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6 avril 2023
Cour d’appel de Rennes
RG n°
20/01172
7ème Ch Prud’homale
ARRÊT N°128/2023
N° RG 20/01172 – N° Portalis DBVL-V-B7E-QPXL
SARL HERE & THERE
C/
Mme [M] [Y]
Copie exécutoire délivrée
le : 06/04/2023
à : Maîtres
[L]
[U]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 06 AVRIL 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,
Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Hervé KORSEC, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 31 Janvier 2023, devant Monsieur Hervé KORSEC, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
En présence de Monsieur [C], médiateur judiciaire
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 06 Avril 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE :
SARL HERE & THERE immatriculée au RCS de RENNES sous le numéro 491 862 322, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 3]
[Localité 2]
Comparante en la personne de sa gérante Madame [S], assistée de Me François-Xavier MICHEL de la SELARL CVS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
Madame [M] [Y]
née le 05 Octobre 1993 à [Localité 4] (74)
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Eric MARLOT de la SELARL MARLOT, DAUGAN, LE QUERE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES, substitué par Me BRIAUD, avocat au barreau de RENNES
EXPOSÉ DU LITIGE
A l’issue d’un contrat de professionnalisation du 14 septembre 2015 au 13 septembre 2016, Madame [M] [Y] a été embauchée par la SARL HERE & THERE en qualité d’assistante export suivant contrat du 14 septembre 2016 ; elle a été convoquée à un entretien préalable à licenciement assorti d’une mise à pied conservatoire le 9 mars 2018 et a été licenciée le 20 mars 2018 pour faute grave.
Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits, Madame [Y] a saisi le Conseil de prud’hommes de Rennes le 12 décembre 2018 afin de voir, selon le dernier état de sa demande :
Dire son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;
Condamner la société HERE & THERE à lui verser, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, les sommes suivantes :
– Indemnité de licenciement : 1.144,50 Euros,
– Indemnité de préavis : 3.633,32 Euros,
– Congés payés afférents : 363,33 Euros,
– Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 6.0358,31 Euros,
– Rappel de salaires au titre de la mise à pied conservatoire : 588,64 Euros,
– Congés payés afférents : 58,86 Euros,
– Dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 5.000 Euros
– Article 700 du code de procédure civile : 2.000 Euros ;
Débouter la société HERE & THERE de ses demandes ;
Condamner la société HERE & THERE aux entiers dépens.
La défenderesse s’opposait aux prétentions de la demanderesse et sollicitait du Conseil des prud’hommes qu’il :
Dise que l’action de Madame [Y] au titre de la prétendue exécution déloyale est partiellement prescrite et mal fondée ;
Dise que son licenciement repose sur une faute grave et à défaut sur une cause réelle et sérieuse ;
Déboute Madame [Y] de toutes ses demandes ;
Condamne Madame [Y] à lui verser une indemnité de 4.000 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
Par jugement rendu le 22 janvier 2020, le Conseil des prud’hommes de Rennes statuait ainsi qu’il suit :
«DIT que le licenciement pour faute grave de Mme [Y] est dénué de cause réelle sérieuse.
CONDAMNE la SARL HERE & THERE à payer à Mme [Y] les sommes de :
‘ 1144,50 € à titre d’indemnité de licenciement,
‘ 3633,32 € à titre d’indemnité de préavis, et 363,33 € à titre de congés payés sur préavis,
‘ 588,64 € à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire et 58,46€ à titre de congés payés sur rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire,
‘ 4.500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
FIXE les intérêts au taux légal à compter du 14 Décembre 2018 pour les sommes à caractère salarial et à compter de la mise à disposition du présent jugement pour les dommages intérêts.
ORDONNE l’exécution provisoire du jugement et FIXE la moyenne des trois derniers mois de salaire de Mme [Y] à la somme de 1816,66 €.
DIT que les dispositions relatives au remboursement des allocations chômage ne sont pas applicables.
CONDAMNE la SARL HERE & THERE à payer à Mme [Y] la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.
CONDAMNE la SARL HERE & THERE aux entiers dépens, y compris les éventuels frais d’exécution. »
Suivant déclaration de son avocat en date du 18 février 2020 au greffe de la Cour d’appel, la SARL HERE & THERE faisait appel de la décision.
Aux termes des écritures de son avocat présentées en cause d’appel, l’appelante demande à la Cour de :
‘ Infirmer le jugement rendu le 22 janvier 2020 par le Conseil de prud’hommes de Rennes en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté Madame [Y] de ses demandes au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail ;
‘ En conséquence, débouter Madame [Y] de l’ensemble de ses demandes ;
‘ Condamner Madame [Y] à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, l’appelante expose qu’elle a pour activité le négoce et la commercialisation de matières premières ainsi que la vente d’aliments destinés aux animaux d’élevage et employait 2 salariées, Mesdames [J] (depuis 2010) et [Y] (depuis 2015), cette dernière ayant à charge la prospection de nouveaux clients, la recherche des produits correspondant aux demandes de prospect et d’assurer les opérations administratives et logistiques internationales, de la commande jusqu’à la livraison et au paiement ; elle soutient qu’elle a observé un changement de comportement de Madame [Y] au fil du temps et a découvert au début de l’année 2018 que les deux salariées échangeaient via la messagerie Skype, installée par la société sur leur poste informatique pour les stricts besoins professionnels, en dénigrant la société, sa dirigeante Madame [S] et son conjoint qui exploitait sa propre entreprise dans les mêmes locaux ; elle a pareillement observé que Madame [Y] consultait de nombreuses pages Internet à caractère personnel pendant son temps de travail au mépris des dispositions de son contrat de travail et elle a fait appel à un huissier aux fins de constater ces faits, le constat de ce dernier étant édifiant ; elle estime que c’est à tort que les premiers juges ont dit le constat d’huissier irrecevable au motif que le poste informatique a été ouvert par Monsieur [S] qui n’a aucune fonction dans l’entreprise, alors que la gérante peut mandater qui elle souhaite pour qu’il accède aux données contrôlées ; sur le fond, l’employeur observe qu’il ressort du constat un usage abusif à des fins personnelles d’une messagerie professionnelle, outre que les messages échangés étaient dégradants pour l’employeur, ainsi qu’un usage abusif d’internet à des fins personnelles pendant le temps de travail ayant nui à la qualité de celui-ci ; elle estime dès lors rapporter suffisamment la preuve de la faute grave et sollicite l’infirmation de la décision déférée.
* * *
Par conclusions de son avocat présentées en cause d’appel, Madame [Y] demande à la Cour de :
Confirmer le jugement entrepris,
Dire son licenciement pour faute grave dénué de cause réelle et sérieuse ;
Condamner la société HERE & THERE à lui verser les sommes suivantes :
– 4.229,04 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
– 4.510,98 euros au titre de l’indemnité de préavis et 451,10 euros au titre des congés payés afférents,
– 711,46 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire et 71,15 euros de congés payés afférents ;
– 14.000 euros au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 1.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile pour la procédure de première instance.
Au surplus,
Débouter la société HERE & THERE de toutes ses demandes ;
Condamner la société HERE & THERE à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d’appel, ainsi qu’aux dépens.
A l’appui de ses prétentions, l’intimée fait valoir d’une part que le recueil des données de son ordinateur professionnel a été réalisé hors sa présence et celle de l’employeur, seul le mari de la gérante ayant permis l’accès aux données informatiques et supervisé l’intervention de l’huissier instrumentaire, les constatations réalisées par l’huissier dans ces conditions ne pouvant constituer un mode de preuve licite, tel que justement retenu par les premiers juges ; elle expose d’autre part qu’au-delà de l’irrecevabilité de ce mode de preuve, la clause du contrat de travail lui faisant interdiction générale de toute utilisation privative de son poste informatique est illicite et soutient que la faute grave n’est d’aucune façon caractérisée ; elle fait valoir à ce propos les relations difficiles que les deux salariées entretenaient avec Monsieur [S], qui exploitait sa propre entreprise dans les mêmes locaux, relations qui expliquent les messages échangés à son propos avec sa collègue sur la messagerie Skype, les autres échanges n’étant que des conversations banales au cours desquelles elles ont pu manifester leur agacement sur les décisions prises par Madame [S], l’essentiel des échanges étant d’ailleurs à caractère professionnel ; elle soutient enfin que ses connexions sur les sites de replay aux fins de visionner une série étaient limitées à la pause méridienne dans la mesure où avec sa collègue, elles déjeunaient dans son bureau ; elle considère que la décision de les licencier pour faute grave a été prise par Madame [S] manifestement blessée dans son amour-propre et elle sollicite la confirmation du jugement entrepris.
La clôture de l’instruction été prononcée par ordonnance du magistrat de la mise en état le 13 décembre 2022 avec fixation de l’affaire à l’audience du 31 janvier 2023.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la Cour renvoie, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions notifiées par voie électronique au greffe de la Cour le 29 novembre 2022 pour la SARL HERE & THERE et le 9 septembre 2020 pour Madame [M] [Y].
SUR CE, LA COUR
L’appel ne défère à la Cour que la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent ; dans la mesure où il n’est plus formulé de demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris sur ce point.
Sur la faute grave
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et impose son départ immédiat. L’employeur qui invoque la faute grave doit en rapporter la preuve et les faits invoqués doivent être matériellement vérifiables. Il résulte enfin de l’article L.1234-1 et de l’article L.1234-9 du code du travail en sa rédaction alors applicable, que lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.
La lettre de licenciement du 20 mars 2018 est ainsi rédigée :
« ‘A la suite de notre entretien du vendredi 16 mars 2018, je vous notifie, par la présente, ma décision de mettre un terme à votre contrat de travail.
Les raisons de cette mesure, telles qu’elles vous ont été exposées, vous sont rappelées ci-après.
Vous êtes entrée au service de la Société HERE & THERE le 14 septembre 2016, en qualité d’assistante commerciale export, suite à votre contrat de professionnalisation qui a débuté le 14 septembre 2015.
Cette embauche est soutenue par un contrat de travail à durée indéterminée que vous avez régularisé le 14 septembre 2016.
Suivant l’article 5 du contrat de travail régularisé le 14/9/2016 :
« Mademoiselle [M] [Y] est légalement tenue d’exécuter de bonne foi le contrat de travail.»
Suivant l’article 6, alinéa 3 du contrat de travail régularisé le 14/9/2016 :
« Mademoiselle [M] [Y] s’interdit, en outre, d’utiliser les moyens informatiques mis à sa disposition à des fins autres que professionnelles. ».
Il vous est reproché :
1/ De consacrer, depuis plusieurs mois, une part substantielle de votre temps de travail à échanger avec votre collègue [F] [J] via les comptes « Skype » de la Société HERE & THERE, échanges quotidiens se traduisant par des critiques, voire des insultes principalement à mon égard et à celui de Monsieur [S].
Ces échanges, souvent irrévérencieux, parfois vulgaires ont été consignés dans un procès-verbal dressé par une Etude d’Huissiers le 26 février 2018.
A titre illustratif, Monsieur [S] est traité de « con » ou encore Monsieur [S] n’a pas de c…. Et que dire de cet exercice auquel vous vous êtes livrée, avec votre collègue [F] [J], sur votre temps de travail, ayant consisté à juger des qualités professionnelles de Monsieur [S] et à les noter.
2-2/ De faire un usage abusif de l’outil Internet en naviguant, durant vos heures de travail, sur des sites non-professionnels.
Cet usage abusif a également été constaté par procès-verbal d’huissier le 26 février 2018. Il est ainsi établi que vous procédez quotidiennement à des recherches Internet à des fins autres que professionnelles.
A titre illustratif :
‘ navigation sur le réseau social « Facebook » et, notamment, visite de la page de Monsieur [R] [S],
‘ navigation sur « Netflix » (vidéos),
‘ navigation sur « Youtube » (musiques et vidéos),
‘ navigation sur des sites de recherches généalogiques,
‘ organisation de vos vacances,
‘ organisation de hobbies,
‘ organisation de rendez-vous personnels,
‘ consultation d’articles « médias » et « peoples »,
‘ consultation de forums d’astuces pour optimiser vos congés,
‘ consultation de sites de soldes.
Dans la mesure où un nombre conséquent de ces navigations et consultations sont effectuées sur votre temps de travail, en dehors de votre temps de pause journalier, il est permis d’émettre toutes réserves quant à l’effectivité du travail réalisé pour le compte de la Société HERE & THERE, pendant votre temps de travail.
Je comprends ainsi mieux la moindre qualité de travail constatée depuis plusieurs mois et les retards dans le traitement d’un certain nombre de dossiers/de sollicitations.
A titre illustratif :
‘ le 22 février 2018 oubli d’effectuer la demande aux douanes pour l’exemption d’EUR 1 du dossier SUNGPOONG : retard dans l’expédition et frais de stockage complémentaires.
‘ plusieurs factures trouvées pêle-mêle dans vos dossiers et non traitées (BU, JONKER, DACHSER).
‘ le mailing que je vous avais commandé pour envoi pendant le GULF FOOD (du 18 au 22 février 2018) n’a été réalisé que pendant mon voyage en ASIE du 26 février au 8 mars 2018.
D’autre part, il est notable que vous gérez les informations de la façon qui vous convient et pas dans l’intérêt de l’entreprise :
‘ ainsi, lorsque je vous écris, le 22 février 2018 un courriel de remarques sur le dossier SUNGPOONG (dans un esprit constructif afin d’éviter de graves erreurs), vous m’assurez ne pas l’avoir reçu…. Et ce même courriel est retrouvé dans votre corbeille,
Les observations que vous m’avez fournies oralement le vendredi 16 mars 2018, en présence d’un Conseiller extérieur, en la personne de Madame [T] [A] n’ont pas permis de modifier mon appréciation sur les faits qui vous sont reprochés.
Les faits exposés ci-dessus revêtent un caractère gravement fautif, en ce qu’ils caractérisent de votre part :
‘ un manquement à l’obligation générale de loyauté inhérente au contrat de travail,
‘ une exécution non conforme du contrat de travail (non-respect de l’article 6, alinéa 3 du contrat de travail régularisé le 14/9/2016).
Ces faits sont, en outre, de nature à mettre en cause, de façon irrémédiable, la confiance placée en vous.
Ils impactent enfin la qualité du travail que je suis en droit d’attendre de vous.
Cette situation nuit gravement à l’image et aux intérêts de la Société HERE & THERE.
Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible, y compris pendant la durée du préavis.
La rupture de votre contrat de travail sera donc effective le jour de l’envoi du présent courrier recommandé par les services postaux… »
Il ressort de la lettre de licenciement que l’énonciation des griefs repose d’une part sur le fait pour l’intimée d’avoir échangé des messages irrévérencieux, voire insultants, avec sa collègue [F] [J] via les comptes Skype de la Société HERE & THERE et d’autre part d’avoir fait un usage abusif de l’outil informatique durant ses heures de travail en se connectant sur des sites non-professionnels, abus qui ont entraîné une dégradation de la qualité de son travail.
Aux fins de rapporter la preuve des griefs invoqués au soutien du licenciement pour faute grave, l’appelante produit un procès-verbal d’huissier dressé le 26 février 2018 reprenant ses constatations et reproduisant en annexes 3 et 4 les constatations réalisées préalablement par Madame [S], gérante de la société, sous forme d’un reportage photographique à partir de son portable sur la période du 14 février au 21 février 2018.
Sur la régularité du recueil des données informatiques
Madame [Y] rappelle que la SARL HERE & THERE dirigées par sa gérante, Madame [K] [S], emploie deux salariées, elle-même et Madame [F] [J], Monsieur [R] [S] exerçant une autre activité dans les mêmes locaux ; elle fait valoir le caractère illicite des modalités de recueil des données informatiques sur l’ordinateur mis à sa disposition et dès lors l’inopposabilité du constat dressé par l’huissier, au motif que l’accès à ces données a été réalisé sur son poste en l’absence de l’employeur et des salariés par Monsieur [S], tiers à l’entreprise, qui a supervisé le recueil des données par l’huissier instrumentaire alors que seul l’employeur peut accéder à l’ordinateur professionnel des salariés.
A cet égard, il ressort du procès-verbal de constat produit par l’appelante que l’huissier, mandaté par la gérante, s’est présenté au siège de la société, le 26 février 2018 où il a rencontré Monsieur [S], en sa qualité d’époux de Madame [S], qui l’a accompagné tout au long de ses opérations ; ainsi l’huissier relate que le constat a débuté par un entretien téléphonique avec Madame [S] qui lui a confirmé que Monsieur [S] la substituait pour les besoins du procès-verbal et qu’elle lui a remis à cette fin une copie des contrats de travail des deux salariées ainsi qu’une copie du reportage photographique qu’elle avait réalisé, qui ont été annexés audit constat ; l’huissier mentionne que Monsieur [S] lui a effectivement présenté les contrats de travail en question prévoyant à l’article 6 que la salariée s’interdit d’utiliser les moyens informatiques mis à sa disposition à des fins autres que professionnelles ; puis en 35 points, Monsieur [S] a relaté le différend, exposant que l’entreprise avait accordé pleine confiance à ses deux salariées, mais que le 13 février 2018, Madame [S] s’est aperçue qu’elles consacraient une part substantielle de leur temps de travail à échanger via les comptes Skype de la société, échanges au cours desquels, elles moquaient, dévalorisaient et décrédibilisaient le travail et les compétences de Monsieur et Madame [S], échanges qu’elles effaçaient au quotidien, Madame [S] ayant pu néanmoins, avant l’intervention de l’huissier, photographier le contenu de messages non effacés, photographies constituant l’annexe 3 du constat, ainsi qu’un historique des connexions sur le poste de chacune des salariées constituant l’annexe 4 du constat.
L’huissier a alors poursuivi ses opérations par l’ouverture du poste informatique dans le bureau de Madame [Y], avec les codes d’accès qui lui ont été remis par Monsieur [S], le logiciel Skype s’ouvrant automatiquement avec le démarrage du poste ; l’huissier indique qu’en compagnie de Monsieur [S], il a sélectionné l’onglet Skype dans la barre des tâches, observant que la fenêtre Skype a été réduite et dimensionnée pour occuper une fraction réduite de l’écran, le compte étant ouvert au nom de la société sous l’appellation « [M].Here and There » ; puis sur demande de Monsieur [S], il a procédé à des constatations sur l’historique Internet.
Si le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée qui implique en particulier le secret des correspondances, pour autant les dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l’exécution de son travail sont présumés, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels, avoir un caractère professionnel de sorte que l’employeur peut y avoir accès hors sa présence ; de pareille façon, les connexions établies par un salarié sur des sites Internet pendant son temps de travail grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l’exécution de son travail sont présumées avoir un caractère professionnel de sorte que l’employeur peut les rechercher aux fins de les identifier hors la présence du salarié.
Il n’est pas contesté que les messages analysés provenaient non pas d’une boîte aux lettres électronique personnelle mais étaient échangés au moyen d’un compte « Skype » ouvert au nom de la Société HERE & THERE, de telle sorte qu’il s’agissait d’une messagerie à caractère professionnel.
Dans la mesure où les messages échangés via la messagerie Skype de l’entreprise et les connexions à partir de l’Internet installé par l’employeur sur le poste fixe de l’intimée mis à sa disposition pour l’exécution de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel et que ni les messages électroniques, ni aucun fichier n’avaient été identifiés par Madame [Y] comme personnels, l’employeur pouvait y avoir librement accès hors sa présence.
Toutefois si l’employeur pouvait avoir librement accès au contenu de l’ordinateur de Madame [Y] en son absence, tel n’est pas le cas de Monsieur [S] qui, en sa seule qualité d’époux de la gérante ne disposait d’aucune délégation justifiée, et plus généralement d’aucun droit ni titre pour superviser les opérations de contrôle selon les termes mêmes de l’appelante, le recueil des données par l’huissier instrumentaire dans ces conditions constituant dès lors un mode de preuve illicite.
En revanche, Madame [S] en sa qualité de gérante de la société Here and There pouvait librement accéder à l’ordinateur de Madame [Y] pour réaliser le reportage photographique repris en annexes 3 et 4 du constat d’huissier, qui seul sera retenu comme mode de preuve licite.
Il y a lieu en conséquence de dire que seules les annexes 3 et 4 reprenant les constatations réalisées par l’employeur antérieurement audit constat, constituent un mode de preuve licite pouvant être invoqué au soutien du licenciement.
Sur les motifs du licenciement
Le contrat de travail signé entre les parties à effet du 23 septembre 2010 dispose que Madame [Y] est embauchée en qualité d’assistante export et a à charge d’assurer, en français, en anglais et en espagnol l’ensemble des opérations administratives et logistiques internationales, de la commande jusqu’à la livraison et au paiement, comprenant notamment la gestion du suivi administratif, le lien avec le client, le suivi des commandes et des expéditions, la facturation, le traitement des litiges, le contrôle des factures d’achat et le traitement des retours, moyennant une rémunération de 1.850 euros bruts pour 35 heures de travail ; les horaires de travail sont ceux en vigueur dans l’entreprise, soit de 9h à 12h30 et de 13 h à 16h30.
Si tel que déjà rappelé, l’article 6 de son contrat de travail dispose que Madame [Y] s’interdit d’utiliser les moyens informatiques mis à sa disposition à des fins autres que professionnelles, faute pour l’employeur d’établir que l’interdiction ainsi posée est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché au sens des dispositions de l’article L.1121-1 du code du travail, cette interdiction est manifestement excessive, seul l’abus de ce droit pouvant constituer une faute susceptible d’être sanctionnée disciplinairement.
Ceci étant, les annexes 3 et 4 du constat d’huissier intitulées « reportage photographique réalisé par Madame [K] [S] du 14 au 21 février 2018 » reprennent les échanges entre Mesdames [J] et [Y] sur la messagerie Skype (294 pages), puis les photographies d’écrans réalisées les 13 et 14 février 2018 par Madame [S], laissant apparaître sur le poste informatique utilisé par Madame [M] [Y], les connexions sur Internet (15 pages).
S’agissant des connexions Internet, il incombe de relever à titre liminaire, d’une part que les photographies produites reprennent des connexions qui se chevauchent et d’autre part que l’intimée ouvrait de façon permanente l’application MSN actualités en même temps que son ordinateur.
Au-delà, il ressort des photographies réalisées par Madame [S] entre le 15 janvier et le 20 février (annexe 4 du constat), qu’il a pu être relevé des connexions sur des sites non professionnels au cours de 3 jours, ainsi :
‘ le lundi 15 janvier la salariée a ouvert son ordinateur à 9h59 ; de 12h41 à 14h04, elle a ouvert un site de streaming (l’amour est dans le pré), soit un temps de connexion de 1h15, hors pause méridienne ;
‘ le jeudi 18 janvier, la salariée a ouvert son ordinateur à 9h11 ; de 13h18 à 13h36 elle a consulté des sites non professionnels (recettes) et de 14h07 à 14h09 un site marchand, puis de 16h01 à 16h02 un site de recettes, soit un temps de connexion de 20 minutes ;
‘ le vendredi 19 janvier 2018, l’intimée a ouvert son ordinateur à 9h31 ; de 12h45 à 14h19, elle s’est connectée à divers sites non professionnels (cuisine, généalogie), outre une connexion de 16h12 à 16h14 sur un site d’optimisation des congés, soit un temps de connexion sur des sites non professionnels de 1 heure, hors pause méridienne ;
‘ le dernier relevé réalisé le 20 février ne laisse pas apparaître de connexions sur des sites non professionnels.
Il en ressort que sur un contrôle portant un mois, il a été relevé la consultation de sites non professionnels pendant un temps de l’ordre de 1h30 hors pause méridienne.
S’agissant des échanges entre Mesdames [J] et [Y] sur la messagerie Skype, il y a lieu de relever que pour l’essentiel il s’agit d’échanges de messages brefs, à caractère professionnel ou non à des dates qui ne sont pas précisément identifiables, la plupart des messages ayant été supprimés ; outre les messages strictement professionnels et des messages personnels limités et anodins, (vacances, mode), ont été relevés des messages mettant en cause Madame [S] et Monsieur [S].
Ainsi sont produis des photographies de multiples messages à caractère professionnel échangés entre Mesdames [Y] et [Y] laissant apparaître des difficultés d’exécution du travail ou des relations difficiles avec Madame [S] ; ainsi, pour exemples :
‘ un échange à une date non identifiée, soit un message de Madame [J] à Madame [Y] à 9h49 en ces termes : « elle se trompe dans le numéro de contrat pour les échanges, et c’est moi parce que c’est pas bien indiqué sur mon dossier, sauf que ça a toujours été comme ça et c’est structuré, quand je vois ces dossiers, il y a des infos partout sur la pochette» et la réponse de Madame [Y] à 9h50 « ouais j’ai entendu » ou encore à 9h59 « je pense qu’il faudrait vraiment embaucher quelqu’un qui puisse suivre le soja, aux appros, aux fournisseurs, ça nous éviterait de perdre de l’argent » ;
‘ un échange à une date non identifiée à 12h56 « elle fait c., elle arrive à 12h30 » ; « elle indique qu’on pouvait manger mais qu’elle avait des choses à finir » ; « purée on mange pas avant 30 mn » ;
‘ un échange à une date non identifiée entre 12h28 et 12h45, après un incident avec Monsieur [S], commençant par un message de Madame [Y] à Madame [J] : « quelle semaine de m. » ; « il y est pour beaucoup », puis un message de Madame [J] « je crois que je ne vais plus tenir très longtemps et en parler à [K], il faut que je regroupe les faits et les arguments mais il va falloir qu’il se calme. On n’est pas ses chiens ».
‘ un échange à une date non identifiée entre 9h42 et 9h46 : commençant par un message de Madame [J] à Madame [Y] « bien, j’ai ruminé tout le week-end’ je suis contente de lui avoir parlé ce matin » ; « au moins tu as crevé l’abcès », « oui je te raconte ce midi » ; « tu n’es pas obligée le principal c’est que tu ailles mieux » ; puis un échange entre 10h31 et 10h38 commençant par un message de Madame [J] à Madame [Y] « je m’occupe plus des dossiers HAWorld. C’est [R] qui va les gérer » et la réponse de Madame [Y] « plus rien ‘ », « donc plus de refacturation de ton temps de travail ‘ », « j’ai juste peur au retour de manivelle de la part de B » ;
‘ un échange à une date non identifiée : soit à 9h09 la transmission par Madame [Y] à Madame [J] d’un mail de Madame [S] lui donnant des instructions sur un tableau à mettre à jour au fur et à mesure des commandes, avec l’indication qu’elle a rempli le mois de février avec les informations qu’elle a trouvées sur les dossiers et l’invitant à remplir mars et mettre le dossier sur partage, suivi d’un courriel de Madame [Y] à 9h10 « mais toutes ces infos sont dans le registre des ventes » et à 9h52 « ce qui me gave c’est qu’avant, quand je vendais rien, j’avais tout : un max de liberté, je gérais mes dossiers de A à Z »; elle me retire [Z],.. alors que je pensais qu’elle me ferait davantage confiance » suivi d’échanges sur le même thème : « son tableau c’est du flicage » ; « elle a entendu que t’en avais marre de faire des tableaux inutiles » et la réponse de Madame [J] « peut-être mais ça ne changera rien »; « je suis tellement déçue qu’elle me prenne pour une idiote pour son tableau pour le commissaire aux comptes’ »
Apparaissent en outre des échanges mettant en cause Monsieur [R] [S] ; ainsi et pour exemple :
‘ pour la journée du 17 novembre 2017, les deux salariées ont échangé un seul message à 14h19 qui a été effacé ;
‘ le 22 novembre 2017, les salariés ont échangé divers messages
à 11h33 : « [R] est dans le boulot »
à 11h34 : « ah ça pour lire des articles et les envoyer’ »
à 11h35 : un message qui a été supprimé
à 11h36 : « il regarde plutôt leurs prochaines vacances »
‘ le lundi 4 décembre 2017 : les salariées ont échangé 17 messages, soit un message à 15h30, puis 16 messages entre 15h41 et 16h05, tous supprimés sauf un « il s’est endormi ‘ » ;
‘ le vendredi 26 janvier les salariées ont échangé divers messages entre 10h09 et 10h19, un des messages ayant pour objet une notation de Monsieur [R] [S] « compétences en achat : vérifier les courbes 15/20 ; tracer les droites sur les graphiques 18/20 ; essayer de prévoir les courbes 3/20 « ah oui mais dans ce cas là, on ne peut pas prévoir », compétences en sourcing 6/20″ ah mais lui je ne le connais pas », puis sur le même thème compétences en informatique, compétences téléphoniques, compétences en informatique, ou encore compétences linguistiques : français 19/20, anglais 8/20 « Bryan is in the kitchen » espagnol : « une tortilla une cerbeza y bastaaaa ; ; prochain job : homme de maison ; 17/20 » , puis encore des messages entre 12h07 et 12h31 du type : il met 2 heures à voir ses mails il est 12h07 ; attend il lit le Figaro là, il ne peut pas tout faire »
‘ divers autres échanges sur Monsieur [S] : « en tout cas c’est abusé comment il t’a parlé ce matin ; ouais enfin les excuses c’est trop facile ; si tu lui as donné ses papiers il n’a qu’à les retrouver, au pire s’ils sont vraiment perdus il peut te demander avec gentillesse, ça n’a jamais tué personne ; il a bouffé quoi ‘; finalement le jeudi c’est pas mal qu’il se défoule à la salle de sport ; j’ai l’impression qu’il marche dans la boue ses chaussures restent collées au sol; papy a fini sa sieste »…
Apparaissent encore des échanges par lesquels Mesdames [Y] et [Y] s’interrogent sur leurs relations avec Monsieur et Madame [S] comme :« je pense qu’ils se doutent qu’on a des reproches à leur faire ; on a beaucoup changé notre comportement ; tu trouves ‘ ; sans le vouloir peut-être » et des échanges par lesquels elles se réjouissent du départ de Monsieur et Madame [S] en vacances les 25 et 26 février.
Si les termes employés par Madame [Y] au cours de ses échanges avec Madame [J] peuvent apparaître critiques à l’égard de Madame [S] au regard de la prise de certaines décisions, ils ne présentent pas par eux-mêmes un caractère diffamatoire ou injurieux, ni même un caractère excessif, s’agissant d’échanges personnels tenus entre deux salariées pendant des temps relativement brefs qui ne caractérisent pas un abus de leur liberté d’expression ; il convient encore d’observer qu’il ressort des attestations produites par l’appelante qu’il régnait néanmoins dans l’entreprise une ambiance sereine, détendue et professionnelle, y compris en présence de Monsieur [S], attestations qui confirment encore l’absence de toute publicité donnée à ces échanges ; il n’est pas inutile de relever enfin que l’essentiel des propos relevés s’inscrivent dans un moment de tension au regard de la découverte par Madame [S] de ces échanges à l’occasion de son reportage photographique.
Les propos tenus à l’égard de Monsieur [S], tiers à l’entreprise, témoignent de relations tendues entretenues par Mesdames [Y] et [J] avec ce dernier et peuvent apparaître excessifs, mais il y a lieu de relever d’une part que ces propos ne visaient ni leur hiérarchie, ni leur entreprise et que d’autre part, au cours de cette période Madame [J] s’était ouverte auprès de Madame [S] de ses relations difficiles avec son époux.
Il est reproché enfin à Madame [Y] une insuffisance professionnelle consécutive aux abus invoqués caractérisés notamment par une omission aux fins d’obtention de droits de douane réduits, des factures non traitées, un mailing demandé pour le 18 février mais traité par Madame [Y] le 26 février après le salon concerné, outre d’avoir prétendu ne pas avoir reçu un courriel retrouvé dans la corbeille de son ordinateur.
Aux fins de l’établir, l’employeur produit un courriel du 20 février 2018 par lequel Madame [S] invite Madame [Y] à vérifier avec Madame [J] un dossier « Corée » en lui précisant que si elle avait envoyé la facture comme prévu sans la phrase remplaçant l’EUR 1 (pour obtenir des droits de douane réduits à l’entrée dans l’Union), le client n’aurait jamais recommandé et elle indique qu’elle va demander à Madame [J] d’écrire une procédure douanes pouvant être suivie même en son absence, suivis d’échanges sur le même dossier, soit des courriels du 2 mars 2018 par lesquels Madame [S] interroge Madame [Y] sur le point de savoir si elle a eu une réponse de la douane et sa réponse négative, suivie de la réponse de Madame [S] lui demandant de téléphoner aux douanes concernées ; puis encore un échange sur le même dossier par lequel Madame [S] s’étonne de ce qu’une semaine soit encore nécessaire et demandant à Madame [Y] s’il est possible de charger le vendredi pour économiser les frais de stockage du week-end et la réponse de Madame [Y] confirmant qu’elle restait en attente des étiquettes des Coréens, suivi de la réponse de Madame [S] « et parce que tu n’avais pas l’accord des douanes pour la phrase sur la facture et qu’on pouvait rien faire sans ». L’employeur produit encore un échange des 25 et 26 février à propos d’un texte de mailing qu’elle lui demande de lui adresser pour validation observant que le salon en question est terminé et que les mails ne sont pas partis, Madame [Y] ayant transmis le document réclamé le 26 février ; il est enfin produit une capture d’écran laissant apparaître un dossier « Corée » dans la corbeille de l’ordinateur de Madame [Y], dossier qu’elle a prétendu ne pas avoir reçu.
Pour sa part Madame [Y] produit une lettre adressée à son employeur le 30 mars 2018 aux fins de contester les motifs de son licenciement, lettre que l’employeur conteste avoir reçue, par laquelle elle expose qu’elle a très mal vécu la réorganisation de son poste et la nouvelle répartition de ses missions en octobre 2017 et qu’elle avait souhaité clarifier cette réorganisation mais que sa demande de rendez-vous n’a pas été suivie d’effet ; elle observe qu’elle n’a jamais fait l’objet de remarques ou de réflexions concernant la qualité de son travail ou des retards dans le traitement des dossiers et qu’au cours de l’entretien préalable à son licenciement, Madame [S] a précisé qu’elle effectuait correctement son travail et qu’elle aimait son métier ; elle observe en outre qu’elle a été augmentée en janvier 2018 ce qui atteste de la qualité de son travail.
Il résulte de ces éléments que la preuve d’un abus de connexions Internet par Madame [Y] sur des sites non professionnels pendant ses heures de travail n’est pas rapportée, le grief d’insuffisance professionnelle n’étant pas plus établi, dès lors que l’insuffisance alléguée ne porte que sur des faits observés entre le 20 février et le jour du licenciement à propos d’un dossier technique ou la suppression d’un message que rien ne permet de considérer comme volontaire, ou un retard d’une semaine pris sur un dossier pour des motifs extérieurs, le tout dans un moment de tension après la découverte par Madame [S] des échanges entre Mesdames [Y] et [J] via la messagerie professionnelle Skype, étant relevé encore que non seulement Madame [Y] ne s’était jamais vue adresser de remarques sur la qualité de son travail, mais qu’elle a bénéficié d’une augmentation au mois de janvier 2018.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris qui a dit le licenciement de Madame [Y] dénué de cause réelle et sérieuse.
2. Sur les conséquences du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse
Au moment du licenciement, Madame [Y] avait une ancienneté de 2,5 années dans l’entreprise, étant observé que le contrat de travail signé entre les parties le 14 septembre 2016 prévoit la reprise de l’ancienneté acquise au titre du contrat de professionnalisation à effet du 14 septembre 2015 et elle bénéficiait d’un salaire mensuel de 1.816,66 € euros bruts.
L’indemnité compensatrice de préavis
En application de l’article L.1234-1 du code du travail, puisque le licenciement n’est pas motivé par une faute grave, le salarié qui justifie d’une ancienneté de services continus d’au moins deux ans a droit à un préavis de 2 mois ; aux termes de l’article L.1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n’exécute pas le préavis, il a droit à une indemnité compensatrice.
Dans la mesure où l’indemnité allouée par les premiers juges n’est pas contestée en son montant, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a été alloué à l’intimée la somme de 3.633,32 euros à ce titre outre les congés payés afférents pour la somme de 363,33 euros.
L’indemnité de licenciement
Conformément aux dispositions de l’article L.1234-9 du code du travail, lorsque le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée est licencié alors qu’il compte 8 mois d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur, il a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement égale à un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à 10 ans par application des dispositions de l’article R.1234-2 du même code.
L’indemnité allouée par les premiers juges à hauteur de la somme de 1.144,50 euros n’étant pas contestée en son montant, il y a lieu de confirmer encore la décision déférée sur ce point.
Les dommages intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse
Il résulte des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail que si le licenciement survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse le juge peut proposer la réintégration du salarié et en cas de refus par l’une ou l’autre des parties, lui allouer une indemnité dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par ces dispositions en fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise ; en cas de licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés, les montants minimaux spécifiques sont applicables pour les 10 premières années d’ancienneté.
Madame [Y] comptait lors de la rupture du contrat de travail une ancienneté de 2,5 ans dans l’entreprise qui employait de manière habituelle moins de 11 salariés au moment de la rupture du contrat et elle peut prétendre en vertu de ces dispositions à une indemnité minimale de 0,5 mois de salaire brut et de 3,5 mois au maximum.
Madame [Y] expose qu’après son licenciement, elle a été embauchée quelques mois au sein d’une société en France, puis a retrouvé un emploi à compter du 10 septembre 2018 en Ecosse.
C’est en conséquence par une juste appréciation de son préjudice que les premiers juges lui ont alloué une indemnité de 4.500 euros et il y a lieu de confirmer encore le jugement entrepris sur ce point.
Le rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire
Madame [Y] sollicite, en l’absence de faute grave, un rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire et il y a lieu de confirmer le jugement entrepris qui lui a alloué la somme de 588,64 € au titre du rappel de salaire et celle de 58,86 € au titre des congés payés afférents.
3. Sur les dépens et l’application de l’article 700 du Code de procédure civile
Il apparaîtrait inéquitable de laisser à la charge de Madame [Y] les frais irrépétibles non compris dans les dépens et la SARL HERE & THERE sera condamnée à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, le jugement devant être confirmé en ce qu’il l’a condamnée à payer à Madame [Y] une indemnité de 1.500 euros à ce titre en première instance.
La SARL HERE & THERE qui succombe pour partie sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement du Conseil des prud’hommes de Rennes en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la SARL HERE & THERE à payer à Madame [M] [Y], la somme de 2.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la SARL HERE & THERE de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SARL HERE & THERE aux dépens d’appel ;
Le Greffier Le Président