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8 mars 2023
Cour de cassation
Pourvoi n°
22-81.040
N° S 22-81.040 F-D
N° 00277
RB5
8 MARS 2023
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 8 MARS 2023
M. [C] [F] a formé un pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris, chambre 2-15, en date du 11 octobre 2021, qui, pour violation du secret des correspondances et recel d’abus de confiance, l’a condamné à 6 000 euros d’amende, et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Chafaï, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [C] [F], les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société [1]., et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l’audience publique du 1er février 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chafaï, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. La société [1]. a porté plainte et s’est constituée partie civile des chefs de recel de vol et complicité de recel de vol devant le juge d’instruction.
3. Elle a exposé qu’à la suite d’un placement en retenue douanière d’un lot de chaussures de marque [1], elle a assigné en contrefaçon de marque l’expéditeur, la société de droit suisse [2], dirigée par M. [C] [F].
4. Dans le but de démontrer que les produits retenus étaient authentiques, la société [2] a produit en défense plusieurs documents, dont des instructions de la société [1]. relatives aux mesures de vérification et des échanges de correspondances électroniques internes à la société [1]., qui, selon cette dernière, lui auraient été frauduleusement soustraits.
5. M. [F] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef de recel de documents confidentiels provenant d’un délit commis au préjudice de la société [1]..
6. Le tribunal correctionnel a condamné M. [F] du chef de recel d’abus de confiance et prononcé sur les intérêts civils.
7. M. [F], le ministère public et la société [1]. ont relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
8. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré M. [F] coupable d’avoir, les 10 juin et 29 octobre 2009 à Paris, violé le secret des correspondances en produisant les correspondances électroniques internes à la société [1] (pièces 22 à 29), l’a déclaré coupable des faits de recel d’abus de confiance en ce qui concerne les instructions de la société [1] relatives aux mesures de vérification (pièce 5), et a en conséquence prononcé sur la peine et les intérêts civils, alors :
« 1°/ qu’en toute matière, la commission de certaines infractions peut être justifiée si elle est strictement nécessaire à l’exercice des droits de la défense de son auteur ; qu’en affirmant que la violation du secret des correspondances et le recel d’abus de confiance résultant de la production de documents confidentiels internes à la société [1] dans la procédure civile en contrefaçon l’opposant à la société [2] ne pouvaient être justifiés par l’exercice des droits de sa défense aux motifs que ce fait justificatif était admis « uniquement dans le cadre d’un litige entre salarié et employeur » et que « le litige qui opposait le prévenu à la société [1] ne relevait pas du droit du travail », la cour d’appel a restreint à tort le champ d’application du principe susvisé, en violation de l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme, du principe du respect des droits de la défense, et des articles préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que ne commet pas d’infraction pénale la partie qui, poursuivie civilement du chef de contrefaçon, produit pour les nécessités de sa défense des documents internes au propriétaire de la marque de nature à établir l’authenticité des marchandises prétendument contrefaites ; qu’en affirmant que la violation du secret des correspondances et le recel d’abus de confiance résultant de la production de documents confidentiels internes à la société [1] dans la procédure civile en contrefaçon l’opposant à la société [2] n’était « pas strictement nécessaire à l’exercice des droits de la défense » aux motifs que « la juridiction civile a rendu une décision, d’ailleurs favorable au prévenu, après avoir écarté les pièces litigieuses » (arrêt, p. 9, al. 7), cependant que les documents en cause permettaient de déterminer le caractère authentique ou contrefait de la marchandise, que l’impossibilité pour le juge civil de les exploiter l’avait précisément conduit à ordonner une expertise afin que la société [1] en fasse elle-même état devant l’expert judiciaire dans des conditions garantissant les secrets de fabrication, et que les demandes de la société [1] avaient finalement été rejetées au regard de son refus de fournir ces documents à l’expert, ce dont il résultait qu’ils étaient nécessaires à l’exercice des droits de la défense de la société [2], et que leur communication n’était pas pénalement répréhensible, la cour d’appel a violé les articles 226-15 et 321-1 du code pénal, ensemble l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme, le principe du respect des droits de la défense, et les articles préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
9. Pour déclarer le prévenu coupable de violation du secret des correspondances et de recel d’abus de confiance, l’arrêt attaqué énonce, notamment, que si la chambre criminelle de la Cour de cassation admet que certaines infractions matériellement constatées ne peuvent être pénalement reprochées à leur auteur, c’est uniquement dans le cadre d’un litige entre salarié et employeur et à la condition que la commission de l’infraction ait été strictement nécessaire à l’exercice des droits de la défense.
10. Le juge ajoute qu’en l’espèce, outre que le litige qui opposait le prévenu et la société [1]. ne relevait pas du droit du travail, la commission des deux infractions reprochées n’était pas strictement nécessaire à l’exercice des droits de la défense puisque la juridiction civile a rendu une décision, d’ailleurs favorable au prévenu, après avoir écarté les pièces litigieuses.
11. Il en conclut que M. [F] doit être déclaré coupable des faits de violation du secret des correspondances et de recel d’abus de confiance en ce qui concerne les instructions de la société [1]. relatives aux mesures de vérification.
12. C’est à tort que le juge a écarté le fait justificatif tiré de l’exercice des droits de la défense au motif qu’il ne s’applique qu’en matière de droit du travail.
13. En effet, dès lors que n’est pas punissable l’infraction commise pour les strictes nécessités de la défense de son auteur, le bénéfice de ce fait justificatif ne saurait être restreint à la défense exercée dans un cadre prud’homal.
14. Cependant, l’arrêt n’encourt pas la censure, dès lors que la cour d’appel a estimé, par des motifs relevant de son appréciation souveraine, que la commission des infractions objet des poursuites n’était pas strictement nécessaire à l’exercice des droits de la défense.
15. Ainsi, le moyen n’est pas fondé.
16. Par ailleurs, l’arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 500 euros la somme que M. [F] devra payer à la société [1]. en application de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille vingt-trois.