12 mai 2022
Cour d’appel de Poitiers
RG n°
21/00003
ARRET N°269
N° RG 21/00003 – N° Portalis DBV5-V-B7F-GFUG
TERRIER
TERRIER
TERRIER
TERRIER
[S]
[S]
[Y]
[Y]
[Y]
[Y]
[Y]
C/
MONSIEUR LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT DDFIP
Communauté D’AGGLOMÉRATION DE LA ROCHELLE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
Expropriations Civile
ARRÊT DU 12 MAI 2022
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00003 – N° Portalis DBV5-V-B7F-GFUG
Décision déférée à la Cour : jugement du 27 novembre 2020 rendu par le Juge de l’expropriation de LA ROCHELLE.
APPELANTS :
Monsieur [O] [U]
né le 20 Décembre 1942 à LA ROCHELLE (17)
103 rue de la Muse
17000 LA ROCHELLE
Madame [P] [U] épouse [D]
née le 24 Novembre 1939 à LA ROCHELLE (17)
30 boulevard Emile Delmas
17000 LA ROCHELLE
Madame [X] [U] épouse [V]
née le 09 Juillet 1947 à LA ROCHELLE (17)
36 route de Mouillepieds
17220 SAINTE SOULLE
Madame [K] [U]
née le 21 Septembre 1948 à FECAMP (76)
14 boulevard du Maréchal Lyautey
17000 LA ROCHELLE
Monsieur [Z] [S] tant en son nom personnel qu’en qualité d’héritier de Monsieur [A] [S]
né le 29 Novembre 1933 à LA ROCHELLE (17)
12 rue de la Tuilerie
17230 ANDILLY
Monsieur [I] [S] tant en son nom personnel qu’en qualité d’héritier de Monsieur [A] [S]
Zone Artisanale
38112 MEAUDRE
Madame [T] [Y]
née le 03 Mars 1936 à LA ROCHELLE (17)
16 Sentier des Canaris
83500 LA SEYNE SUR MER
Monsieur [L] [Y] tant en son nom personnel qu’en qualité d’héritier de Madame [T] [Y]
16 Sentier des Canaris Domaine du Cap Sicié
83500 LA SEYNE SUR MER
Madame [E] [Y] épouse [R] tant en son nom personnel qu’en qualité d’héritière de Madame [T] [Y]
90 place Altamira
34056 MONTPELLIER
Madame [W] [Y] tant en son nom personnel qu’en qualité d’héritière de Madame [T] [Y]
404 chemin du Val Dardennes
83200 LE REVEST LES EAUX
Madame [F] [Y] épouse [M] tant en son nom qu’en qualité d’héritière de Madame [T] [Y]
3 rue Jean Goujon
11000 CARCASSONNE
ayant tous pour avocat postulant Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON – YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Xavier DELAVALLADE, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMES :
MONSIEUR LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT DDFIP
Service Domaine et Politique Immobilière de l’Etat – 24 Aven
ue de Fétilly BP 40587 –
17021 LA ROCHELLE CEDEX 01
en la personne de Mme [C] [J]
Communauté d’agglomération de LA ROCHELLE
6, rue Saint Michel
17000 La Rochelle
ayant pour avocat postulant Me Fatiha NOURI de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Tadjdine BAKARI, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 07 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Madame Anne VERRIER, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,
ARRÊT :
– Contradictoire
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ :
La cour statue sur l’appel formé le 22 janvier 2021 par [P] [U] épouse [D], [O] [U], [X] [U] épouse [V], [K] [U], [I] et [Z] [S] venant tous deux aux droits de feu [A] [S], [L], [E], [W] et [F] [Y] venant tous quatre aux droits de feue [T] [Y], à l’encontre d’un jugement du juge de l’expropriation de la Charente-Maritime prononcé le 27 novembre 2020 fixant l’indemnisation leur revenant au titre de l’expropriation par la communauté d’agglomération de La Rochelle de la parcelle cadastrée section AC n°569 d’une superficie de 612 m² dont ils sont propriétaires indivis sur le territoire de la commune d’Aytré, au lieudit Fief des Cottes Mailles.
Pour l’exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :
* transmises par les consorts [U]/[S]/[Y] le 22 avril 2021, et notifiées le 23 avril à la communauté d’agglomération de La Rochelle et au commissaire du gouvernement (les AR du 26.04)
* adressées par la communauté d’agglomération de La Rochelle le 19 juillet 2021, et notifiées le jour même aux consorts [U]/[S]/[Y] et au commissaire du gouvernement (AR des 21.07)
* adressées par le commissaire du gouvernement le 1er décembre 2021, reçues au greffe le 2 décembre 2021 et notifiées le jour même aux consorts [U]/[S]/[Y] et à la communauté d’agglomération de La Rochelle (AR des 03 et 06.12).
Dans le présent arrêt, il sera seulement rappelé qu’agissant en vertu d’un arrêté préfectoral du 12 avril 2007 déclarant d’utilité publique les acquisitions de parcelles en vue de la création d’un boulevard entre l’échangeur des Cottes Mailles à Aytré et l’avenue Jean Moulin à La Rochelle, et sur ordonnance d’expropriation du 13 décembre 2013, la communauté d’agglomération de La Rochelle a saisi le juge de l’expropriation du département de la Charente Maritime le 31 décembre 2014 en fixation d’indemnité par une lettre à laquelle était annexé un mémoire du 20 juin 2014 contenant sa proposition d’indemnisation aux consorts [U]/[S]/[Y], propriétaires indivis sur la commune d’une parcelle cadastrée section AC n°569 d’une superficie de 612 m² issue d’une parcelle anciennement cadastrée AC n°33 ; que le juge de l’expropriation, après avoir attendu que la cour d’appel de Poitiers ait statué sur les appels formés contre des jugements ayant fixé l’indemnité d’expropriation revenant à un groupe de propriétaires voisins, a contradictoirement procédé au transport sur les lieux le 12 mai 2017 puis sursis à statuer par jugement du 24 novembre 2017 dans l’attente de l’issue du pourvoi en cassation formé contre les arrêts rendus les 7 septembre et 14 décembre 2016 par la cour d’appel de Poitiers ayant fixé pour les parcelles voisines un prix différencié allant de 6,9 euros à 27,50 euros du m² selon leur situation plus ou moins privilégiée; que ces arrêts ayant été cassés partiellement du chef de l’indemnité principale et de l’indemnité de remploi par arrêts de la Cour de cassation du 3 mai 2018 avec renvoi de la cause et des parties devant la chambre de l’expropriation de la cour d’appel de Bordeaux, le sursis à statuer a été reconduit ; que la cour de Bordeaux ainsi saisie sur renvoi de cassation a statué par arrêts du 27 novembre 2019 en fixant une indemnité d’expropriation sur la base d’un prix au m² variant de 9 à 30 euros en fonction de la situation plus ou moins privilégiée du terrain exproprié ; que la présente affaire a alors été remise au rôle du juge de l’expropriation de la Charente-Maritime, devant lequel les parties ont conclu, les expropriés pour solliciter à titre principal un nouveau sursis à statuer dans l’attente que la cour administrative d’appel de Bordeaux statue sur la régularité, déniée, de la déclaration d’utilité publique ; et que le jugement entrepris, après avoir déclaré recevable l’action diligentée par la communauté d’agglomération de La Rochelle et rejeté la demande de sursis à statuer, a fixé sur la base de 9 euros du m² à 5.508 euros l’indemnité principale revenant aux expropriés sous déduction de 230 euros d’indemnité d’éviction à revenir au fermier soit 5.278 euros ; a débouté les expropriés de leur demande d’indemnité de remploi au motif, tiré de l’article R.322-5 du code de l’expropriation, que leur parcelle était notoirement en vente ; a rejeté comme non fondée leur demande d’indemnité pour dépréciation du surplus, et a condamné la communauté d’agglomération de La Rochelle aux dépens ainsi qu’à payer 3.000 euros aux consorts [U]/[S]/[Y] à titre d’indemnité de procédure.
Les consorts [U]/[S]/[Y] demandent à la cour d’infirmer le jugement et, statuant à nouveau :
.de fixer l’indemnité principale
– à titre principal :
.à 61.200 euros sur la base de 100 euros du m²
.à défaut : à 16.830 euros sur la base de 27,50 euros du m²
-subsidiairement : à 11.475 euros sur la base d’une moitié de la parcelle à 27,50 euros du m² et l’autre à 10 euros du m²
-très subsidiairement à 10.557 euros sur la base d’une moitié de la parcelle à 27,50 euros du m² et l’autre à 7 euros du m²
.de fixer l’indemnité de remploi à 7.120 euros sur la base d’une indemnité principale chiffrée à 61.200 euros
.de fixer l’indemnité pour dépréciation du surplus
-à titre principal : à 118.960 euros sur la base de 100 euros du m²
-subsidiairement : à 11.896 euros sur la base de 10 euros du m²
-très subsidiairement à 8.327 euros sur la base de 7 euros du m²
.de leur allouer en toute hypothèse 4.000 euros d’indemnité de procédure.
Ils déclarent approuver la date de référence retenue par le juge de l’expropriation.
Ils contestent la position adoptée par la chambre de l’expropriation de la cour d’appel de Poitiers dans ses arrêts du 7 septembre 2016.
Ils exposent que ce secteur avait une incontestable vocation constructible et que seul son classement en zone ND maintenu de façon suspecte voire dolosive pendant des décennies en raison du projet de boulevard urbain existant depuis la fin des années 1960 explique la modicité des prix auquel la communauté d’agglomération a pu acquérir des lots.
Ils soutiennent que leur parcelle est dans sa totalité en situation hautement privilégiée, en indiquant qu’elle est située à 120 mètres environ de l’urbanisation la plus proche ; qu’un promoteur leur en offrait 30 euros du m² en 2003 ; qu’une autre parcelle voisine pour laquelle la communauté d’agglomération n’a pas exercé son droit de préemption urbain a, de fait, été cédée à la société Dumas Henri Participations à ce prix en 2005. Ils récusent tout caractère spéculatif des promesses d’achat émises, et indiquent que plusieurs aménageurs ont fait des offres entre 30 et 40 euros du m² dans les années 2000. Ils rappellent que l’intimée a elle-même préempté à 27,50 euros du m², et fait des offres d’achat à ce prix en 2009 à des voisins.
Ils estiment que la valeur de leur parcelle doit être fixée à 100 euros du m² en se fondant sur l’offre d’achat à 185 euros du m² que l’Etablissement foncier de Poitou Charentes a formulée le 4 janvier 2013 pour une parcelle de 1.500 m² comprenant 370 m² de bâtiment d’activité à M. [N], dont le bien est à dix mètres du futur boulevard ; et sur l’acquisition faite par ce même établissement le 27 avril 2011 à 130 euros du m² d’une parcelle nue à aménager de 18.773 m².
Ils réfutent la pertinence des termes de comparaison cités par le commissaire du gouvernement, en soutenant que les terrains situés en dehors de la zone des Cottes Mailles ne sont pas comparables au leur ; qu’il se fonde, indûment, sur la vocation future des terrains en se référant aux équipements qu’ils doivent recevoir ; et qu’il méconnaît le caractère ‘hyper privilégié’ de leur bien.
Ils sollicitent ainsi une indemnité principale fixée sur la base de 100 euros du m².
Ils demandent à la cour de fixer subsidiairement leur indemnisation sur la base de 27,50 euros ; très subsidiairement de 27,50 euros pour la moitié de la surface et 10 euros pour l’autre moitié compte-tenu du barème de la chambre d’agriculture ; et infiniment subsidiairement de 27,50 euros pour une moitié et de 7 euros pour l’autre moitié selon ce que propose le commissaire du gouvernement.
Ils affirment que le reliquat non exproprié de leur parcelle, soit 1.487 m², subit une dépréciation de 80% car sa vocation agricole périclitera compte-tenu des difficultés mécaniques à l’exploiter, y compris par épandage, du fait de sa scission en trois sections distinctes au Nord du boulevard compte-tenu des axes de circulation à créer, de la proximité de l’urbanisation, des angles et de l’allongement des temps de parcours.
La communauté d’agglomération de La Rochelle relate l’historique du projet de création d’une liaison urbaine entre l’échangeur des Cottes Mailles à Aytré et l’avenue Jean Moulin à La Rochelle.
Elle écarte comme inopérante la critique développée par les appelants contre les arrêts de la cour d’appel de Poitiers rendus les 7 septembre et 14 décembre 2016 puisqu’ils ont été cassés et annulés, et que le juge de l’expropriation ne s’y réfère pas dans le jugement déféré.
Elle approuve le juge de l’expropriation d’avoir dit que la parcelle litigieuse était en situation privilégiée, et considère qu’il n’y a pas à entrer dans des nuances de ce caractère privilégié, alors qu’elle est actuellement à usage agricole, qu’elle est totalement enclavée, qu’elle n’est pas à proximité immédiate de la zone urbanisée ni des réseaux, que sa vocation future n’a pas à être considérée, et qu’elle est classée en zone AULv,
Elle récuse toute fixation différenciée d’un prix au m², et considère que le montant unitaire de 9 euros du m² adopté par le jugement déféré est pertinent, et en cohérence avec l’appréciation de la cour d’appel de Bordeaux saisie sur renvoi de cassation pour fixer l’indemnité revenant à une série de propriétaires voisins.
Elle tient pour dénuées de pertinence les promesses unilatérales de vente et les offres d’achat, car ne témoignant pas d’une valeur acquise ; les mutations de 20.11.2013 et du 27.04.2011 car portant sur des biens non comparables ; et la vente du 05.07.2005 car les conditions de sa réalisation sont invérifiables faute de précision sur les références de publication et aussi en raison de son ancienneté.
Elle indique que la parcelle est clairement agricole, et que le prix des terres agricoles en Aunis varie de 0,48 à 1 euros du m².
Elle se prévaut de cinq termes de comparaison tirés de mutations intervenues à Aytré entre octobre 2008 et novembre 2006 à des prix situés dans une fourchette de 3,70 euros hors remploi à 8,70 euros, cite deux références plus éloignées de biens vendus en 2006 et 2005 à 6,95 et 6 euros du m², et indique qu’une valeur de 9 euros du m² est tout à fait correcte.
Elle rappelle que le fermier a perçu 230 euros à titre d’indemnité d’éviction.
Elle maintient ne pas être redevable d’une indemnité de remploi en faisant valoir que les consorts [U]/[D] avait consenti le 16 avril 2004 à la société Dumas Henri Participation une promesse unilatérale de vente enregistrée expirant le 31 octobre 2008 qui était toujours tenante dans les six mois précédant la déclaration d’utilité publique, de sorte que le bien doit être regardé comme notoirement mis en vente, au sens de l’article R.13-46 du code de l’expropriation.
Elle conteste toute dépréciation du surplus, en faisant valoir que la parcelle est détachée d’une pièce de terre de 2.099 m² qui n’était déjà pas grande et dont le reliquat de 1.487 m² demeure parfaitement exploitable dans des conditions qui ne changeront pas.
Elle demande à la cour de condamner les appelants aux dépens d’appel et au paiement de 2.000 euros d’indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le commissaire du gouvernement a transmis des conclusions demandant à la cour de fixer :
.l’indemnité principale, sur la base de 9 euros du m², à 5.508 euros
.l’indemnité de remploi à 1.076,20 euros
.l’indemnité d’éviction à déduire à 189,23 euros
soit une indemnité totale de 6.394,97 euros, en indiquant ne pas se prononcer sur les autres demandes.
L’affaire, d’abord fixée à l’audience du 6 janvier 2022, a été renvoyée à la demande des parties et fixée à celle du 7 mars 2022, tenue en rapporteur, ce à quoi les parties ne se sont pas opposées.
À l’audience, la cour a indiqué qu’elle examinerait la recevabilité des conclusions et pièces au regard du respect des prescriptions de l’article R.311-26 du code de l’expropriation, à quoi il n’a pas été formulé d’observations.
L’affaire a été mise en délibéré au 10 mai 2022, prorogé au 12 mai 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
* sur la procédure
L’appel formé le 22 janvier 2021 par les consorts [U]/[S]/[Y] est recevable, et régulier.
Selon l’article R.311-26, alinéa 1, du code de l’expropriation, à peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office, l’appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu’il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel.
Selon son deuxième alinéa, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, l’intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu’il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.
Selon son quatrième alinéa, le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l’ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.
Les conclusions d’appelants des consorts [U]/[S]/[Y] et les conclusions d’intimée de la communauté d’agglomération de La Rochelle sont recevables, comme transmises dans ces délais.
Les conclusions et pièces transmises par le commissaire du gouvernement le 1er décembre 2021, et reçues au greffe le 2 décembre 2021, sont irrecevables, pour avoir été adressées après l’expiration du délai de trois mois courant du 26 avril 2021, date à laquelle il a signé l’avis de réception de la notification des conclusions des appelants.
Le chef du jugement qui a rejeté la demande de sursis à statuer n’est pas querellé en cause d’appel.
* sur le fond
Pour ce qui est de la nature du bien, de son usage effectif et de sa consistance, il s’agit d’une parcelle en nature de terre, de forme trapézoïdale, d’une contenance de 612 m², à usage agricole, située à 120 mètres environ du tissu urbain, entièrement enclavée.
.
Elle est exploitée en culture de blé, et le juge de l’expropriation de la Charente Maritime a constaté qu’il revenait à l’exploitant, M. [B], fermier, une indemnité d’éviction de 230 euros en un chef de décision qui n’est pas contesté devant la cour.
¿ S’agissant de la date à laquelle le bien exproprié doit être estimé, c’est celle de la décision de première instance, conformément à l’article L.322-2 du code de l’expropriation, seul étant pris en considération -sous réserve de l’application des articles L.322-3 à L.322-6- son usage effectif à la date définie par ce texte.
¿ S’agissant de la date de référence, il n’existe pas de discussion entre les parties sur celle retenue par le juge de l’expropriation, qui a été fixée en application de l’article L.213-4 du code de l’urbanisme au 17 novembre 2011, date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le plan d’occupation des sols, ou approuvant, révisant ou modifiant le plan local d’urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien, s’agissant en l’occurrence de la date d’approbation du PLU d’Aytré.
¿ S’agissant des données d’urbanisme, il est vain, pour les expropriants, d’arguer de dol le classement de leur parcelle devant la présente juridiction, qui n’est pas compétente pour connaître d’une contestation à ce titre. Le bien est situé à la date de référence en zone AULv, laquelle correspond à des espaces faisant l’objet d’un emplacement réservé pour un équipement public ou d’intérêt collectif, de voirie, de parking. Il était, auparavant, situé en zone ND du POS.
¿ S’agissant de la qualification, celle de terrain à bâtir n’est pas invoquée, ni démontrée.
Bien qu’il s’agisse d’un terrain agricole, exploité comme tel, les parties s’accordent à lui reconnaître la qualification de terrain en situation privilégiée.
De fait, il présente assurément une nette plus-value par rapport à des terrains agricoles standards, du fait de sa situation à la jonction des villes d’Aytré et de La Rochelle, et à 120 mètres environ des habitations du bourg, et le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a retenu cette nature de terrain privilégié.
Il n’y a pas à qualifier davantage cette situation privilégiée, ni à différencier des zones à l’intérieur de la parcelle, ce que sa taille, sa forme et sa localisation ne justifient pas.
¿ S’agissant de la méthode d’évaluation, la loi n’en prescrit aucune, sauf à tenir compte s’il y a lieu des accords amiables conclus entre l’expropriante et les divers titulaires de droits à l’intérieur du périmètre des opérations faisant l’objet de la déclaration d’utilité publique au sens des prescriptions de l’article L.322-8 du code de l’expropriation, aucun justificatif probant de la réalité, de la date ni du contenu de tels accords amiables n’étant produit en la cause.
C’est à bon droit que le premier juge a retenu la méthode dite ‘par comparaison’, consistant à fixer la valeur vénale du bien exproprié à partir de l’étude objective des ventes de biens qui lui sont soit similaires, soit du moins comparables, telle qu’elle ressort des mutations d’immeubles enregistrées sur le marché local.
¿ S’agissant de l’indemnité principale, il n’y a pas lieu de prendre en considération les promesses d’achat ou de vente qui ont pu être formulées dans le secteur, que ce soit par des promoteurs ou des aménageurs tel l’établissement public foncier de Poitou Charentes dont les expropriés citent une proposition d’achat du 4 janvier 2013 portant au demeurant sur une parcelle bâtie, seules les mutations effectives rendant compte de l’état réel du marché.
Les mutations citées par les appelants portant sur des terrains à bâtir ne constituent pas des termes de comparaison pertinents, leur parcelle n’ayant pas la qualification de terrain à bâtir.
Ne constitue ainsi pas un terme pertinent la vente qu’ils citent conclue le 27 avril 2011 à 130 euros du m² par l’Établissement public foncier de Poitou-Charentes, l’acte de vente énonçant qu’il s’agit d’un terrains à bâtir (cf pièce n°6 de l’expropriante, page 3).
Ne constitue pas non plus un terme de comparaison pertinent la vente CANAS/Bouygues intervenue à 95 euros du m² le 20 novembre 2013 invoquée par les appelants, s’agissant d’un terrain constructible classé en zone UE (cf sa pièce n°7, page 11).
Il est par ailleurs vain, pour les appelants, de discuter de mutations citées dans les arrêts cassés de la cour d’appel de Poitiers de 2016, et dont les actes et références ne sont pas produits.
La vente du 5 juillet 2005 citée par les expropriés d’une parcelle cadastrée AR n°38 conclue à 30 euros du m² porte sur un terrain qui est certes agricole et dont le classement est similaire, mais qui diffère de la parcelle litigieuse dans la mesure où il joint une rue du bourg, en l’occurrence la rue Cottes Mailles, et se situe à proximité immédiate des réseaux, de sorte que cette mutation n’a pas à être écartée, comme l’a décidé le premier juge, mais relativisée et mise en perspective dans sa prise en compte comme référence.
L’expropriante se prévaut de cinq termes de comparaison tirés de ventes conclues à Aytré
.le 23.10.2008 à 3,70 euros du m² d’une parcelle de 1.703 m² classée en zone ND et qui n’était pas à proximité immédiate de la zone urbanisée
.le 14.10.2008 à 8,29 euros du m² d’une parcelle de 2.265 m² classée en zone ND mais assez proche de la zone urbanisée et jouxtant d’ailleurs la zone 1NA
.le 11.09.2008 à 8,70 euros du m² d’une parcelle de 649 m² classée en zone ND et 1NA, la zone ND comprenant principalement des espaces naturels nécessitant une protection vis-à-vis de l’urbanisation, et le zone 1NA comprenant des espaces naturels actuellement non équipés et destinés à constituer des réserves foncières pour l’extension de l’urbanisation
.le 24.11.2006 à 6,27 euros du m² d’une parcelle de 10.967 m² classée en zone NC et UXf, la zone NC correspondant à un espace naturel réservé à l’agriculture et l’élevage, et la zone Uxf à des espaces affectés à des activités tertiaires, commerciales et artisanales
.le 31.10.2006 à 7,16 euros du m² d’une parcelle de 2.654 m² pareillement classée en zone NC et UXf.
Contrairement à ce qu’a décidé le premier juge, la première de ces cinq mutations n’a pas à être écartée du seul fait qu’elle est intervenue à un prix sensiblement plus bas que les quatre autres, en l’absence de circonstance établissant que ce prix n’était pas sincère.
En revanche, tout comme la mutation du 5 juillet 2005 à 30 euros du m² invoquée par les expropriés, elle apparaît comme isolée, et comme telle peu représentative de la valeur moyenne de tels terrains à Aytré.
La moyenne de ces six termes de comparaison dégage (30 + 3,70 + 8,29 + 8,70 + 6,27 + 7,16) / 6 une valeur au m² de 10,60 euros qui, compte tenu du caractère isolé des deux références extrêmes de la fourchette de prix, doit être pondérée pour être ramenée plus proche des quatre termes médians.
La valeur de 9 euros du m² retenue par le premier juge apparaît ainsi pertinente, et le jugement sera confirmé en ce qu’il a fixé sur cette base l’indemnité principale d’expropriation à (612 x 9) = 5.508 – 230 euros d’indemnité d’éviction revenant au fermier, soit 5.278 euros.
¿ S’agissant de l’indemnité de remploi, c’est à bon droit que le premier juge a dit que l’expropriante n’en était redevable d’aucune, par application de l’article R.13-46 du code de l’expropriation, dès lors que le bien exproprié était notoirement destiné à la vente ou mis en vente par le propriétaire exproprié au cours de la période de six mois ayant précédé la déclaration d’utilité publique, puisque les consorts [U]/[D] avait consenti le 16 avril 2004 à une société Dumas Henri Participation une promesse unilatérale de vente enregistrée le 22 avril 2004 qui expirait le 31 octobre 2008 et a d’ailleurs été prorogée à deux reprises les 19 octobre 2008 et 7 juin 2009, de sorte qu’elle était bien tenante dans les six mois ayant précédé la DUP du 12 avril 2007.
¿ S’agissant de la dépréciation du surplus, dont les expropriés soutiennent devoir être indemnisés, ils n’en démontrent pas la réalité.
En effet, la parcelle expropriée est issue d’une ancienne parcelle AC n°33 de 2.099 m²; après sa division en AC n°579 pour 612 m² et AC n°578 pour le surplus, les consorts [U]/[S]/[Y] restent propriétaires d’une pièce de terre de 1.487 m² ; et il n’est justifié, fût-ce par indice, d’aucun élément de nature à rendre plausible que cette parcelle agricole, d’une configuration régulière et homogène, soit plus difficile à exploiter, ou plus généralement à valoriser, qu’avant l’expropriation, où l’ensemble était déjà de superficie modeste.
Le jugement entrepris sera ainsi également confirmé en ce qu’il a rejeté ce chef de demande.
¿ S’agissant des dépens et de l’application de l’article 700 du code de procédure civile, le jugement les a pertinemment mis à la charge de l’expropriante avec indemnité de procédure.
Les consorts [U]/[S]/[Y] succombent devant la cour et supporteront donc la charge des dépens d’appel, l’équité justifiant de ne pas mettre d’indemnité de procédure à leur charge.
PAR CES MOTIFS
la cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort
DÉCLARE irrecevables, comme tardives, les conclusions et pièces transmises par le commissaire du gouvernement le 1er décembre 2021, et reçues au greffe le 2 décembre 2021
CONFIRME le jugement entrepris, rendu le 27 novembre 2020 par la juridiction de l’expropriation de la Charente Maritime
DÉBOUTE les parties de leurs prétentions autres ou contraires
CONDAMNE in solidum les consorts [U]/[S]/[Y] aux dépens d’appel
DIT n’y avoir lieu à indemnité de procédure en cause d’appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,