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10 mai 2023
Cour de cassation
Pourvoi n°
22-82.177
N° C 22-82.177 F-D
N° 00537
ECF
10 MAI 2023
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 10 MAI 2023
Les sociétés [7], [6], [5] et [8], ont formé un pourvoi contre l’ordonnance n° 31 du premier président de la cour d’appel de Versailles, en date du 15 décembre 2020, qui a prononcé sur leurs requêtes en annulation des opérations de visite et de saisie effectuées par l’Autorité de la concurrence en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.
Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat des sociétés [7], [6], [5] et [8], les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat du rapporteur général de l’Autorité de la concurrence, et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l’audience publique du 28 mars 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l’ordonnance attaquée et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 28 septembre 2017, la société [2] a cédé 60 % de sa participation dans sa filiale, la société de conseil en informatique [4], à une société d’investissement.
3. Par décision du 18 juillet 2018, l’Autorité de la concurrence s’est saisie d’office de pratiques mises en oeuvre dans les domaines de l’ingénierie, du conseil en technologies, et des services informatiques, qui auraient débuté en 1989 et se poursuivraient à la date de la requête.
4. Saisi par requête du 24 octobre 2018, le juge des libertés et de la détention a, par ordonnance du 31 octobre suivant, autorisé le rapporteur général de l’Autorité de la concurrence à faire procéder à des visites et saisies dans les locaux notamment de l’entreprise « [2] », visée à trois adresses distinctes, et dans ceux des sociétés du même groupe sises aux mêmes adresses.
5. Les opérations se sont déroulées le 8 novembre 2018.
6. La société [4] a changé de dénomination sociale le 7 février 2019, pour devenir la société [7].
7. Cette dernière a formé un recours contre le déroulement des opérations.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première, troisième et cinquième branches
8. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l’admission du pourvoi au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen, pris en ses deuxième, quatrième et sixième branches
Enoncé du moyen
9. Le moyen critique l’ordonnance attaquée en ce qu’elle a rejeté les demandes d’annulation de la société [7], alors :
« 2°/ qu’une visite domiciliaire ne satisfait à l’exigence de proportionnalité découlant de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme qu’à la condition de circonscrire précisément le champ de l’enquête et de définir expressément et limitativement les lieux privés et les sociétés visées par la visite ; que le juge qui autorise des opérations de visite et saisie dans les locaux de diverses sociétés est tenu d’identifier précisément chacune d’elles, sauf lorsqu’elles appartiennent au même groupe et sont domiciliées à la même adresse ; qu’ainsi lorsque le juge autorise la visite et saisie dans les locaux d’une société identifiée ou dans celles des sociétés du même groupe domiciliées à la même adresse, le rapporteur général ne peut pratiquer des visites dans des sociétés non visées par l’ordonnance que si elles appartiennent encore au même groupe à la date des opérations ; qu’en considérant que les opérations réalisées dans les locaux de la société [4] devenue [5] étaient régulières, au motif que la société [4] était toujours rattachée à la SA [2] par un lien capitalistique de près de 40% et partageait avec elle la même dénomination, les mêmes locaux parisiens, et la même adresse de messagerie, après avoir constaté que la société [4] « ne faisait plus partie du groupe [2] depuis la cession le 28 septembre 2017 de 60% environ de son capital à la société [1] », le conseiller délégué qui s’est contredit a violé les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, L. 450-4 du code de commerce, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
4°/ que l’Autorité de la concurrence est compétente pour appliquer le droit de la concurrence français et européen sur l’ensemble du territoire français à l’exception de la Polynésie Française et de la Nouvelle Calédonie ; qu’en se bornant à affirmer, pour valider la saisie de documents concernant des marchés étrangers, que le secteur économique visé par l’ordonnance ne se limitait pas au seul territoire national, sans vérifier comme il y avait été invité si l’Autorité de la concurrence n’avait pas excédé sa compétence en recherchant la preuve de pratiques anticoncurrentielles commises à l’étranger, le conseiller délégué a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 450-4, et L. 462-5 du code de commerce, ainsi que des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
6°/ qu’à l’appui de son recours contre le déroulement des opérations de visite et saisie, les sociétés [5] produisaient non seulement en pièce n° 26 un « fichier Excel listant les documents saisis et identifiés comme relevant du secret des correspondances avocat-client communiqué à l’Autorité de la concurrence le 26 novembre 2018 » mais aussi en pièce n° 46 une clé USB rassemblant toutes les « pièces couvertes par le secret des correspondances avocat-client » non restituées par l’Autorité de la concurrence le 11 décembre 2018 ; qu’en affirmant que la requérante n’avait pas produit et précisé les documents visés dans sa pièce n° 26 et lui paraissant avoir été définitivement saisis de manière illicite, quand ces éléments avaient été produits en totalité en pièce n° 46, le conseiller délégué a violé les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, L. 450-4 du code de commerce et 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, ainsi que les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. »