Indemnité d’éviction : 12 mai 2022 Cour d’appel de Papeete RG n° 21/00066

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Indemnité d’éviction : 12 mai 2022 Cour d’appel de Papeete RG n° 21/00066

12 mai 2022
Cour d’appel de Papeete
RG
21/00066

N° 174

GR

————–

Copies exécutoires

délivrées à :

– Me Despoir,

– Me Huguet,

le 16.05.2022.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D’APPEL DE PAPEETE

Chambre Civile

Audience du 12 mai 2022

Rg n° 21/00066 ;

Décision déférée à la Cour : jugement n° 45-CIV/20, rg n° 16/00005 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete, section détachée d’Uturoa Raiatea, du 20 novembre 2020 ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d’appel le 4 mars 2021 ;

Appelant :

M. [P] [B], né le 16 juin 1962 à [Localité 1], de nationalité française, entrepreneur, demeurant à [Adresse 3] ;

Représenté par Me Jean-Yves DESPOIR, avocat au barreau de Papeete ;

Intimé :

M. [K] [X], né le 28 mai 1961 à [Localité 4], de nationalité française, restaurateur, demeurant à [Adresse 5], nanti de l’aide juridictionnelle n°2021/001316 du 18 mars 2021 ;

Représenté par Me Adrien HUGUET, avocat au barreau de Papeete ;

Ordonnance de clôture du 26 novembre 2021 ;

Composition de la Cour :

La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 10 février 2022, devant M. RIPOLL, conseiller désigné par l’ordonnance n° 83/OD/PP. CA/21 du Premier Président de la Cour d’Appel de Papeete en date du 15 décembre 2021 pour faire fonction de Président dans le présent dossier, Mme BRENGARD, président de chambre, Mme TISSOT, vice-présidente placée auprès du premier président, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par M. RIPOLL, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

Faits, procédure et demandes des parties :

[P] [B] a assigné [K] [X] en résiliation d’un bail commercial en raison du délaissement des lieux par le preneur, lequel a invoqué des troubles de jouissance du fait du bailleur.

Par jugement rendu le 30 novembre 2020, le juge de la section détachée de Raiatea du tribunal de première instance de Papeete a :

Débouté [P] [B] de l’intégralité de ses demandes ;

Débouté [K] [X] de sa demande de liquidation d’astreinte ;

Condamné [P] [B] à payer à [K] [X] la somme de 1 000 000 XPF au titre de son préjudice commercial dont il faudra déduire la provision allouée de 400 000 XPF ;

Condamné [P] [B] à payer à [K] [X] la somme de 120 000 XPF au titre de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

Condamné [P] [B] aux entiers dépens.

[P] [B] a relevé appel par requête enregistrée au greffe le 4 mars 2021.

Il est demandé :

1° par [P] [B], appelant, dans sa requête, de :

dire et juger que l’appel partiel est recevable ;

confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [X] de sa demande d’astreinte ;

infirmer le jugement en toutes ses autres dispositions ;

dire et juger que M. [X] a abandonné les lieux loués malgré qu’il ait pu réintégrer les lieux et les exploiter jusqu’en décembre 2013 ;

dire et juger que la rupture du bail est intervenue aux torts de M. [X] ;

dire et juger que la résiliation du bail sera rétroactivement constatée en mai 2014 en suite de l’état des lieux ;

condamner M. [X] à payer à Monsieur [B] les sommes suivantes :

780.000 XPF au titre des loyers impayés ;

360.000 XPF au titre des 6 mois de préavis non respectés par le locataire ;

1.000.000 XPF au titre de la rupture du bail aux torts du locataire ;

réformer le 1er juge en ce qu’il a alloué à Monsieur [X] une somme de 1 000 000 F à titre de dommages et intérêts ;

débouter Monsieur [X] de toutes ses demandes ;

Y ajoutant,

dire et juger irrecevables les attestations produites par M. [X] en pièces 8 à 10 ;

condamner M. [X] à payer à M. [B] la somme de 300.000 XPF au titre des frais irrépétibles, outre les frais irrépétibles de 1ère instance d’un montant de 135 600 F ;

condamner M. [X] aux entiers dépens de première instance et d’appel ;

2° par [K] [X], intimé, appelant à titre incident, dans ses conclusions visées le 26 août 2021, de :

débouter Monsieur [B] de l’ensemble de ses demandes et prétentions ;

À titre reconventionnel,

infirmer le jugement du 30 novembre 2020 en ce que ce dernier a rejeté la demande de liquidation de l’astreinte instaurée par l’ordonnance du 10 juin 2013 ;

jugeant à nouveau, liquider ladite astreinte et condamner en conséquence Monsieur [B] au paiement au profit de Monsieur [X] de la somme de vingt-neuf millions six cent mille francs Pacifique (29.600.000 XPF) ;

confirmer pour le surplus le jugement déféré en l’ensemble de ses dispositions ;

condamner Monsieur [P] [B] à payer à Monsieur [K] [X] la somme de 160.000 XPF de l’article 407 du Code de procédure civile de la Polynésie française, outre les dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 26 novembre 2021.

Il est répondu dans les motifs aux moyens et arguments des parties, aux écritures desquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé.

Motifs de la décision :

L’appel a été interjeté dans les formes et délais légaux. Il est recevable.

Le jugement dont appel a retenu que :

-Sur le bail : loyers impayés, non-respect du préavis et rupture abusive :

Aux termes de l’article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière: 2° d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée; 3°d’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail. Aux termes de l’article 1728 du code précité, le preneur est tenu à deux obligations principales: 1 ° d’user de la chose louée raisonnablement et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d’après les circonstances, à défaut de convention; 2° de payer le prix du bail aux termes convenus.

Le demandeur sollicite dans ses écritures le paiement de 13 mois de loyers impayés, de janvier 2013 à janvier 2014, en admettant, conformément à son courrier en date du 11 février 2013, qu’une compensation s’est opérée entre les loyers impayés de septembre 2012 à janvier 2013. et les travaux assumés par le défendeur pour la mise en état du local ainsi qu’un crédit de ‘repas’ consommés au snack. Le défendeur excipe de l’exception d’inexécution, arguant du fait qu’il s’est trouvé dans l’impossibilité d’utiliser les locaux loués comme le prévoyait le bail. Il est établi, que jusqu’à l’ordonnance de référé du 10 juin 2013, M. [X] ne pouvait accéder au restaurant, en raison du dispositif de fermeture apposé par le requérant, à qui il a été enjoint, sous astreinte, de faire cesser ce trouble

illicite. De telle sorte, que de janvier 2013 à, au moins, juin 2013, le défendeur a bien été dans l’impossibilité totale d’utiliser les locaux loués et que de ce fait, les loyers ne sont pas dus pour cette période.

D’autre part, il ressort des pièces produites aux débats (procès-verbal d’assemblée de commune de [I] du 13 février 2013, ordonnance du 10 juin 2013, rapport d’information de la police municipale de [I] et compte rendu d’intervention des pompiers du 14 novembre 2013), que M. [B] a volontairement coupé l’alimentation en eau du bien loué au défendeur, et manifesté son intention de ne pas installer de nouveau branchement sur le terrain, comme le souligne dans sa motivation l’arrêt de la cour d’appel de Papeete du 19 juin 2014, en indiquant que, ‘la réalité de ce trouble affectant l’exploitation normale du fonds de commerce de restaurant est parfaitement justifiée en l’espèce, par la production d’un rapport rédigé par les agents de la police municipale de la commune, de même que par un rapport d’intervention des sapeurs-pompiers et enfin par les attestations de clients ayant dû annuler leur réservation du fait de l’absence d’alimentation en eau », attestations qu’il n’y a pas lieu de déclarer irrecevables.

Il ressort en conséquence de l’ensemble de ces éléments, que M. [X] démontre qu’il n’a jamais pu, jusqu’à son départ en janvier 2014, utiliser les locaux loués conformément au bail, c’est-à-dire poursuivre l’exploitation d’une activité de restauration qui nécessite, à l’évidence, de pouvoir bénéficier d’une alimentation en eau courante, notamment au regard de la situation du bien loué, qui permet d’installation d’un branchement.

De telle sorte, que M. [B] sera débouté de l’ensemble de ses demandes tenant, tant au paiement des loyers impayés, que du non-respect du préavis ainsi que de l’indemnisation de la rupture alléguée d’abusive, étant rappelé que seul le preneur pouvait mettre un terme au bail et alors que devant la cour d’appel, M. [B] avait été débouté de sa demande à voir prononcer la résolution judiciaire du contrat de bail, au motif de l’incompétence de la cour en matière de référé, pour trancher une question de fond.

-Sur les demandes reconventionnelles :

La liquidation de l’astreinte :

Lorsqu’une astreinte est prononcée, il appartient à celui qui en demande la liquidation, de prouver qu’elle a couru, en établissant la durée pendant laquelle l’obligation de faire dont elle était assortie est restée inexécutée.

Il ressort des pièces produites aux débats qu’ il a été enjoint à M. [B] de procéder à l’alimentation en eau du restaurant ‘ snack Bellevue’ sous astreinte de 10 000 XPF par jour de retard , passé le délai de 8 jours à compter de la signification de l’ordonnance de référé.

Or, le défendeur ne produit pas l’acte de signification de ladite ordonnance, de telle sorte qu’il n’est possible de déterminer à partir de quel moment, elle a commencé à courir, bien qu’il soit rapporté la preuve de l’inexécution de l’obligation de faire cesser le trouble. En conséquence, M. [X] sera débouté de sa demande de liquidation de l’astreinte.

Le paiement de l’indemnité provisionnelle et l’indemnité d’éviction :

Le montant de l’indemnité provisionnelle a été confirmé par arrêt de la cour d’appel de Papeete du 19 juin 2014, soit la somme de 400 000 XPF pour une période de 4 mois, étant précisé que durant cette période où il n’a pas pu accéder au snack, il n’a pas eu non plus à acheter de matières premières.

Afin d’apprécier le préjudice total subi, le tribunal constate que M. [X] n’a pas plus versé dans la présente procédure, d’éléments comptables au soutien de ses prétentions, les pièces intitulées  » comptes de résultats’ se révélant être des récapitulatifs de dépense et de recettes établis par le défendeur, non corroborés par la moindre facture notamment. Cependant, il a pu établir que des réservations ont dû être annulées et qu’il en a résulté nécessairement un préjudice commercial. En conséquence, il y a lieu de fixer son indemnisation à la somme de 1 000 000 XPF, dont il faudra déduire la provision de 400 000 XPF.

Les moyens d’appel sont : C. [B] a réglé 688 377 F CFP ; des attestations montrent que l’intimé n’a pas subi de préjudice en suite d’une hypothétique coupure d’eau ; il a abandonné les lieux le 31 décembre 2013 ; ils n’ont plus être reloués que bien plus tard en raison de leur état déplorable ; les loyers sont impayés depuis décembre 2012 ; après compensation, 780 000 F CFP restent dus ; les attestations produites par l’intimé sont irrégulières et ne rapportent pas des faits personnellement constatés par les témoins ; le préjudice allégué par l’intimé n’est pas comptablement justifié.

L’intimé conclut que : il est fondé à opposer au bailleur l’exception d’inexécution à l’égard du paiement des loyers ; la coupure de l’alimentation en eau est établie par les pièces produites ; il n’a pas abandonné les lieux mais a été contraint par le bailleur de délaisser son activité ; les lieux n’ont pas été dégradés et ont été reloués ; le préjudice commercial est justifié par les pièces comptables produites ; il y a matière à liquider l’astreinte.

Sur quoi :

Au vu des pièces produites :

Suivant acte sous seing privé en date du 1er février 2010, C. [B] a consenti à M. [X] un bail commercial portant sur des locaux comprenant une salle de restauration, une cuisine et annexe, WC, salle d’eau et terrasse couverte.

Lors d’une réunion organisée par la commune de [Localité 2] le 13 février 2013, C. [B] a déclaré qu’il avait bien interrompu l’alimentation en eau du snack Belle Vue chez M. [X] et qu’il ne souhaitait pas pour l’instant installer de nouveau branchement sur ce terrain.

M. [X] a été en arrêt de travail du 8 février au 31 mars 2013 pour un état de stress et angoisse expliqué par les menaces incessantes de son propriétaire.

Par ordonnance en date du 10 juin 2013, le juge des référés a enjoint à C. [B] de procéder à l’enlèvement du système de fermeture et à l’alimentation en eau du restaurant snack Belle Vue sis à [Adresse 3] ([Localité 1]) sous astreinte de 10 000 F CFP par jour de retard passé le délai de huit jours à compter de la signification de la décision, et a fixé à la somme de 400 000 F CFP le montant de l’indemnité provisionnelle due par C. [B] à M. [X] au titre du préjudice subi.

L’ordonnance du 10 juin 2013 a été signifiée le 8 juillet 2013. Elle a été confirmée par arrêt de la cour en date du 19 juin 2014 signifié le 27 juillet 2014.

Selon un rapport de la police municipale de [Localité 2] en date du 14 novembre 2013, l’établissement de M. [X] n’avait pas de compteur d’eau et celui-ci avait installé un bac de 1000 l. Le centre de secours de la commune a procédé au ravitaillement en eau de la citerne.

Des clients ont attesté pour M. [X] avoir constaté le manque d’eau dans le snack en juillet-août 2013 (I PJ8-11).

Des clients ont attesté pour C. [B] que le snack Belle Vue a toujours eu l’eau courante (A PJ3-10).

Des clients ont attesté le 21 mai 2015 que le snack était ouvert irrégulièrement en 2013 et qu’il était fermé depuis le 1er janvier 2014, et que le propriétaire a occupé les lieux le 1er mars 2014 (A PJ21-22-23-24).

Des clients ont attesté pour M. [X] qu’ils avaient annulé des réservations en mai et juin 2014 en raison de la fermeture du snack réoccupé par le propriétaire (I PJ17-21).

Par ordonnance en date du 18 avril 2016, le juge des référés a débouté, au motif de l’existence de contestations sérieuses, M. [X] de sa demande de liquidation de l’astreinte et de provision pour éviction, ainsi que C. [B] de sa demande reconventionnelle de provision pour loyers impayés.

C. [B] a introduit la présente instance par requête en date du 27 janvier 2016.

Le bailleur est tenu à l’égard du preneur d’une obligation de faire jouir paisiblement celui-ci de la chose louée (C. civ., art. 1719 3°) assortie d’une obligation de sécurité. L’alimentation en eau courante d’un établissement de restauration recevant du public constitue un élément indispensable à son achalandage et à son exploitation conformément aux lois et règlements en matière d’hygiène et de sécurité.

[P] [B] a manqué à ces obligations en interrompant l’alimentation en eau des lieux loués à compter au moins de février 2013. Sa contestation de ce fait ne suffit pas à contredire les témoignages précités, qui, étant réguliers en la forme, l’emportent sur ses propres attestations (lesquelles sont établies en 2020), car ils sont corroborés par des procès-verbaux des autorités municipales qui sont contemporains des faits. Il n’est pas justifié que cette alimentation avait été rétablie quand il a repris possession des lieux en mars 2014. Il n’est pas non plus établi que ce trouble soit résulté d’une cause étrangère ou du fait d’un tiers.

Par conséquent :

Les demandes de retrait des débats d’attestations de l’intimé sont rejetées.

L’astreinte provisoire fixée par l’ordonnance du 10 juin 2013 signifiée le 8 juillet 2013 doit être liquidée par le juge des référés qui l’a décidée (C.P.C.P.F., art. 718). Elle ne peut donc pas être liquidée dans la présente instance qui a lieu devant la juridiction du fond.

La cour dispose d’éléments d’appréciation suffisants pour prononcer la résiliation du bail à compter du 1er janvier 2014 aux torts exclusifs du bailleur. Ce dernier n’est donc pas bien fondé à invoquer la clause de préavis en cas de non-renouvellement par le preneur.

La gravité du comportement du bailleur et la persistance du trouble de jouissance motivent que le preneur ait mis fin unilatéralement au bail à la fin de son exercice 2013. Mais le paiement des loyers est dû jusqu’à cette date, car il n’est pas prouvé que ce trouble a rendu impossible ou très difficile la jouissance du locataire, l’exploitation du snack s’étant poursuivie jusqu’à fin 2013.

Le preneur est en outre tenu de dommages et intérêts contractuels à l’égard du bailleur pour non-respect du délai de préavis d’un mois en cas de restitution des locaux (bail, art. 19). Compte tenu toutefois du trouble de jouissance qui est établi à l’encontre de [P] [B], il échet d’en fixer le montant à un mois de loyer.

Les dégradations imputées par le bailleur au preneur ne sont pas établies par un état des lieux contradictoire, ni même daté et signé (PJ A25). Il n’est pas justifié qu’un inventaire n’aurait pu être fait par huissier ou devant témoins. La demande d’indemnisation de ce chef sera rejetée.

Le bail ne contient pas de clause réglant forfaitairement la réparation des préjudices nés à son occasion.

Étant soumis en 2013 au régime d’impôt forfaitaire des très petites entreprises (PJ I22), [K] [X] pouvait, au lieu de comptes annuels, ne tenir qu’un livre mentionnant chronologiquement le montant et l’origine des recettes qu’il percevait au titre de son activité professionnelle (C. com. applicable en Polynésie française, art. L123-28 al, 2). Les opérations doivent être enregistrées chronologiquement (art. L123-12). Le compte de résultat récapitule les produits et les charges de l’exercice, sans qu’il soit tenu compte de leur date d’encaissement ou de paiement. Il fait apparaître, par différence après déduction des amortissements et des provisions, le bénéfice ou la perte de l’exercice. Les produits et les charges, classés par catégorie, doivent être présentés soit sous forme de tableaux, soit sous forme de liste (art. L123-13). [K] [X] est par conséquent recevable à offrir de prouver l’existence et le montant d’un préjudice d’exploitation par ses pièces comptables.

Il s’agit de comptes de résultat mensuels rédigés manuscritement qui exposent les données suivantes :

MoisDépensesRecettesBénéfice

02/2010918 4091 640 050721 641

03/20101 104 9511 945 750840 799

01/2011668 8581 445 950777 092

02/2011824 0821 527 970703 888

05/2011852 8141 584 250695 936

01/20121 209 4561 719 810510 354

02/20121 061 6971 536 500474 803

03/20121 154 8531 703 950549 097

05/20121 491 5922 128 800637 208

01/2013339 136671 150332 014

Les avis d’imposition qui sont produits pour les années 2013 reposent sur une assiette forfaitaire et ne permettent pas de connaître le résultat de l’exploitation.

Aucun de ces éléments ne permet de caractériser la substance ni le montant du préjudice commercial invoqué par [K] [X]. Il n’est pas suffisant d’extrapoler celui-ci des quelques annulations de réservations qui sont justifiées.

D’autre part, [P] [B] a engagé sa responsabilité contractuelle en troublant durablement [K] [X] dans sa jouissance des lieux loués. La réparation de ce préjudice sera fixée au montant de 780 000 F CFP au regard des recettes mensuelles antérieures au trouble et des pièces précitées, notamment les certificats médicaux et les rapports d’intervention municipaux. La provision d’un montant de 400 000 F CFP fixée en référé s’impute sur cette somme.

En définitive, le compte entre les parties s’établit comme suit :

-loyers impayés de décembre 2012 à décembre 2013 : 60 000 x 12 = 720 000 F CFP ;

-indemnité pour défaut de préavis avant la restitution des lieux par le preneur: 60 000 F CFP ;

-frais de remise en état des lieux et de remise en location : non justifiés ;

-préjudice commercial du preneur : non justifié ;

-demande de liquidation d’astreinte : irrecevable ;

-dommages et intérêts pour troubles de jouissance du fait du bailleur: 780 000 F CFP.

Il échet de prononcer la compensation entre ces créances qui sont d’un montant identique.

Le jugement entrepris sera par conséquent infirmé. L’équité ne commande pas qu’il soit fait application des dispositions de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française . La solution du litige motive que chaque partie conserve la charge de ses dépens.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;

En la forme, déclare les appels recevables ;

Rejette la demande d’écarter des pièces des débats ;

Au fond, infirme le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau :

Déclare irrecevable devant la juridiction du fond la demande de liquidation de l’astreinte ordonnée par la juridiction des référés ;

Prononce à la date du 31 décembre 2013 et aux torts exclusifs du bailleur la résolution du bail commercial en date du 1er février 2010 ;

Fixe le montant des loyers dus par [K] [X] à la somme de 780 000 F CFP ;

Fixe le montant des dommages et intérêts contractuels dus par [P] [B] à la somme de 780 000 F CFP, et dit que la provision de 400 000 F CFP allouée en référé à [K] [X] s’impute sur ce montant ;

Prononce la compensation entre ces deux créances ;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française devant le tribunal ni devant la cour ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens de première instance et d’appel, lesquels seront pris en compte comme il est dit en matière d’aide juridictionnelle totale et pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 409 du Code de procédure civile de la Polynésie française.

Prononcé à Papeete, le 12 mai 2022.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVEROsigné : G. RIPOLL

 


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