Secret des correspondances : 10 novembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 22/14766

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Secret des correspondances : 10 novembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 22/14766
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10 novembre 2022
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/14766

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 2

ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2022

(n° , 13 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/14766 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGJEN

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 26 Juillet 2022 -Président du TC de PARIS – RG n° 2022029867

APPELANTES

S.A.S. HOLDING MIDI AUTO, RCS de PARIS sous le numéro 676 620 016,

[Adresse 12]

[Localité 18]

S.A.S. MA PIECES AUTOS LIMOGES, RCS LIMOGES sous le numéro 835 407 362

[Adresse 5]

[Localité 21]

S.A.S. AUTOPUZZ, RCS LORIENT sous le numéro 802 267 609

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 14]

S.A.R.L. EUROMOTOR, RCS de BOURG-EN-BRESSE sous le numéro 422 783 407

[Adresse 7]

[Localité 1]

Représentées par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Assistées par Me Renaud BERTIN, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

S.A.S. LILLOISE DE SERVICES ET DE DISTRIBUTION DE PIECES DE RECHANGE (SLSDPR), RCS de LILLE sous le numéro 538 547 936

[Adresse 3]

[Localité 15]

S.A.S. LYONNAISE DE PIECES ET SERVICES AUTOMOBILE (SLPSA), RCS de LYON sous le numéro 642 880 041

[Adresse 2]

[Localité 17]

S.A.S. EST PR SASU, RCS de SAVERNE sous le numéro 827 719 782

[Adresse 10]

[Localité 16]

Société STELLANTIS NV, société de droit néerlandaisimmatriculée au Registre du Commerce Néerlandais sous le numéro 60372958, prise en son établissement principal en France audit siège

[Adresse 24],

[Localité 19]

S.A.S. PSA RETAIL FRANCE, RCS de VERSAILLES sous le numéro 302 475 041

[Adresse 23]

[Adresse 23]

[Localité 20]

S.A.S. COMMERCIALE DE DISTRIBUTION PIECES DE RECHANGE ET SERVICE (SCDPRS), RCS de PONTOISE sous le numéro 501 500 623

[Adresse 4]

[Localité 22]

S.A.S. DE PIECES ET SERVICES AUTOMOBILES DE L’OUEST (SPSAO), RCS de NANTES sous le numéro 512 956 657

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 11]

S.A.S. PIECES ET ENTRETIEN AUTOMOBILE BORDELAIS (PEAB), RCS de BORDEAUX sous le numéro 790 021 513

[Adresse 13]

[Localité 9]

Représentées par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Assistées par Me Nathalia KOUCHNIR-CARGILL, avocat au barreau de PARIS, toque : P40

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 06 Octobre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Le groupe PSA, désormais Stellantis, est composé de sa société holding Peugeot SA, devenue la société Stellantis, contrôlant les sociétés Automobiles Peugeot, Automobiles Citroën et PSA Retail.

Les sociétés Automobiles Citröen et Automobiles Peugeot ont pour activité la distribution de biens et services des marques Peugeot, Citroën, DS et Eurorepar.

Les sociétés SCDPRS, SPSAO, PEAB, SLSDPR, SLPSA et Est PR sont des filiales de la société PSA Retail et exercent une activité rattachée aux pièces de rechange automobiles des marques Peugeot et Citröen.

Le groupe Midi Auto est composé de sa société holding, la société Holding Midi Auto et de plusieurs filiales, notamment la société Ma Pièce Auto Bretagne, la société Ma pièce auto Limoges et la société Autopuzz.

La société Euromotor est indépendante de ce groupe ; elle exerce dans le sud de la France une activité d’agent commercial de la société Schaferbarthold, important grossiste européen de pièces de rechange automobiles d’origine, notamment de marques Peugeot, Citroën et DS.

Les sociétés Peugeot, Automobile Citroën et Automobiles Peugeot, membres du groupe PSA, ont organisé un réseau de plate formes régionales de distribution de pièces de rechange. Dans ce cadre, elles signent avec des distributeurs agréés des contrats de distributeur officiel de pièces de rechange, équipements et accessoires (DOPRA), portant sur la distribution des pièces de rechange de marque Peugeot, Citroën et DS.

Ces contrats contiennent une clause d’étanchéité qui interdit au distributeur agréé de revendre à des personnes “qui ont une activité de revente” et qui ne sont pas membres du réseau de distribution des produits de marques Peugeot, Citroën, DS. En revanche sont autorisées les ventes de pièces d’origine de rechange à des réparateurs agréés ou indépendants, c’est-à-dire à des garagistes ayant besoin de pièces pour exercer leur activité de réparation ou d’entretien des véhicules, le modèle de contrat à utiliser entre le distributeur agréé et le réparateur agréé ou indépendant prévoyant que le réparateur n’a pas le droit de revendre ces produits d’origine PSA uniquement destinés à la réparation et à l’entretien des véhicules.

Les sociétés Automobiles Citröen et Automobiles Peugeot sont liées par un contrat de DOPRA avec la société Ma Pièce Auto Bretagne (la société MPAB), distributeur agréé, créée à cet effet par le groupe Midi Auto, acteur majeur dans l’Ouest de la France de la distribution de véhicules de marque Peugeot et Citroën.

La société Autopuzz n’est pas membre du réseau. Elle exerce une activité de commerce de pièces de rechanges automobiles.

Reprochant à la société MPAB de vendre des pièces à la société Autopuzz dont l’activité consiste en la revente de pièces de rechange, notamment sur internet, qui appartient également au groupe Midi Auto et qui revend lesdites pièces en dehors du réseau PSA en violation des stipulations du contrat, les sociétés Peugeot, Automobile Citroën et Automobiles Peugeot, faisant application de la clause résolutoire insérée au contrat, ont résilié son contrat DOPRA, à effet immédiat, le 14 novembre 2018.

Par arrêt du 20 février 2019, ayant fait l’objet d’un pourvoi qui a été rejeté, la cour d’appel de Paris a dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de rétablissement du contrat.

Une procédure est en cours devant les juges du fond visant à rétablir le contrat.

Soutenant que le groupe PSA laisse sa filiale PSA Retail et ses propres filiales développer une activité organisée de revente de pièces de rechange à des revendeurs non autorisés en violation de la clause d’étanchéité de leur contrat de DOPRA, tout en sanctionnant dans le même temps tout DOPRA indépendant au titre d’agissements identiques, réservant ainsi le monopole de l’approvisionnement du marché parallèle en pièces de rechange d’origine de ses marques à sa seule filiale, la société Midi Auto et la société Euromotor ont déposé une requête devant le président du tribunal de commerce de Paris pour voir ordonner une mesure d’instruction sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, en vue d’un futur procès pour violation du contrat de distribution DOPRA et violation de l’article L.442-2 du code de commerce, pratiques restrictives de concurrence et concurrence déloyale à l’encontre de sociétés du groupe PSA.

Par ordonnance du 7 novembre 2019, il a été fait droit à cette demande. La mesure consistait à faire intervenir un huissier de justice dans les locaux des sociétés SCDPRS, SPSAO, PEAB, SLSDPR, SLPSA et Est PR pour se faire remettre des listes de clients et des factures sur la base de mots-clefs précisément énumérés par le juge.

Le 28 novembre 2019, l’huissier a procédé à une saisie de plus de 2,6 millions de factures de vente de pièces de rechange des filiales de PSA Retail à leurs clients.

Par acte du 26 décembre 2019, la société Peugeot, la société Automobiles Citröen, la société Automobiles Peugeot, la société SCDPRS, la société SPSAO, la société PEAB, la société SLSDPR, la société SLPSA et la société Est PR ont fait assigner la société Holding Midi Auto et la société Euromotor devant le président du tribunal de commerce de Paris aux fins de voir annuler ou rétracter l’ordonnance du 7 novembre 2019.

Par ordonnance de référé collégiale rendue le 4 septembre 2020, la juridiction saisie a confirmé l’ordonnance du 7 novembre 2019 en toutes ses dispositions.

Les sociétés Peugeot, Automobiles Citröen, Automobiles Peugeot, SCDPRS, SPSAO, PEAB, SLSDPR, SLPSA et Est PR ont interjeté appel de cette ordonnance.

Par arrêt du 16 septembre 2021, la cour d’appel de Paris a notamment rétracté l’ordonnance sur requête rendue le 7 novembre 2019 par le président du tribunal de commerce de Paris, ordonné à l’huissier ayant procédé à l’exécution des mesures d’instruction de restituer aux sociétés saisies l’intégralité des documents et copies des documents saisis, constaté la nullité du procès-verbal de constat dressé le 28 novembre 2019 sur le fondement de l’ordonnance du 7 novembre 2019.

Par acte du 27 juin 2022, les sociétés Holding Midi Auto, Ma Pièces Autos Limoges, Autopuzz et Euromotor Midi Auto ont assigné les sociétés Stellantis NV, PSA Retail France, Commerciale de distribution pièces de rechange et service (SCDPRS), Pièces et services automobiles de l’ouest (SPSAO), Pièces et entretien automobile bordelais (PEAB), Lilloise de services et de distribution de pièces de rechange (SLDPR), Lyonnaise de pièces et services automobiles (SLPSA) et Est PR devant le président du tribunal de commerce de Paris, statuant en référé, afin de voir :

– ordonner aux requises de remettre à Me [Z], huissier audiencier de ce tribunal déjà désigné lors de la procédure sur requête, ce, sous astreinte de 50.000 euros par jour de retard et par élément manquant courant à compter du huitième jour suivant le prononcé de l’ordonnance à intervenir pour les années 2017 à 2021 et pour chacune des sociétés SCDPRS, SPSAO, PEAB, SLSDPR, SLPSA, EST PR :

‘ une copie certifiée conforme par les commissaires aux comptes titulaires et par l’expert-comptable sous formats PDF et Excel du détail du grand livre clients classe 4 avec indication sur une liste annexée aux mêmes formats pour chaque client de son numéro de SIRET, de son code APE et de son appartenance ou non aux réseaux de DOPRA ou de réparateurs agréés Peugeot, Citroën, DS et Eurorépar ;

‘ une copie numérique du journal des ventes de 2017 à 2021 ventilé par client ;

‘ une copie du fichier informatique « FEC » (fichier des écritures comptables) ;

‘ une copie sous format PDF des bons de livraison afférents à chaque facture pour chaque client dont le code APE est 4531Z ou 4532Z ;

‘ une copie sous format PDF des formulaires d’ouverture de compte client pour chaque client mentionné aux grands livres comportant notamment le numéro de SIRET et le code APE, que ces comptes client aient ou non été supprimés ou modifiés sur la période ;

‘ une copie de chaque dossier client (pour chaque client mentionné sur les grands livres) extraite du logiciel SPEEDER depuis 2017 jusqu’à ce jour ;

– ordonner à l’huissier requis d’établir, après recoupement de toutes ces données, une liste

anonymisée répertoriant sous une référence chiffrée les clients exerçant une activité correspondant aux code APE 4531Z et 4532Z, n’appartenant à aucun des réseaux de distribution ou de réparation agréés des marques Peugeot, Citroën, DS et Eurorépar, cette liste récapitulant pour chaque année de 2017 à 2021 :

‘ le nombre de factures et le montant de chacune Hors Taxe par client et par an ;

‘ le montant annuel total des factures HT par client et par an ;

‘ le montant annuel HT des ventes tous clients confondus pour chaque année ;

– dire que l’huissier requis pourra se faire assister par l’expert informatique, l’expert-comptable et / ou tout sachant de son choix et que celui-ci ou ceux-ci pourront se rendre chez les sociétés requises en tant que de besoin ;

– ordonner à l’huissier requis de dresser constat de l’ensemble de ses opérations, et de remettre à l’avocat des requérantes la seule liste précitées sous forme de constat tout en conservant en annexe les documents communiqués par les sociétés requises ;

– fixer le montant de la provision qui sera allouée à l’huissier avant le début de sa mission ;

– ordonner à l’huissier requis d’accomplir sa mission dans le délai d’un mois à compter de la remise de tous les éléments demandés et dire qu’il pourra saisir le juge des requêtes dans l’hypothèse où la moindre difficulté ferait obstacle à la bonne exécution de sa mission ;

– condamner chacune des sociétés requises à payer à chaque société requérante une somme de 500 euros en application de l’articIe 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance de référé contradictoire du 26 juillet 2022, le président du tribunal de commerce de Paris a :

– débouté les sociétés demanderesses de leurs demandes ;

– condamné in solidum les sociétés Holding Midi Auto, Ma Pièces Autos Limoges, Autopuzz, Euromotor à payer la somme de 2.000 euros à chacune des sociétés défenderesses en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, déboutant pour le surplus ;

– condamné les sociétés Holding Midi Auto, Ma Pièces Autos Limoges, Autopuzz, Euromotor aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer parle greffe liquidés à la somme de 211,85 euros ‘ITC dont 35,10 euros de TVA.

Par déclaration du 5 septembre 2022, les sociétés Holding Midi Auto, Ma Pièces Autos Limoges, Autopuzz et Euromotor ont relevé appel de l’ensemble des chefs du dispositif de cette décision.

Après y avoir été autorisées par ordonnance du 6 septembre2022, elles ont assigné à jour fixe les sociétés Stellantis NV, PSA Retail France, Commerciale de distribution pièces de rechange et service (SCDPRS), Pièces et services automobiles de l’ouest (SPSAO), Pièces et entretien automobile bordelais (PEAB), Lilloise de services et de distribution de pièces de rechange (SLDPR), Lyonnaise de pièces et services automobiles (SLPSA) et Est PR

Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 3 octobre 2022, les sociétés appelantes demandent à la cour, au visa de l’article 145 du Code de procédure civile, du droit à la preuve, du droit d’accès au juge et de l’article 6 de la convention européenne des droits de l’Homme, de :

– annuler l’ordonnance de référé rendue le 26 juillet 2022 par le président du tribunal de commerce de Paris ici déférée pour défaut de motivation ;

– subsidiairement, l’infirmer en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :

– déclarer leur demande recevable et bien fondée, et en conséquence ;

– ordonner aux huit sociétés intimées de :

remettre à Me [W] [Z], huissier audiencier près le tribunal de commerce de Paris, ce, sous astreinte de 50.000 euros par jour de retard et par élément manquant courant à compter du huitième jour suivant la signification de la décision à intervenir sur la période comprise entre le 1er janvier 2017 et le 31 juillet 2022 et pour chacune des sociétés SCDPRS, SPSAO, PEAB, SLSDPR, SLPSA, EST PR :

* une copie certifiée conforme par les commissaires aux comptes titulaires, et par l’expert-comptable s’il en existe un, sous formats PDF et Excel du détail du grand livre clients classe 4 avec indication sur une liste annexée aux mêmes formats pour chaque client de son numéro de SIRET, de son code APE et de son appartenance ou non aux réseaux officiels de distribution de pièces ou de réparateurs agréés Peugeot, Citroën, DS et Eurorépar ;

* une copie numérique du journal des ventes de 2017 au 31 juillet 2022 ventilé par client ;

* une copie sous format PDF des formulaires de « demande d’ouverture de compte client » et de « création compte client » pour chaque client mentionné aux grands livres, que leur compte client ait ou non été supprimé ou modifié sur la période ;

* une liste mentionnant leur dénomination sociale, leur adresse, leur numéro de Siret et leur code APE pour les clients ne disposant pas de ces formulaires ;

– ordonner à l’huissier requis d’établir, après recoupement de toutes ces données et vérification, notamment par sondages, de l’exactitude des informations transmises, une liste des clients ayant un code APE 4531Z et 4532Z et n’appartenant à aucun des réseaux officiels de distribution de pièces ou de réparation agréées des marques Peugeot, Citroën, DS et Eurorépar, cette liste récapitulant sur la période comprise entre le 1 er janvier 2017 et le 31 juillet 2022 :

le nombre de factures et le montant de chacune TTC par client et par an ;

le montant mensuel total des factures TTC par client sur la période et leur cumul annuel ;

le montant annuel total TTC des ventes tous clients confondus pour chaque année ;

– dire que l’huissier requis pourra déléguer une partie de sa mission à un ou plusieurs confrères et se faire assister par l’expert informatique, l’expert-comptable et / ou tout sachant de son choix et que ceux-ci pourront se rendre dans les locaux des sociétés requises en tant que de besoin ;

– ordonner à l’huissier requis de dresser constat de l’ensemble de ses opérations, et de remettre à l’avocat des requérantes la liste précitée intégrée à son procès-verbal de constat ainsi que les documents annexés sous forme de disque dur externe à l’exception des grands livres clients dont ne seront transmises que les seules lignes concernant les clients dont le code APE est 4531Z ou 4532Z et qui n’appartiennent à aucun réseau de réparation agréée ou de distribution de pièces des marques Peugeot, Citroën, Ds et Eurorépar ;

– ordonner à l’huissier de conserver et séquestrer un exemplaire de tous les documents communiqués par les sociétés requises ;

– fixer le montant de la provision qui sera allouée à l’huissier avant le début de sa mission ;

– ordonner à l’huissier requis d’accomplir sa mission dans le délai d’un mois à compter de la remise de tous les éléments demandés et dire qu’il pourra saisir la cour (le conseiller en charge du contrôle) dans l’hypothèse où il serait fait obstacle à l’exécution de sa mission ;

– condamner solidairement les sociétés requises à payer à chaque société requérante une somme de 7.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

– condamner les sociétés requises au paiement des entiers frais taux dépens d’instance et d’appel.

Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 30 septembre 2022, les sociétés intimées demandent à la cour de :

– confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris en date du 26 juillet 2022 ;

– condamner in solidum les sociétés Holding Midi Auto, Autopuzz, Ma Pièces Autos Limoges et Euromotor à payer à chacune des sociétés intimées la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– condamner les sociétés Holding Midi Auto, Autopuzz, Ma Pièces Autos Limoges et Euromotor aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Teytaud, Avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Pour l’exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande d’annulation de l’ordonnance entreprise

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, “le jugement doit être motivé”.

Les sociétés appelantes considèrent que l’ordonnance entreprise est nulle pour défaut de motivation, exposant que c’est par une motivation plus que sommaire de quatre lignes, équivalant à une absence de motivation, que l’ordonnance a considéré, sans même les analyser ni les critiquer, que les preuves déjà réunies par les requérantes “ne suffisent pas à rendre plausibles et crédibles les allégations de fraude massive, seule à même de justifier le caractère légalement admissible des mesures d’investigation générale réclamées.”

Le premier juge a ainsi motivé sa décision : après avoir énoncé les dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, il a rappelé que la demande porte sur l’ensemble des factures et ventes des défenderesses sur une période de quatre ans entre 2017 et 2021 pour les clients ayant un code APE 4531Z et 4532Z n’appartenant pas aux réseaux des marques Stellantis, ajoutant :

– que cette demande a un caractère massif que les demanderesses se doivent de justifier car seules constituent des mesures légalement admissibles des mesures d’instruction circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l’objectif poursuivi ;

– qu’en l’espèce les demanderesses soutiennent qu’il s’agit de démontrer une fraude massive que seule la mesure demandée pourra établir ;

– qu’il leur revient donc également d’établir le caractère légitime de cette demande très large et donc d’avancer des preuves rendant le litige, fondé sur une fraude massive plausible et crédible ;

– qu’en effet, malgré leur caractère anonyme, les pièces sont susceptibles de donner une vision d’ensemble des activités de Stellantis sur le secteur des pièces automobiles, ce qui est contraire au principe du caractère limité des investigations sous l’égide de l’article 145 du code de procédure civile ; or les pièces versées, outre le caractère déloyal de certaines d’entre elles, de par leur caractère marginal, ne suffisent pas à rendre plausible et crédibles les allégations de fraude massive, seule à même de justifier le caractère légalement admissible des mesures d’investigation générale réclamées ;

– que dans ces conditions la demande ne répond pas aux exigences posées par l’article 145 du code de procédure civile.

Ce faisant, le premier juge a motivé sa décision conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile. Il n’y a donc pas lieu à annulation de l’ordonnance déférée.

Sur le fond du référé

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

L’article 145 suppose l’existence d’un motif légitime c’est à dire un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l’objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui. Elle doit être pertinente et utile.

Ainsi, si le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer l’existence des faits qu’il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d’éléments rendant crédibles ses suppositions et justifier que le litige potentiel n’est pas manifestement voué à l’échec et que la mesure est de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.

Les sociétés du groupe Midi auto soutiennent que la société Stellantis laisse sa filiale PSA Retail et ses propres filiales développer une activité organisée de revente de pièces de rechange à des revendeurs non autorisés en violation de la clause d’étanchéité de leur contrat de DOPRA, tout en sanctionnant dans le même temps tout DOPRA indépendant au titre d’agissements identiques (résiliation en 2018 du contrat de DOPRA conclu avec la société MPAB pour avoir revendu des pièces à la société Autopuzz, et décision prise en juillet 2021 par la société Stellantis de ne pas renouveler les contrats de DOPRA conclus avec les sociétés du groupe Midi auto au terme d’un préavis de deux ans), se réservant ainsi le monopole de l’approvisionnement du marché parallèle en pièces de rechange d’origine de ses marques à sa seule filiale.

Elles exposent détenir déjà des éléments de preuve de l’existence de ces reventes illicites et vouloir apporter la preuve de leur importance par la mesure d’instruction sollicitée ainsi que du chiffre d’affaires total annuel et cumulé généré par ces ventes, en vue d’établir par des actions en responsabilité futures (délictuelles ou contractuelles) fondées sur la violation du contrat de distribution DOPRA et de l’article L. 442-2 du code de commerce, pratiques restrictives de concurrence et concurrence déloyale, le caractère abusif de l’exclusion totale par la société Stellantis du groupe Midi auto des réseaux de distribution et de réparation agréée Peugeot, Citroën, DS et Euorépar.

Les requérantes précisant que leur décision d’agir en justice dépendra de l’ampleur des manquements illicites qui seraient révélés par la mesure d’instruction, il convient de rappeler à cet égard que l’éventuel procès au fond doit simplement être plausible, la mesure pouvant être obtenue simplement pour apprécier les chances de succès de l’action envisagée.

Pour s’opposer aux mesures sollicitées, les société intimées font en substance valoir :

– que les appelantes échouent à démontrer un quelconque motif légitime en ce que :

les mesures sollicitées sont destinées à exercer des pressions sur le groupe Stellantis pour qu’il renonce à sa décision d’exclure de son réseau la totalité des concessions du groupe Midi auto et qu’il renouvelle les contrats du groupe ;

le motif des demandes repose sur des pièces obtenues déloyalement, par des manoeuvres susceptibles de qualifications pénales (une plainte simple puis avec constitution de partie civile a été déposée par Stellantis des chefs de dénonciation calomnieuse, fausses attestations, abus de confiance et/ou vol, complicité et recel de ces infractions) : les factures communiquées par le groupe Midi auto pour étayer sa théorie de fraude organisée ont été manifestement volées chez SCDPRS ; l’email de M. [B], le directeur de la plaque PSA Retail de [Localité 22], adressé à l’ensemble de ses collaborateurs pour leur rappeler l’interdiction de vendre des pièces à des revendeurs hors réseau, est communiqué sous forme de photographies floues d’un écran d’ordinateur portable, en omettant la mention Confidentiel, le procédé violant de façon flagrante le secret des correspondances ;

aucun des éléments produits n’étaye la théorie de fraude organisée par Stellantis de son propre réseau ;

– que les mesures d’instruction sollicitées ne sont pas légalement admissibles, étant totalement disproportionnées et relevant de mesures d’investigation générale : elles englobent une partie importante de réparateurs indépendants auxquels la revente de pièces est autorisée, de même que des pièces non couvertes par la distribution sélective (pièces d’équipementiers) ; du fait de l’absence d’anonymisation des pièces requises, la mesure porte une atteinte disproportionnée au secret des affaires, tout le fichier clients des filiales de PSA Retail se trouvant remis à des sociétés concurrentes.

Sur le motif légitime

Alors que les actions envisagées par les sociétés requérantes sont susceptibles de prospérer s’il s’avère établi que les sociétés du groupe Stellantis ont elles-mêmes, dans des proportions importantes, violé la clause d’étanchéité contenue dans leurs contrats de DOPRA, il ne peut être considéré que le groupe Midi auto poursuit un but illégitime en cherchant à établir le caractère abusif de son exclusion par le groupe Stellantis des réseaux de distribution et de réparation agréée Peugeot, Citroën, DS et Euorépar, et même à se voir réintégrer dans ce réseau alors qu’il en va selon lui de sa survie économique.

Pour rendre crédibles les reventes illicites dénoncées, les sociétés requérantes produisent notamment les éléments suivants :

– des copies de factures adressées anonymement au groupe Midi auto par un lanceur d’alerte proche de l’une des filiales de la société PSA Retail, la SCDPRS, soit une centaine de factures d’achat de pièces automobiles émises par la société SCDPRS au cours des années 2017 à 2021 à des sociétés exerçant un commerce de gros ou de détail d’équipements automobiles sous les codes APE 4531Z ou 4532Z : les sociétés ZR Pièce auto, Auto pièces discount, Clichy pièces auto, Carpièces, Destock pièces auto, société de distribution de pièces automobiles et Auto casse 24 ;

– une attestation de M. [E], ancien salarié de la SCDPR Morangis (filiale de Retail France), à la retraite depuis le 30 septembre 2020, qui déclare qu’à la suite d’une réunion organisée par son directeur début juillet 2019, il a été informé de la violation par la SCDPR du contrat de distribution DOPRA par la vente de pièces détachées à des revendeurs non DOPRA et de la nécessité de clôturer les comptes de ces revendeurs, ajoutant qu’il n’avait pas eu jusqu’ici connaissance de cette interdiction, sa direction l’ayant toujours autorisé à vendre à tous types de clients, et qu’avec ses collègues il a rapidement fait le lien avec l’affaire en cours avec la plate-forme Ma pièce auto Bretagne ;

– une attestation de M. [O], dirigeant deux sociétés spécialisées dans la vente en gros de pièces de rechange automobiles n’appartenant à aucun réseau de marque et n’exerçant aucune activité de réparation indépendante (Auto pièces Comminges et Auto pièces Muret), qui déclare notamment que ces sociétés se fournissaient en pièces de rechange d’origine PSA depuis 2017, auprès de la filiale de PSA Retail France, la société Distrigo Peab Muret ; qu’en août 2019, du jour au lendemain et sans préavis, la PSA Retail Peab Muret a fermé le compte de ces sociétés alors que leurs paiements étaient à jour ; que le directeur de la plate-forme PSA Retail Peab de Muret, qu’il a interrogé, lui a expliqué qu’il s’agissait d’un changement de politique de distribution et lui a proposé une autre source d’approvisionnement ;

– une attestation de Mme [H], qui a exercé la fonction de chef de secteur chez PSA Retail France du 2 janvier 2017 au 4 mars 2020, qui déclare avoir été témoin et même participé à la revente de pièces et produits à des revendeurs hors réseau PSA, précisant que sans ces ventes ils n’auraient jamais pu atteindre leurs objectifs de volume, ayant d’ailleurs octroyé des remises exceptionnelles à ces acheteurs. Elle ajoute que lorsque l’affaire [V] et notamment l’information sur la résiliation de son DOPRA est remontée jusqu’à leurs oreilles, ils sont tombés de haut et ils se sont demandés s’ils allaient pouvoir continuer leur activité habituelle. Elle précise que le seul changement opéré par son employeur a été la fermeture de quelques comptes clients, parfois ensuite rouverts, et que les comptes fermés sont symboliques en considération du volume de leurs ventes aux grossistes de pièces dont la plupart n’avaient aucune activité de réparateur ;

– une attestation de M. [N], qui a travaillé du 1er août 2016 au 1er août 2019 chez PSA Retail dans sa plaque DOPRA de [Localité 22], qui déclare que lorsque l’affaire [V] a démarré fin 2018, c’était la panique chez eux et leurs directeurs leur ont demandé de fermer certains comptes clients revendeurs extérieurs au réseau pour l’exemple, pour montrer qu’ils respectaient le contrat, ajoutant que les comptes qu’ils ont fermés fin 2018 étaient une goutte d’eau dans la mer et que lorsque l’affaire [V] a rebondi à l’été 2019, M. [B] a “balancé” une circulaire par mail à tous les commerciaux pour annoncer qu’il fermait encore une dizaine de revendeurs indépendants ;

– un courriel de M. [B], directeur de la plate-forme DOPRA de [Localité 22], qui fait état de la nécessité de fermer de nombreux comptes ne respectant pas la règle interdisant “dans le cadre d’un contrat de distribution sélective, de vendre des pièces à des sociétés dont le Kbis est celui d’un revendeur, et ce quelque soit la typologie des pièces sauf index 12 équipementier”, et qui rappelle que de nombreux comptes sont fermés depuis le dernier trimestre 2018, ainsi que le litige opposant PSA à la société MPAB, et expose qu’il convient d’être extrêmement vigilant “lors d’appel du call sur des comptes que nous aurions oublié de fermer”.

Ces factures d’achat de pièces automobiles par des distributeurs hors réseau à une filiale de Retail France et ces témoignages circonstanciés de salariés de Retail France rendent effectivement crédibles les faits dénoncés de reventes illicites par les filiales de Retail France à des revendeurs hors réseau, étant rappelé que le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer l’existence des faits qu’il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit seulement justifier à ce stade d’éléments rendant crédibles ses suppositions.

Il en résulte que les arguments qui sont avancés par les sociétés du groupe Stellantis, tirés de l’illicéité de l’obtention des factures et du courriel de M. [B] et du caractère mensonger des témoignages produits, objets d’une plainte pénale en cours, consistent à discuter de la valeur probante de ces éléments de preuve, qu’il n’y a toutefois pas lieu d’apprécier dans le cadre de la présente instance, étant observé que la plainte pénale évoquée n’a donné lieu à aucune décision, les pièces discutées n’ayant donc pas été jugées illicites et pouvant dès lors être produites dans le cadre de la présente instance.

De même, touchent au débat de fond de la preuve des faits reprochés les contestations suivantes émises par les sociétés intimées :

– sur la valeur probante des factures produites, en ce qu’elles ne concernent que neuf clients sur 1200 comptes, s’étalent sur près de cinq ans, représentent un montant limité de 115.000 euros, dix de ces factures concernant des pièces d’équipementiers non concernées par l’interdiction de revente hors réseau puisque non couvertes par le contrat de distribution sélective, les autres factures correspondant à des ventes de pièces destinées à la réparation elles aussi autorisées ;

– sur la valeur probante des témoignages de salariés du groupe Stellantis ayant fait l’objet de ruptures conventionnelles.

Ces contestations ne suffisent pas à rendre non crédibles les éléments fournis par les sociétés requérantes, les factures de vente de pièces automobiles ayant été adressées à des sociétés dont il n’est pas contesté qu’elles exercent leur activité hors réseau et dont il est justifié par la production des extraits Kbis et des fiches descriptives extraites du site Société.com qu’elles exercent une activité de vente de pièces automobiles sous les codes APE 4531Z et 4532Z, correspondant à une activité de commerce de gros ou de détail d’équipements automobiles. S’agissant des témoignages, leur contenu est très explicite quant à l’existence de ventes de pièces PSA opérées par les filiales de Retail France à des revendeurs hors réseau n’exerçant pas d’activité de réparation, de même que sur le caractère symbolique des mesures de police du réseau qui ont été prises par le groupe Stellantis en fermant les comptes ouverts au profit de revendeurs hors réseau.

Par ailleurs, il importe peu que les éléments produits n’étayent pas la théorie de fraude organisée par Stellantis de son propre réseau comme le font valoir les sociétés intimées, la mesure d’instruction sollicitée ayant précisément pour objet d’établir une telle fraude par des reventes illicites massives.

Se trouve ainsi caractérisé le motif légitime des sociétés requérantes à obtenir la mesure d’instruction sollicitée.

Sur le caractère légalement admissible de la mesure d’instruction

Les mesures requises portent sur la période du 1er janvier 2017 au 31 juillet 2022, laquelle apparaît justifiée au regard des éléments suivants : le réseau de distribution sélective DISTRIGO a été constitué en 2017 et les nouveaux contrats de DOPRA conclus à cette date ; le groupe PSA a résilié fin 2018 le contrat DOPRA d’un distributeur indépendant du groupe Midi Auto pour violation de la clause d’étanchéité du contrat de DOPRA ; des mesures de fermeture de comptes illicites ont été prises par Stellantis à compter de juin 2018.

La mesure d’instruction tendant à déterminer si les reventes illicites se sont poursuivies après les mesures de fermeture des comptes aux revendeurs hors réseau dont se prévaut Stellantis, ainsi que l’ampleur des agissements illicites supposés, et le groupe Midi auto se voyant exclure du réseau en 2023 pour avoir commis de tels agissements, le champ temporel de la mesure d’instruction apparaît justifié par l’objet du litige.

Dans son objet, la mesure ne tend plus, comme dans le cadre de la première instance sur requête, à l’obtention des factures mais des comptes clients des grands livres classe 4 certifiés de chaque DOPRA de PSA Retail, et à l’établissement d’une liste prenant en compte les seuls clients n’appartenant pas aux réseaux officiels de distribution de pièces ou de réparateurs agréés Peugeot, Citroën, DS et Eurorépar.

A cet égard, contrairement à ce que soutiennent les sociétés intimées, la détermination de cette liste par le critère du code APE (activité principale exercée), à savoir le code 4531Z pour une activité de commerce de gros d’équipements automobiles et le code 4532Z pour une activité de commerce de détail d’équipements automobiles, apparaît suffisamment pertinente pour cibler les seuls revendeurs hors réseau de pièces de rechange d’origine PSA, à l’exclusion des entreprises exerçant à titre principal une activité de réparation et d’entretien de véhicules automobiles qui pour leur part se voient attribuer le code APE 4520A et sont autorisées à acheter les dites pièces pour leur activité de réparation ; et comme l’indiquent à juste titre les requérantes, la mention sur la liste de la dénomination de l’entreprise, de son numéro de Siret en plus de son code APE, permettant l’accès à ses bilans, permettra le cas échéant de retrancher chez ces revendeurs les pièces qu’ils achètent de manière licite pour leur activité secondaire de réparation.

Par ailleurs, si comme l’exposent les sociétés intimées les ventes passées par Retail France auprès de revendeurs hors réseau sont susceptibles d’inclure des pièces d’autres marques que celles du groupe PSA, le produit de ces ventes licites, dont il n’est pas contesté qu’elles font l’objet de statistiques précises fournies par le groupe PSA, pourra être retranché du produit des ventes illicites dans le cadre de l’analyse des pièces qui seront communiquées à l’huissier de justice.

Enfin, la mesure d’instruction tendant à déterminer le volume des ventes illicites qui auraient été passées par les sociétés du groupe Stellantis sur la période considérée auprès de revendeurs hors réseau, elle nécessite l’identification de ces revendeurs par la remise des fichiers clients, le secret des affaires opposé par les sociétés intimées devant ici céder devant le droit à la preuve.

Toutefois, la protection du secret des affaires exige de ne communiquer aux sociétés requises que les éléments strictement nécessaires à la solution du litige, en l’espèce la liste que l’huissier de justice désigné comme constatant aura établie après examen des documents qui lui auront été remis par les sociétés requises (liste des clients ayant un code APE 4531Z et 4532Z et n’appartenant à aucun des réseaux officiels de distribution de pièces ou de réparation agréées des marques Peugeot, Citroën, DS et Eurorépar, cette liste récapitulant sur la période comprise entre le 1er janvier 2017 et le 31 juillet 2022 le nombre de factures et le montant de chacune TTC par client et par an, le montant mensuel total des factures TTC par client sur la période et leur cumul annuel, le montant annuel total TTC des ventes tous clients confondus pour chaque année), l’huissier de justice devant conserver et séquestrer en son étude tous les documents qui lui auront été remis pour l’établissement de cette liste.

L’article L 153-1 2°du code de commerce prévoit en effet :

“Lorsque, à l’occasion d’une instance civile ou commerciale ayant pour objet une mesure d’instruction sollicitée avant tout procès au fond ou à l’occasion d’une instance au fond, il est fait état ou est demandée la communication ou la production d’une pièce dont il est allégué par une partie ou un tiers ou dont il a été jugé qu’elle est de nature à porter atteinte à un secret des affaires, le juge peut, d’office ou à la demande d’une partie ou d’un tiers, si la protection de ce secret ne peut être assurée autrement et sans préjudice de l’exercice des droits de la défense :

[…]2° Décider de limiter la communication ou la production de cette pièce à certains de ses éléments, en ordonner la communication ou la production sous une forme de résumé ou en restreindre l’accès, pour chacune des parties, au plus à une personne physique et une personne habilitée à l’assister ou la représenter ;

[…]”.

Ainsi, la mesure telle qu’ordonnée au dispositif ci-après n’apparaît pas disproportionnée au but légitime poursuivi.

L’ordonnance entreprise sera par conséquent infirmée.

La mesure étant ordonnée dans l’intérêt des sociétés appelantes, celles-ci conserveront la charge des entiers dépens de première instance et d’appel et il ne sera pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Rejette la demande d’annulation de l’ordonnance entreprise,

Infirme cette ordonnance et statuant à nouveau,

Ordonne aux sociétés intimées de remettre à Me [W] [Z], huissier audiencier près le tribunal de commerce de Paris, dans le délai d’un mois suivant la signification du présent arrêt et passé ce délai sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard et/ou par élément manquant, sur la période comprise entre le 1er janvier 2017 et le 31 juillet 2022 et pour chacune des sociétés SCDPRS, SPSAO, PEAB, SLSDPR, SLPSA, EST PR :

– une copie certifiée conforme par les commissaires aux comptes titulaires, et par l’expert-comptable s’il en existe un, sous formats PDF et Excel du détail du grand livre clients classe 4 avec indication sur une liste annexée aux mêmes formats pour chaque client de son numéro de SIRET, de son code APE et de son appartenance ou non aux réseaux officiels de distribution de pièces ou de réparateurs agréés Peugeot, Citroën, DS et Eurorépar ;

– une copie numérique du journal des ventes de 2017 au 31 juillet 2022 ventilé par client ;

– une copie sous format PDF des formulaires de « demande d’ouverture de compte client » et de « création compte client » pour chaque client mentionné aux grands livres, que leur compte client ait ou non été supprimé ou modifié sur la période ;

– une liste mentionnant leur dénomination sociale, leur adresse, leur numéro de SIRET et leur code APE pour les clients ne disposant pas de ces formulaires ;

Ordonne à Me [W] [Z] d’établir, après recoupement de toutes ces données et vérification, notamment par sondages, de l’exactitude des informations transmises, une liste des clients ayant un code APE 4531Z et 4532Z et n’appartenant à aucun des réseaux officiels de distribution de pièces ou de réparation agréées des marques Peugeot, Citroën, DS et Eurorépar, cette liste récapitulant sur la période comprise entre le 1er janvier 2017 et le 31 juillet 2022 :

– le nombre de factures et le montant de chacune TTC par client et par an ;

– le montant mensuel total des factures TTC par client sur la période et leur cumul annuel;

– le montant annuel total TTC des ventes tous clients confondus pour chaque année ;

Dit que Me [W] [Z] pourra se faire assister dans sa mission par un ou plusieurs confrères et se faire assister par l’expert informatique, l’expert-comptable et/ou tout sachant de son choix, ceux-ci étant autorisés à se rendre dans les locaux des sociétés requises en tant que de besoin ;

Dit que Me [W] [Z] dressera un procès-verbal de constat décrivant l’ensemble de ses opérations et incluant la liste précitée (en italique), ainsi qu’en annexes les documents qui lui auront été remis par les sociétés requises et sur la base desquels il aura établi ladite liste ;

Dit que Me [W] [Z] remettra aux avocats des sociétés requérantes et des sociétés requises un exemplaire de son procès-verbal de constat ne comportant pas les annexes (documents remis par les sociétés requises), qu’il conservera et séquestrera en son étude ;

Fixe à 5.000 euros le montant de la provision qui sera versée par les sociétés requérantes à l’huissier de justice avant le début de sa mission ;

Dit que Me [W] [Z] accomplira sa mission dans le délai d’un mois à compter de la remise de tous les éléments demandés, et qu’il pourra en référer à la cour en cas de difficultés ;

Se réserve la liquidation de l’astreinte prononcée ;

Dit que les sociétés appelantes supporteront in solidum la charge des dépens de première instance et d’appel ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


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