Indemnité d’éviction : 11 mai 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/18757

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Indemnité d’éviction : 11 mai 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/18757

11 mai 2022
Cour d’appel de Paris
RG
19/18757

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 3

ARRET DU 11 MAI 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/18757 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAYKP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Août 2019 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY – RG n° 18/04212

APPELANTE

SARL BRJ SERVICES agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de BOBIGNY sous le numéro 482 545 621

[Adresse 3]

[Localité 6]

représentée par Me Jean-Marc BENHAMOU, avocat au barreau de PARIS, toque : D0849

INTIMEE

SCI [G] REPUBLIQUE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 523 357 788

[Adresse 4]

[Localité 5]

représentée par Me Fabrice LEPEU de l’AARPI KLP AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0404

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Sandrine GIL, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Gilles BALA’, président de chambre

Madame Sandrine GIL, conseillère

Madame Laurence ARBELLOT, conseillère

qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Gilles BALA’, président de chambre et par Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé en date du 14 janvier 1998, la SCI la Fayette a donné à bail aux époux [H] des locaux à usage commercial situés [Adresse 1] – aujourd’hui [Adresse 7], destinés aux activités de laverie et de nettoyage à sec, libre service et activités annexes, cordonnerie, clés minute, à compter du 1er janvier 1998 et pour une durée de 9 ans.

Par acte notarié en date du 3 mars 2005, les époux [H] ont cédé leur fonds de commerce à la société Laverie Basma-Bba, actuellement dénommée Brj Services.

Par arrêté en date du 4 juillet 2011, le maire de [G]-en-France a autorisé la SCI [G] République à réaliser une opération de démolition/construction, impliquant notamment la démolition de l’immeuble où se trouvent les locaux et sa reconstruction.

Par acte du 18 avril 2012, la SCI [G] République est venue aux droits de la SCI la Fayette en qualité de propriétaire des biens et droits immobiliers sis [Adresse 2].

Par acte du 25 juin 2013, la SCI [G] République a donné congé à la société Brj Services du local commercial, avec effet au 31 décembre 2013, pour motifs graves et légitimes et sans indemnité d’éviction.

Par protocole d’accord transactionnel du 30 janvier 2014, la société Brj Services et la SCI [G] République ont convenu :

– du versement par la SCI [G] République à la société Brj Services d’une indemnité d’éviction d’un montant de 130.000€ HT ;

– du versement d’une indemnité complémentaire de 5.555€ par mois de retard à compter du 1er décembre 2015 en cas de retard de livraison du nouveau local ;

– d’une promesse de bail commercial portant sur deux locaux, l’un destiné à l’activité de laverie automatique et le second destiné à l’activité de cordonnerie, serrurerie et clefs, moyennant le paiement d’un loyer de 120€/m², dans le nouvel immeuble situé [Adresse 2].

L’article 3 du protocole d’accord transactionnel précise que les locaux seront livrés au preneur « brut de décoffrage, fluides en attente, le preneur réalisant en conséquence tout le second ‘uvre et l’aménagement intérieur des locaux, soit notamment et sans que cette liste soit exhaustive, l’électricité [etc.] ».

Par acte sous seing privé du 22 décembre 2015 avec effet au 15 décembre 2015, la société Vilogia, qui s’était portée acquéreur des locaux concernés, a donné à bail à la Société Brj Services un local référencé n°C7A, moyennant un loyer annuel de 8.160€ HT, afin d’exercer l’activité de cordonnerie, serrurerie et clés et un local référencé n°C7B, moyennant un loyer annuel de 6.120€ HT, afin d’exercer les activités de laverie automatique à titre principal et retoucherie à titre accessoire, tous deux situés cours de la République à [G]-en-France.

Par acte d’huissier du 04 avril 2018, la société Brj Services a assigné la SCITremblay République devant le tribunal de grande instance de Bobigny en paiement de dommages-intérêts au titre du retard de livraison du local et des loyers pour la période antérieure à la livraison.

Par jugement du 28 août 2019, le tribunal de grande instance de Bobigny a :

– déclaré recevables les demandes de la société Brj Services ;

– rejeté les demandes de la société Brj Services ;

– rejeté la demande de la SCI [G] République au titre des travaux de raccordement ;

– rejeté les demandes des parties formulées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la société Brj Services aux dépens.

Par déclaration du 7 octobre 2019, la société Brj Services a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 6 janvier 2020, la société Brj Services, appelante, demande à la cour de :

Dire et juger la société Brj Services recevable et bien fondée en son appel.

Infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes de la société Brj Services ;

Et statuant à nouveau,

Fixer la date de livraison conforme du local C7A au 1er juin 2016 ;

Fixer la date de livraison conforme du local C7B au 9 décembre 2016 ;

Condamner la Sci [G] République à verser à la société Brj Services la somme de 71.229,44 euros en application du protocole d’accord transactionnel du 30 janvier 2014, au titre du retard de livraison du local pour la période du 1er décembre 2015 au 9 décembre 2016 ;

Condamner la Sci [G] République à verser à la société Brj Services la somme de 3.740 euros au titre du remboursement des loyers injustement perçus pour la période du 15 décembre 2015 au 1er juin 2016 concernant le local C7A ;

Condamner la Sci [G] République à verser à la société Brj Services la somme de 6.005 euros au titre du remboursement des loyers injustement perçus pour la période du 15 décembre 2015 au 9 décembre 2016 concernant le local C7B ;

Condamner la Sci [G] République à verser à la société Brj Services la somme de 3.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner la Sci [G] République aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 4 mai 2020, la SCI [G] République demande à la Cour de :

In limine litis :

Dire et juger irrecevable l’action de la société Brj Services à l’encontre de la Sci [G] République sur le fondement du bail commercial, pour défaut d’intérêt à agir ;

À titre principal :

Débouter la société Brj Services de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a :

– rejeté la demande de la Sci [G] République au titre des travaux de raccordement.

Et statuant de nouveau :

Condamner la société Brj Services à payer à la Sci [G] République la somme de 16.417,38 euros TTC au titre des travaux complémentaires de raccordement.

En tout état de cause :

Condamner la société Brj Services à payer à la Sci [G] République la somme de 5.000 euros, au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 12 janvier 2022.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l’action de la société Brj Services

L’intimée soutient que l’action de la société Brj Services est irrecevable par application de l’article 122 du code de procédure civile pour défaut d’intérêt à agir, celle-ci lui reprochant un manquement en tant bailleresse au titre de l’obligation de délivrance alors que les locaux ont été pris à bail auprès de la société Vilogia. La société Brj Services soutient que son action est recevable car la SCI [G] République a manqué à ses obligations et a engagé sa responsabilité en application du protocole d’accord transactionnel du 30 janvier 2014.

La société Brj Services dispose d’un intérêt à agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle au titre de l’exécution du protocole d’accord conclu avec la SCI [G] République dont elle se prévaut pour solliciter diverses sommes.

Son action est donc recevable. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les demandes de paiement de la somme de 71 229,44 euros en application du protocole d’accord et de remboursement des loyers

L’appelante fait valoir que les locaux auraient dû lui être livrés le 1er décembre 2015 mais qu’elle ne les a reçus que le 15 décembre 2015 ; qu’en outre les locaux commerciaux n’étaient pas conformes à la destination prévue par le bail lors de leur livraison car si elle disposait bien de l’électricité pour le local de laverie, le voltage n’était pas suffisant pour l’activité de laverie ; qu’au terme du protocole il était prévu une livraison d’un local brut de décoffrage, fluides en attente ; qu’il ne lui appartenait pas de prendre à sa charge l’installation d’une alimentation électrique en grande section ; qu’elle ne pouvait pas effectuer le branchement de ses machines sans ce type d’alimentation ; que la fuite d’eau structurelle du local de cordonnerie empêchait la réalisation de ses propres travaux d’aménagements. Elle sollicite par conséquent la somme de 2 777,50 euros au titre du retard de livraison portant sur la période du 1er au 15 décembre 2015 et de 68 451,94 euros au titre du retard de livraison du 16 décembre 2015 au 9 décembre 2016. Enfin, elle fait valoir que le loyer ne peut être dû pour la période antérieure à la livraison conforme du local, soit avant mai 2016 concernant le local de cordonnerie et décembre 2016 concernant le local de laverie.

S’agissant du local relatif à l’activité de cordonnerie, l’intimée soutient que la société Brj Services ne peut se prévaloir d’un quelconque préjudice relatif à la jouissance du local du fait de l’infiltration d’eau dès lors d’une part que le local, qui était en parfait état lors de la livraison, n’a été ni inondé ni dégradé ; que la fuite a en tout état de cause été réparée dès le 7 janvier 2016 ; que l’appelante est la seule responsable du retard d’exploitation puisqu’elle a attendu le 18 décembre 2015 pour déposer sa demande d’autorisation des travaux d’aménagement du local alors que le délai d’examen est de 5 mois. S’agissant du local relatif à l’activité de laverie automatique, elle souligne qu’aucune obligation spécifique quant à un voltage minimum n’était précisée dans le protocole d’accord, aucune non-conformité ne pouvant ainsi lui être reprochée dès lors qu’un local brut de décoffrage et fluides en attente, alimenté en électricité, a bien été mis à disposition conformément aux dispositions du protocole ; qu’en outre, la société Brj Services ne l’a informée que très tardivement de la puissance nécessaire pour alimenter l’ensemble de ses lave-linges et sèche-linges. Sur la demande de restitution des loyers versés, elle rappelle qu’elle n’est pas le bailleur et qu’elle n’a donc perçu aucun loyer afférent aux locaux loués, la demande étant mal fondée.

Le protocole d’accord prévoit au terme de l’article 1(éviction du local existant et indemnité), qu’en exécution de la notification du congé du 25 juin 2013, la SCI [G] République s’oblige au paiement d’une indemnité d’éviction d’un montant de 130 000 euros HT versée à concurrence de la somme de 100 000 euros HT à l’échéance de la libération des lieux par la locataire devant intervenir au plus tard au 31 mai 2014 et à

concurrence de 30 000 euros HT le jour de la mise à disposition du nouveau local. Il était stipulé que la première fraction de l’indemnité de 100 000 eros HT étant calculée en vue d’une livraison du nouveau local au 30 novembre 2015, celle-ci sera corrigée à la hausse dans l’hypothèse d’une livraison postérieure à cette date et ce à raison de 5555 euros par mois de retard au delà du 1er décembre 2015.

Il était par ailleurs indiqué à l’article 3 que la livraison des deux locaux interviendra pour une date approximative fixée dans le courant du 4e trimestre 2015 sans obligation de délai.

Il s’évince de ces dispositions que les parties ont convenu que si la livraison intervenait après le 30 novembre 2015, l’indemnité d’éviction sera corrigée à la hausse.

Les locaux objets du protocole ont été livrés à la société Brj Services le 15 décembre 2015.

Par conséquent, la SCI [G] République est redevable de la somme de 2 777,50 euros par application des dispositions précitées du protocole au titre du complément d’indemnité d’éviction, la livraison des locaux n’étant pas intervenue le 30 novembre 2015.

Le protocole stipule également que les locaux seront livrés par la SCI [G] République bruts de décoffrage, fluides en attente, la société Brj Services devant réaliser le second oeuvre et l’aménagement intérieur des locaux soit notamment et sans que cette que cette liste soit exhaustive l’électricité, le carrelage, la peinture (etc).

Il s’ensuit qu’en vertu du protocole conclu entre les parties, la SCI [G] République devait livrer les locaux pourvus d’une alimentation électrique, à charge pour la société Brj Services de relier ses installations aux canalisations et conduites en attente.

Il est établi que les deux locaux ont été livrés par la SCI [G] République pourvus d’une alimentation électrique. Toutefois il est apparu que le voltage n’était pas suffisant pour l’activité de laverie automatique.

Si la société Brj Services prétend qu’elle ignorait que l’alimentation serait électrique et non au gaz comme dans l’ancien local, les attentes EF/EU, électricité et téléphone figurent sur le plan du local qu’elle a signé le 10 novembre 2015, de sorte qu’elle ne pouvait pas ignorer que le local n’était pas alimenté en gaz et elle n’a, malgré de nombreux courriers de relance versés aux débats par la SCI [G] République fait réaliser un premier bilan de puissance de l’installation électrique que le 6 avril 2016, lequel a fait l’objet d’une modification le 27 mai 2016 suite à l’ajout de deux sèche- linges. La puissance nécessaire à l’activité de laverie automatique étant liée au nombre et type d’appareils (sèche-linges et lave-linges) utilisés par la locataire, seule celle-ci pouvait faire établir un bilan de la puissance électrique dont elle allait avoir besoin, de sorte qu’elle n’établit pas de faute de la SCI [G] République , qui lui a délivré le 15 décembre 2015 un local pourvu d’une alimentation électrique établie au vu des informations dont elle disposait à ce moment là.

Par conséquent la société Brj Services sera déboutée du surplus de sa demande.

Par ailleurs, la SARL BRJ SERVICES n’apporte pas la preuve de l’existence d’une fuite d’eau ultérieurement au 7 janvier 2016 date à laquelle la fuite, dont elle se plaignait par courrier en date du 2 janvier 2016, a été réparée, le constat d’huissier du 1er février 2016 ne faisant état que d’une ‘trace’ sur le mur de ruissellement et d’une trace d’humidité encore visible, et non d’une fuite encore existante à cette date. Il en résulte que le local C7A dans lequel une activité de cordonnerie devait être exercée a été livré conformément aux dispositions du protocole d’accord transactionnel du 30 janvier 2014, la société Brj Services ne rapportant pas la preuve que cette fuite d’eau, réparée rapidement, aurait entraîné un retard dans ses travaux d’aménagement.

Au regard de ces éléments, la société Brj Services sera déboutée de sa demande de remboursement des loyers, étant relevé qu’une franchise de loyers de deux mois jusqu’au 15 février 2016 lui a été accordée au titre des deux baux, outre que lesdits loyers ont été réglés à la société Vilogia, alors bailleresse, et non à la SCI [G] République.

Sur la demande de la SCI [G] République au titre des travaux de raccordement

Si les travaux de raccordement électrique ont été différés du fait de l’absence d’information délivrée en temps utile par la société Brj Services, ceux-ci sont néanmoins à la charge de la SCI [G] République en application du protocole précité de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la SCI [G] Républiquede sa demande de remboursement.

Sur les demandes accessoires

Le jugement sera infirmé sur les dépens de première instance et en ce qu’il a rejeté les demandes des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité commande de condamner la SCI [G] République à régler à la société Brj Services la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La SCI [G] République qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

Par arrêt contradictoire

Infirme le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes de condamnation formées par la société Brj Services au titre du retard de livraison des locaux, au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens ;

Le confirme pour le surplus

Condamne la SCI [G] République à verser à la société Brj Services la somme de 2777,50 euros en application du protocole d’accord transactionnel du 30 janvier 2014, au titre du retard de livraison du local pour la période du 1er décembre 2015 au 15 décembre 2015 ;

Condamne la SCI [G] République à payer à la société Brj Services la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Condamne la SCI [G] République aux dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de l’avocat postulant en application de l’article 699 3 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

 


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