26 avril 2022
Cour d’appel de Fort-de-France
RG n°
20/00486
ARRET N°
N° RG 20/00486
N��Portalis DBWA-V-B7E-CF3Y
M. [Y], [F] [B]
C/
M. [P] [G] [O]
COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 26 AVRIL 2022
Décision déférée à la cour : Jugement, du Tribunal de Grande Instance de BASSE-TERRE, en date du 01 Décembre 2016, enregistré sous le n° 14/01111 après cassation de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Basse-Terre le 31 Août 2018 sous le n°16/01847, par arrêt de la Cour de Cassation en date du 24 septembre 2020 sous le n° K 19-17.496 ;
APPELANT :
Monsieur [Y], [F] [B]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Fabrice MERIDA, avocat postulant, au barreau de MARTINIQUE
Me Myriam WIN BOMPARD, avocat plaidant, au barreau de GUADELOUPE
INTIME :
Monsieur [P] [G] [O]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Régine ATHANASE de la SELARL ATHANASE & ASSOCIES, avocat postulant, au barreau de MARTINIQUE
Me Angebert HODEBAR, avocat plaidant, au barreau de GUADELOUPE
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 18 Février 2022, sur le rapport, devant Madame Christine PARIS, devant la cour composée de :
Présidente : Mme Christine PARIS, Présidente de Chambre
Assesseur : Mme Marjorie LACASSAGNE, Conseillère
Assesseur : Mme Claire DONNIZAUX, Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL,
Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l’arrêt fixée au 26 Avril 2022 ;
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [P] [O] a loué le 18 juillet 2006, selon bail sous seing privé, des locaux à usage commercial de boulangerie-épicerie appartenant à M. [B], et s’est maintenu dans les lieux après l’expiration du bail.
Le 22 octobre 2014, Monsieur [P] [O] a assigné Monsieur [B] en reconnaissance du bénéfice d’un bail statutaire et en rétablissement dans les lieux avec l’ensemble de son matériel, reprochant à son bailleur d’avoir procédé à l’enlèvement de son matériel des lieux loués et d’avoir donné à bail à un tiers la partie des lieux loués consacrée à l’épicerie. Il demandait notamment paiement de dommages et intérêts à hauteur de la somme de 100 000 €.
Par jugement en date du 1er décembre 2016, le tribunal de grande instance de Basse-Terre a :
– constaté que M. [P] [O] est titulaire d’un bail commercial sur les lieux loués depuis l’expiration de son bail initial,
– constaté que M. [P] [O] est propriétaire du fonds de commerce pour lequel il est immatriculé au registre du commerce et des sociétés de Basse-Terre,
– dit que M. [P] [O] est dans l’impossibilité d’exploiter son fonds de commerce par son bailleur, M [Y] [B], qui a procédé illégalement et en fraude de ses droits à l’enlèvement de son matériel professionnel.
En conséquence,
– ordonné le rétablissement dans les lieux de M. [P] [O] ainsi que de l’ensemble de son matériel illégalement enlevé, et ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement,
– condamné M. [Y] [B] à payer à M. [P] [O] la somme de 35.000 euros à titre de dommages et intérêts en application de l’article 1147 du code civil.
Par arrêt rendu le 31 août 2018, la cour d’appel de Basse-Terre a infirmé le jugement sauf en ce qu’il a jugé que M. [O] était titulaire d’un bail commercial, et, statuant à nouveau, a prononcé la résiliation du bail aux torts du preneur pour défaut de paiement des loyers, l’a condamné au paiement d’une somme de 47 522 € au titre des loyers impayés, au paiement d’une indemnité d’occupation de 480,00 € par mois ainsi que d’une somme de 3 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [O] a formé un pourvoi par déclaration du 4 juin 2019, et par arrêt en date du 24 septembre 2020, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt de la cour d’appel de Basse-Terre sauf en ce qu’il a jugé que M. [P] [O] était titulaire d’un bail commercial, a remis l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel de Fort de France, a condamné M. [Y] [B] aux dépens et a rejeté la demande formée par M. [Y] [B] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, le condamnant au paiement de la somme de 3.000 euros sur ledit fondement.
Monsieur [B] a saisi la cour d’appel de Fort de France par déclaration en date du 20 novembre 2020.
Par arrêt en date du 20 juillet 2021 la cour d’appel de Fort de France a ordonné le rabat de l’ordonnance de clôture du 6 mai 2021 en application des dispositions de l’article 16 du code de procédure civile.
L’affaire a été clôturée le 16 décembre 2021 et fixée à la collégiale du 18 février 2022 puis mise en délibéré au 26 avril 2022, date à laquelle la présente décision a été rendue.
Dans ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 12 octobre 2021,dont le dispositif est repris sans modification ci-dessous M. [Y] [B] demande à la cour de :
‘Vu l’article 1728 du code civil,
Vu les dispositions de l’article 1184 du code civil, et encore celles des articles 1147 et suivants dudit code, ces derniers repris à droit constant sous les articles 1231-1 et suivants du code civil,
Vu les dispositions de l’article 1315 ancien du code civil (renuméroté 1353 dudit code),
Vu les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Vu l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 24 septembre 2020, annulant l’arrêt du 31 août 2018 de la Cour d’appel de BASSE TERRE pour défaut de base légale, en ce que la Cour d’appel de BASSE TERRE n’a pu se déterminer à statuer sur la résiliation judiciaire du bail commercial liant les parties aux torts exclusifs du preneur sans constater que M. [O] eût donné son accord pour renoncer au bail sur une partie des locaux et renvoyant la cause et les parties devant la cour d’appel de Fort de France désignée comme juridiction de renvoi,
Vu l’arrêt avant dire droit de la cour de céans du 20 juillet 2021 rabattant la clôture et rouvrant les débats entre les parties.
– RECEVOIR M. [Y] [B] en son appel à l’encontre du jugement rendu le 1er décembre 2016 par le tribunal de grande instance de Basse-Terre dans la présente instance ;
– DÉCLARER bien fondé pour les motifs susvisés et au vu des pièces versées aux débats ;
– CONSIDÉRER que l’abandon des lieux loués par M. [P] [O] suivi par sa radiation du registre du commerce fin 2015 avec un effet rétroactif déclaré en juillet 2014 lui a fait perdre la qualité de commerçant et caractérise sa volonté de mettre fin au bail commercial liant les parties de même que son aveu dans le PV de constat unilatéral qu’il a cru devoir faire dresser par Me [A], huissier à Basse-Terre à l’origine de la procédure de première instance ;
– PRONONCER en outre que son absence de règlement des loyers au bénéfice de son bailleur malgré les réclamations amiables répétées de ce dernier pendant plusieurs années et à hauteur de 47.522 euros arrêtés en novembre 2017 augmentés d’un complément de 19.680 euros arrêté en octobre 2021, soit 69.602 euros sauf à parfaire au jour de l’arrêt à intervenir constitue la preuve de l’inexécution de ses obligations de locataire et justifient la résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs de M. [P] [O] ;
– INFIRMER par suite en toutes ses dispositions le jugement attaqué ;
– DÉBOUTER de plus fort M. [P] [O] de toutes ses fins demandes et conclusions comme infondées et injustifiées.
Et statuant sur les demandes reconventionnelles formées par le concluant,
– PRONONCER la résiliation judiciaire du bail commercial liant M. [Y] [B] et M. [P] [O] pour inexécution fautive par le locataire de ses obligations contractuelles en l’espèce le paiement du loyer aux échéances convenues, ce en constatant qu’au vu des pièces versées aux débats que M. [O] est à l’origine d’une division des parcelles louées qu’il a sollicitée puis de l’abandon total des lieux loués à son initiative et sans intervention de son bailleur ;
– CONDAMNER en outre M. [P] [O] au paiement de la somme de 69.602 euros au titre d’arriérés de loyers arrêtés en octobre 2021, sauf à parfaire au jour de l’arrêt à intervenir ;
– FIXER à compter du prononcé de la résiliation judiciaire du bail une indemnité d’occupation à la charge de M. [P] [O] de 480 euros mensuels sur la base du dernier loyer convenu entre les parties, ce jusqu’à son départ effectif des lieux loués ;
– CONDAMNER pareillement M. [P] [O] au paiement de la somme de 10.000 euros à titre de légitimes dommages intérêts à M. [Y] [B] en application de l’article 1231-1 du code civil anciennement 1147 dudit code ;
– CONDAMNER encore M. [P] [O] au paiement de la somme de 10.000 euros au concluant en vertu de l’article 700 du code de procédure civile ;
– CONDAMNER enfin M. [P] [O] aux entiers dépens distraits au profit de Me Fabrice MERIDA Avocat postulant sur sa due affirmation de droit en application de l’article 699 du code de procédure civile.’
M. [Y] [B] réfute avoir enlevé du matériel au préjudice de son preneur et conteste toute éviction. Il met en avant que M. [P] [O] ne payait plus ses loyers et charges d’eau et d’électricité et n’assurait plus les locaux, objet du bail.Il soutient que malgré plusieurs mises en demeure restées infructueuses, des loyers étant impayés, pour régler la difficulté, il a été envisagé en 2013avec Monsieur [P] [O] que la partie épicerie serait louée à un tiers pour alléger le montant du loyer, Monsieur [P] [O] conservant la partie boulangerie. C’est dans ces conditions que le 26 mars 2013 il a donné en location à la société New shop services, représentée par Monsieur [N] [R] une partie du local d’une superficie de 76,40 m² pour une durée de neuf ans à compter du 1er mars 2013, afin d’exploiter un fonds de commerce de boutiques alimentaires, Monsieur [P] [O] conservant le surplus.
Il fait valoir que Monsieur [P] [O] a reçu un exemplaire du nouveau bail remis en main propre en mars 2013 mais qu’il ne l’a pas signé, allant jusqu’à abandonner les lieux loués. Il reproche au premier juge de ne pas avoir statué sur le paiement des arriérés de loyer dus depuis 2011 au titre de l’ancien bail et depuis mars 2013 sur la base du nouveau bail. Il soutient que les procès-verbaux de constat de huissier démontrent qu’il reconnaît les accords verbaux avec Monsieur [Y] [B] et Monsieur [R] pour le partage des locaux à compter de mars 2013 et qu’il prouve, photos à l’appui, l’abandon de l’activité de boulanger et la déshérence de lieux loués.
Selon lui en réalité Monsieur [P] [O] voulait sous-louer à un autre boulanger une partie des locaux en infraction complète avec ses obligations de locataire, le bailleur n’ayant pas donné son accord. Il conteste avoir procédé à un quelconque enlèvement du matériel et se fondant sur le témoignage de Monsieur [R], il fait valoir que c’est à la demande expresse de Monsieur [P] [O] que la division du local est intervenue et que c’est bien Monsieur [P] [O] et sa compagne qui ont procédé au déplacement du matériel lié à l’exploitation de son activité de boulanger pâtissier . Etant radiée de sa propre initiative du registre de commerce fin 2015, alors que la procédure était pendante en première instance, et ce avec effet à juillet 2014, Monsieur [P] [O] n’a plus qualité pour se prévaloir de l’existence d’un fonds de commerce et du statut des baux commerciaux. Il sollicite la résiliation judiciaire dudit bail,pour défaut d’exploitation, défaut de règlement des loyers, défaut d’assurance, défaut de règlement des charges d’eau et d’électricité. Il précise qu’il a dû se substituer au locataire pour régler selon un échéancier l’eau et l’ électricité afin de permettre au nouveau locataire d’exercer son activité.Ainsi, M. [Y] [B] sollicite l’infirmation du jugement querellé du 1er décembre 2016, et que soit prononcée la résiliation judiciaire du bail commercial liant les parties, que M. [P] [O] étantt condamné au paiement d’un arriéré de loyers.
Dans ses dernières conclusions remises par voie électronique au greffe le 10 septembre 2021, M. [P] [O] demande à la cour de statuer comme suit :
– Vu l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 24 septembre 2020, annulant l’arrêt de la Cour d’appel de Basse-Terre du 31 août 2018,
– Vu le jugement du TGI de Basse-Terre du 1 er décembre 2016,
– Vu articles 1709, 1726, 1727, 1134 et 1147 du Code civil,
– Déclarer Monsieur [B] mal fondé en son appel ;
– L’en débouter ;
– Confirmer le jugement querellé date du 1 er décembre
2016 en toutes ses dispositions ;
– Condamner Monsieur [B] au paiement de la somme de 6 000,00 euros par application de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens ;
– M. [P] [O] rappelle qu’il n’est pas contestable qu’il soit titulaire d’un bail commercial en application des dispositions de l’article L 145-5 du code de commerce.
Il soutient que sa radiation intervenue le 22 juillet 2015 avec effet au 26 juillet 2014 du registre du commerce et des sociétés n’est que la conséquence des agissements du bailleur qui l’ a évincé. Il met en avant qu’aucun congé ne lui a été délivré,qu’ aucune action en résiliation n’a été entreprise, et pourtant il a été évincé du local exploité en épicerie par l’enlèvement de son matériel, sans son accord ou sans qu’un nouveau bail ne soit signé. Il rappelle qu’en application des dispositions de l’article L 145-9 du code de commerce, le bail commercial ne peut prendre fin que par l’effet d’un congé ou d’une action en résiliation, ce dont il n’est pas justifié. Il conteste fermement avoir donné son accord pour une modification du bail et fait valoir que le bailleur est tenu à une garantie d’éviction et ne peut donner à bail à un second preneur une partie du local loué sans l’accord du premier locataire. Selon lui il est propriétaire du fonds de commerce d’épicerie et il est le seul à pouvoir réaliser une cession de fond ou à conclure un contrat de location gérance. Il conteste l’attestation de Monsieur [N] qui ne précise pas qu’il est locataire de Monsieur [Y] [B] et qui a participé à son éviction irrégulière. Il conteste avoir été en possession d’un nouveau bail à la suite de la division du local loué.M. [P] [O] met en avant que le bailleur ne peut en outre solliciter la résiliation du bail pour défaut de paiement d’un loyer pour des locaux dont il a été frauduleusement privé. Il produit une attestation d’assurance du 22 mai 2013 pour la période du 5 octobre 2003 au 5 octobre 2012. Il soutient qu’il n’a jamais reçu de quittance de loyer depuis 2006 et conteste le montant des sommes réclamées non justifiées. Il sollicite ainsi que le jugement querellé du 1er décembre 2016 soit confirmé en toutes ses dispositions.
Il est référé pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties à leurs dernières conclusions susvisées et à l’arrêt de la Cour de cassation du 24 septembre 2020.
L’ordonnance de clôture est en date du 16 décembre 2021.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il a été reconnu définitivement que Monsieur [P] [O] est titulaire d’un bail commercial sur les lieux loués par Monsieur [Y] [B] situés [Adresse 5], s’étant maintenu dans les lieux à l’expiration du contrat dérogatoire du 18 juillet 2006.
Le bail portait sur l’activité de boulangerie et d’ épicerie.
Aux termes des dispositions de l’article L 145-9 du code de commerce par dérogation aux articles 1736 et 1737 du Code civil, les baux commerciaux ne cessent que par l’effet d’un congé donné six mois à l’avance ou d’une demande de renouvellement.
À défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail fait par écrit se prolonge tacitement au-delà du terme fixé par le contrat.
Le congé doit être donné par acte extrajudiciaire et, à peine de nullité, préciser les motifs pour lesquels il est donné et indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction, doit saisir le tribunal avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné.
Il est constant qu’aucun congé n’a été donné par acte extrajudiciaire à Monsieur [P] [O].
Il n’est également pas contesté et il ressort du contrat produit par Monsieur [Y] [B] que selon bail commercial du 26 mars 2013, il a loué le local alimentaire d’une superficie de 76,40 m² à compter du 1er mars 2013 à la société New shop services dont le gérant est Monsieur [N] [R], moyennant un loyer mensuel de 760 € et ce pour une durée de neuf ans ain d’exercer l’activité de boutique alimentaire.
Monsieur [Y] [B] soutient que c’est Monsieur [P] [O] qui lui a présenté Monsieur [R], et qu’il a été remis à chacun des deux locataires de nouveaux baux, Monsieur [P] [O] étant d’accord, car il ne pouvait régler le loyer intégralement.
La cour constate, comme le premier juge, que le nouveau bail qui aurait été soumis à Monsieur [P] [O], d’une part n’est pas produit au dossier, d’autre part que Monsieur [P] [O] conteste avoir donné son accord pour la signature d’un nouveau bail.
L’attestation de Monsieur [R], outre le fait qu’il affirme n’avoir aucun lien de collaboration ou de communauté d’intérêts avec les parties alors qu’il est locataire de Monsieur [Y] [B] et qu’il reconnaît devoir à Monsieur [P] [O] le prix pour l’armoire vitrée qu’il utilise et qui est dans son local, est silencieux sur la remise d’un contrat de bail à Monsieur [P] [O] en sa présence. S’il indique que le ’17 février vers 10 h’ , il en a parlé à Monsieur [P] [O] et que ce dernier lui a remis les clés pour visiter les lieux , la remise de ces clés ne signifie pas que Monsieur [P] [O] était d’accord pour la signature d’un nouveau bail portant sur une partie des locaux. Dans le constat d’ huissier que Monsieur [P] [O] a fait dresser le 29 mai 2013, Monsieur [P] [O] reconnaît qu’il a indiqué au bailleur qu’il ne garderait plus que la partie boulangerie, mais il affirme qu’il lui a dit qu’il allait louer le fonds de commerce d’épicerie à une autre personne. La remise des clés dans ce contexte et ce projet de Monsieur [P] [O], ne démontre pas l’accord de Monsieur [P] [O] pour la signature d’un nouveau contrat de bail dont les termes et conditions ne sont au surplus pas justifiées.
Monsieur [P] [O] dans ses déclarations à l’huissier lors du constat du 29 mai 2013 met en cause Monsieur [R] et soutient que c’est avec la complicité active de celui-ci en février 2013 que ce dernier, avec Monsieur [Y] [B], sous le prétexte de travaux de peinture, a enlevé tout son matériel et l’a fait transporter au domicile de Monsieur [P] [O]. Cette affirmation est contredite par l’attestation de Monsieur [R] qui soutient au contraire que c’est Monsieur [P] [O] et sa compagne qui ont déménagé les locaux loués à l’exception d’une armoire vitrée que Monsieur [P] [O] se serait engagé à lui vendre.
Ces affirmations sont contradictoires chacun ayant intérêt à accuser l’autre du déménagement des meubles et la cour ne peut en conclure au caractère volontaire ou forcé du déménagement.
En tout état de cause il apparaît que Monsieur [Y] [B] a loué une partie des locaux à la société dont Monsieur [R] est le gérant, selon bail du 26 mars 2013, alors qu’il était toujours lié, en l’absence de congé, à Monsieur [P] [O] pour la location de l’intégralité des locaux pour l’activité de boulangerie et d’épicerie.
La radiation de Monsieur [P] [O] du registre du commerce n’est intervenue en date du 2 juin 2015 avec effet au 26 juillet 2014, que plus d’un an après la signature du bail avec la société New shop services et ne saurait justifier a posteriori la signature de ce contrat ou la volonté de Monsieur [P] [O] de renoncer au bail commercial quand il était preneur.
Aux termes des dispositions de l’article 145- 41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit, ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit à peine de nullité, mentionner ce délai.
En l’espèce il n’était prévu aucune clause résolutoire.
Aux termes des dispositions de l’article 1728 du code civil le preneur est tenu de payer le prix du bail au terme convenu.
Monsieur [Y] [B] justifie avoir mis en demeure Monsieur [P] [O] par lettre recommandée reçue le 30 juin 2011 pour le loyer du 2 juin 2011. Ce courrier ne vise pas la résiliation du bail. Il produit également une lettre recommandée datée du 3 octobre 2011 qui n’a été présenté que le 10 avril 2012, courrier visant un défaut de paiement des loyers de juin, juillet, août et septembre ainsi qu’un défaut d’attestation d’assurance et précisant qu’à défaut de règlement des loyers sous huitaine le local devrait être libéré le 31 octobre en présence de Monsieur [L] [B].
Il est constant que les locaux n’ont pas été libérés le 31 octobre 2011, la lettre recommandée n’étant présentée que le 10 avril 2012 et qu’aucun congé n’a été donné par huissier, de même qu’aucune action en résiliation de bail n’a été intentée par le bailleur. Dès lors le bail était toujours en cours au moment où Monsieur [Y] [B] a loué une partie des locaux à compter du 1er mars 2013 à la société New shop services. Or par application des dispositions des articles 1709 et 1719 du code civil, le bailleur est tenu d’assurer la jouissance paisible du preneur pendant la durée du bail et il ne pouvait louer une partie des locaux à un tiers sans l’accord de Monsieur [P] [O]. Dès lors c’est à juste titre que le premier juge en a conclu que Monsieur [Y] [B] avait délibérément privé Monsieur [P] [O] de ses droits sur le local commercial loué sur lequel ce dernier bénéficiait de la propriété commerciale étant inscrit au RCS.
Si le défaut d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés peut justifier le refus de renouvellement en fin de bail, il n’est pas de nature à justifier la résiliation du bail ou à empêcher la réintégration du preneur dans les lieux loués, ce dernier ayant été évincé des lieux et pouvant solliciter à nouveau son immatriculation au registre du commerce et des sociétés.
Monsieur [Y] [B] reproche également à Monsieur [P] [O] d’avoir abandonné les lieux. Or, en accordant à la société New shop services selon bail commercial du 26 mars 2013 la jouissance d’une partie du local précédemment loué à Monsieur [P] [O], Monsieur [Y] [B] l’a privé d’une partie des locaux et ne saurait lui reprocher l’absence d’exercice de l’activité de boulangerie et d’épicerie dans les locaux attribués à un tiers.
Monsieur [Y] [B] reproche également à Monsieur [P] [O] un défaut d’assurance.
Monsieur [Y] [B] a réclamé par lettre recommandée en 2011, l’attestation d’assurance et a réitéré sa demande par une nouvelle lettre recommandée prétendûment datée du 3 octobre 2011 mais non retirée et présentée le 10 avril 2012, postée au vu du cachet de la poste le 31 Mars 2012. Or, Monsieur [P] [O] justifie par une attestation de son assureur avoir garanti les locaux à usage de boulangerie et d’alimentation générale du 5 octobre 2003 au 5 octobre 2012. Outre le fait qu’aucun congé n’a été donné régulièrement pour ce motif par acte du huissier de justice, la cour ne peut que constater qu’à défaut, le bail était toujours en cours au moment de la signature du contrat du 26 mars 2013.
En procédant à la signature de ce contrat du 26 mars 2013 Monsieur [Y] [B] a commis une faute et a manqué à son obligation de jouissance paisible. Il doit être condamné à réparer le préjudice subi par Monsieur [P] [O] qui n’a pu notamment céder son fonds de commerce. Les premiers juges ont évalué le préjudice de Monsieur [P] [O] à la somme de 35’000 €. Il convient de confirmer ce chef de décision, les premiers juges ayant justement évalué le préjudice important du preneur qui s’est vu priver de l’exploitation de son fonds de commerce et de la possibilité de céder celui-ci.
Monsieur [Y] [B] demande à la cour de condamner Monsieur [P] [O] au paiement de la somme de 69’602 € au titre des loyers impayés de 2011 à octobre 2021.
Aux termes des dispositions de l’article 1728 du code civil, le preneur est tenu de deux obligations principales, d’user de la chose louée raisonnablement suivant la destination qui avait été donnée par le bail ou suivant celle présumée d’après les circonstances à défaut de convention et de payer le prix du bail au terme convenu.
Il n’est pas contesté par les parties que le montant mensuel du loyer était de 1 219 €, le contrat du 18 juillet 2006 prévoyant un loyer mensuel de 1 219,59 €
Monsieur [Y] [B] produit un décompte aux termes duquel Monsieur [P] [O] redevable des sommes
suivantes :
* Solde – 2011 : 3 094 €
– 2012 : 14 630 €
– 2013 : 2 438 € pour janvier et fevrier sur la base de l’ancien loyer puis 4 800€ de mars a decembre 2013 conformement aux nouveaux accords des parties (480 euros mensuels taxe fonciere comprise),
– 2014 : 5 760 € ( 480 € X 12 )
– 2015 : 5 760 € ( 480 € X 12 )
– 2016 : 25 760 € ( 480 € X 12 )
– 2017 : 5 280 € ( 480 € X 11 )
– Loyers de décembre 2017 à mai 2021
( 480 X 41 ) = 19 680 €
Monsieur [Y] [B] a privé son locataire d’une partie des locaux à compter du 1er mars 2013 et il ne peut réclamer les loyers postérieurs à cette date.
Il appartient à Monsieur [P] [O] de justifier par tout moyen du règlement des loyers réclamés, l’absence de remise de quittance invoquée par le preneur, ne le dispensant pas de rapporter la preuve du versement des loyers. Or, il ne justifie que du paiement de la somme de 1 600 € versée en espèces le 7 avril 2012, selon quittance produite au dossier.
Le décompte susvisé ne permet pas d’établir, contrairement à l’affirmation du bailleur ,que la somme de 1 600 € a été déduite des sommes dues au 7 avril 2012.
En conséquence, faute par le preneur de justifier du règlement des loyers jusqu’au 1er mars 2013, la cour fera droit à la demande de Monsieur [Y] [B] à hauteur des sommes suivantes :
– Solde : 2011 : 3 094 €
2012 : 14 630 €
2013 : 2 438 €
– Total :20 162,00 €
– A déduire : 1 600 €
– Solde : 18’562 €
Il convient en conséquence de condamner Monsieur [P] [O] à verser à Monsieur [Y] [B] la somme de 18’562 € au titre des loyers impayés au 1er mars 2013.
Monsieur [Y] [B] soutient également qu’il a dû régler à la place du locataire des charges et notamment des factures d’eau et d’électricité et contraint de conclure des échéanciers. La cour constate que l’échéancier de paiement qu’ilproduit au dossier est certes en date du 26 mars 2013, mais correspond à des factures impayées du 29 mars 2007 au 19 décembre 2007, alors que dans ses mises en demeure, Monsieur [Y] [B] n’a jamais fait état du défaut de règlement de factures d’eau, l’échéancier démontrant au surplus qu’il est l’abonné et non pas Monsieur [P] [O].
Monsieur [P] [O] se devait d’assurer les locaux loués. S’il produit une attestation d’assurance permettant d’établir que ceux-ci étaient assurés jusqu’au 5 octobre 2012, en l’absence de justificatif ultérieur, la cour en déduit une absence d’assurance du 5 octobre 2012 à février 2013.
Les manquement du preneur à ses obligations essentielles de règlement des loyers et d’assurance des locaux,
constituent un non-respect des obligations essentielles du preneur et justifient qu’il soit fait droit à la demande de résiliation du bail.
Pour les raisons exposées ci-dessus la demande de paiement d’une indemnité d’occupation sera rejetée, le bailleur étant à l’origine de la privation de jouissance des locaux à compter de mars 2013.
Monsieur [Y] [B] réclame paiement d’une somme de 10’000 € à titre de dommages-intérêts en se fondant sur les dispositions de l’article 1231-1 du code civil anciennement 1147 du Code civil.
Monsieur [Y] [B] ne justifie pas d’un préjudice autre que celui qu’il s’est causé à lui-même en s’abstenant, avant la présente procédure, de solliciter en justice la résiliation du bail et en bafouant les droits du preneur en le privant d’une partie des locaux loués. Il sera débouté de sa demande de dommages-intérêts.
Dans la mesure où il a été fait droit à la demande de résiliation du bail, il ne peut être fait droit à la demande de rétablissement sous astreinte et la décision sera infirmée de ce chef.
Sur les dépens et les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Chacune des parties succombe partiellement dans ses demandes et il est équitable qu’elles conservent leurs propres dépens ainsi que leurs frais irrépétibles,tant en première instance qu’en appel, dans le respect de dispositions sur l’aide juridictionnelle. La décision de première instance sera infirmée de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement du 1er décembre 2016 du tribunal de grande instance de Basse-Terre en ce qu’il a condamné Monsieur [Y] [B] à payer à Monsieur [P] [O] la somme de 35’000 € à titre de dommages-intérêts et en ce qu’il a constaté que Monsieur [P] [O] était propriétaire d’un fonds de commerce pour lequel il était immatriculé au registre du commerce et des sociétés de Basse-Terre et qu’il a été dans l’impossibilité d’exploiter son fonds de commerce par son bailleur ;
L’INFIRME pour le surplus des chefs de la décision dont la cour est saisie après arrêt de renvoi de la Cour de cassation ;
Statuant à nouveau,
DÉBOUTE Monsieur [P] [O] de sa demande de rétablissement dans les lieux ainsi que de l’ensemble de son matériel sous astreinte ;
PRONONCE la résiliation du bail commercial passé entre Monsieur [Y] [B] et Monsieur [P] [O] ;
CONDAMNE Monsieur [P] [O] à verser à Monsieur [Y] [B] la somme de 18’562 € au titre des loyers impayés au 1er mars 2013 ;
DÉBOUTE Monsieur [Y] [B] de sa demande de fixation d’une indemnité d’occupation ;
DÉBOUTE Monsieur [Y] [B] de sa demande de dommages-intérêts ;
DIT que chacune des parties conservera ses dépens de première instance et d’appel dans le respect des dispositions de l’aide juridictionnelle ;
DÉBOUTE Monsieur [Y] [B] et monsieur [O] de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Signé par Mme Christine PARIS, Présidente de Chambre et Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL, Greffière, lors du prononcé à laquelle
la minute a été remise.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,