungis de l’ensemble de ses demandes’;

A titre plus subsidiaire, si la Cour jugeait que la résiliation du contrat par la société GRG était constitutive d’une rupture brutale des relations commerciales en conséquence de laquelle la société Mecarungis démontre avoir subi un préjudice :

*Ordonner une mesure d’expertise destinée à évaluer les préjudices allégués par la société Mecarungis’;

*Commettre à cette fin tout expert de son choix dans le domaine de la comptabilité analytique et dans le ressort de la Cour d’appel de Paris avec pour mission de fournir tous les éléments permettant de déterminer les préjudices financiers allégués par Mecarungis, et de dire que, pour procéder à sa mission, l’expert devra :

– convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l’occasion de l’exécution des opérations ou de la tenue des réunions d’expertise;

– se faire remettre toutes pièces qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission, dans le respect du secret des affaires ;

– à l’issue de la première réunion d’expertise, ou dès que cela lui semble possible, et en concertation avec les parties, définir un calendrier prévisionnel de ses opérations; l’actualiser ensuite dans le meilleur délai :

o en faisant définir une enveloppe financière pour les investigations à réaliser, de manière à permettre aux parties de préparer le budget nécessaire à la poursuite de ses opérations ;

o en les informant de l’évolution de l’estimation du montant prévisible de ses frais et honoraires et en les avisant de la saisine du juge du contrôle ci-après désigné des demandes de consignation complémentaire qui s’en déduisent ;

o en fixant aux parties un délai pour procéder aux interventions forcées ;

o en les informant, le moment venu, de la date à laquelle il prévoit de leur adresser son document de synthèse ;

– au terme de ses opérations, adresser aux parties un document de synthèse et y arrêter le calendrier de la phase conclusive de ses opérations :

o fixant, sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse ;

o rappelant aux parties, au visa de l’article 276 alinéa 2 du code de procédure civile qu’il n’est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au-delà de ce délai.

En tout état de cause,

A titre reconventionnel,

– Condamner la société Mecarungis à payer à la société GRG SA la somme de 33 261,97 euros afin de rembourser le surplus de facturation illicitement mis à la charge de GRG par l’augmentation unilatérale du montant de ses prestations à compter du 1er janvier 2015, augmentées du montant des intérêts légaux à compter de la date de chacun des versements’;

– La condamner à lui payer la somme de 9 299,39 euros, déposée entre les mains de Mecarungis en application des stipulations contractuelles ayant lié les parties, augmentée du montant des intérêts légaux à compter du 1er octobre 2016′;

Y ajoutant,

– Condamner la société Mecarungis à verser à la société GRG SA la somme 20 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Lexavoue Paris-Versailles.

La Cour renvoie à la décision attaquée et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

– Sur le rejet de la pièce n° 29

Exposé du moyen :

La SA G.R.G soutient que le document (dont le titre est «’qualité de vie au travail’»), qui correspond selon les parties à une demande de subventions, était à la destination exclusive de l’Organisme paritaire de collecte agréé des industries alimentaires et qu’il a été communiqué à la directrice générale de Mecarungis en sa qualité de représentante du syndicat des grossistes de [Localité 3] et de membre des comités qui accompagnent le suivi des demandes de subventions envers l’État, si bien que l’intéressée a eu accès à ce document dans l’exercice de sa mission visant à défendre l’intérêt collectif des grossistes de Rungis et non ceux, particuliers, de la société Mecarungis.

GRG fait valoir que la Cour de cassation rappelle de façon systématique l’exigence de loyauté absolue dans la recherche de l’administration de la preuve (Cass. Com, 27 novembre 1991, n°90-105.79′; Cass, 2e Civ, 17 mars 1993, n°91-17.875′; Ass. Plén., 7 janvier 2011, n°09-14.316). Elle considère que cette pièce a été obtenue en violation de l’usage pour laquelle elle était destinée et que l’obtention puis la production de ce document est le résultat d’un détournement de fonctions, et constitue atteinte au secret des affaires, lequel

fait l’objet d’une protection juridique autonome garantissant à toute société l’exclusivité des informations relevant de sa politique commerciale, qui n’a pas à être connue de ses concurrents.

La SA Mecarungis répond que la pièce a été obtenue loyalement. Il s’agit selon elle d’une demande de subvention publique qui n’a été assortie d’aucun privilège de confidentialité lié au secret des affaires ou au secret des correspondances, et qui a été obtenue sans ruse ni stratagème. Elle ajoute que les décisions de justice citées par GRG ne sont pas applicables ni transposables à la présente affaire. Elle considère que cette demande tardive de retrait d’une pièce qui a été produite dès l’assignation délivrée en 2017 est une man’uvre dilatoire qui doit être écartée.

Réponse de la Cour :

Le tribunal de commerce de Lille a, dans la décision attaquée, justement observé que la société Mécarungis a produit la pièce litigieuse avec l’assignation délivrée en 2017, que la société GRC lui a demandé pour la première fois le rejet dans ses écritures du 13 novembre 2019 et que la plainte déposée par GRC pour abus de confiance au titre de la production de cette pièce a été classée sans suite.

Il est constant que la directrice de la société Mécarungis est la représentante du syndicat des grossistes de [Localité 3] et qu’elle est à ce titre membre des comités qui accompagnent le suivi des demandes de subventions, lesquelles sont donc mises en sa possession de façon licite.

Il n’est pas allégué que l’émetteur du document contesté (GRG) a mis en place des mesures de protection pour en conserver, compte tenu des circonstances, le caractère prétendument secret.

La Cour retient, en conséquence, que la production de cette pièce dans le cadre du présent litige ne peut être considérée comme un comportement déloyal et contraire aux usages en matière commerciale. Il ne constitue pas une atteinte au secret des affaires.

Le moyen est écarté.

– Sur l’irrecevabilité des demandes (défaut du droit agir de la SA Mecarungis en raison de l’illicité alléguée de son activité)

Exposé du moyen :

La SA GRG soutient, à titre de fin de non-recevoir, qu’il ne peut y avoir application de l’article L. 442-6-I, 5e du code de commerce car la SA Mecarungis exercerait concomitamment une activité de service de paiement, une activité d’expert-comptable et ne respecterait pas non plus le monopole des avocats en matière contentieuse, en violation des articles L. 314-1 du code monétaire et financier, 2 de l’ordonnance n°45-2138 du 19 septembre 1945 et 4 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971. Elle considère que Mécarungis se réfugie vainement derrière la rédaction de ses statuts, qui ne peuvent tempérer pourtant la portée de ses engagements contractuels ainsi que l’aveu d’illicéité auquel elle a procédé en régularisant tardivement, le 31 mars 2022, la situation auprès l’Autorité de contrôle prudentielle et de résolution de la Banque de France (ACPR – registre des agents financiers). GRG renvoie également aux annexes 1 et 2 des engagements contractuels souscrits par Mecarungis sur les volets comptables et contentieux des impayés. Les demandes de l’appelante seraient en conséquence irrecevables, conduisant au rejet de ses prétentions sans examen au fond, en application de l’article 122 du code de procédure civile.

Mecarungis fait valoir en réponse fournir principalement des services informatiques et délivrer par ailleurs des prestations de formation, de conseil, de maintenance de matériel de pesée et de terminaux de vente informatique. Elle ajoute collecter certes des fonds des clients des grossistes, mais les reverser le jour même aux grossistes, à l’euro près et ne faire ni de prêt, ne d’affacturage, ni de crédit, ni d’opération de change, ni plus généralement aucune opération sur les marchés financiers. Elle indique que GRG a au demeurant profité de ses services pendant plus de 40 ans sans se poser de question. Elle soutient que l’article L. 521-3 I 2° du code monétaire et financier, entré en vigueur le 13 janvier 2018, soit postérieurement à la rupture litigieuse, est le premier à encadrer l’encaissement pour le compte de tiers en droit français et précise avoir obtenu le 31 mars 2022, à toutes fins, une confirmation de son exception à l’obligation d’agrément. Elle souligne également qu’aux termes d’une jurisprudence claire (Com. 24 juin 2014, n°11-27.450 notamment), le monopole des experts-comptables doit être interprété restrictivement et note que GRG, comme les autres grossistes, a toujours eu son propre expert-comptable. Elle fait enfin observer se contenter de travailler avec des avocats qui prennent en charge les dossiers de recouvrement et se limiter à préparer administrativement les pièces pour ses adhérents, dans la continuité de sa mission globale d’aide dans la gestion du poste client.

Réponse de la Cour :

Aux termes de l’article 3 des statuts produits au débat, la société Mecarungis a pour dénomination «’Mecarungis société informatique des grossistes en produits agro-alimentaires’».

Au titre, en premier lieu, de son activité de caisse centrale, elle est amenée à encaisser des fonds au nom des grossistes dans le cadre de la gestion informatique de la facturation auprès de leurs clients, le reversement des sommes intervenant chaque jour, à l’euro près.

Il n’a jamais été allégué, jusqu’à la présente procédure, que cette activité, qu’elle pratique depuis des décennies, serait illicite, en ce que Mecarungis exercerait un service de paiement sans avoir obtenu préalablement l’agrément prévu à l’article L. 522-6, I du code monétaire et financier, d’une part et qu’elle n’entrerait pas de droit dans les conditions d’exemption, d’autre part.

Les relations commerciales entre Mecarungis et GRG ont pris fin le 1er octobre 2016 soit antérieurement à l’entrée en vigueur du nouvel encadrement juridique de l’encaissement pour compte de tiers auquel fait plus spécifiquement référence la société GRG au soutien de son analyse.

La Cour retient, en conséquence, que GRG échoue à rapporter la preuve du caractère illicite de l’activité de caisse centrale de la société Mecarungis.

A titre surabondant, la Cour observe que l’article L. 521-2 du code monétaire et financier dispose qu’il est interdit à toute personne autre que celles mentionnées à l’article L. 521-1 (soit pour l’essentiel, les établissements de paiement et de crédit) de fournir des services de paiement à titre de profession habituelle.

Aux termes de l’article L. 521-3, I du code monétaire et financier, par exception à l’interdiction de l’article précédent’:

«’une entreprise peut fournir des services de paiement fondés sur des moyens de paiement qui ne sont acceptés, pour l’acquisition de biens ou de services, que :

(‘) 2° Pour un éventail limité de biens ou de services.’»

Le 31 mars 2022, l’APCR a exempté d’agrément d’établissement de paiement la société Mecarungis, sur le fondement de cette disposition, au motif que ses services reposaient «’sur des instruments de paiement spécifiques qui ne peuvent être utilisés que de manière limitée et qui satisfont à l’une des conditions suivantes’: (‘) 1.2 instrument ne pouvait être utilisé que pour acquérir un éventail très limité de biens ou de services’».

Il doit en conséquence être constaté qu’y compris au regard des dispositions plus contraignantes issues de la transposition en 2017 en droit français de la directive (UE) 2015/2366 sur les services de paiement 2 (DSP 2) du 35 novembre 2015, l’activité de la société Mecarungis est considérée comme licite par l’autorité publique de supervision du secteur bancaire.

Au titre, en deuxième lieu, de son activité de «’fourniture de services se rattachant à l(a)gestion comptable'(de ses adhérents)», Mecarungis assure notamment le suivi quotidien de la facturation, le journal des ventes et le récapitulatif des mouvements Caisse centrale.

Il s’ensuit que la société GRG échoue à rapporter la preuve d’une activité relevant des opérations visées à l’article 2 de l’ordonnance n°45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l’ordre des experts comptables et en réglementant le titre et la profession (révision et appréciation des comptabilités des entreprises’; attestation de la régularité et de la sincérité des comptes’; tenue, centralisation, arrêté, redressement et consolidation des comptabilités des entreprises ).

Au titre, en troisième lieu, de son activité «’gestion des contentieux’», il est constant que la société Mecarungis ne réalise aucune assistance ou représentation des grossistes adhérents devant les juridictions, lorqu’elles sont saisies suite à des impayés.

La Cour retient, en conséquence, que la violation alléguée de l’article 4 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 relative à la profession d’avocat n’est pas caractérisée.

Aucune fin de non-recevoir n’étant constituée, les conditions d’application de l’article 122 du code de procédure civile ne sont pas réunies.

Le moyen est rejeté.

– Sur la rupture brutale de la relation commerciale établie

La Cour rappelle que les ruptures brutales intervenues avant le 26 avril 2019 sont soumises à l’ancien article L. 442-6-I, 5e du code de commerce, lequel dispose :

‘Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé par le fait, pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au registre des métiers :

(…) 5° de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

(…) Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.’

* Sur le caractère commercial de l’activité de Mecarungis

Exposé du moyen :

La SA GRG conteste l’existence même d’une relation de nature commerciale ayant pu la lier à Mecarungis. Elle soutient que l’activité exercée par cette dernière s’apparente à celle d’une profession réglementée, régie par des dispositions spécifiques (ordonnance n°45-2138 du 19 septembre 1945, code monétaire et financier), alors que le domaine de l’article L. 442-6 du code de commerce est limité aux seuls commerçants et artisans, la jurisprudence ayant par ailleurs explicitement exclu son application aux notaires, conseils en propriété industrielle et aux experts-comptables.

Réponse de la Cour :

Ainsi qu’il vient d’être jugé, l’activité exercée par Mecarungis ne correspond pas à celle d’une profession réglementée.

L’article L. 442-6-I, 5e du code de commerce s’applique à toute relation commerciale établie, que celle-ci porte sur la fourniture d’un produit ou d’une prestation de service (Cass. Com. 23 avril 2003, n°01-11.664′; Cass. Com., 16 décembre 2008, n°07-18.050). Or les contrats signésentre les parties portent, en l’espèce, notamment sur des «’prestations de services marché’».

Le moyen est rejeté.

* Sur l’existence de relations commerciales établies

Exposé du moyen :

La SA Mecarungis souligne que la très grande spécificité de l’activité de caisse centrale au sein du site géographiquement clos du pavillon des viandes crée une exclusivité des relations de la caisse avec les grossistes qui exercent en son sein, dont la caisse est dépendante. Elle fait valoir que la SA GRG était au moment de la rupture des relations, un partenaire essentiel et prépondérant de l’activité de la société (18, 11% du chiffre d’affaires en 2015) et que le déroulement des faits montre que la SA GRG a toujours soutenu les efforts de redressement de la SA Mecarungis, n’a jamais fait part de sa volonté de départ et a entretenu l’illusion qu’elle accompagnerait l’appelante dans sa phase de redressement, ce qui a laissé la SA Mecarungis dans la croyance légitime de la continuité de leurs relations. Elle fixe l’ancienneté des relations à 41 ans au minimum.

La société GRG soutient que malgré son ancienneté, le partenariat noué avec Mecarungis était ostensiblement devenu précaire puisque les relations entre les sociétés se sont progressivement dégradées au point de leur ôter toute consistance et toute attente légitime quant à leur pérennité, la SA Mecarungis ayant commis selon elle de nombreuses fautes dans l’exercice de sa mission contractuelle. GRG demande l’infirmation du jugement attaqué en ce qu’il a considéré que les relations commerciales étaient établies, en dépit selon elle de multiples incidents et de l’intention explicite de GRG de ne pas prolonger le partenariat. Elle ajoute que la notification faite le 19 décembre 2014 à la SA Mecarungis de la cession par la SA GRG de sa participation dans le capital de la société ferait obstacle à ce que la SA Mecarungis puisse légitiment espérer une continuité du partenariat sur le long terme.

Réponse de la Cour :

Il est constant que les sociétés Mecarungis et GRG étaient en relations d’affaires depuis 41 ans.

Ces relations ont été encadrées par des contrats successifs de prestations de service marché et de mise à disposition conclus pour une durée indéterminée,’chaque partie disposant de la faculté de les résilier à tout moment à condition de prévenir l’autre partie six mois à l’avance par lettre recommandée (article 2 des contrats, en vigueur au moment de la rupture, en date du 17 mai 2001 et du 31 octobre 2001).

La décision prise par la SA GRG, en décembre 2014, de céder sa participation dans le capital de la société Mecarungis (à l’exception d’une action) ne fait pas, par elle-même, obstacle à la démonstration du caractère établi de la relation.

A titre surabondant, il peut être observé que Mecarungis fait de surcroît valoir à cet égard, sans être démentie, que ce projet avait été présenté par GRG comme visant uniquement à renflouer sa trésorerie, et que l’opération n’a pas été menée à son terme, GRG ayant opté finalement pour la revente de participations d’une de ses filiales.

Les parties se sont par ailleurs à nouveau réunies le 25 août 2015 pour signer un contrat complémentaire (relatif à l’installation de parc de balances).

Il est aussi établi, par exemple, que GRG a donné son accord à la mise en place d’une assurance-crédit en avril 2015 (pièce Mecarungis n°44), que le mandat d’administrateur de GRG a été renouvelé pour une période de 6 ans par l’Assemblée générale de Mecarungis du 26 juin 2015 (pièce Mecarungis n°31) et que GRG a sollicité des interventions informatiques en début d’année 2016 (pièce Mecarungis n°50).

Les relations commerciales entre les parties revêtaient en conséquence un caractère suivi, stable et habituel.

Le tribunal a, dans la décision attaquée, considéré à raison que les parties avaient, au fil des années, trouvé l’une et l’autre leur intérêt à cette relation.

En l’absence de formalisation d’une résiliation, Mecarungis pouvait donc raisonnablement anticiper pour l’avenir une certaine continuité du flux d’affaires avec GRG.

* Sur la rupture brutale des relations commerciales établies

Exposé du moyen :

La SA Mecarungis conteste en premier lieu les fautes alléguées par la SA GRG et fait valoir qu’en accordant un préavis, cette dernière en a reconnu l’absence de gravité.

Elle critique en second lieu la décision attaquée qui s’est référé aux dispositions du contrat relatif au préavis, alors que la SA GRG a méticuleusement préparé la rupture en période de difficultés de la SA Mecarungis, tout en ayant la qualité d’actionnaire, et que le préavis retenu est insuffisant au regard de la durée des relations commerciales. Elle fait observer que ses débouchés sont uniquement liés à l’activité du pavillon des viandes et que son modèle économique a toujours été fondé sur la solidarité des grossistes pour optimiser le fonctionnement du pavillon, ce qu’a remis en cause la société GRG. Elle ajoute que l’ordonnance du 29 avril 2019 portant réforme de l’article L 442-6, I, 5° du Code de commerce, invoqué par la SA GRG, limitant l’indemnisation au plafond de 18 mois, n’est pas applicable à la présente procédure. Elle estime qu’elle aurait du bénéficier d’un préavis de 36 mois, ou tout au moins 24 mois, au lieu des 8 octroyés.

La SA GRG répond que les fautes commises par la SA Mecarungis justifient la rupture sans préavis de la relation entre les parties. Elle soutient que son partenaire aurait modifié unilatéralement la tarification de ses prestations, maintenant les augmentations malgré les protestations qu’il émettait’; qu’il aurait refusé de procéder aux mises à jours indispensables de son logiciel comptable pourtant obsolète et qu’il aurait géré de mauvaise foi et de manière inadaptée le poste «’risque client’».

La SA GRG estime que l’étude des comptes de la SA Mecarungis permet de constater que le préavis de 8 mois accordé a permis à cette dernière de mettre en mesure un «’plan d’action’» pour s’adapter à la cessation de son partenariat avec la SA GRG. L’appelante a même connu un regain de rentabilité (le résultat d’exploitation de Mecarungis est déficitaire de – 10 935 en 2016 et bénéficiaire de + 52 264 euros au titre de l’exercice 2017, année postérieure à la rupture). Les difficultés qu’elle invoque seraient ainsi une simple conséquence de la rupture et ne seraient pas dues à un préavis trop court ou une rupture brutale, étant rappelé que le délai de prévenance accordé a été supérieur à la durée de 6 mois prévue aux stipulations contractuelles des parties. Selon GRG, la durée du préavis imposé à la SA GRG ne saurait par ailleurs dépasser 18 mois, s’agissant du plafond instauré par l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019.

Réponse de la Cour :

En application de l’article 2 du code civil et du principe de non-rétroactivité de la loi nouvelle, la rupture brutale d’une relation commerciale établie, qui s’analyse en un fait juridique qui engage la responsabilité délictuelle de son auteur, est soumise au droit applicable au moment de la rupture. L’ordonnance n° 2019-359 étant entrée en vigueur, conformément à l’article 1er du code civil, le lendemain de sa publication au Journal officiel, soit le 26 avril 2019, seules les ruptures intervenues à compter de cette date sont soumises au nouvel article L. 442-1, II du Code de commerce. Les ruptures consommées avant le 26 avril 2019 restent donc soumises à l’ancien article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, qui ne prévoit pas de limite légale au délai de préavis.

S’agissant, en premier lieu, de la faculté, prévue par ce texte, de résiliation sans préavis en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations, la Cour rappelle que, de jurisprudence constante, un manquement d’une certaine gravité doit être caractérisé.

Or il ressort, tout d’abord, des pièces versées aux débats (échanges de courriers en 2012) que la solution informatique comptable proposée par Mecarungis et qui est commune à l’ensemble de ses adhérents, n’est pas manifestement obsolète, contrairement à ce que prétend GRG. Il doit être constaté, ensuite, que les parties ont fait état de quelques divergences sur la gestion de clients en «’incidents paiement’», en s’en renvoyant la responsabilité, sans produire de pièces déterminantes à l’appui. Enfin, ainsi qu’il en sera jugé dans la partie IV du présent arrêt relative aux demandes reconventionnelles, la surfacturation alléguée par GRG n’est pas établie.

Il s’en déduit que le manquement imputé au partenaire évincé est, en l’espèce, dépourvu de substance et qu’aucune cause d’exonération de responsabilité fondée sur l’inexécution par l’autre partie de ses obligations n’est caractérisée.

S’agissant, en second lieu, de la portée des dispositions contractuelles relatives au cas présent au préavis, la Cour rappelle que, de jurisprudence constante, l’existence d’une stipulation contractuelle ayant cet objet ne dispense pas le juge, s’il en est requis, de vérifier si le délai de préavis contractuel tient compte des circonstances de l’espèce.

Le délai du préavis doit s’entendre du temps nécessaire à l’entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale étable, du produit ou du service considéré.

Il doit être constaté, à cet égard, tout d’abord, que l’ancienneté de la relation rompue est élevée (41 ans).

Il convient de retenir, ensuite, que la part du chiffre d’affaires propre à l’entité GRG (15, 58 % en 2013′; 16, 61 % en 2014 et 18, 11 % en 2015), correspond à un volume d’affaires relativement significatif pour une activité spécifique de caisse centrale au sein du site géographiquement clos du pavillon des viandes.

Dès lors, La Cour retient que tant la durée contractuelle de préavis de 6 mois que la durée de 8 mois octroyée par GRG étaient, dans ces circonstances, insuffisantes et qu’un délai 16 mois de préavis doit être considéré, en l’espèce, comme raisonnable et suffisant.

Après déduction du préavis observé de 8 mois, il convient donc de condamner GRG à réparer le préjudice causé par la rupture brutale de la relation commerciale établie avec Macarungis en raison de 8 mois de préavis non effectués.

* Sur le préjudice résultant de la perte de marge

Exposé du moyen :

La SA Mecarungis fait valoir ne pas avoir, en tant que tel, de coûts variables, si ce n’est très minoritairement, qui viennent en déduction de son exploitation lorsqu’elle connaît une baisse de chiffre d’affaires et observe qu’en matière de prestation de services, la cour d’appel de Paris a pu retenir des taux de marges élevés (9 janvier 2017, n°15/17533′: 90 %’; 20 janvier 2017, n°14/25756′: de l’ordre de 100 %) et que s’agissant d’une affaire citée par GRG elle-même, s’agissant d’une activité de services, le taux de marge retenu par la cour d’appel est de 85 %.

Elle ajoute que l’étude de ses soldes intermédiaires de gestion produits pour la période 2013-2015 fait ressortir que les approvisionnements consommés et la sous-traitance directe s’élève en 2015 à 31 180 euros pour un chiffre d’affaires de 1 812 414 euros et que les services extérieurs et les autres achats ne s’élèvent qu’à 462 271 euros pour une valeur ajoutée – se définissant comme la valeur de la production diminuée de la consommation intermédiaire – de 71, 63 %. Elle observe que le détail de ce poste démontre d’ailleurs qu’il est constitué quasiment de coûts fixes (EDF, charges immobilières, services bancaires, téléphonie). Seuls éventuellement une ligne de sous-traitance informatique pour 2811 euros soit 0, 15 % du chiffre d’affaires pourrait venir en déduction pour calculer la marge sur coût variables. Elle en déduit que les coûts fixes issus de la masse salariale représentent les principaux coûts de fonctionnement de la société Mécarungis.

Elle sollicite une indemnisation à hauteur de 725.082,58 euros au titre de son préjudice tiré de la rupture brutale des relations commerciales imputable à la SA GRG qui correspond à la marge perdue sur 36 mois après la déduction du préavis effectué de 8 mois.

La SA GRG répond, en première lieu, qu’il importe peu que les soldes intermédiaires de gestion présentés aux dires de Mecarungis par la «’plaquette de présentation des comptes sociaux’» mentionnent un taux de marge brut global de 96,07 euros sur l’exercice 2015, puisque seule la marge sur coûts variables doit être prise en compte. Elle critique Mecarungis en ce qu’elle tenterait de solliciter une indemnisation dont les montants seraient quasiment équivalents à son chiffre d’affaires, alors même qu’en matière de services, les charges variables, parmi lesquelles figurent les charges sociales et fiscales, doivent être déduites. Elle soutient aussi qu’une modulation des charges sociales est intervenue suite à un départ à la retraite et un départ en arrêt maladie.

Elle évoque également une lacune probatoire, considérant qu’une attestation d’expert-comptable devrait se limiter à certifier objectivement les chiffres de la comptabilité de Mecarungis et non se substituer aux parties ou à la juridiction en appréciant les aspects techniques et juridiques du dossier. Elle ajoute que l’auteur de l’attestation exprime avoir été sollicité pour «’répondre à un besoin d’indemnisation’», ce qui démontre son caractère incontestablement orienté et non indépendant. Elle en déduit qu’aucun document produit n’est susceptible de justifier du préjudice avancé par Mecarungis.

A titre subsidiaire, si la Cour venait à constater l’existence d’une rupture brutale des relations commerciales, la SA GRG demande qu’une expertise soit ordonnée pour déterminer le préjudice financier allégué par la SA Mecarungis, en raison de l’absence d’élément probant sérieux versé selon elle aux débats.

Réponse de la Cour :

Le préjudice économique, qui correspond au gain manqué pendant la période de préavis non réalisée, s’évalue en comparant la marge qui aurait dû être perçue pendant le préavis qui aurait dû être octroyé, à la marge effectivement perçue.

La référence à retenir est la marge sur coûts variables, définie comme la différence entre le chiffre d’affaires dont la victime a été privée sous déduction des charges qui n’ont pas été supportées du fait de la baisse d’activité résultant de la rupture.

De jurisprudence constante, le calcul consiste à déterminer la moyenne mensuelle de la marge sur coûts variables sur deux ou trois exercices précédant la rupture, à moins que ces dernières ne soient atypiques et à multiplier le montant obtenu par le nombre de mois de préavis dont aurait dû bénéficier la victime de la rupture.

Eu égard aux pièces versées au débat, il est constant que la moyenne annuelle de chiffre d’affaires HT de Mecarungis propre à GRG des trois derniers exercices avant la rupture s’élève à 323 461, 72 euros, soit une moyenne mensuelle de 26 955, 14 euros.

Il ressort de l’attestation de l’expert comptable de la société qu”»au regard de la particularité de l’activité de la SA Mecarungis, les charges variables propres à ladite société, induits par l’activité, sont non significatifs et que cette activité supporte principalement des coûts fixes.» (pièce Mecarungis n°43 bis).

Mecarungis produit à l’appui (pièce n°48) une étude de son expert comptable reprenant le détail des charges fixes et variables et le calcul de la marge sur coûts variables. Dans un tableur également versés aux débats, sont également comparées les charges de structures de Mecarungis sur les années 2013 à 2015 (ante rupture) et 2016 à 2019 (post rupture).

Il s’en déduit que la marge sur coût variable GRG s’élève à 93, 27 % en 2013′; 94, 23 % en 2014 et 96 % en 2015.

La Cour retient que ce document constitue une extraction et une compilation de données issues des comptes de l’entreprise et que les calculs effectués sont étayés par des pièces probantes, lesquelles permettent à la juridiction d’apprécier si la marge sur coût variable de l’entreprise victime qui lui est proposée est cohérente.

Il ressort par ailleurs du rapport de gestion de Mecarungis pour l’année 2017 que l’entreprise entend faire d’«’infléchir (le) résultat’» avec’:

-«’le départ à la retraite d’un de nos employés en septembre 2017′;

-le départ prévisible de l’un de nos cadres en arrêt maladie, au plus tard en juin 2018′;

– la poursuite de la réduction des charges avec notamment le changement de chambre matériels de reproduction et d’affranchissement, qui doivent permettre d’importantes économies;

-et des prestations supplémentaires’».

Il s’en suit qu’aucun licenciement n’a été engagé et que la diminution de la masse salariale de Mecarungis n’est qu’indirectement en lien avec la rupture.

Considération prise de l’ensemble des éléments soumis aux débats, la Cour retient urne marge sur coût variable de 94 %.

Aucune mesure d’instruction avant dire droit n’est nécessaire. GRG est déboutée de sa demande d’expertise.

Le montant des dommages et intérêts à verser par GRG à la société Mecarungis pour rupture brutale des relation commerciales est calculé ainsi qu’il suit’: 8 mois x 26 955, 14 euros x 94 %.

GRG est en conséquence condamné à verser à son partenaire évincé la somme (arrondie à l’euro inférieur) de 202 700 euros.

– Sur les demandes reconventionnelles

-Sur la surfacturation alléguée

Exposé du moyen :

GRG allègue que Mecarungis aurait modifié unilatéralement la tarification de ses prestations, et aurait maintenu des tarifs non contractuels malgré les protestations formelles émises par son partenaire. Elle sollicite le remboursement de la surfacturation qu’elle aurait supportée entre le 1er janvier 2015, date de cette augmentation unilatérale, et le 30 septembre 2016, date de la prise d’acte de la résiliation du contrat liant les parties.

Mecarungis répond que GRG a entièrement réglé les factures, ce qui manifeste une acceptation au minimum tacite de la modification du montant des redevances (Com. 15 mars 2011, n°10-16.422 et article 1120 du code civil). En outre, l’avenant signé au titre de l’installation d’un nouveau parc de bascules de pesées le 22 août 2015 précise que la redevance de la société GRG reste inchangée, ce qui constitue une reconnaissance à cette date des nouvelles redevances réglées depuis l’augmentation votée en conseil d’administration.

Réponse de la Cour :

Il est établi que GRG qui avait, en sa qualité d’administrateur de Mecarungis, participé à la réunion au cours de laquelle une augmentation de 5 % de l’ensemble des redevances au 1er janvier 2015 a été décidée (pièce Mecarungis n°30) et n’a proposé aucune autre solution alternative, a entre janvier 2015 et janvier 2016 (date de son courrier de résiliation), entièrement réglé les factures émises, sans formuler de contestation, laquelle n’intervient qu’à l’occasion du différend né de la rupture des relations commerciales.

L’avenant au contrat de mise à disposition de matériel informatique signé le 25 août 2015, qui dispose que la redevance de GRG à l’égard de Mecarungis reste inchangée, vise nécessairement les nouvelles redevances réglées depuis l’augmentation votée en conseil d’administration.

Il s’en déduit que GRG a accepté la modification tarifaire, et qu’aucune surfacturation n’est caractérisée. La demande est rejetée.

-sur le versement d’un d’un complément de dépôt de garantie

Exposé du moyen :

Mecarungis soutient que GRG a omis de s’acquitter du nouveau dépôt de garantie correspondant à l’ouverture d’une carte acheteur à la fin du précédent contrat.

GRG répond que Mecarungis échoue, sur le plan probatoire, à démonter que qu’elle serait redevable d’une somme de 30 000 euros à titre d’un complément de dépôt de garantie.

Réponse de la Cour :

Le tribunal de commerce de Lille a considéré, dans la décision attaquée, que Mecarungis n’apportait pas la preuve, par la production de la photocopie du contrat relatif à l’ouverture d’une carte acheteur au bénéfice de GRG, en octobre 2016, que le dit contrat avait été dûment signé.

Macarungis produit devant la Cour un courrier du 7 octobre 2016 intitulé «’acceptation de crédit 19 jours avec dépôt de garantie’», portant sur le différé du règlement des factures de la semaine, dans la limite d’un encours hebdomadaire de 30 000 euros, sur lequel sont apposés le tampon et la signature de GRG, ainsi que la mention manuscrite «’lu et approuvé’». Ce document est accompagné des conditions générales de vente des adhérents de Mécarungis datées du 7 octobre 2016 et d’un mandat de prélèvement SEPA du 10 octobre 2016, lesquels sont signés dans les mêmes conditions. Il doit cependant être constaté que la mention «’avec dépôt de garantie’» est barrée de façon manuscrite.

Il s’en suit que l’existence d’une créance certaine et exigible d’un montant de 30 000 euros, au titre de l’ouverture d’une carte acheteur au bénéfice de GRG, dans les jours précédant l’expiration du délai de préavis accordé, n’est pas démontrée.

-sur la restitution du dépôt de garantie

Exposé du moyen :

GRG demande la restitution du dépôt de garantie de 9 2299, 39 euros qui a été déposé entre les mains de la SA Mecarungis en application des stipulations contractuelles ayant lié les parties et dénoncées avec effet le 1er octobre 2016.

La SA Mecarungis soutient n’être redevable d’aucune somme à l’égard de GRG.

Réponse de la Cour :

Le tribunal de commerce de Lille a constaté, dans la décision attaquée, que GRG se limitait à produire une attestation du cabinet comptable KPMG de son compte de bilan qui indique «’OK avec Mecarungis (M. [O] le 16 novembre 2009) 7 165, 11 euros Dépôt GRG + 2 134, 29 euros Dépôt GRG (ex Franalvia)’» ainsi qu’un extrait de son grand livre comptable mentionnant un montant de 9 299, 40 euros au titre du dépôt de garantie.

GRG verse en complément aux débats devant la Cour un extrait du bilan détaillé 2015 de Mecarungis mentionnant la somme de 34 106,42 euros au titre des «’cautionnement adhérents’» (pièce GRG n°47).

La Cour retient qu’en soutenant que GRG n’est redevable que de la somme de 20 701, 61 euros, par compensation, Mecarungis reconnaît qu’il y a lieu à restitution du dépôt de garantie versé par GRG au titre du contrat résilié en 2016.

Il y a donc lieu de condamner Mecarungis à verser à GRG la somme de 9 2299, 39 euros, avec intérêt légal à compter de la présente décision.

– Sur l’article 700 du code de procédure civile

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Mecarungis les frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’exposer pour faire valoir ses droits en justice.

La société GRG sera en conséquence condamnée à lui payer la somme de 15 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le jugement attaqué est réformé en ce qu’il fait droit à la demande de GRG relative aux frais irrépétibles.

La société GRG, qui succombe, sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Rejette la fin de non-recevoir ;

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Lille du 22 octobre 2020 en ce qu’il a :

-Dit qu’il n’y a pas lieu d’écarter des débats la pièce n°29 produite par la société Mecarungis ;

-Débouté la société Mecarungis de sa demande de paiement du complément de dépot de garantie ;

-Débouté la société GRG de se demande relative au remboursement du surplus de facturation;

-Infirme le jugement du tribunal de commerce de Lille du 22 octobre 2020 en ce qu’il a :

-Débouté la société Mecarungis de sa demande indemnitaire fondée sur le préjudice économique subi du fait de la rupture brutale des relations contractuelles établies ;

-Débouté la société GRG de sa demande reconventionnelle relative au remboursement du dépot de garantie ;

-Condamné la société Mecarungis à payer à la société GRG la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

-Condamné la société Mecarungis aux dépens ;

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Rejette la demande d’expertise sollicitée par GRG aux fins d’évaluer les préjudices subis par la société Mecarungis ;

Condamne la société GRG à verser à la société Mecarungis la somme de 202 700 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique subi du fait de la rupture brutale des relations contractuelles établies ;

Condamne la société Mecarungis à payer la somme de 9 299,99 euros au titre du remboursement du dépot de garantie ;

Condamne la société GRG à verser à la société Mecarungis la somme de 15 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Mecarungis aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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