Secret des correspondances : 23 novembre 2022 Cour d’appel de Limoges RG n° 21/00887

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Secret des correspondances : 23 novembre 2022 Cour d’appel de Limoges RG n° 21/00887
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23 novembre 2022
Cour d’appel de Limoges
RG n°
21/00887

ARRÊT N°

N° RG 21/00887 – N° Portalis DBV6-V-B7F-BIILJ

AFFAIRE :

[J] [Y]

C/

S.A.S. SEPHORA

PLP/TT

Demande d’indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Grosse délivrée le 23/11/2022

COUR D’APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE

————

ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2022

————-

Le vingt trois Novembre deux mille vingt deux, la Chambre économique et Sociale de la Cour d’Appel de LIMOGES a rendu l’arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :

ENTRE :

[J] [Y], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Vincent DESPORT, avocat au barreau de BRIVE

APPELANTE d’un jugement rendu le 27 Septembre 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BRIVE

ET :

S.A.S. SEPHORA prise en son magasin de [Adresse 2], dont l’adresse est [Adresse 1]

représentée par Me Philippe SUARD, avocat au barreau de PARIS,

INTIMEE

—==oO§Oo==—

L’affaire a été fixée à l’audience du 03 Octobre 2022, après ordonnance de clôture rendue le 24 Août 2022, la Cour étant composée de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, de Monsieur Jean-Pierre COLOMER, Conseiller et de Madame Géraldine VOISIN, Conseiller, assistés de Madame Line MALLEVERGNE, Greffier. Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, a été entendu en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.

Puis, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 23 Novembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

LA COUR

EXPOSE DU LITIGE

Mme [Y] a été engagée à compter du 1er septembre 2003 (avec reprise d’ancienneté au 1er septembre 2001) par la société SEPHORA dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, en qualité de vendeuse-esthéticienne. Au dernier état de la relation de travail, Mme [Y] occupait les fonctions de conseillère de vente au sein du magasin SEPHORA BRIVE.

Suite au constat, le 20 septembre 2019, de la présence d’un testeur de démaquillant à coté de la caisse des produits destinés à la destruction et après que la responsable adjointe, Mme [X], eut interrogé les salariées, Mme [Y] a reconnu le 24 septembre 2019, après s’être présentée spontanément auprès de son manager, avoir pris un testeur démaquillant dans la caisse des rebuts.

Par lettre remise en main propre le 1er octobre 2019, Mme [Y] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement prévu le 8 octobre suivant.

Lors de l’entretien, Mme [Y] indiquera avoir pris trois produits sur autorisation préalable de Mme [X].

Par courrier recommandé du 31 octobre 2019, la salariée s’est vue notifier son licenciement pour faute grave.

***

Contestant son licenciement, Mme [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de Brive par une demande reçue le 24 février 2020.

Par jugement du 27 septembre 2021, le conseil de prud’hommes de Brive a :

– dit que le licenciement pour faute grave est fondé ;

– dit que le licenciement pour cause réelle et sérieuse est fondé ;

– débouté Mme [Y] de toutes ses demandes ;

– dit que chacune des parties conserve ses dépends y compris les frais éventuels d’exécution du présent jugement.

Mme [Y] a interjeté appel de la décision le 15 octobre 2021. Son recours porte sur l’ensemble des chefs de jugement.

***

Aux termes de ses écritures du 12 juillet 2022, Mme [J] [Y] demande à la cour :

– d’infirmer le jugement dont appel ;

A titre principal, de :

– déclarer que le licenciement ne repose pas sur une faute grave ;

– en conséquence, condamner la société SEPHORA à lui verser les sommes suivantes :

* 4.552,64 € d’indemnité compensatrice de préavis ;

* 455,26 € d’indemnité congés payés sur préavis ;

* 11.821,68 € d’indemnité de licenciement ;

* 1.868 € de dommages-intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat ;

* 30.000 € de dommages-intérêts pour absence de cause réelle et sérieuse de licenciement ;

* 25.000 € de dommages-intérêts pour licenciement abusif et vexatoire ;

– condamner la société SEPHORA au remboursement des allocations POLE EMPLOI ;

A titre subsidiaire, si la Cour retient l’existence d’un manquement, de :

– déclarer que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ;

– en conséquence, condamner la société SEPHORA à lui verser les sommes suivantes :

* 4.552,64 € d’indemnité compensatrice de préavis ;

* 455,26 € d’indemnité congés payés sur préavis ;

* 11.821,68 € d’indemnité de licenciement ;

* 1.868 € de dommages-intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat ;

* 25.000 € de dommages-intérêts pour licenciement abusif et vexatoire ;

– condamner la société SEPHORA au remboursement des allocations POLE EMPLOI ;

– condamner la même à 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Mme [Y] conteste l’existence d’une quelconque faute grave, l’employeur ne disposant en tout état de cause d’aucun élément matériel loyal, se fondant uniquement sur des échanges de SMS obtenus de manière déloyale en violation du secret des correspondances et du principe de l’intégralité de la preuve. En effet, elle précise que c’est à la demande de la société SEPHORA que Mme [X] a contacté Mme [E] pour obtenir des éléments permettant de se séparer de plusieurs salariées, sans recourir au licenciement économique, cause inavouable à l’origine de son licenciement. En outre, elle indique que la pratique pour laquelle elle a été licenciée était admise par l’employeur, bien que contraire aux règles internes. Ainsi, parmi les process mis en place par la société employeur, il est imposé aux conseillères de se maquiller et une trousse de maquillage leur est remise à cet effet, sans qu’elle contienne le démaquillant ou la crème de soin en lien, produit que les salariées étaient autorisées à prendre parmi les testeurs déjà ouverts par les clientes, aucune faute grave ne pouvant donc être caractérisée. Enfin, elle fait valoir l’importance du préjudice subi en raison des conditions brutales et vexatoires de son licenciement.

Aux termes de ses écritures du 31 mars 2022, la société SEPHORA demande à la cour de :

– à titre principal, de confirmer dans toutes ses dispositions le jugement critiqué;

A titre subsidiaire, si la Cour considérait que le comportement de Mme [Y] n’est pas constitutif d’une faute grave :

– constater qu’il repose sur une cause réelle et sérieuse ;

– en conséquence, limiter strictement l’indemnisation de Mme [Y] au versement de son indemnité compensatrice de préavis et congés y afférents, ainsi qu’au versement de l’indemnité légale de licenciement ;

– débouter Mme [Y] de toutes ses autres demandes, fins et conclusions contraires ;

A titre infiniment subsidiaire, si la Cour devait estimer que le licenciement de Mme [Y] est dénué de cause réelle et sérieuse, de :

– constater que Mme [Y] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l’étendue et de la réalité de son préjudice ;

– en conséquence, de limiter strictement l’indemnisation du préjudice allégué à hauteur de 3 mois de salaires, soit la somme de 6.798,69 € ;

– débouter Mme [Y] de toutes ses autres demandes, fins et conclusions contraires ;

En tout état de cause, de :

– confirmer le jugement critiqué en ce qu’il a débouté Mme [Y] de sa demande à hauteur de 1.868 € de dommages-intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat, ainsi qu’en ce qu’il l’a déboutée de sa demande à hauteur de 25.000 € de dommages-intérêts pour licenciement abusif et vexatoire.

La société SEPHORA soutient que le licenciement notifié est parfaitement fondé au regard de la violation caractérisée et répétée de ses obligations contractuelles et professionnelles par la salariée, constituant une faute grave. Elle précise que l’article III-16 du règlement intérieur prévoit une interdiction pour le personnel ‘d’acheter, de sortir ou de prendre possession, dans un magasin ou au siège, d’objets, produits, produits en vrac, cadeaux fournisseurs, échantillons ou testeurs, même abîmés, détériorés, démodés ou inutilisables, sans contrôle et autorisation du directeur habilité qui vise le bordereau d’achat ou de sortie des produits. Cette validation se concrétise par le pastillage de chaque produit par la personne habilitée’. Les témoignages et éléments objectifs – loyalement obtenus – versés aux débats permettent d’établir la réalité et la matérialité des manquements constatés. Elle précise qu’aucun accord de la hiérarchie n’était intervenu, contrairement aux allégations de Mme [Y]. De même, elle conteste le principe d’un licenciement dont le réel motif serait économique, l’ensemble des salariées licenciées ayant été remplacées

A titre subsidiaire, la société SEPHORA expose que les griefs constituent, à tout le moins, une cause réelle et sérieuse de licenciement.

A titre infiniment subsidiaire, elle soutient que la demande indemnitaire de Mme [Y] au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse devra nécessairement être limitée dans son quantum, les autres demandes indemnitaires étant infondées (remise tardive des documents de fin de contrat et licenciement abusif et vexatoire).

L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 août 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, des prétentions et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.

MOTIFS DE LA DECISION

1/ Sur la rupture du contrat de travail

Tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse (article L 1232-1 du code du travail).

La faute grave, selon une jurisprudence constante, est celle qui autorise le licenciement pour motif disciplinaire en raison d’un fait ou d’un ensemble de faits, imputable au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations du travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien d’un salarié dans l’entreprise.

C’est à l’employeur, qui invoque l’existence d’une faute grave, d’en rapporter la preuve.

C’est au regard des motifs énoncés dans la lettre de licenciement que s’apprécie son bien fondé.

Mme [J] [Y] a été licenciée pour faute grave pour avoir, à plusieurs reprises, manqué aux règles strictes applicables au sein de la Société SEPHORA relatives aux procédures de sortie des produits du magasin.

1/1 sur l’existence d’une faute et sa qualification :

Il est reproché à Mme [J] [Y], dans sa lettre de licenciement, de s’être appropriée, à l’occasion de l’exercice de ses fonctions de conseillère de vente au sein du magasin SEPHORA BRIVE, un démaquillant dans le bac casse de la marque GUERLAIN, et trois produits destinés à la casse dont un de la marque STRICTEVIN et un de la maque REXALINE.

1/1/1 sur la recevabilité des échanges SMS en tant que preuve des faits fautifs invoqués :

Il s’agit d’échanges enregistrés sous la forme de SMS qui ont été remis directement par une autre salariée licenciée, Mme [E] à sa responsable hiérarchique, Mme [X], et dont l’irrecevabilité pour déloyauté est alléguée par Mme [Y], laquelle n’était pas partie aux échanges en question.

C’est de manière justifiée que les premiers juges se sont référés à la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle ‘si l’enregistrement d’une conversation téléphonique privée, effectuée à l’insu de l’auteur des propos invoquées, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue, il n’en est pas de même de l’utilisation par le destinataire des messages écrits téléphoniquement adressés dit SMS dont l’auteur ne peut ignorer qu’ils sont enregistrés par l’appareil récepteur’ (Cass.soc., 23 mai 2007 n°06-43209).

Les SMS (Short Message Service) sont ainsi assimilés à des lettres missives et constituent une preuve admissible par leur destinataire qui en devient propriétaire, ce qui les différencie d’éventuelles écoutes ou enregistrements téléphoniques.

Dans un arrêt plus récent, cette juridiction a précisé qu’il résulte des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, que le droit à la preuve peut justifier la production en justice d’éléments extraits du compte privé Facebook d’un salarié portant atteinte à sa vie privée, à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi (Cass.soc., 30 septembre 2020 n°19-12058). Cet arrêt a été confirmé le 25 novembre 2020 mais en visant cette fois les lois informatiques et libertés (Cass.soc., 25 novembre 2020 n°17-19.523).

En l’occurrence il ne s’agit pas d’un enregistrement effectué à l’insu de la salarié et il n’y a pas violation du secret des correspondances dès lors que c’est la salariée propriétaire et utilisatrice du téléphone qui a, elle-même capturé et montré à son employeur les échanges écrits qu’elle avait eu avec une autre salariée, exclusivement au sujet de l’appropriation de produits du magasin.

Le fait que Mme [Y] n’ait pas participé à ces échanges écrits, mais soit simplement citée, n’est pas de nature à rendre ce moyen de preuve irrecevable à son égard, dès lors qu’il a été versé au débat et qu’elle a été en mesure d’en discuter la valeur probante comme tout élément de preuve extérieur à une partie. Par ailleurs la société SEPHORA n’a pas obtenu ces messages SMS par ruse ou stratagème, comme le prétend Mme [Y]. Mme [X], responsable adjointe, a attesté, dans les formes légales, qu’elle s’était rendue compte qu’un produit de soin CLINIQUE avait disparu du placard des testeurs maquillage où elle l’avait laissé quelques jours plus tôt. En questionnant les membres de l’équipe, l’une d’entre elle, [M] [E], a fini par lui avouer qu’elle avait volé un produit testeur obsolète qui partait à la casse, que ce n’était pas la première fois et qu’elles étaient quatre à l’avoir fait, en identifiant les auteurs dont [J] [Y] qui avait demandé à [M] de se dénoncer, et une certaine [O]. C’est Mme [E] qui a indiqué à Mme [X] qu’elle avait échangé par SMS avec [O] [Z] à ce sujet.

Pour démonter que Mme [X] était à l’origine de la discussion et en avait dicté le contenu à [M] [E] au fil des échanges, Mme [Y] verse aux débats une pièce (13) qui ne figure pas dans le présent dossier mais dans le dossier de [M] [E] (RG 21/0890) et au sujet de laquelle la société SEPHORA a présenté ses observations de sorte qu’elle est recevable. Cependant Il ne s’agit pas d’une capture d’écran mais d’un document censée reproduire, sur un seul feuillet, des extraits de conversation entre Mme [X] et Mme [E], sans même que les noms ou prénoms des différents auteurs des messages ne soient identifiés au fil des extraits juxtaposés. Il existe manifestement une discontinuité dans les messages laissant deviner une absence de reproduction de l’intégralité de la conversation. Une telle pièces ne présente pas suffisamment de garantie d’authenticité pour constituer un mode de preuve fiable et probant. Elle ne peut donc pas être prise en considération.

La découverte par Mme [X], de l’existence d’éléments laissant penser que des vols de produits étaient commis par des salariés ne rendait pas illégitime l’insistance de l’employeur à faire la lumière sur une situation préjudiciable à l’entreprise, y compris en lui demandant d’établir une attestation ou d’obtenir communication des messages échangés entre les personnes impliquées dans les faits incriminés.

Les messages SMS produits par la société SEPHORA ont été échangés entre [M] [E] et [O] [Z]. Il s’agit de captures d’écran du téléphone de Mme [E] faisant apparaître leur conversation permettant de différencier les auteurs de chaque SMS et faisant apparaître le minutage ce qui permet d’en vérifier l’authenticité.

La production en justice par l’employeur de messages SMS échangés par des salariés de l’entreprise qui lui avaient été remis par l’une d’entre elles et qui concernaient exclusivement les faits de vol qu’il suspectait, était conforme à l’intérêt pour l’employeur d’assurer la protection de ses biens et le bon fonctionnement de l’entreprise, dans le but légitime d’exercer son pouvoir disciplinaire ou son droit de licencier, revêtait un caractère indispensable à l’exercice de ces droits et ne constituait pas une atteinte disproportionnée au but poursuivi.

1/1/2 sur les faits incriminés et leur qualification :

Lors de l’entretien préalable qui s’est tenu le 8 octobre 2019, Mme [Y] a reconnu avoir pris un démaquillant dans le bac ‘casse’ de la marque GUERLAIN, a réfuté avoir pris quatre démaquillants et a indiqué avoir pris uniquement trois produits destinés à la casse dont un de la marque STRICTEVIN et un de la maque REXALINE.

Sa fiche de poste de Conseillère de vente de magasin au sein de la Société SEPHORA lui rappelait pourtant l’obligation pour les salariés de respecter strictement les procédures internes et l’article III-16 du règlement intérieur précisait ‘Il est interdit pour tout le personnel d’acheter, de sortir ou de prendre possession, dans un magasin ou au siège, d’objets, produits, produits en vrac, cadeaux, fournisseurs, échantillons ou testeurs, même abîmés, détériorés, démodés ou inutilisables, sans contrôle et autorisation du directeur habilité qui vise le bordereau d’achat ou de sortie des produits. Cette validation se concrétise par le pastillage de chaque produit par la personne habilitée…’

Mme [Y] ne peut utilement prétendre qu’elle a été autorisée à prendre, pour les besoins de son activité professionnelle, des produits dans le bac de casse alors qu’elle se fonde pour le démontrer sur la seconde attestation de Mme [X] laquelle évoque une autorisation précise au sujet de trois produits dans les bacs de ‘casse’ qui étaient dans la réserve depuis des semaines mais ne se réfère aucunement aux faits objet du licenciement en cause. La suite de l’attestation révèle que Mme [X] s’efforçait de défendre Mme [Y], indiquant qu’elle ne pensait pas que les sanctions envers les conseillères seraient sévères car elles avaient toujours été dignes de confiance. C’est d’ailleurs la même, Mme [X], qui a dénoncé les vols auprès de sa direction comme elle l’a explicité, de manière détaillée, dans sa première attestation dont la teneur a été précédemment rapportée et dont elle ne remet pas en cause la réalité dans la seconde attestation.

En outre les messages sous forme de SMS échangés entre Mmes [M] [E] et [O] [Z], autre salariée, révèlent qu’en réalité les vols de produits, auxquels participaient Mme [Y], étaient plus nombreux que ceux découverts par Mme [X] mais qu’il était quasiment impossible que cette dernière les découvre car les salariés veillaient à agir de manière à n’être pas filmées par les caméras.

La réalité des faits d’appropriation par Mme [Y] des produits du magasin, en dehors de la procédure d’autorisation détaillée dans le règlement intérieur, est avérée et rien ne permet d’accréditer les allégations de la salariée selon laquelle il s’agirait d’un simple prétexte utilisé par l’employeur pour supprimer son poste, d’autant qu’il apparaît, selon la capture écran du logiciel informatique interne de la Société SEPHORA que le magasin de SEPHORA BRIVES a toujours été composé d’un directeur de magasin, d’une spécialiste et de 5 conseillères de vente, y compris après le licenciement de Mme [Y].

En revanche la procédure de licenciement pour faute grave doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits fautifs. Elle impose le départ immédiat du salarié, le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis. A ce titre c’est de manière justifiée que Mme [Y], fait valoir que la Société SEPHORA a démontré l’absence de gravité des faits reprochés en l’ayant laissé travailler au sein du magasin parfois seule, pour des ouvertures ou des fermetures du magasin, et en ayant attendu plus d’un mois après la découverte des faits pour prononcer son licenciement pour faute grave.

Par ailleurs, Mme [J] [Y] disposait, au jour de son licenciement, d’une ancienneté de plus de 18 années et avait toujours donné entière satisfaction à son employeur.

Ainsi, il y lieu de considérer que le licenciement de Mme [Y] n’est pas justifié par l’existence d’une faute grave. En revanche la faute commise et réitérée par Mme [Y] constitue un manquement à ses obligations contractuelles et à la probité qui rend son licenciement justifié pour cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré sera en conséquence infirmé de ce chef.

1/2 Sur les conséquences de l’absence de faute grave :

1/2/1 Sur le rappel de salaire au titre du préavis et des congés payés afférents :

En raison de l’absence de faute grave Mme [J] [Y] a droit au versement de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents à cette période.

Selon les dispositions de l’article L1234-1 du Code du travail en cas de licenciement d’un salarié ayant une ancienneté d’au moins 2 ans, le préavis est d’une durée de 2 mois.

La rémunération moyenne annuelle de Mme [J] [Y] est, sans contestation, de 2.276,32 €. Son indemnité de préavis est donc d’un montant de 4.552.64 € (2.276.32 € x 2) et celle au titre des congés payés afférents de 455.26€.

1/2/2 Sur l’indemnité de licenciement :

Mme [Y], comptait, au jour de la rupture de son contrat de travail une ancienneté de 18 ans et 1 mois.

Son indemnité de licenciement s’élève à la somme de 11.821.68 €.

1/2/3 Sur la demande de dommages intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat :

Les premier juges seront confirmés en ce qu’ils ont débouté Mme [Y] de sa demande en paiement de la somme de 1.868 € présentée sur ce fondement alors que le délai pris par l’employeur pour éditer les documents de fin de contrat, en l’absence de preuve d’une réclamation expresse de la salariée laquelle ne justifie d’aucun préjudice, était inférieur à trois semaines.

1/2/4 Sur la demande de dommages intérêts pour licenciement abusif et vexatoire:

Mme [Y] demande à la cour de condamner la société SEPHORA à lui verser la somme de 25.000 € en réparation de son préjudice financier et moral entraîné par la rupture brutale et vexatoire de son contrat de travail.

Toutefois, il n’existe aucune circonstance particulière permettant de retenir le caractère abusif et vexatoire du licenciement de Mme [Y] qui était fondé sur une cause réelle et sérieuse.

C’est à juste titre qu’elle a été déboutée de ce chef de demande en première instance.

2/ Sur les demandes accessoires

2/1 Sur le remboursement des allocations Pôle Emploi :

Le licenciement n’étant pas déclaré nul ou sans cause réelle et sérieuse la présente juridiction ne doit pas, d’office ordonner le remboursement par l’employeur fautif, à Pôle Emploi, de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage (article L 1.235-4 du Code du travail), comme cela est demandé par Mme [Y].

2/2 Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

La société SEPHORA, qui n’obtient pas gain de cause, sera condamnée aux dépens de la procédure de première instance et d’appel.

L’équité commande de la condamner à verser à Mme [Y] une indemnité de 1.500 €, au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

Statuant à nouveau ;

DECLARE que le licenciement de Mme [J] [Y] repose sur une cause réelle et sérieuse non sur une faute grave ;

CONDAMNE la SAS SEPHORA à verser à Mme [J] [Y] les sommes suivantes :

– Indemnité compensatrice de préavis : 4.552.64€

– Indemnité congés payés sur préavis : 455.26 €

– Indemnité de licenciement : 11.821.68 €

DEBOUTE Mme [J] [Y] de ses demandes en paiement de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat et pour licenciement abusif et vexatoire ;

DEBOUTE Mme [J] [Y] de sa demande de condamnation de la société SEPHORA au remboursement des allocations POLE EMPLOI ;

CONDAMNE la SAS SEPHORA aux dépens de première instance et d’appel ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société SEPHORA à verser à Mme [Y] une indemnité de 1.500 € ;

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Line MALLEVERGNE Pierre-Louis PUGNET

 


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