Secret des correspondances : 13 octobre 2022 Cour d’appel de Rouen RG n° 20/03894

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Secret des correspondances : 13 octobre 2022 Cour d’appel de Rouen RG n° 20/03894
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13 octobre 2022
Cour d’appel de Rouen
RG n°
20/03894

N° RG 20/03894 – N° Portalis DBV2-V-B7E-ITVJ

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 13 OCTOBRE 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE LOUVIERS du 18 Novembre 2020

APPELANTES :

Société SPFPL FINEXVET

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Arnaud ROUSSEL de la SELARL ARNAUD ROUSSEL, avocat au barreau de ROUEN

S.A.R.L. VETAPHARMA

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Arnaud ROUSSEL de la SELARL ARNAUD ROUSSEL, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

Madame [M] [O] épouse [A]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Caroline VELLY de la SELARL VD & ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 07 Septembre 2022 sans opposition des parties devant Madame BACHELET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame BERGERE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. CABRELLI, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 07 Septembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 13 Octobre 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 13 Octobre 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [M] [O] épouse [A] a été engagée le 1er juillet 2013 par la société Mon véto en contrat à durée indéterminée en qualité de directrice des affaires financières, avec application d’une convention de forfait annuel en jours fixée à 216 jours et, par avenant du 1er janvier 2016, ce forfait a été limité à 108 jours.

A cette même date, un contrat de travail à durée indéterminée portant sur les mêmes fonctions a été conclu avec la société Vétapharma sur la base d’une convention de forfait de 108 jours annuels.

Enfin, le contrat de travail de Mme [O] avec la société Mon véto a été transféré à la société Finexvet le 1er janvier 2018, sans modification des clauses du contrat.

Elle a été licenciée pour faute grave le 24 décembre 2018 par courrier respectif des sociétés Finexvet et Vétapharma.

Par requête du 5 février 2019, Mme [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Louviers en contestation des licenciements, ainsi qu’en paiement de rappel de salaires et indemnités.

Par jugement du 18 novembre 2020, le conseil de prud’hommes, avec le bénéfice de l’exécution provisoire, a :

– ordonné la jonction des procédures inscrites sous les numéros 17 et 18 de 2019,

– débouté les sociétés Finexvet et Vétapharma de leur demande de sursis à statuer,

– dit que le licenciement prononcé à l’encontre de Mme [O] était sans cause réelle et sérieuse,

– condamné la société Finexvet à payer à Mme [O] les sommes suivantes :

rappel de salaire suite à la mise à pied conservatoire : 1 611,29 euros

congés payés afférents : 161,12 euros

indemnité de licenciement : 4 006,41 euros

indemnité compensatrice de préavis : 5 827,50 euros

congés payés afférents : 582,75 euros

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 15 500 euros

dommages et intérêts pour licenciement vexatoire : 5 000 euros

rappel de salaire pour maintien de la rémunération durant le congé maternité : 753,63 euros

rappel de salaire des heures supplémentaires effectuées en novembre et décembre 2015 : 1 415,07 euros

congés payés afférents : 141,50 euros,

-condamné la société Vétapharma à payer à Mme [O] les sommes suivantes :

rappel de salaire suite à la mise à pied conservatoire : 1 641,77 euros

congés payés afférents : 164,17 euros

indemnité de licenciement : 4 075,20 euros

indemnité compensatrice de préavis : 5 937,75 euros

congés payés afférents : 593,77 euros

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 15 000 euros

dommages et intérêts pour licenciement vexatoire : 5 000 euros

rappel de salaire pour maintien de la rémunération durant le congé maternité : 950,59 euros

– condamné in solidum les sociétés Vétapharma et Finexvet à payer à Mme [O] les sommes suivantes :

rappel de salaire des heures supplémentaires effectuées en 2016 et 2017 : 16 271,53 euros

congés payés afférents : 1 627,15 euros,

indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile : 2 500 euros

les dépens.

Les sociétés Finexvet et Vétapharma ont interjeté appel de cette décision le 1er décembre 2020.

Par conclusions remises le 26 février 2021, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, les sociétés Finexvet et Vétapharma demandent à la cour d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

– à titre principal, débouter Mme [O] de l’intégralité de ses demandes,

– subsidiairement, dire que le licenciement de Mme [O] repose sur une cause réelle et sérieuse et débouter Mme [O] de ses autres demandes,

-à titre infiniment subsidiaire, faire application, le cas échéant, du barème et du plafond d’indemnisation prévu à l’article L. 1235-3 du code du travail, et dire que l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne saurait excéder trois mois de salaire,

-sur le rappel d’heures supplémentaires, dire que toute demande portant sur une période antérieure au 7 février 2016 sera prescrite et débouter Mme [O] du surplus de ses demandes,

-en tout état de cause, condamner Mme [O] à payer à chacune d’elles la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.

Par conclusions remises le 10 mai 2021, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, Mme [O] demande à la cour de dire mal fondé l’appel interjeté par les sociétés Finexvet et Vétapharma, confirmer le jugement en toutes ses dispositions, débouter les sociétés Finexvet et Vétapharma de leurs demandes et les condamner à lui payer la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens in solidum.

L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 25 août 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement prononcé par la société Finexvet

Mme [O] a été licenciée par la société Finexvet le 24 décembre 2018 pour faute grave dans les termes suivants :

‘(…) 1- Nous avons découvert que vous avez accédé, sans autorisation, aux messageries internet de salariées de l’entreprise, dont Mme [I] [P] et Mme [X] [T], son assistante. Vous avez également copié des fichiers, notamment des contrats de travail auxquels vous n’avez normalement pas accès. Pourtant, Mme [P] vous avait expressément demandé de ne plus accéder, sans son accord préalable, aux logiciels de paie et aux classeurs et dossiers du service ressources humaines, en raison des problèmes dans la gestion des paies générés par connexions au système non autorisées. Ceci est non seulement un grave manquement à votre obligation de loyauté mais également une infraction de violation du secret des correspondances, pénalement sanctionnée.

2- Vous avez délibérément manqué à vos obligations professionnelles en accumulant des retards dans la saisie de données comptables et financières. Par exemple, vous n’avez pas effectué en temps utile la déclaration DAS 2, ce dont nous nous sommes aperçus lors d’un contrôle URSSAF, alors que vous aviez été informée du fait que ce type de déclaration devait être effectuée avant le 1er mai 2018. Vous avez également fait preuve de manque de communication avec vos interlocuteurs (notamment les cliniques vétérinaires) et vous vous êtes abstenue de répondre à de nombreux mails. Ces manquements ont provoqué un dysfonctionnement du service comptable de l’entreprise et détérioré les relations avec nos correspondants au sein des cliniques vétérinaires.

Mi-novembre 2018, nous nous sommes aperçus que la déclaration de TVA du mois d’avril de la société MVA, filiale de la société Finexvet, n’avait pas été réalisée. En tant que directrice financière, vous auriez dû remarquer cette omission et la régulariser rapidement.

Nous avons également découvert récemment que nous devions régulariser la TVA sur chaque filiale du groupe Finexvet, ceci en raison d’un manque de suivi de votre part. Vous n’avez pas informé la direction des sommes en jeu, qui sont conséquentes. Par votre négligence, le groupe encourt un risque fiscal important.

3- Lors de la préparation des bilans vous avez refusé de collaborer et commis une rétention d’informations cruciales à l’élaboration des comptes annuels, notamment en refusant l’accès à vos dossiers de travail. Vous avez prétexté que ces dossiers seraient votre propriété, alors que les données professionnelles qu’ils contiennent appartiennent à l’entreprise et vous étiez tenue de nous les communiquer à première demande. A votre retour de congé maternité, la direction vous a averti oralement que ce comportement était inacceptable et pourtant vous avez réitéré puisque suite à votre arrêt maladie début novembre, tous vos dossiers de travail avaient, à nouveau, disparu.

4- Nous avons appris, postérieurement à sa démission, que Mme [V], salariée de la société Finexvet, avait en réalité quitté son poste en raison de la dégradation de ses conditions de travail, dégradation due aux mauvaises relations que vous lui imposiez et notamment un entretien professionnel avec vous, dont Mme [V] est ressortie très éprouvée, au point qu’après son départ, elle a demandé à récupérer ses affaires personnelles à l’extérieur des locaux de l’entreprise, ne voulant pas vous croiser. Vous avez commis un grave manquement à votre obligation de veiller à la santé et à la sécurité de vos collègues de travail, ce qui est également susceptible d’engager la responsabilité de l’entreprise.

5- Enfin, nous avons récemment découvert que vous aviez commis des faits pouvant être qualifiés de harcèlement moral à l’égard de plusieurs salariés, dont Mme [I] [P]. Le 13 novembre 2018, cette dernière nous a écrit pour se plaindre de votre comportement, qu’elle qualifie de harcèlement à son égard et à l’égard des salariés de son service. Ces faits inacceptables constituent une grave violation de nos engagements éthiques, sans compter les graves répercussions légales qu’ils sont susceptibles de provoquer.

Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l’entreprise. (…)’

A titre liminaire, Mme [O] dénonce le ton agressif adopté par son employeur lors des entretiens préalables, particulièrement brefs, et critique la force probante des attestations adverses pour émaner notamment de la compagne du dirigeant des deux sociétés, M. [P], mais aussi d’une des associées, Mme [J], mariée à M. [S], ancien gendarme, dont on ne sait quand il a été embauché par les sociétés Vétapharma et Finexvet alors qu’il est l’auteur de plusieurs rapports d’intervention sur les questions informatiques.

Tout en contestant l’ensemble des faits qui lui sont reprochés, et mettant notamment en avant qu’un certain nombre d’entre eux ne sont pas visés dans la lettre de licenciement ou auraient eu lieu alors qu’elle était en congé maternité et qu’elle ne pouvait effectivement traiter les dossiers, elle relève préalablement qu’ils sont pour la plupart prescrits pour avoir été découverts plus de deux mois avant l’engagement de la procédure de licenciement, soit en février 2018 pour les faits de connexion aux messageries de salariées de la société et juin 2018, voire juillet 2018, pour les faits de harcèlement moral.

En réponse, tout en rappelant que l’ensemble des faits évoqués à l’occasion de la présente procédure le sont valablement dès lors que la lettre de licenciement ne fait que citer quelques exemples, la société Finexvet fait valoir qu’elle a découvert grâce au rapport d’intervention dressé par M. [S] le 9 novembre 2018 que Mme [O] avait récemment ouvert des dossiers relevant du service ressources humaines, ce qui a été confirmé par un constat d’huissier dressé en 2020, et ce, alors qu’elle savait ne plus avoir le droit d’y accéder depuis le mois de juin 2018, aussi persistant dans un comportement déloyal, elle en relève le caractère grave et l’absence de toute prescription.

Elle explique par ailleurs avoir découvert de manière fortuite pendant l’arrêt maladie de Mme [O] en novembre 2018 que les DAS 2 et les CVAE n’avaient pas été faites, et ce, alors que les secondes auraient dû l’être en janvier 2018, soit antérieurement à son congé maternité, et qu’en tout état de cause, en sa qualité de directrice des affaires financières, elle aurait dû à son retour de congé maternité s’assurer de la réalisation de ces déclarations, sachant qu’en outre, au mois d’octobre 2018, plusieurs cliniques se sont plaintes d’un manque d’informations sur leurs dossiers.

Elle soutient encore que Mme [O] a exercé un harcèlement moral à l’encontre de salariées de l’entreprise, ce dont elle a eu connaissance suite au mail de Mme [P] le 13 novembre 2018, laquelle, outre les faits subis tout au long de l’année 2018, venait encore d’apprendre que Mme [O] s’était introduite dans les dossiers du service ressources humaines dont elle avait la charge.

Enfin, elle dénonce son refus de collaborer à la préparation des bilans, et plus encore la rétention et la destruction d’informations, notamment en ne délivrant pas son mot de passe professionnel pourtant nécessaire pour accéder aux dossiers et en supprimant de très nombreux fichiers professionnels de son ordinateur.

Conformément aux dispositions de l’article L.1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, laquelle implique qu’elle soit objective, établie et exacte et suffisamment pertinente pour justifier la rupture du contrat de travail.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et l’employeur qui l’invoque doit en rapporter la preuve.

A titre liminaire, il convient de rappeler que si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, l’employeur est en droit, en cas de contestation, d’invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ce motif, sans que cette possibilité n’ait été modifiée par l’article L. 1235-2, dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2018, sachant qu’en l’espèce, Mme [O] n’a sollicité aucune demande de précision.

Dès lors, et alors qu’il est reproché à Mme [O] un manquement à ses obligations professionnelles en accumulant des retards dans la saisie de données comptables et financières, c’est à bon droit que la société Finexvet mentionne le non établissement de la déclaration CVAE dans les délais et des factures clients non comptabilisées, de même qu’elle peut légitimement invoquer la rétention du mot de passe dès lors qu’elle a invoqué dans la lettre de licenciement son refus de collaborer en refusant l’accès aux documents de travail.

Par ailleurs, il doit être relevé qu’il est reproché à Mme [O] aux termes de la lettre de licenciement, non pas seulement la copie de fichiers auxquels elle ne devait pas avoir accès, mais également la disparition de tous ses dossiers de travail, ce qui autorise la société Finexvet à évoquer la destruction de fichiers.

Il convient en conséquence d’examiner l’ensemble des griefs évoqués par la société Finexvet dans le cadre de ses conclusions, lesquels ne sont constitutifs que de circonstances de fait permettant de justifier les motifs visés dans la lettre de licenciement.

En application de l’article L. 1332-4 de ce même code, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.

Il appartient en conséquence à l’employeur, qui invoque des faits fautifs commis plus de deux mois avant l’engagement des poursuites disciplinaires, de rapporter la preuve qu’il n’en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l’engagement des poursuites, étant précisé que ce délai part du jour où l’agissement fautif est personnalisé et précisément défini, c’est-à-dire quand l’employeur a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés au salarié.

Par ailleurs, l’employeur peut sanctionner un fait fautif qu’il connaît depuis plus de deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s’est poursuivi ou s’est réitéré dans ce délai et s’il s’agit de faits de même nature.

L’employeur, au sens de l’article L. 1332-4, s’entend non seulement du titulaire du pouvoir disciplinaire mais également du supérieur hiérarchique du salarié, même non titulaire de ce pouvoir, aussi, convient-il de retenir que Mme [P], responsable des ressources humaines, déléguée par le dirigeant pour le représenter lors de l’audience de conciliation devant le conseil de prud’hommes, était la supérieure hiérarchique de Mme [O], étant au surplus relevé dans le cas d’espèce qu’elle était la compagne du dirigeant.

En l’espèce, en ce qui concerne la première série de griefs liée à l’accès à des documents confidentiels, s’il ressort de plusieurs attestations de salariés que Mme [O] aurait accédé à l’insu de Mme [P] à sa messagerie ainsi qu’à celle de Mme [T], il apparaît néanmoins que ce manquement aurait eu lieu en février 2018, soit plus de deux mois avant l’engagement de la procédure de licenciement le 19 novembre 2018, sachant qu’il résulte tant des attestations que de la teneur de l’entretien préalable à licenciement que Mme [P] l’a découvert dès cette date, cette dernière précisant n’avoir à l’époque engagé aucune action disciplinaire dans la mesure où Mme [O] était enceinte et prête à accoucher.

Il n’est par ailleurs pas justifié que Mme [O] aurait continué à accéder aux documents du service ressources humaines après que Mme [P] lui ait demandé, en juillet 2018, de ne plus le faire, sachant qu’elle y avait auparavant librement accès.

A cet égard, le rapport d’intervention réalisé à partir de l’ordinateur de Mme [O] le 9 novembre 2018 par M. [S], dont il n’est pas justifié malgré les demandes de Mme [O] s’il était effectivement responsable SI à cette date, aux termes duquel il indique qu’il ressort de la vérification faite depuis la liste des documents récemment ouverts dans le logiciel Microsoft office word que des documents issus des dossiers ‘ressources humaines’ du service de l’entreprise y figurent, sachant que les chemins d’accès de ces fichiers indiquent qu’ils ont été ouverts soit directement depuis le dossier RH du serveur de l’entreprise, soit depuis des supports externes raccordés au poste de travail et identifiés par des lettres de lecteurs différents de ‘C:’ est insuffisant à établir cette consultation postérieurement à juillet 2018, aucune précision de date n’étant fournie et les captures d’écran jointes au rapport n’étant pas de nature à s’assurer de telles consultations.

En outre, s’il a été dressé un constat d’huissier le 14 décembre 2020 suite à l’analyse des données informatiques réalisées par M. [W], expert judiciaire, lequel conclut à la confirmation du rapport d’intervention de M. [S] et précise la date et l’heure de la modification de la clé de registre situées entre août et novembre 2018, celui-ci l’a été à partir d’un disque dur remis par M. [S], ce qui ne permet pas, à défaut de toute mise sous scellé en novembre 2018, de s’assurer comme l’a soutenu M. [S] qu’il s’agissait de celui de l’ordinateur de Mme [O].

Il convient en conséquence de dire que cette première série de griefs est prescrite, à défaut d’établir la réalité de la consultation de fichiers ressortant du service des ressources humaines postérieurement à juillet 2018.

En ce qui concerne la deuxième série de griefs liée à des retards dans la saisie des données comptables et financières, s’il n’est pas établi la réalité d’un contrôle URSSAF qui aurait permis de mettre à jour ces manquements et en conséquence de les découvrir dans les deux mois précédant l’engagement de la procédure de licenciement, il est cependant également fait état de carences dans les réponses apportées aux différents interlocuteurs de la société Finexvet, et ce jusqu’à l’engagement de la procédure de licenciement, ce qui, a priori, peut constituer une réitération de faits de même nature.

Il est ainsi produit deux mails du 11 octobre 2018, l’un émanant de la société Mon véto Evreux qui indique tenter de joindre la comptabilité pour un problème d’enregistrement de virement depuis le 4 octobre sans succès, malgré une relance le 9 octobre, et l’autre émanant de la société Mon véto 19ème qui réclame la liste des virements, sachant qu’il n’ont pas reçu d’information depuis le mois de juillet.

Ainsi, et si pour ce dernier mail, Mme [O] y répond immédiatement, elle confirme néanmoins ne pas avoir transmis celui d’août, pensant, le faire en même temps que septembre compte tenu du peu de virements.

Il est également justifié que des factures de janvier, février et mai 2018 n’ont été comptabilisées que le 13 décembre, soit postérieurement au départ de Mme [O], et si, en effet celles de janvier et février auraient dû l’être durant son congé maternité, il lui appartenait en sa qualité de directrice administrative et financière d’y procéder à son retour si cela n’avait pas été fait et ce, sans qu’elle puisse légitimement invoquer sa charge de travail dès lors qu’il résulte des attestations de Mmes [T] et [H], qu’à son retour de congé maternité, Mme [O] ne répondait plus aux appels téléphoniques des cliniques vétérinaires, et ce, alors qu’elle se permettait de consulter son téléphone personnel, de regarder ses photos ou même des vidéos.

Il est ainsi établi un certain retard dans les réponses apportées aux différents interlocuteurs de la société et dans la facturation, et ce, en lien avec une attitude peu professionnelle à son retour en juin 2018, sans qu’il ne puisse cependant lui être reproché de ne pas avoir effectué la déclaration DAS 2 dès lors qu’elle devait être faite en mai 2018, soit durant son congé maternité, et que, s’agissant des CVAE, s’il ressort d’un mail qu’ils auraient pu être faits avant son départ en congé maternité début février, elle avait néanmoins avisé Mme [P] de sa manière de procéder habituellement, à savoir une transmission concomitante avec la DAS2, sans qu’il ne soit justifié d’une remise en cause de cette pratique à cette date.

En ce qui concerne la troisième série de griefs relative à un refus de collaboration, une rétention d’informations et une disparition de dossiers, il ne peut être considéré que le fait de ne pas avoir transmis son mot de passe entre le 9 et le 12 novembre 2018, alors qu’elle était en arrêt maladie et que ces dates comprenaient un week-end, serait constitutif d’une volonté de rétention de ce mot de passe, quand bien même il est justifié qu’elle a, pendant cette période, transmis quelques mails à ses collaboratrices.

En outre, le rapport d’intervention 9 novembre 2018 dans lequel M. [S] indique n’avoir pu récupérer le mot de passe du compte [Courriel 5] mais avoir néanmoins découvert que tous les documents contenant normalement des documents étaient vides (mes documents, téléchargements, bureau) et que l’explorateur de fichiers n’affichait aucun document récent est également insuffisant à caractériser une quelconque volonté de dissimulation des documents de travail à défaut de savoir exactement dans quelles conditions a été réalisée cette intervention.

De même, l’attestation de Mme [J] épouse [S], associée, qui explique avoir reçu un courrier de la comptabilité en mars 2019 pour qu’elle retransmette les justificatifs des frais engagés avec sa carte bancaire pour des achats faits en 2018 alors qu’elle les avait transmis à Mme [O] ne permet pas d’établir que la perte de ces justificatifs serait le fait de cette dernière.

Ce même constat doit être dressé pour les entretiens d’évaluation qui n’ont pas été retrouvés par Mme [T] lorsqu’il les lui ont été demandés en février 2019 et ce, quand bien même elle atteste qu’ils ont été menés par la direction et en donne les dates pour les avoir notés sur un de ses documents excel.

Enfin, en ce qui concerne le rapport d’intervention du 31 janvier 2019 aux termes duquel il est mentionné que les données auraient été effacées le jour de la remise de l’ordinateur, le 7 janvier 2019 dans la nuit, il s’agit en tout état de cause de faits postérieurs au licenciement.

Il convient en conséquence de dire que cette troisième série de griefs n’est pas établie, sans que l’attestation de Mme [P] expliquant avoir entendu le 5 novembre Mme [O] déchirer des papiers pendant plus d’une heure, puis monter dans son véhicule avec un sac poubelle rempli de papiers de l’entreprise ne soit suffisant à le caractériser davantage.

Enfin, en ce qui concerne la quatrième et cinquième série de griefs, toutes deux en lien avec l’attitude adoptée par Mme [O] à l’égard de ses collaborateurs, s’il résulte des pièces du dossier, et notamment de l’attestation de Mme [P] elle-même, qu’elle a eu connaissances des faits reprochés à Mme [O] à l’égard de Mme [V] dès le mois de juin 2018 puisqu’elle explique avoir reçu cette dernière après son entretien avec Mme [O] et qu’elle était alors très éprouvée par les propos qu’elle lui avait tenus, à savoir qu’elle la mettait en cause dans la découverte de ses connexions sur la boîte mail de Mme [P], il convient néanmoins d’examiner s’il n’est pas reproché d’autres faits à Mme [O], de même nature, commis postérieurement, et dont l’employeur n’aurait eu connaissance que dans les deux mois précédent l’engagement de la procédure de licenciement le 19 novembre 2018.

A cet égard, il est essentiellement produit deux attestations, à savoir celle de Mme [H], chargée de communication web, et celle de Mme [T], assistante ressources humaines, lesquelles relatent la dureté des propos tenus par Mme [O] à l’égard de Mme [P], et plus largement à l’égard de plusieurs collègues sans que leur force probante ne puisse être remise en cause en raison du lien de subordination ou de leur caractère dactylographié dès lors qu’elles sont signées.

Par ailleurs, si dans une de leurs attestations, elles mentionnent une date à laquelle une conversation aurait eu lieu avec Mme [O] alors qu’il résulte des relevés d’indemnités journalières que Mme [O] était effectivement déclarée en congé maternité à cette date, elles ont néanmoins réitéré le fait qu’elles ne se trompaient pas de date sans qu’il ne soit établi qu’il s’agirait d’un faux et il convient d’accorder force probante à ces attestations qui sont en outre en partie corroborées par un mail envoyé par Mme [H] à Mme [P] en juillet 2018.

Ainsi, Mme [T] explique qu’à son arrivée dans la société, Mme [O] a tenté de lui faire croire que M. et Mme [P] n’avaient aucun intérêt pour leurs employés, et ce, en contradiction avec ce qu’elle a pu constater par la suite, sachant qu’alors même qu’elle émettait de très nombreuses critiques envers Mme [P], elle se comportait en sa présence en amie et ce, jusqu’à son retour de congé maternité en septembre 2017, période à compter de laquelle son comportement a totalement changé à son égard. Elle explique qu’elle s’est aperçue par la suite que tout le monde passait sous le feu des critiques de Mme [O] et de sa collaboratrice, l’un étant nul, l’autre incompétent, énervant, et ce, toujours dit de manière hautaine, en ricanant ou se moquant.

Enfin, elle indique qu’à la fin de l’année 2017, Mme [O] est devenue particulièrement désagréable, leur jetant quasiment le téléphone quand elle le leur passait, de même quand elle apportait des documents qu’elle balançait sur leur bureau sans même un regard, notant que l’ambiance était vraiment très tendue et que c’était gênant de devoir collaborer avec elle. Enfin, elle précise qu’en octobre 2018, Mme [P] a demandé à Mme [O] de s’entretenir avec elle pour lui demander les raisons de ce comportement agressif, ce qui a conduit cette dernière, qui a alors indiqué ne pas s’en rendre compte, à revenir manger avec elles le midi, précisant ça a duré quelques temps…

Mme [H], quant à elle, explique qu’arrivée en septembre 2017, c’est en décembre 2017, à l’occasion de l’absence de la direction, qu’elle s’est réellement aperçue du comportement inapproprié du service comptabilité, composé de Mmes [O] et [Y], lesquelles ne cessaient de critiquer M. et Mme [P], appelant cette dernière ‘Madame’ ou ‘L’autre’ ou bien encore, disant suite à la réception d’un mail qui ne lui avait pas plu ‘Elle commence à me faire chier celle-là, ce n’est pas à moi de faire son boulot’. Elle précise qu’à son retour, Mme [P] a découvert la réponse à son mail et a pris les devants pour l’évoquer avec Mme [O] en privé, qu’au cours de cette discussion, elle l’a entendue hausser le ton sur Mme [P], laquelle a ‘fondu en larmes’ après. Elle note que Mme [T] a également été la cible de critiques, se faisant traiter de ‘chochote’ un jour où elle s’était plaint de maux de ventre, alors qu’il s’agissait en réalité de l’appendicite.

Enfin, elle indique que Mme [O] a adopté une attitude de plus en plus inappropriée suite à son retour de congé maternité, indiquant qu’elle ne répondait plus au téléphone, ne participait pas à l’entretien des locaux, jetait le téléphone et les documents sur les bureaux et ne respectait pas ses horaires de travail et que, durant l’été, alors qu’elle avait malencontreusement pris une de ses feuilles à l’imprimante et qu’elle la lui rendait, elle la lui a arrachée des mains en lui disant ‘ah bah voilà que maintenant on prend mes feuilles’, et ce, alors qu’elle l’avait fait involontairement et qu’elle était toujours restée calme et polie malgré les difficultés.

Cette attestation est corroborée par le mail envoyé par Mme [H] à Mme [P] à ce sujet pour lui demander conseil sur l’attitude à adopter, faisant part de son désarroi face à cette situation.

Alors qu’il ressort suffisamment de ces attestations que l’attitude ainsi décrite était fautive, notamment au regard des fonctions de responsabilité exercées par Mme [O], et qu’elle a perduré au moins jusqu’en octobre 2018, date de l’entretien qu’elle a eu avec Mme [P], il convient de dire qu’aucun des faits relatifs au comportement de Mme [O] n’est prescrit compte tenu de leur réitération et de la connaissance exacte de leur ampleur à la date de cet entretien.

Dès lors, il y a lieu d’examiner le bien-fondé du grief relatif à l’attitude de Mme [O] à l’égard de Mme [V], dont le contrat de travail avait été pérennisé le 1er mai 2018, sachant qu’il résulte des attestations de Mme [C], assistante comptable, et Mme [K], assistante ressources humaines, qu’à son retour début juin 2018, Mme [O] a tenu à faire un point avec Mme [V] sur le travail effectué pendant son congé maternité et que, suite à cette réunion, Mme [V] s’est aussitôt mise en arrêt maladie, puis a démissionné. Elles précisent, qu’avant même de le savoir, Mme [O] avait déjà pris la liberté de mettre tous ses effets personnels dans un carton.

Si Mme [O] fait valoir que, suite à cet entretien, Mme [V] a été reçue par Mme [P] et qu’il ne peut donc être fait un lien entre son propre entretien et l’arrêt maladie, il résulte néanmoins de l’attestation de cette dernière qu’elle a reçu Mme [V] dans la mesure où elle était éprouvée par ce premier entretien, sachant que cette attestation, qui émane de la compagne du gérant de la société et ne peut donc être examinée qu’avec beaucoup de précaution, est corroborée par les attestations précédemment citées qui évoquent cet entretien avec Mme [O] mais aussi par les mails échangés entre Mme [V] et Mme [P] le 3 juillet 2018 et qui démontrent une absence d’animosité, Mme [V] exprimant au contraire son plaisir de revoir Mme [P] qui lui propose une rencontre et enfin, par l’attestation de Mme [F], assistante comptable depuis mars 2019 dans la société Finexvet, aux termes de laquelle elle explique avoir reçu Mme [V] en entretien d’embauche en septembre 2018 dans la société SL Mécanique pour laquelle elle travaillait alors et qu’elle lui avait dit qu’elle était partie de la société Finexvet à cause de la responsable administrative et financière.

Au vu de l’ensemble de ces développements, il est établi que Mme [O] a adopté à l’égard de ses collaborateurs une attitude inappropriée et fautive, sans qu’il ne soit établi que M. et Mme [P] auraient eux-mêmes adopté à son égard un comportement fautif.

A cet égard, et si Mme [Y], collaboratrice de Mme [O] jusqu’à la fin de l’année 2017, décrit dans une attestation rédigée en octobre 2019 une ambiance de travail dégradée à compter du début de l’année 2017, et tout particulièrement après le retour de congé maternité de Mme [P], celle-ci ne communiquant que pour leur faire des réflexions ou leur demander ce qu’elles faisaient de leurs journées, et ce, alors qu’elles avaient une charge de travail importante qui avait été remarquée par le commissaire aux comptes qui les avaient félicitées, il doit être constaté que ces propos, qui mettent également en cause l’attitude des autres collègues qui ne lui disaient plus bonjour durant son préavis et celle de M. [P], nullement attentif à leurs conditions de travail et à leur charge de travail, est contredite par le mail qu’elle a transmis à ce dernier le 23 février 2018, soit deux mois après la fin de son contrat, pour proposer son intervention au sein de l’entreprise en qualité de prestataire extérieur et ce, alors qu’elle atteste que ces conditions de travail déplorables avaient nécessité qu’elle soit placée en arrêt-maladie les dernières semaines malgré le soutien de Mme [O].

Par ailleurs, si Mme [O] produit un mail qui corrobore le fait qu’il lui a été demandé de ne pas jeter ses poubelles avant vérification par le gérant, il résulte cependant des attestations de Mmes [C] et [H] que ce contrôle a en réalité fait suite à un épisode lors duquel elles ont été surprises de voir Mme [O] effectuer du tri dans les documents de la société à l’été 2018 et en détruire ou en remplir des sacs poubelle.

Si les faits ainsi établis et non prescrits à l’égard de Mme [O] justifiaient la mise en oeuvre d’une procédure de licenciement au regard du climat délétère qu’elle faisait ainsi peser sur ses collaboratrices, il ne peut cependant être considéré qu’ils empêchaient la poursuite immédiate du contrat de travail et il convient en conséquence de dire que son licenciement ne repose pas sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse.

Dès lors, il y a lieu de débouter Mme [O] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mais de confirmer le jugement, comme demandé par Mme [O], sur le montant des sommes que la société Finexvet a été condamnée à lui payer au titre des indemnités compensatrice de préavis, congés payés afférents, rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, congés payés afférents et indemnité de licenciement.

Sur le licenciement par la société Vétapharma

Mme [O] a été licenciée le 24 décembre dans les termes suivants :

‘(…) Nous avons découvert que vous avez accédé, sans autorisation, aux messageries internet de salariées de l’entreprise, dont Mme [I] [P]. Ceci est non seulement un grave manquement à votre obligation de loyauté mais également une infraction de violation du secret des correspondances, pénalement sanctionnée.

Nous avons récemment découvert que vous aviez commis des faits pouvant être qualifiés de harcèlement moral à l’égard de plusieurs salariés, dont Mme [I] [P]. Le 13 novembre 2018, cette dernière nous a écrit pour se plaindre de votre comportement, qu’elle qualifie de harcèlement à son égard et à l’égard des salariés de son service. Ces faits inacceptables constituent une grave violation de nos engagements éthiques, sans compter les graves répercussions légales qu’ils sont susceptibles de provoquer.

Vous avez délibérément manqué à vos obligations professionnelles en accumulant des retards dans la saisie de données comptables et financières. Par exemple, des provisions ont été passées au 31/12/2017. Ces provisions auraient dû être redistribuées à la clôture des bilans. Nous avons constaté début décembre que ça n’avait toujours pas été réalisé alors que M. [P] vous avait expressément demandé, fin septembre, de mettre à jour la comptabilité de la société Vétapharma pour le 31 octobre 2018. De ce manquement, il ressort une régularisation de la TVA sur la société Vétapharma et engendre un risque fiscal important.

Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l’entreprise. (…)’

Au regard des développements précédents, et alors qu’il n’est pas apporté d’éléments quant aux provisions qui auraient dû être passées à la clôture des bilans, il convient de retenir la deuxième série de griefs, qui, si elle ne comprend pas le comportement adopté à l’égard de Mme [V], reste néanmoins fautive et justifie, non pas un licenciement pour faute grave, mais un licenciement pour cause réelle et sérieuse pour les mêmes motifs que précédemment indiqués.

Dès lors, il y a lieu de débouter Mme [O] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mais de confirmer le jugement, comme demandé par Mme [O], sur le montant des sommes que la société Vétapharma a été condamnée à lui payer au titre des indemnité compensatrice de préavis, congés payés afférents, rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, congés payés afférents et indemnité de licenciement.

Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire

Contrairement à ce que soutient Mme [O], il n’est nullement justifié que les sociétés Vétapharma et Finexvet auraient fait publier une annonce par la société Hays, spécialisée dans le recrutement, l’annonce versée aux débats ne mentionnant nullement l’employeur et aucun rapprochement ne pouvant être fait avec les deux facturations adressées par cette société au mois de juillet 2018.

Il ne peut davantage être reproché à ses employeurs de lui avoir proposé une rupture conventionnelle au regard des développements précédents qui sont la démonstration d’un désintérêt de Mme [O] pour son emploi, sachant qu’elle avait évoqué auprès de l’expert comptable rechercher un emploi et qu’elle a effectivement été engagée dès le 2 janvier 2019 par un autre employeur, lequel a même procédé à la déclaration préalable à l’embauche le 5 décembre 2018, soit avant qu’elle ne soit licenciée.

Il convient en conséquence de débouter Mme [O] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, aucune circonstance particulière entourant ce licenciement ne caractérisant des mesures vexatoires.

Sur la demande de rappel de salaire au titre du maintien de la rémunération pendant le congé maternité

Rappelant que ses employeurs ont reconnu l’application des avantages ressortant de la convention collective nationale des vétérinaires praticiens salariés en lui octroyant en novembre 2018 un rappel de salaire au titre de la prime d’ancienneté prévue à cette convention, elle réclame l’application de son annexe IV qui prévoit un maintien de salaire à hauteur de 80 % durant le congé maternité.

En réponse, les sociétés Vétapharma et Finexvet, sans remettre en cause l’application de cette convention collective, font valoir que Mme [O] n’a pas transmis ses relevés d’indemnités journalières antérieurement au 14 février 2020, soit plus de deux ans après le début de son congé maternité, ce qui doit conduire à lui opposer le principe selon lequel ‘nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude’ dès lors qu’en raison de cette carence, elle est elle-même prescrite à demander ces sommes à l’organisme de prévoyance, une prescription de deux ans étant applicable.

Si le contrat de prévoyance AG2R prévoit que toutes actions, demandes de prestations concernant les garanties souscrites par l’employeur sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance, en tout état de cause, à supposer même que Mme [O] n’ait transmis ses relevés d’indemnités journalières que le 14 février 2020 alors que son congé maternité a débuté le 7 février 2018, en tout état de cause, outre qu’il appartenait à l’employeur de prendre l’initiative de prévenir l’organisme de prévoyance du congé maternité de Mme [O], ce délai de prescription n’a pu commencer à courir qu’à chacune des échéances mensuelles du versement des indemnités journalières, Mme [O] n’ayant pu avoir ce relevé pour l’intégralité de son congé maternité le 7 février 2018, aussi n’existait t-il aucune prescription opposable à l’employeur.

Dès lors, à défaut de toute contestation sur le montant réclamé, il convient de condamner la société Finexvet à payer à Mme [O] la somme de 753,63 euros et la société Vétapharma la somme de 950,59 euros.

Sur la demande de rappel d’heures supplémentaires

Relevant que ni la convention collective nationale des services financiers, ni la convention collective nationale du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire ne prévoient la possibilité de recourir à une convention de forfait en jours, Mme [O] soutient que ses conventions individuelles de forfait en jours sont nulles, et, qu’à supposer applicable la convention collective nationale des praticiens vétérinaires, outre qu’elle n’est pas praticien vétérinaire, il en est de même dès lors que l’employeur ne démontre pas la conclusion d’un accord fixant les modalités d’évaluation et de suivi de la charge de travail comme l’y oblige pourtant cette convention collective. Enfin, et en tout état de cause, elle soutient, qu’à défaut de suivi et de tout entretien annuel pour évaluer sa charge de travail, elles sont privées d’effet.

Dès lors, elle réclame le paiement d’heures supplémentaires à compter de novembre 2015, effectuées sans distinction pour le compte de l’une et l’autre des sociétés à compter de janvier 2016, ce qui justifie sa demande de condamnation in solidum à compter de cette date.

En réponse, invoquant l’application de la convention collective nationale des praticiens vétérinaires et reconnaissant qu’elle n’était à l’époque pas conforme aux exigences législatives à défaut de prévoir les modalités d’évaluation de la charge de travail, les sociétés Finexvet et Vétapharma rappellent que le législateur, dans la loi du 8 août 2016, a néanmoins autorisé les employeurs, en ce cas, à soumettre leurs salariés à des conventions individuelles de forfait en jours dès lors qu’ils établissent un document de contrôle, s’assurent que la charge de travail est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires et organisent une fois par an un entretien avec le salarié pour évaluer cette charge de travail, ce qui a été fait comme cela ressort des différentes attestations, quand bien même elle n’est pas en capacité de produire ces documents, détruits par Mme [O].

En tout état de cause, outre la prescription applicable antérieurement au 7 février 2016, elles considèrent que Mme [O] n’étaye pas sa demande d’heures supplémentaires qui ne repose que sur ses propres décomptes et ce, alors qu’elles produisent des attestations de salariées qui démontrent qu’elle faisait des horaires allégés.

Aux termes de l’article L. 3245-1 du code du travail, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Alors que cet article instaure un délai d’action qui ne peut en tout état de cause excéder un délai de trois ans à compter du jour où le salarié a connu les faits lui permettant d’exercer cette action, il ne peut en l’espèce réclamer le paiement des salaires que pour la période de trois ans antérieurement à la saisine du conseil, sans pouvoir faire remonter cette demande trois ans avant la rupture dès lors que la connaissance des faits lui permettant d’exercer l’action n’est pas postérieure à cette rupture mais remonte au jour de l’exigibilité des salaires.

Aussi, Mme [O] ayant saisi le conseil de prud’hommes le 5 février 2019, il convient de dire que sa demande est prescrite pour celles antérieures au 1er février 2016 dès lors qu’elle était payée les 30 ou 31 du mois.

En l’espèce, et quelque soit la convention collective applicable, le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles et il résulte des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.

Dès lors, toute convention de forfait en jours qui se borne à prévoir que le nombre de jours travaillés dans l’année est au plus de 216 jours, que le salarié remplira une feuille de suivi mensuel des jours travaillés et que le contrôle des jours travaillés, des jours de repos, de la compatibilité de la charge de travail avec la vie familiale est effectué dans le cadre d’un bilan annuel, sans instituer de suivi effectif et régulier permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé.

En l’espèce, comme précédemment jugé, il n’est pas justifié que Mme [O] aurait supprimé des documents des sociétés Finexvet et Vétapharma, et notamment ses entretiens annuels d’évaluation, aussi, les conventions de forfait lui sont-elles inopposables.

En tout état de cause, à supposer même qu’elle ait été effectivement reçue en entretien les 16 juin 2014, 29 janvier 2015, 9 février 2016 et 19 janvier 2017 comme en atteste Mme [T] qui explique que, durant son apprentissage, une de ses missions était de ranger et faire le suivi des entretiens annuels et qu’il ressort de son fichier Excel que Mme [O] a été reçue à ces dates, il ne s’agirait pas d’un suivi suffisamment régulier permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail trop lourde.

Bien plus, les quatre questions posées telles que décrites par Mme [T], à savoir : Etes vous globalement satisfait du contrat forfait-jour ou opteriez vous pour un autre type de contrat’ – La charge de travail avec le forfait jour vous paraît-elle équilibrée ou plutôt lourde’ – Le forfait-jours vous permet-il de respecter les dispositions réglementaires en terme d’amplitude de journée de travail, à savoir un temps de repos quotidien d’au moins 11h entre deux journées de travail, un temps de repos hebdomadaire de 24h en plus du repos quotidien et une pause de 20 minutes après 6h de travail’ – Le contrat forfait-jours vous permet-il de concilier activité professionnelle et vie personnelle et familiale’ sont en tout état de cause insuffisantes à s’assurer de la sécurité et de la santé du travailleurs en ce qu’elles ne permettent pas de s’assurer que la durée hebdomadaire de travail ne dépasse pas les limites autorisées par la loi.

Dès lors, les conventions individuelles de forfait en jours signées entre Mme [O] et les sociétés Vétapharma et Finexvet étant privées d’effet à son égard, il convient de lui appliquer les règles de droit commun relatives aux heures supplémentaires.

Aux termes de l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte des articles L. 3171-2 à L. 3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, à l’appui de sa demande, Mme [O] explique qu’elle débutait son travail à 9h et terminait entre 17h30 et 19h, travaillant indistinctement pour l’une ou l’autre des sociétés, et produit plus précisément des décomptes réalisés semaine par semaine en y mentionnant les heures de début et de fin de service, le temps de la pause déjeuner et le nombre d’heures réalisées.

Il s’agit ainsi d’éléments suffisamment précis permettant utilement à l’employeur d’y répondre.

Pour ce faire, les sociétés Vétapharma et Finexvet, remettant en cause la réalité des horaires ainsi réclamés, produisent l’attestation de Mme [H] qui explique que l’absence de Mme [O] a permis de constater que le travail qu’elle effectuait depuis juillet 2017 n’était pas correct et qu’elle avait énormément de retard, qu’à son retour de congé maternité, son comportement n’était plus professionnel, qu’elle arrivait vers 9h30-10h, échangeait des messages personnels, consultait des sites non professionnels, s’absentait du bureau sans avertir ses collègues et se rendait plusieurs heures à la salle de sport le midi pour revenir vers 14h au plus tôt, ces derniers propos étant confirmés par Mme [T] qui indique au surplus, qu’en juillet-août 2017, Mme [O] et Mme [Y] avaient des horaires plus que légers, arrivant souvent vers 10h et repartant régulièrement avant 16h lorsque la direction était en congés.

Par ailleurs, l’examen des mails produits par Mme [O] à l’appui de ses demandes, confronté aux tableaux d’heures qu’elle a réalisés, permet de relever qu’il est quasi systématiquement ajouté un quart d’heure de travail à chacun des derniers mails envoyés le matin ou le soir, et même parfois davantage.

En outre, et alors qu’elle réclame un certain nombre d’heures supplémentaires qui auraient été réalisées durant des week-ends ou jours fériés, force est de constater qu’il n’est pas produit le moindre mail accréditant la réalité d’un travail sur ces journées, à l’exception des samedis 5 mars et 16 avril.

Au vu de ces éléments, et alors que les attestations de Mmes [T] et [H] visent essentiellement l’année 2018 pour laquelle il n’est pas réclamé d’heures supplémentaires et une période restreinte dans le temps pour l’année 2017, la cour a la conviction que Mme [O] a effectué 175 heures supplémentaires en 2016 et 105 en 2017, toutes majorées à 25 %, soit un taux horaire à 30,46 euros représentant 8 528,80 euros, dont il convient de déduire la somme de 2 017,04 euros correspondant à 9,5 jours de RTT payés à Mme [O] au terme de son contrat et correspondant au nombre de RTT restant dus au 31 décembre 2017.

Il convient en conséquence d’infirmer le jugement et de condamner in solidum les sociétés Finexvet et Vétapharma à payer à Mme [O] la somme de 6 511,76 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires, outre 651,18 euros au titre des congés payés afférents.

Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner in solidum les sociétés Finexvet et Vétapharma aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de les débouter de leur demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile et de les condamner in solidum à payer à Mme [O] la somme de 500 euros sur ce même fondement, en plus de la somme allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant contradictoirement,

Infirme le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, a condamné les sociétés Finexvet et Vétapharma au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et licenciement vexatoire, en ce qu’il a accordé un rappel de salaire pour heures supplémentaires en novembre et décembre 2015 mais aussi sur le montant accordé au titre des heures supplémentaires pour les années 2016 et 2017 ;

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement ne repose pas sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse ;

Déboute Mme [M] [O] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et licenciement vexatoire à l’égard de la SARL Vétapharma ;

Déboute Mme [M] [O] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et licenciement vexatoire à l’égard de la SPFPL Finexvet ;

Dit que la demande de rappel d’heures supplémentaires portant sur la période antérieure au 1er février 2016 est prescrite ;

Condamne in solidum la SPFPL Finexvet et la SARL Vétapharma à payer à Mme [M] [O] la somme de 6 511,76 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires effectuées en 2016 et 2017, outre 651,18 euros au titre des congés payés afférents ;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum la SPFPL Finexvet et la SARL Vétapharma à payer à Mme [M] [O] la somme de 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SPFPL Finexvet et la SARL Vétapharma de leur demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile;

Condamne in solidum la SPFPL Finexvet et la SARL Vétapharma aux entiers dépens.

La greffièreLa présidente

 


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