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13 décembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n°
21-87.333
N° M 21-87.333 F-B
N° 01562
SL2
13 DÉCEMBRE 2022
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 13 DÉCEMBRE 2022
Mme [O] [W], partie civile, a formé un pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Bastia, en date du 8 décembre 2021, qui, dans l’information suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée, des chefs de violation du secret des correspondances par une personne dépositaire de l’autorité publique et recel, a confirmé l’ordonnance de non-lieu rendue par le juge d’instruction.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de Mme [O] [W], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 15 novembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Suite à une tentative d’assassinat survenue sur la personne de M. [T] [H] le 12 juillet 2014, M. [P] [B] et M. [J] [C] ont fait l’objet de perquisitions et ont été placés en garde à vue.
3. Lors de cette mesure, ils ont été assistés par Mme [O] [W], avocate.
4. Ni M. [C] ni M. [B] n’ont été déférés ou mis en examen à ce stade.
5. Le 24 juillet 2014, une information judiciaire a été ouverte.
6. Dans le cadre d’une commission rogatoire en date du 25 juillet 2014, la ligne téléphonique de M. [B] a fait l’objet d’une interception.
7. M. [C] a été, à nouveau, placé en garde à vue le 15 octobre 2014. Il a fait l’objet d’un premier mandat d’amener, a été laissé en liberté le 20 octobre 2014, puis a fait l’objet d’un nouveau mandat d’amener, a été mis en examen et placé en détention provisoire le 22 octobre 2014.
8. Plusieurs conversations entre M. [B] et Mme [W] ont été interceptées le 17 octobre 2014 et retranscrites le 21 octobre 2014.
9. Un procès-verbal de synthèse du 22 janvier 2015 y fait référence.
10. Par arrêt du 7 mars 2016, la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence a ordonné l’annulation ou la cancellation des pièces en cause, considérant que les interceptions ne révélaient pas d’indices de la participation de l’avocat à l’infraction.
11. Le 7 juin 2016, Mme [W] a déposé une plainte simple pour violation du secret des correspondances par une personne dépositaire de l’autorité publique et recel, qui a fait l’objet d’un classement sans suite le 7 juillet 2016.
12. Elle a déposé une plainte avec constitution de partie civile de ces mêmes chefs le 23 mars 2017.
13. Une ordonnance de non-lieu a été rendue le 14 juin 2021.
14. Mme [W] a interjeté appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
15. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a confirmé l’ordonnance de non-lieu à suivre rendue le 14 juin 2021 par le juge d’instruction du tribunal judiciaire d’Ajaccio, alors :
« 1°/ que l’article 432-9 du code pénal incrimine le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, agissant dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, d’ordonner, de commettre ou de faciliter, hors les cas prévus par la loi, le détournement, la suppression ou l’ouverture de correspondances ou la révélation du contenu de ces correspondances ; que l’élément intentionnel de ce délit est constitué par la seule volonté de l’auteur de porter atteinte au secret d’une correspondance, peu important les mobiles qui aient pu l’animer ; qu’après avoir retenu que l’élément légal de l’infraction d’atteinte au secret des correspondances était constitué par les procès-verbaux comportant les conversations tenues entre Me [W] et son client M. [P] [B] (arrêt attaqué, p. 7, 2ième §), la Chambre de l’instruction a retenu, pour dire que l’élément intentionnel n’était pas caractérisé, que la fonctionnaire de police ayant procédé aux interceptions avait déclaré ne pas avoir connaissance des éléments de l’enquête, agissant uniquement sur instructions des officiers de police judiciaire, et que le juge d’instruction qui avait ordonné les interceptions téléphoniques et versé les retranscriptions à la procédure avait considéré qu’il n’existait pas au moment de la conversation de relation client/avocat entre Me [W] et M. [B], faute de mise en examen de ce dernier, et que selon lui, la teneur des conversations interceptées était susceptible de constituer une violation par Me [W] du secret professionnel, celle-ci faisant état à un tiers du déroulement d’une garde à vue ; que la cour d’appel a également retenu que l’enquêteur ayant procédé à la retranscription des communications interceptées avait indiqué estimer que les conversations enregistrées ne lui avaient pas « paru avoir de rapport quelconque avec les droits de la défense de [P] [B] », et que le magistrat instructeur auquel il avait communiqué ces éléments lui avait indiqué que la retranscription des propos échangés pouvait s’effectuer dans un « cadre parfaitement légal », et qu’enfin, il n’apparaissait pas que les conservations interceptées auraient étaient relatives à la défense des intérêts de M. [B] ; qu’en statuant par de tels motifs, impropres à exclure l’élément moral de l’infraction objet de la plainte de Me [W], lequel découle de la seule conscience de l’auteur de porter atteinte au secret des correspondances, peu important le mobile l’y ayant conduit ni les circonstances, sauf cas expressément prévus par la loi, dans lesquelles l’interception des conversations litigieuses était intervenu, la Chambre de l’instruction a violé l’article 342-9 du code pénal, ensemble les articles 80-1 et 591 du code de procédure pénale, et l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’Homme ;
2°/ que les échanges entre un avocat et son client sont protégés quel qu’en soit l’objet, sous la seule réserve de l’existence de soupçons de participation de l’avocat à la commission d’une infraction ; qu’en écartant l’existence de charges suffisantes d’instruire du chef d’atteinte au secret des correspondances, quand il résultait de l’arrêt de la Chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 7 mars 2016 ayant annulé les retranscriptions litigieuses pour violation de l’article 100-5 du code de procédure pénale, que l’interception et la transcription des échanges entre Me [W] et son client était illégale, et quand elle relevait en outre que les interceptions litigieuses avaient été effectuées afin de conforter la thèse des enquêteurs selon laquelle M. [B] aurait tenu un « rôle central de logisticien » dans une « équipe de malfaiteurs faisant l’objet d’investigations », non en raison de soupçons de participation de l’avocate à l’infraction, la Chambre de l’instruction a encore méconnu l’article 342-9 du code pénal, ensemble les articles 80-1, 100-5 et 591 du code de procédure pénale, ensemble l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’Homme ;
3°/ que constitue le délit d’atteinte au secret des correspondances le fait d’intercepter en connaissance de cause une conversation entre un avocat et son client, peu important les mobiles de l’auteur de cette interception et sans que le fait d’avoir exécuté un ordre ne puisse constituer un fait justificatif ou une excuse ; qu’en se fondant sur les motifs inopérants que l’interception des communications entre Me [W] et M. [B] avait été réalisée dans le cadre d’une commission rogatoire et que le juge d’instruction avait indiqué aux deux enquêteurs ayant procédé à cette interception et à la retranscription des propos échangés sur procès-verbaux que cette retranscription pouvait s’effectuer dans un « cadre parfaitement légal », la Chambre de l’instruction a violé l’article 342-9 du code pénal, ensemble l’article 122-4 du même code les articles 80-1, 100-5 et 591 du code de procédure pénale, et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’Homme ;
4°/ que le juge ne doit pas dénaturer les pièces du dossier ; qu’en énonçant qu’il résultait des échanges téléphoniques entre Me [W] et son client (pièces D 3638 à D 3641) que le déroulement de la mesure de garde à vue de M. [C] y était évoqué, quand Me [W] s’était bornée à évoquer les différentes éventualités procédurales qui pourraient survenir sans évoquer le déroulement de la garde à vue de M. [C], la Chambre de l’instruction a dénaturé les procès-verbaux de transcription litigieux et énoncé un fait contraire aux pièces de la procédure ;
5°/ qu’il résulte des propres énonciations de l’arrêt attaqué (p. 7 ; ordonnance de non-lieu, p. 2-3) que l’officier de policer judiciaire ayant procédé à la transcription des communications entre Me [W] et son client, ainsi que le fonctionnaire de police , s’étaient rapprochés du juge d’instruction, en prétendant que ce dernier lui avait indiqué la retranscription des communications interceptées entre Me [W] et M. [B] pouvait être effectuée dans un « cadre parfaitement légal » ; qu’en s’abstenant de rechercher si le fait que les enquêteurs se soient rapprochés du juge d’instruction pour l’informer des éléments recueillis dans le cadre de l’interception des conversations entre Me [W] et son client et solliciter son avis sur la légalité de l’intégration de ces éléments à la procédure pénale en cours ne caractérisait pas l’existence d’indices graves ou concordants de la commission du délit d’atteinte au secret des correspondances, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article 342-9 du code pénal, ensemble les articles 80-1 et 593 du code de procédure pénale, et l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’Homme. »
Réponse de la Cour
16. Pour confirmer l’ordonnance de non-lieu, l’arrêt attaqué relève notamment que la lecture des transcriptions litigieuses permet de constater qu’il n’est à aucun moment question de la défense des intérêts de M. [B] mais qu’il est au contraire fait référence à la situation d’autres personnes, certaines faisant manifestement l’objet d’actes d’information en cours au moment de l’interception, comme M. [C], dont le placement en garde à vue, à compter du 15 octobre 2014, est évoqué.
17. Les juges ajoutent que la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence n’a d’ailleurs pas indiqué que ces conversations relevaient « de l’exercice des droits de la défense », et qu’il ne saurait, en outre, être déduit de sa motivation que les transcriptions contestées caractériseraient l’élément intentionnel de l’infraction définie par l’article 432-9 du code pénal.
18. Ils en déduisent qu’il n’existe pas de charges suffisantes contre quiconque d’avoir eu l’intention de porter atteinte au contenu de correspondances protégées.
19. En l’état de ces énonciations, d’où il se déduit l’absence d’intention du juge d’instruction et des enquêteurs de porter atteinte au contenu des correspondances protégées, ce qui ne pourrait résulter que d’un détournement de procédure, la chambre de l’instruction, qui n’a pas dénaturé le contenu des transcriptions litigieuses, a justifié sa décision.
20. Ainsi, le moyen doit être écarté.
21. Par ailleurs, l’arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize décembre deux mille vingt-deux.