Droit de filmer la maltraitance animale

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Droit de filmer la maltraitance animale
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Le trouble manifestement illicite ne peut pas être utilisé pour contester la diffusion d’un film sur la maltraitance animale réalisée par la captation non autorisée d’images sur la propriété d’autrui.

Affaire L214

L’association L214 a mis en ligne sur son site internet une vidéo tournée pour partie à l’intérieur des bâtiments d’un élevage de porcs exploité par l’EARL de [Adresse 5], situé à [Localité 8] (22), sous le titre «’Enquête dans un élevage de cochons des Côtes d’Armor’».

Dénonciation de l’élevage intensif de cochons

Cet article indique en préambule’: «’L214 dévoile des images filmées dans un élevage intensif de cochons situé à [Localité 8] dans les Côtes d’Armor. L’élevage est proche d’un affluent du Gouessant qui coule dans la baie de [Localité 7]. Située dans cette baie, la plage de La [Localité 4] est fermée à cause de la dangerosité des algues vertes. (…) La vidéo montre par ailleurs l’enfer vécu par les cochons dans ce type d’élevage’: enfermement, entassement, cages … De multiples infractions à la réglementation s’ajoutent à ces conditions d’élevage déjà préjudiciables aux animaux’: claquage des porcelets, queues coupées de façon systématique, violences physiques …’»

Il ressort du contenu de ce constat qu’il est reproché à l’élevage de favoriser le développement d’algues vertes, de contrevenir à la réglementation des élevages de porcs et d’élever les porcs dans des conditions qui provoquent leur souffrance. Les images extraites de la vidéo tournée dans le bâtiment d’élevage montrent des animaux maltraités.

Pas de violation du droit de propriété

L ‘EARL désignée est dans l’incapacité d’établir que sa propriété ou son domicile ou encore la réglementation sanitaire ont été bafoués, aucun acte d’effraction, de dégradation des lieux, de voie de fait ou encore de pollution de l’élevage n’ayant été identifié, alors que l’association L214 explique de son côté avoir été informée en février 2022, par une personne ayant accès aux locaux de la société, des conditions déplorables dans lesquelles sont traités et vivent les cochons et qu’une vidéo a été tournée dans l’élevage.

Le reproche tenant au caractère prétendument illicite de l’obtention de la vidéo est indissociable de celui relatif à sa diffusion et à son contenu. Contrairement à ce que soutient l’EARL, la vidéo contient bien des commentaires relevant de la diffamation et ce contenu faisant état de maltraitance animale et sa diffusion sont bien des éléments présents dans le débat judiciaire dès le jour de la délivrance par l’EARL de [Adresse 5] de l’assignation accompagnée de ses pièces jointes.

L’ensemble de ces éléments démontrent que ce dont se plaint l’EARL,  en réalité n’est pas une violation de domicile, une violation de la propriété ou encore de la réglementation sanitaire, mais bien une diffamation consistant en l’imputation, à tort selon elle, des mauvaises conditions de vie des porcs qu’elle élève et qui donc porte atteinte à son honneur et à sa réputation, au sens du délit de diffamation défini à l’article 29 de la loi 1881 sur la presse.

Action en diffamation déguisée

Or, les éléments constitutifs de la diffamation, qui ressortent de l’assignation et des pièces jointes, sont réunis’:

-il est allégué ou imputé un fait déterminé : les élevages intensifs comme celui de [Localité 8] ont un rôle prépondérant dans le développement des algues vertes (page 5 du constat), de multiples infractions à la réglementation s’ajoutent à ces conditions d’élevage déjà préjudiciables aux animaux : claquage des porcelets, queues coupées de façon systématique, violences physiques, ‘. »

-ces faits sont de nature à porter atteinte à l’honneur et à la considération des gérants de l’Earl ;

-l’imputation ou l’allégation visent l’Earl de [Adresse 5], et ses gérants à travers elle ;

-la vidéo a été tournée dans des conditions illicites, ce qui caractérise la mauvaise foi de l’association L214 (assignation),

-la vidéo a été publiée sur le site internet de l’association L214 (assignation).

Par application de l’article 12 du code de procédure civile, l’action engagée par l’Earl a donc été requalifiée en action en diffamation.

La requalification des faits

Pour rappel, l’article 12 du code de procédure civile, qui s’applique au juge des référés, dispose’: «’Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.’»

Lorsque des faits susceptibles de contenir des éléments constitutifs de la diffamation, à savoir l’imputation de faits susceptibles de porter atteinte à l’honneur et à la considération d’une personne, l’application de la loi sur la presse de 1881 dont les dispositions sont d’ordre public s’impose en raison de son régime protecteur.

 


 

11 juillet 2023
Cour d’appel de Rennes
RG n°
22/05533

1ère Chambre

ARRÊT N°214/2023

N° RG 22/05533 – N° Portalis DBVL-V-B7G-TDS5

EARL DE [Adresse 5]

C/

Association L214

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 11 JUILLET 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aline DELIERE, Présidente de chambre entendue en son rapport,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 02 mai 2023

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 11 juillet 2023 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 27 juin 2023 à l’issue des débats

****

APPELANTE :

L’EARL DE [Adresse 5], exploitation agricole à responsabilité limitée immatriculée sous le n°387.486.012 du registre du commerce et des sociétés de Saint-Brieuc, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Jean-Pierre DEPASSE de la SCP DEPASSE, DAUGAN, QUESNEL, DEMAY, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

L’Association L214, association loi 1908 inscrite au registre des associations du tribunal d’instance de Strasbourg le 9 septembre 2014, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Benjamin ENGLISH de la SCP MARION-LEROUX-SIBILLOTTE-ENGLISH-COURCOUX, Postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

Représentée par Me Hélène THOUY, Plaidant, avocat au barreau de BORDEAUX

FAITS ET PROCÉDURE

L’association L214 a mis en ligne sur son site internet une vidéo tournée pour partie à l’intérieur des bâtiments d’un élevage de porcs exploité par l’EARL de [Adresse 5], situé à [Localité 8] (22), sous le titre «’Enquête dans un élevage de cochons des Côtes d’Armor’».

Cet article indique en préambule’: «’L214 dévoile des images filmées dans un élevage intensif de cochons situé à [Localité 8] dans les Côtes d’Armor. L’élevage est proche d’un affluent du Gouessant qui coule dans la baie de [Localité 7]. Située dans cette baie, la plage de La [Localité 4] est fermée à cause de la dangerosité des algues vertes. (…) La vidéo montre par ailleurs l’enfer vécu par les cochons dans ce type d’élevage’: enfermement, entassement, cages … De multiples infractions à la réglementation s’ajoutent à ces conditions d’élevage déjà préjudiciables aux animaux’: claquage des porcelets, queues coupées de façon systématique, violences physiques …’»

Cette publication et le contenu de la vidéo ont été constatés par Me [O], huissier de justice à [Localité 6], le 10 mars 2022.

Le 1er avril 2022 l’EARL de [Adresse 5] a assigné l’association L214 devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc afin qu’elle soit condamnée à retirer les vidéos litigieuses présentes sur internet, avec publication de la décision, et au paiement de la somme d’un euro à titre de provision sur son préjudice.

Par ordonnance du 8 septembre 2022 le juge des référés du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc a’:

-rejeté l’exception de nullité soulevée par l’association L214,

-débouté l’EARL de [Adresse 5] de ses demandes visant le retrait et la saisie de la vidéo diffusée par l’association L214,

-l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts à titre de provision,

-l’a condamnée aux entiers frais et dépens et à payer à l’association L214 la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-rejeté toute demande plus ample ou contraire,

-rappelé que les ordonnances de la juridiction des référés sont exécutoires par provision.

Le 14 septembre 2022 l’EARL de [Adresse 5] a fait appel de l’ensemble des chefs de l’ordonnance, à l’exception du chef rejetant l’exception de nullité soulevée par l’association L214.

Elle expose ses moyens et ses demandes dans ses dernières conclusions notifiées et remises au greffe le 13 février 2023.

Elle demande à la cour de’:

-confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a débouté l’association L214 de sa demande de nullité de l’assignation,

-la réformer pour le surplus,

-ordonner le retrait des vidéos litigieuses présentes sur le site internet de l’association L214 ainsi que sur l’ensemble des réseaux sociaux et des plateformes de vidéos en ligne sous astreinte de 150 euros par jour,

-subsidiairement, ordonner la saisie par toute personne dépositaire de l’autorité publique et mandatée à cet effet des supports et des clichés photographiques et films vidéo pris par les membres de l’association L214 lors de leur intrusion dans les locaux d’exploitation de l’EARL de [Adresse 5],

-dire que ce retrait pourra s’effectuer en tous lieux et notamment au siège de l’association L214 et au domicile de ses membres,

-ordonner l’interdiction de rediffusion de la vidéo litigieuse par quelque moyen que ce soit et, en cas de violation, interdire à toute personne l’utilisation et la diffusion de ces clichés photographiques et films vidéo sous peine d’une astreinte financière de 50 000 euros par infraction constatée,

-se réserver la liquidation de l’astreinte ainsi ordonnée,

-condamner l’association L214 à publier le dispositif de la présente ordonnance en haut de la première page de son site internet en police Arial de taille 12 en caractères gras et suffisamment visibles ainsi que dans trois quotidiens nationaux laissés au choix de la requérante dans les quinze jours de son prononcé,

-dire quel sera le coût maximal de cette publication,

-condamner l’association L214 à payer une somme d’un euro à titre de provision sur le préjudice subi par l’EARL de [Adresse 5],

-condamner l’association L214 au paiement d’une somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamner l’association L214 aux dépens qui comprendront également ceux de première instance, le coût du constat d’huissier du 10 mars 2022 et de toutes les mesures d’exécution ordonnées par les présentes.

L’association L214 expose ses moyens et ses demandes dans ses dernières conclusions notifiées et remises au greffe le 3 avril 2023.

A titre principal, elle demande à la cour de :

-infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a écarté l’exception de nullité de l’assignation délivrée par l’EARL de [Adresse 5] à l’association L214,

-annuler l’assignation délivrée en violation de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse.

A titre subsidiaire, elle demande à la cour de’:

-constater l’absence de trouble manifestement illicite,

-confirmer l’ordonnance.

En tout état de cause, elle demande à la cour de’:

-débouter l’EARL de [Adresse 5] de toutes ses demandes,

-la condamner aux entiers dépens et à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE L’ARRÊT

1) Sur la requalification de l’action engagée par l’Earl de [Adresse 5]

L’article 12 du code de procédure civile, qui s’applique au juge des référés, dispose’: «’Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.

Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.’»

Lorsque des faits susceptibles de contenir des éléments constitutifs de la diffamation, à savoir l’imputation de faits susceptibles de porter atteinte à l’honneur et à la considération d’une personne, l’application de la loi sur la presse de 1881 dont les dispositions sont d’ordre public s’impose en raison de son régime protecteur.

En l’espèce, l’EARL de [Adresse 5] soutient qu’elle a sciemment cherché à expurger de son assignation toute référence au contenu de la vidéo litigieuse et au fait qu’elle pourrait contenir des images ou des commentaires de nature à nuire à son image ou à porter atteinte à son honneur ou sa réputation.

Toutefois, l’analyse de l’assignation et des pièces jointes conduit à relever qu’il y est à plusieurs reprises dénoncé la diffusion de la vidéo litigieuse :

-la 1ère phrase de l’objet du procès vise, en page 3, la mise en ligne sur le site internet de l’association L214 d’une vidéo tournée dans les bâtiments d’exploitation appartenant à l’EARL de [Adresse 5],

-la 2ème phrase, en page 3, évoque «’les différentes séquences de cette vidéo diffusée également sur les réseaux sociaux (YouTube)’»,

-dans la suite de l’assignation, il est fait état de ce que la diffusion de la vidéo constitue un trouble manifestement illicite, notamment en page 8 où il est précisé «’la vidéo captée à l’intérieur des bâtiments d’élevage de la SCEA Realap (lire’: de l’EARL de [Adresse 5]) et sa diffusion corrélative constituent bien en soi un trouble manifestement illicite non pas parce qu’il s’agirait d’une occupation sans droit ni titre ou d’une atteinte à l’image du bien mais parce que la diffusion de la vidéo litigieuse prolonge le trouble initial qui résulte de la violation du droit de propriété de l’appelante’» .

-en conclusion, en page 176, il est souligné que «’L’attitude de l’association L214 est inadmissible (‘). Elle a diffusé à des tiers les éléments qu’elle détenait tout en sachant qu’ils avaient été obtenus frauduleusement.’»

C’est de fait l’ensemble de l’assignation qui s’articule sur un reproche de diffusion au public de la vidéo comme source du trouble manifestement illicite et qui s’achève par une demande de retrait de ladite vidéo des supports de diffusion, sans par ailleurs solliciter aucune mesure propre à faire cesser une atteinte au droit de propriété ou une violation de domicile ou encore une atteinte à la réglementation sanitaire.

En effet, l’interdiction de la vidéo litigieuse ne ferait pas cesser l’atteinte au droit de propriété, la violation de domicile ou la violation de la réglementation sanitaire que l’Earl de [Adresse 5] veut faire cesser, dans la mesure où ces actes fautifs ont été ponctuels et ont cessé quand l’auteur du tournage a quitté’les lieux.

Le procès-verbal de constat d’huissier établi le 10 mars 2022 à la demande de l’EARL de [Adresse 5], joint à l’assignation en référé pour justifier les demandes de retrait de la vidéo, porte sur le contenu de l’article de l’association L214 publié sur son site’: «’Enquête dans un élevage de cochons des Côtes d’Armor’» et capture des extraits commentés d’une vidéo tournée dans l’élevage, identifié par une étiquette sur un carton de vaccins mentionnant que l’élevage est celui de l’Earl de [Adresse 5] et par le nom de ses gérants sur un document (Note de présentation non technique) qui est la première page d’une étude d’impact sur le développement de l’élevage de l’Earl de [Adresse 5].

Il ressort du contenu de ce constat qu’il est reproché à l’élevage de favoriser le développement d’algues vertes, de contrevenir à la réglementation des élevages de porcs et d’élever les porcs dans des conditions qui provoquent leur souffrance. Les images extraites de la vidéo tournée dans le bâtiment d’élevage montrent des animaux maltraités.

Il sera enfin souligné que l’EARL de [Adresse 5] est dans l’incapacité d’établir que sa propriété ou son domicile ou encore la réglementation sanitaire ont été bafoués, aucun acte d’effraction, de dégradation des lieux, de voie de fait ou encore de pollution de l’élevage n’ayant été identifié, alors que l’association L214 explique de son côté avoir été informée en février 2022, par une personne ayant accès aux locaux de la société, des conditions déplorables dans lesquelles sont traités et vivent les cochons et qu’une vidéo a été tournée dans l’élevage.

Le reproche tenant au caractère prétendument illicite de l’obtention de la vidéo est indissociable de celui relatif à sa diffusion et à son contenu. Contrairement à ce que soutient l’EARL de [Adresse 5], la vidéo contient bien des commentaires relevant de la diffamation et ce contenu faisant état de maltraitance animale et sa diffusion sont bien des éléments présents dans le débat judiciaire dès le jour de la délivrance par l’EARL de [Adresse 5] de l’assignation accompagnée de ses pièces jointes.

L’ensemble de ces éléments démontrent que ce dont se plaint l’EARL de [Adresse 5] en réalité n’est pas une violation de domicile, une violation de la propriété ou encore de la réglementation sanitaire, mais bien une diffamation consistant en l’imputation, à tort selon elle, des mauvaises conditions de vie des porcs qu’elle élève et qui donc porte atteinte à son honneur et à sa réputation, au sens du délit de diffamation défini à l’article 29 de la loi 1881 sur la presse.

Les éléments constitutifs de la diffamation, qui ressortent de l’assignation et des pièces jointes, sont réunis’:

-il est allégué ou imputé un fait déterminé : les élevages intensifs comme celui de [Localité 8] ont un rôle prépondérant dans le développement des algues vertes (page 5 du constat), de multiples infractions à la réglementation s’ajoutent à ces conditions d’élevage déjà préjudiciables aux animaux : claquage des porcelets, queues coupées de façon systématique, violences physiques, ‘. » (pages 5, 14 et 15 du constat)

-ces faits sont de nature à porter atteinte à l’honneur et à la considération des gérants de l’Earl de [Adresse 5],

-l’imputation ou l’allégation visent l’Earl de [Adresse 5], et ses gérants à travers elle (pages 10 et 21 du constat, assignation),

-la vidéo a été tournée dans des conditions illicites, ce qui caractérise la mauvaise foi de l’association L214 (assignation),

-la vidéo a été publiée sur le site internet de l’association L214 (assignation).

Par application de l’article 12 du code de procédure civile, ci-dessus rappelé, l’action engagée par l’Earl de [Adresse 5] sera donc requalifiée en action en diffamation.

Par conséquent, l’association L214 est fondée à invoquer in limine litis la protection d’ordre public accordée par les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse, applicable aux infractions de presse commises par l’intermédiaire des sites internet, et exclusive des règles de responsabilité de droit commun.

L’ordonnance sera infirmée sur ce point.

2) Sur les conséquences de la requalification

L’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 dispose’: «’La citation précisera et qualifiera le fait incriminé, elle indiquera le texte de loi applicable à la poursuite.

Si la citation est à la requête du plaignant, elle contiendra élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie et sera notifiée tant au prévenu qu’au ministère public.

Toutes ces formalités seront observées à peine de nullité de la poursuite.’»

En l’espèce, l’assignation signifiée à l’association L214 à la demande de l’EARL de [Adresse 5] le 1er avril 2022 ne précise ni ne qualifie le fait incriminé puisque précisément, elle tentait de l’expurger de toute référence au délit de diffamation.

Elle ne vise pas le texte applicable à la poursuite, n’a pas été notifiée par acte séparé au ministère public et ne contient pas d’élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie, à savoir [Localité 7].

Irrégulière, elle sera en conséquence annulée.

L’ordonnance sera également infirmée sur ce point.

3) Sur les dépens et les frais irrépétibles

L’ordonnance sera infirmée s’agissant des dépens de première instance, qui seront mis à la charge de l’EARL de [Adresse 5].

Succombant en appel, l’EARL de [Adresse 5] supportera les dépens et sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

Il n’est pas inéquitable de condamner l’EARL de [Adresse 5] à payer à l’association L214 la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme l’ordonnance déférée,

Statuant à nouveau,

Annule l’assignation délivrée le 1er avril 2022 par l’EARL de [Adresse 5] à l’association L214,

Condamne l’EARL de [Adresse 5] aux dépens de première instance et d’appel,

Condamne l’EARL de [Adresse 5] à payer à l’association L214 la somme de 5000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette le surplus des demandes.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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