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18 janvier 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
22/00614
18/01/2023
ARRÊT N°35/2023
N° RG 22/00614 – N° Portalis DBVI-V-B7G-OTPA
CBB/CD
Décision déférée du 18 Janvier 2022 – Tribunal de Commerce d’ALBI ( 2021 02326)
M. [N]
[K] [H]
[E] [B]
C/
S.A.R.L. MA PETITE MERCERIE
ADD
REOUVERTURE DES DÉBATS
LE 20 FÉVRIER 2023
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU DIX HUIT JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTS
Madame [K] [H]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Lionel PUECH-COUTOULY, avocat au barreau de TOULOUSE
Monsieur [E] [B]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Lionel PUECH-COUTOULY, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE
S.A.R.L. MA PETITE MERCERIE
Prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Bernard DE LAMY, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et Me Christine CAUSSE GABARROU, avocat plaidant au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C. BENEIX-BACHER, Présidente, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BENEIX-BACHER, président
E.VET, conseiller
A. MAFFRE, conseiller
Greffier, lors des débats : I. ANGER
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par I. ANGER, greffier de chambre
FAITS
La SARL Ma Petite Mercerie a pour activité la vente en ligne de tissus et d’articles de mercerie.
Mme [H] y a été engagée le 1er octobre 2011 en qualité d’assistante de direction et M. [B] le 15 février 2016 en qualité de responsable informatique.
En 2016 Mme [H] a parallèlement créé en auto entreprise, en accord avec son employeur, une activité de prêt-à-porter de vêtements féminins, sous la marque « Haut Chic Bas Choc » et ses réalisations ont été commercialisées via un site internet développé par M. [B]. Mme [H] animait également des ateliers créatifs et se fournissait essentiellement auprès de la SARL Ma Petite Mercerie.
M. [B] et Mme [H] ont été licenciés en 2020 pour non respect de leur obligation de loyauté, ils ont tous deux saisi le conseil des Prud’hommes d’une contestation de leur licenciement.
En février 2021, à l’occasion de recherches sur son serveur en vue de l’information de sa clientèle sur l’ouverture à [Localité 4] d’un nouveau point de retrait de commandes via une newsletter, la SARL Ma Petite Mercerie a découvert que M. [B] avait le 25 mars 2019 accédé à son serveur et avait concomitamment transféré ce fichier clients à Mme [H] sur son adresse mail personnelle. Elle a mandaté un Huissier de justice le 25 février 2021, pour constater ces faits.
PROCEDURE
Par requête en date du 20 juillet 2021, la SARL Ma Petite Mercerie a saisi le Président du tribunal de commerce d’Albi pour obtenir sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, une mesure d’instruction.
Par ordonnance sur requête en date du 21 juillet 2021, le président a’:
– mandaté l’étude d’huissier de justice SCP Laurent Vialelle Nicolas Merle Beral Nadège Calmes, demeurant [Adresse 2], ou tout autre huissier qu’il vous plaira, avec pour mission de se rendre : [Adresse 1], adresse de la marque Haut Chic Bas Choc,
– autorisé l’huissier instrumentaire, tant dans le bâtiment principal que dans tous bâtiments annexes dudit lieu le cas échéant, à procéder à la description et au besoin en prenant photographie, copie ou photocopie de tous documents et/ou informations notamment accessibles par ordinateur dont pourra résulter la preuve de :
*La nature et l’origine des éléments concernant les activités de la requérante, trouvés et stockés par Haut Chic Bas Choc,
*Le chiffre d’affaires, la marge brute et les bénéfices générés par ses éléments,
Tels que notamment factures d’achat ou contrats d’achats précisant l’identité de leurs fournisseurs, factures de vente ou bons de livraison précisant le canal de vente et l’identité des acheteurs et généralement tout document dont pourra résulter la preuve de la nature et de l’origine des éléments trouvés ainsi que les revenus ainsi générés ;
– autorisé l’huissier instrumentaire, tant dans le bâtiment principal que dans tous bâtiments annexes dudit lieu le cas échéant, à se faire présenter, au besoin à se faire ouvrir tous meubles, ordinateurs, fichiers d’ordinateurs, clés, disques durs externes, serveurs tant de Mme [H] que de M. [B], à se faire remettre ou rechercher tous documents ci-avant visés ;
– dit que pour ce faire l’huissier instrumentaire pourra :
* accéder à toute pièce et tout local dans lequel serait stockés ou archivés les éléments ci-dessus visés, se faire communiquer les logins et mots de passe nécessaires à l’exécution de sa mission, et, en cas de refus ou de difficulté, autoriser l’huissier, assisté de tout éventuel technicien informatique, à accéder et à compulser tout matériel, logiciels ou unité de stockage susceptible de contenir tout ou partie des éléments susvisés ;
* mener toutes recherches sur les supports papier et informatique, au besoin par sondage, en utilisant les mots clés suivants :
Ma Petite Mercerie
MPM
[X], et/ou [R] et/ou [A]
comptes annuels
fichier(s) client(e) /fichier(s) clients(es)
fichier(s) fournisseur(e)
Et ce à compter du 1 er janvier 2015
* prendre copie des éléments de preuve
– dit qu’en cas d’absence de photocopieur sur place ou d’impossibilité d’utiliser l’appareil existant sur place, l’huissier instrumentaire pourra emporter momentanément les pièces à copier afin de les reproduire en son étude, à charge pour lui de les restituer aussitôt après copie faîte ;
– dit que si les informations utiles sont conservées sur un support autre que papier (et notamment ordinateur, ordinateur portable, téléphone portable, disque dur externe, clef USB ou CD), l’huissier instrumentaire sera autorisé à réaliser ou faire réaliser une édition sur papier desdits documents ou toute copie sur tout support approprié en sa possession ou en utilisant les moyens disponibles sur place ;
– autorisé l’huissier instrumentaire à faire d’une façon générale toutes recherches ou constatations utiles dans le but de découvrir la nature et l’origine des éléments relatifs à la requérante et en possession de Mme [H] et/ou M. [B] pour Haut Chic Bas Choc, et à dresser procès-verbal de tous les renseignements recueillis ;
– autorisé l’huissier instrumentaire à se faire assister par :
* tout technicien informatique
* tout expert-comptable
* tout commissaire de Police compétent ou tout représentant de la force publique
* tout serrurier
– autorisé l’huissier instrumentaire à consigner toutes déclarations des répondants et d’une façon générale toutes paroles qui seront prononcées au cours des opérations mais en s’abstenant de toutes interpellations autres que celles nécessaires à l’accomplissement de sa mission.
– dit que les dépens de la présente sont à la charge du requérant
Par requête rectificative en date du 7 septembre 2021, la SARL Ma Petite Mercerie a saisi à nouveau le Président du tribunal de commerce d’Albi.
Par ordonnance rectificative en date du 8 septembre 2021, le Président a maintenu la mission mais l’a élargie à compter du 1er janvier 2011.
Les investigations ont été réalisées le 29 octobre 2021.
Par acte en date du 18 novembre 2021, Mme [H] et M. [B] ont fait assigner la SARL Ma Petite Mercerie en référé devant le président du tribunal de commerce d’Albi, pour obtenir, sur le fondement des articles 145 et 493 et suivants du code de procédure civile, la rétractation des ordonnances rendues le 21 juillet et le 8 septembre 2021 et la restitution des éléments saisis ou leur destruction.
Par ordonnance contradictoire en date du 18 janvier 2022, le juge a’:
– débouté M. [B] et Mme [H] de leur demande en rétractation des ordonnances rendues sur requête les 21 juillet et 8 septembre 2021, et de l’intégralité de leurs demandes ;
– confirmé en conséquence les mesures d’instructions ordonnées par M. le Président du Tribunal de Commerce d’Albi les 21 juillet et 8 septembre 2021 ;
– dit que l’Huissier de justice devra filtrer et extraire de son constat, les éléments qui se rapporteraient au secret des affaires, au secret des correspondances ;
– condamné M. [B] et Mme [H] in solidum, au paiement de la somme de 300,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que les entiers dépens de l’instance restent à la charge de M. [B] et Mme [H], outre le coût de la signification de la présente décision.
Par déclaration en date du 9 février 2022, M. [B] et Mme [H] ont interjeté appel de la décision. L’ensemble des chefs du dispositif de l’ordonnance sont critiqués, à l’exception de ce que le juge a dit que l’Huissier de justice devra filtrer et extraire de son constat, les éléments qui se rapporteraient au secret des affaires, au secret des correspondances.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
M. [B] et Mme [H], dans leurs dernières écritures en date du 13 octobre 2022 demandent à la cour, au visa des articles 145, 493 et 497 du code de procédure civile, de’:
– infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a:
* débouté M. [B] et Mme [H] de leur demande en rétractation des ordonnances rendues sur requête les 21 juillet 2021 et 8 septembre 2021 ;
* débouté M. [B] et Mme [H] de leur demande de nullité des opérations réalisées en exécution desdites ordonnances par le ministère de la SCP Viallele ‘ Merle Beral. ‘ Calmes et tous actes subséquents ;
* débouté M. [B] et Mme [H] de leur demande de restitution entre leurs mains de l’ensemble des éléments saisis ou de leur destruction, pour les données qui ne seraient que des copies ;
* débouté M. [B] et Mme [H] de leur demande de justification de cette destruction par toute attestation de l’Huissier de justice ;
* débouté M. [B] et Mme [H] de leur demande de condamnation de la SARL Ma Petite Mercerie au paiement de la somme de 3 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre le remboursement des entiers dépens de l’instance ;
* confirmé en conséquence les mesures d’instructions ordonnées par M. le Président du tribunal de commerce d’Albi les 21 juillet et 8 septembre 2021 ;
* condamné M. [B] et Mme [H] in solidum au paiement de la somme de 300 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
* dit que les entiers dépens de l’instance restent à la charge de
M. [B] et Mme [H], outre le coût de la signification de la décision.
et statuant à nouveau, à titre principal’:
– rétracter l’ordonnance sur requête rendue le 21 juillet 2021 et celle du 08 septembre 2021 ;
– ordonner la nullité des opérations réalisées en exécution desdites ordonnances par le ministère de la SCP Viallele ‘ Merle Beral. ‘ Calmes et tous actes subséquents ;
en tout état de cause
– rétracter l’ordonnance sur requête rendue le 21 juillet 2021 et celle du 08 septembre 2021 pour les périodes antérieures au 1er octobre 2011 et postérieure au 31 mars 2021 (le site HCBC a été supprimé );
en tout état de cause,
– ordonner la restitution entre les mains de Mme [H] et de M. [B] de l’ensemble des éléments saisis ou leur destruction, pour les données qui ne seraient que des copies ;
– ordonner qu’il soit justifié de cette destruction par toute attestation de l’Huissier de justice ;
– débouter la SARL Ma Petite Mercerie de l’ensemble de ses demandes ;
– condamner la SARL Ma Petite Mercerie au paiement de la somme de
5 000 € à Mme [H] et M. [B] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre le remboursement des entiers dépens de l’instance et de première instance.
Ils soutiennent qu’il n’est pas justifié de motif légitime en ce qu’il n’est pas justifié de suspicion d’actes de concurrence déloyale, toute action en ce sens serait vouée à l’échec et les mesures autorisées sont totalement disproportionnées par rapport à l’objectif recherché’;
– sur l’absence de suspicion d’actes de concurrence déloyale ils expliquent que :
* Mme [H] a créé une activité de prêt à porter de vêtements féminins et de communication d’informations (tuto) via les réseaux sociaux et ce, à compter du 2 février 2016 en toute connaissance de cause de la gérante de la SARL Ma Petite Mercerie qui l’y a même encouragée ainsi qu’elle le confirme dans ses propres écritures, activités considérées comme complémentaires étant entendu que pour la réalisation de ses créations Madame [H] se fournissait à 90’% auprès de l’intimée ; elle a cessé cette activité le 31 mars 2021,
* quant à l’extraction du fichier client ils font valoir que’:
– le 10 juin 2016, M. [B] lui a transféré un fichier clients dans le cadre de la réalisation d’ateliers créatifs destinés à mettre en avant les créations de Mme [H] et les produits distribués par la SARL Ma Petite Mercerie auprès de laquelle elle se fournissait ce que la gérante avait autorisé dès lors qu’ils avaient lieu en dehors de ses heures de travail, Mme [H] gardant les recettes pour elle’;
– et en 2019 ce fichier a de nouveau été envoyé mais à la demande de la gérante dans le but de créer une liste de diffusion pour un événement prévu les 30 et 31 mars 2019 au cours duquel Mme [H] devait à nouveau animer des ateliers créatifs’; la SARL Ma Petite Mercerie a reçu le 25 mars 2019 un courriel l’avisant des ateliers créatifs des 30 et 31 mars’; il ne s’agissait donc que de la réitération d’une pratique ancienne, la lettre d’information précisant bien que ces ateliers étaient animés en partenariat avec la SARL Ma Petite Mercerie’; ce transfert opéré par Monsieur [B] ne correspond donc en rien à une extraction de fichier clients.
* l’utilisation du hashtag « #mapetitemercerie » ne signe pas un acte de concurrence déloyale mais plutôt une publicité gratuite et cette situation était connue de l’intimée depuis des années dans la mesure où les hashtags sont publics,
* ainsi la SARL Ma Petite Mercerie a toujours été avisée de toutes les initiatives de Mme [H] qui ont fait l’objet d’annonces dans des articles de journaux, voire d’un reportage sur TF1 27 janvier 2019 auquel la gérante a même participé, et des échanges de SMS à cette date,
* les activités de la SARL Ma Petite Mercerie et celles de Madame [H] en auto entrepreneur n’étaient pas concurrentes mais complémentaires sauf à confondre une activité de mercerie et une activité de couture’; la réalisation de ses créations n’entrait pas dans le champ du contrat de travail, créations d’ailleurs protégées par le code de la propriété intellectuelle’; de sorte que la démarche de la SARL Ma Petite Mercerie vise en réalité à s’approprier ses ‘uvres,
* les suspicions d’actes de concurrence déloyale ne sont donc pas démontrés
– Toute action en ce sens serait donc manifestement vouée à l’échec en ce que’:
*aucune atteinte à la notoriété aucun acte de concurrence déloyale et parasitisme’ne sont avérés : les activités sont différentes et donc ne sont pas concurrentielles de sorte qu’il ne peut pas y avoir de captation de clientèle du fait d’une confusion imaginaire’; il ne s’agissait que de partenariat et non d’une appropriation de la marque « ma petite mercerie »,
*d’autant qu’une action au fond de concurrence déloyale ou parasitisme fondée sur une extraction de la base de données de fichier client réalisée le 10 juin 2016, soit il y a plus de cinq ans, serait prescrite,
*il n’est justifié d’aucun préjudice puisque le chiffre d’affaires de la SARL Ma Petite Mercerie est en constante progression, et que la taille de deux entreprises est sans commune mesure,
– les mesures sollicitées sont disproportionnées à l’objectif poursuivi en ce que la rectification de l’ordonnance initiale a permis l’extension des recherches quant à la durée portant ainsi sur des investigations à compter du 1er janvier 2011 alors que Madame [H] a été embauchée postérieurement, le 1er octobre 2011 et M. [B] le 15 février 2016 et que Mme [H] a cessé toute activité 31 mars 2021 bien avant l’ordonnance du 8 septembre 2021.
La SARL Ma Petite Mercerie, dans ses dernières écritures en date du 8 novembre 2022 demande à la cour au visa des articles 145 et suivants, 493, 496 et 497, 905 et suivants du code de procédure civile et 2224 du code civil, de’:
– confirmer l’ordonnance de référé du Président du tribunal de commerce d’Albi du 18 janvier 2022 en ce qu’elle a :
* débouté M. [B] et Mme [H] de leur demande en rétractation des ordonnances rendues sur requête les 21 juillet et 8 septembre 2021 ; et de l’intégralité de leurs demandes ;
* confirmé en conséquence les mesures d’instructions ordonnées par M. le Président du tribunal de commerce d’Albi les 21 juillet et 8 septembre 2021,
* dit que l’huissier de justice devra filtrer et extraire de son constat, les éléments qui se rapporteraient au secret des affaires, au secret des correspondances ;
* dit que les entiers dépens de l’instance restent à la charge de M. [B] et Mme [H], outre le coût de la signification de la décision.
– infirmer l’ordonnance de référé du Président du tribunal de commerce d’Albi du 18 janvier 2022 en ce qu’elle a condamné M. [B] et Mme [H] in solidum, au paiement de la somme de 300,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
statuant à nouveau, il est demandé à la Cour
– de condamner M. [B] et Mme [H] in solidum au paiement de la somme de 4.998,40 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés devant le premier juge,
en tout état de cause :
– de condamner M. [B] et Mme [H] in solidum au paiement de la somme de la somme de 4.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel,
– de condamner M. [B] et Mme [H] in solidum aux entiers dépens de l’instance.
Elle réplique que’:
– elle développe son activité de vente en ligne de tissus et d’articles de mercerie tandis que Mme [H] développe depuis 2016 sa marque « Haut Chic bas Choc » de produits de mercerie et de couture de vêtements et accessoires sur son site internet de vente en ligne www.hautchicbaschoc.com, développé sous Prestashop par Mr [B],
– Mme [H] a occupé chez Ma petite Mercerie les fonctions d’assistante de direction du 1er octobre 2011 au 6 novembre 2020 et elle a été licenciée le 6 août 2020 pour faute,
– Mr [B] est le compagnon de Mme [H]’; il est également un ancien salarié de la société Ma petite Mercerie, au sein de laquelle il occupait les fonctions de responsable informatique du 15 février 2016 au 19 mars 2020, date de son licenciement pour faute également,
– les recherches dans les serveurs de la société en février 2021 ont révélé que le 25 mars 2019 à 21h42, l’ancien salarié, Mr [B] avait accédé en dehors des horaires de travail aux serveurs de Ma petite Mercerie, depuis son téléphone portable personnel, et plus précisément avait concomitamment transféré un email contenant le fichier des clients de Ma petite Mercerie dans les départements 12 – 31 – 81 ‘ 82 vers l’adresse mail personnelle de Mme [H],
– il s’agit donc d’un vol de données au bénéfice de la marque HCBC,
– or, Mme [H] était présente au salon «’Made in chez Vous’» en mars 2019 en tant que représentante de sa marque HCBC,
– elle a donc utilisé les outils de promotion de son employeur pour favoriser sa marque,
– le motif légitime est vérifié en regard du vol du fichier clients et de son utilisation non autorisée’:
*l’extraction des fichiers clients en 2016 transféré vers les adresses électroniques professionnelles des appelants avait été autorisée pour que Mme [H] l’utilise dans le but de promouvoir la présence de’«’Ma petite Mercerie » au salon « le Carrousel » à [Localité 4] en 2016′; cette extraction entrait dans leurs fonctions à l’époque’;
*au contraire du nouvel envoi en 2019 s’agissant d’un envoi sur des boîtes personnelles’; la société ne s’était pas inscrite au salon de 2019 au contraire de Mme [H] pour le compte de sa marque HCBC,
*cette extraction constitue une violation des articles 3-2 et suivants du règlement intérieur de la société « Ma petite Mercerie »’; l’accès aux serveurs de la société, à distance, en dehors des horaires de travail et à des fins personnelles leur était strictement interdit,
*elle n’avait pas été informée de l’extraction ni ne l’a autorisée en 2019 s’agissant d’une prospection commerciale depuis l’adresse électronique [Courriel 5].
– ces agissements justifient qu’il ait été procédé par requête à l’insu des protagonistes,
– Mme [H] n’a jamais conclu tant en son nom propre qu’en celui de sa marque « Haut Chic Bas CHoc » de partenariat avec la société Ma petite Mercerie’; Mme [H] était salariée contrairement à ce qui est indiqué dans la newsletter du 25 mars 2019′; peu importe que Mme [H] se soit fournie auprès d’elle’; elle ne pouvait donc se prévaloir de la formule « en partenariat avec »,
– il importe peu qu’elle ne se soit pas opposée à la création de sa propre marque HCBC en 2016 pour mettre en avant ses réalisations de vêtements et accessoires,
– elle craint donc une appropriation de la totalité de son activité pendant toute son embauche depuis 2011′: la notoriété de son site a permis à la marque HCBC une visibilité qu’elle n’aurait jamais eue sans ce comportement ce qui a eu pour effet de créer une confusion dans l’esprit de la clientèle pouvant dès lors légitimement penser que « Haut Chic Bas Choc » et Ma petite Mercerie étaient une seule et même entité,et non deux entités, celle de la requérante étant reléguée au second plan, bien qu’ayant initié et financé lesdites réalisations de vêtements,
– Mme [H] a fait systématiquement apparaître le hashtag #mapetitemercerie et/ou a permis d’identifier la requérante sous les posts des comptes Haut Chic Bas Choc (« celinehcbc ) sur Instagram et Facebook,
– l’action au fond n’est pas prescrite’: elle a connu les faits en 2021 mais le vol a eu lieu en mars 2019,
– il n’appartient pas au juge de la rétractation ou de la requête d’apprécier le bien-fondé de l’action en concurrence déloyale qui pourrait être initiée à l’issue de la mesure d’investigation,
– la mesure sollicitée était circonscrite aux faits dont pourrait dépendre la solution du litige’; les mots-clés sont circonscrits aux partenaires et les investigations ont été élargies à la période courant depuis 2011 afin de vérifier si Mme [H] n’entretenait pas des relations directes avec les prestataires de « ma petite mercerie » dès cette époque.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 14 novembre 2022.
MOTIVATION
La SARL Ma Petite Mercerie a fait parvenir le 24 novembre 2022 une note en délibéré à laquelle Mme [H] et M. [B] y ont répondu par note d’opposition du 3 janvier 2023.
En application de l’article 445 du code de procédure civile, ces notes qui n’ont pas été autorisées par la juridiction ne doivent pas être examinées.
**********
Par requêtes des 20 juillet et 7 septembre 2021, la SARL Ma Petite Mercerie a sollicité des mesures d’instruction sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile qui dispose que l’article 145 du Code de procédure civile dispose que s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées en référé à la demande de tout intéressé. Et l’ordonnance du 21 juillet 2021 comme celle rectificative du 8 septembre 2021 ont été rendues sur ce seul fondement.
Or, les ordonnances sur requête rendues par le président du tribunal de commerce doivent répondre aux exigences des articles 875 et 493 du code de procédure civile, avec cette précision que l’urgence n’est pas exigée lorsque la requête est fondée sur l’article 145 de ce même code.
L’article 875 du code de procédure civile prévoit que le président du tribunal de commerce peut ordonner sur requête dans les limites de la compétence du tribunal toutes mesures lorsque les circonstances exigent qu’elles ne soient pas prises contradictoirement.
Selon l’article 493 du code de procédure civile l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse. Le juge des référés saisi dans l’instance de rétractation de l’ordonnance sur requête est investi des pouvoirs appartenant à l’auteur de l’ordonnance, mais dans le cadre de la contradiction.
En effet, le référé aux fins de rétractation n’est pas une voie de recours mais une demande en justice qui ne tend qu’au rétablissement du principe du contradictoire. En conséquence de cette situation procédurale, il appartient à celui qui a déposé la requête, et non à l’auteur du référé-rétractation, de démontrer que celle-ci est fondée.
Il appartient donc en l’espèce à la SARL Ma Petite Mercerie de justifier de la nécessité de déroger au principe du contradictoire et de justifier d’un motif légitime au sens de l’article 145.
Sur les motifs dérogatoires au principe du contradictoire
En application de cet article 493, c’est seulement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse que le juge peut prendre une décision sur simple requête. Et les articles 494 et 495 exigent que la requête comme l’ordonnance soient motivées.
Et, les mesures d’instruction prises sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile ne pouvant être ordonnées sur requête que lorsque les circonstances exigent qu’elles ne le soient pas contradictoirement, il appartient au juge, saisi d’une demande de rétractation, de vérifier, même d’office, si la requête et l’ordonnance caractérisent de telles circonstances. Mais, il est admis que dès lors que la requête énonce expressément la ou les circonstances susceptibles d’autoriser une dérogation au principe de la contradiction et qu’il ne s’agit pas d’affirmations abstraites et stéréotypées, l’ordonnance qui la vise en a forcément adopté les motifs et a ainsi satisfait aux exigences de l’article 495 du Code de procédure civile.
Le requérant doit donc caractériser dans le corps de sa requête, les circonstances propres à l’espèce susceptibles de justifier une dérogation au principe de la contradiction. Il ne suffit pas d’affirmer la nécessité d’un effet de surprise. Les circonstances justifiant une telle dérogation doivent être précises et circonstanciées et ne peuvent résulter de déductions opérées par le juge, notamment des pièces produites, pour pallier l’absence de motivation dans la requête. Et, au contraire de l’examen des moyens de preuve du motif légitime, aucun fait postérieur au dépôt de la requête ou au prononcé de l’ordonnance ne peut être pris en considération par le juge de la rétractation pour justifier une dérogation au principe de la contradiction.
La caractérisation des circonstances justifiant qu’il soit dérogé au principe du contradictoire constitue donc un moyen de recevabilité de la requête. Le juge de la rétractation n’a pas à procéder à aucune autre recherche, ni à statuer sur les mérites d’une requête qui n’aurait pas saisi régulièrement le juge de la requête.
En l’espèce, pour justifier de la nécessité de déroger au principe du contradictoire, la requête du 20 juillet 2021 de la SARL Ma Petite Mercerie est ainsi motivée’:
«’Ces agissements constituent également le motif légitime requis pour écarter le principe du contradictoire des Ordonnances rendues par Mr Président du Tribunal de commerce d’Albi afin de permettre à la société Ma Petite Mercerie d’obtenir la communication de documents susceptibles de lui permettre d’apprécier le préjudice causé par les agissements déloyaux de M. [B] et de Mme [H] en vue d’engager une action en responsabilité à leur encontre.
L’intimée a démontré qu’elle disposait d’un motif légitime d’écarter le principe du contradictoire pour faire procéder à des saisies au domicile de M. [B] et Mme [H] de manière à conserver ou établir la preuve des faits de concurrence déloyale, parasitisme et d’atteinte à la notoriété de sa marque en vue d’une action en responsabilité à intervenir devant les juges du fond’».
Et la requête en rectification du 7 septembre 2021 ne vise aucune motivation de ce chef.
Or, si les circonstances invoquées justifient le recours à l’article 145 du code de procédure civile, elles ne constituent pas des circonstances spécifiques à l’espèce justifiant de la dérogation au principe du contradictoire’: il n’est pas précisé par des motifs propres à l’espèce les motifs conduisant à exclure la voie du référé contradictoire pour préférer la voie de la procédure non contradictoire.
L’ordonnance du 21 juillet 2021 ne vise non plus aucune motivation relative à la nécessité de déroger au principe du contradictoire. Il est seulement affirmé’: «’Considérant qu’il y a lieu d’ordonner une mesure d’instruction’». Et l’ordonnance rectificative du 8 septembre 2021 reprend la même «’motivation’».
Ainsi il apparaît que les requêtes ne sont pas recevables.
Mais ce moyen pris de l’irrecevabilité des requêtes étant soulevé d’office, il convient d’inviter les parties à s’en expliquer contradictoirement par application de l’article 445 du code de procédure civile, étant entendu qu’elles ne peuvent conclure que sur ce seul point, tout autre moyen ou développement devant être exclu.
PAR CES MOTIFS
La cour
– Rejette les notes non autorisées reçues en cours de délibéré les 24 novembre 2022 et 3 janvier 2023.
– Statuant Avant Dire Droit :
– Invite les parties à s’expliquer contradictoirement sur le moyen soulevé d’office tiré de l’irrecevabilité des requêtes des 20 juillet et 7 septembre 2021 en l’absence de motivations propres à l’espèce justifiant de la dérogation au principe du contradictoire.
– Ordonne la réouverture des débats à l’audience du’20 février 2023 à 9h00
– Réserve toute autres demandes et les dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
I. ANGER C. BENEIX-BACHER