1 juin 2022
Cour d’appel de Paris
RG n°
19/20249
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 3
ARRET DU 1er JUIN 2022
(n°171 , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/20249 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CA5MI
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Août 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 16/12287
APPELANTE
ASSOCIATION EGLISE [4] – Association cultuelle, régie par les lois des 1er juillet 1901 et 9 décembre 1905 prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Joyce LABI de la SCP COURTEAUD PELLISSIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0023, avocat postulant
assistée de Me Isabelle DANGEREUX, avocat au barreau de PARIS, toque : E0465, avocat plaidant
INTIMEE
SCI MONTSOURIS AILLY prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de CHARTRES sous le numéro 440 470 086
sis [Localité 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034, avocat postulant
Assistée de Me Laurence GUEGAN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0748, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 19 Avril 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Gilles BALA’, président de chambre
Madame Sandrine GIL, conseillère
Madame Emmanuelle LEBÉE, magistrate honoraire chargée de fonctions juridictionnelles
qui en ont délibéré,
un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Gilles BALA’ dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffières, lors des débats : Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE
lors de la mise à disposition : Madame Claudia CHRISTOPHE
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Gilles BALA’, président de chambre et par MadameClaudia CHRISTOPHE, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous seing privé du 31 juillet 1991, la société Montsouris Ailly a consenti un bail commercial à l’association Eglise [4] pour des locaux situés [Adresse 1].
Par jugement du 4 décembre 2008, le juge des loyers du tribunal de grande instance de Paris a fixé le loyer du bail renouvelé à compter du 1er février 2006 à la somme annuelle en principal de 33.980€.
Par exploit d’huissier du 28 juillet 2014, la société Montsouris Ailly a délivré un congé avec offre de renouvellement pour le 31 janvier 2015 moyennant un loyer de 45.000€ en principal.
Par acte extra judiciaire du 6 mai 2016, la société Montsouris Ailly a notifié à l’association Eglise [4] un congé avec refus de renouvellement et offre de paiement d’une indemnité d’éviction pour le 31 décembre 2016.
Par acte d’huissier du 5 août 20l6, l’association Eglise [4] a assigné la société Montsouris Ailly devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir à titre principal, déclarer nul et de nul effet le congé du 6 mai 2016, le bail ayant été renouvelé depuis le 31 janvier 2015 au prix proposé de 45.000€ aux termes du congé du 28 juillet 2014; à titre subsidiaire, l’association a sollicité une expertise pour évaluer l’indemnité d’éviction à laquelle elle prétend et les indemnités accessoires.
Par acte d’huissier du 18 août 2016, la société Montsouris Ailly a notifié à l’association Eglise [4] l’exercice de son droit d’option en application des dispositions de l’artic1e L.145-57 alinéa 2 du code de commerce et refusé le renouvellement du bail en offrant le paiement d’une indemnité d’éviction.
Par jugement du 29 août 2019, le tribunal de grande instance de Paris, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort, a :
– Rejeté la demande de nullité du congé du 6 mai 2016;
– Dit que le refus du bailleur de renouveler le bail ouvre droit au profit de l’association Eglise [4] au paiement d’une indemnité d’éviction et au maintien dans les lieux jusqu’au versement de cette indemnité, et au profit de la société Montsouris Ailly au paiement d’une indemnité d’occupation qui sera due à compter du 1er janvier 2017;
Avant dire droit sur le montant des indemnités d’éviction et d’occupation, le tribunal a désigné Mme [K] [M] en qualité d’expert avec mission de déterminer l’indemnité d’éviction et l’indemnité d’occupation statutaire; le tribunal a fixé l’indemnité d’occupation provisionnelle au montant du dernier loyer en cours et ordonné l’exécution provisoire du jugement, réservé les dépens et les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 30 octobre 2019, l’association Eglise [4] a interjeté appel de ce jugement.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 23 mars 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Vu les dernières conclusions déposées le 20 novembre 2020, par lesquelles l’association Eglise [4], appelante, demande à la Cour de :
– Infirmer le jugement entrepris;
– Dire et juger que le congé avec offre de renouvellement délivré le 28 juillet 2014 a mis fin au bail à son échéance du 31 janvier 2015 et a empêché la tacite prolongation;
– Dire et juger que la société Montsouris Ailly ne pouvait postérieurement à l’échéance du 31 janvier 2015, délivrer un nouveau congé en date du 6 mai 2016, pour une nouvelle échéance du 31 décembre 2016;
– Dire et juger que la société Montsouris Ailly n’a pas exercé le droit d’option prévu aux dispositions de l’article L.145-57 du code de commerce, par la délivrance d’un nouveau congé en date du 6 mai 2016, pour une nouvelle échéance du 31 décembre 2016;
– Dire et juger nul et de nul effet le congé avec offre d’indemnité d’éviction délivré par la société Montsouris Ailly à l’association Eglise [4] le 6 mai 2016 à effet du 31 décembre 2016;
– Dire et juger que l’association Eglise [4] a accepté le renouvellement en ne contestant pas le congé qui lui a été délivré le 28 juillet 2014 ni le loyer proposé, et que l’acte du 18 août 2016 est sans effet sur le renouvellement du bail, intervenu par l’effet du congé avec offre de renouvellement en date du 28 juillet 2014 à échéance du 31 janvier 2015;
– Dire et juger que par l’effet du congé délivré le 28 juillet 2014 à effet du 31 janvier 2015, le bail s’est renouvelé à compter du 1er février 2015 au prix proposé de 45.000 € par an;
– Débouter en conséquence la société Montsouris Ailly de l’intégralité de ses demandes à toutes fins qu’elles comportent.
A titre subsidiaire et pour le cas où la Cour considérerait que le congé avec offre d’indemnité d’éviction en date du 6 mai 2016 emporte l’exercice du droit d’option au bénéfice de la société Montsouris Ailly, et confirmerait le jugement du 29 août 2019 en ce qu’il a rejeté la demande en nullité du congé du 6 mai 2016 formée par l’association Eglise [4],
– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit et jugé que l’association Eglise [4] a droit au paiement d’une indemnité d’éviction et avant dire droit, désigné un expert pour y procéder aux frais avancés de la société bailleresse;
– Dire et juger que la société Montsouris Ailly s’est bornée à solliciter la confirmation du jugement du 29 août 2019 en ce qu’il a rejeté la demande en nullité du congé en date du 6 mai 2016, qu’elle ne sollicite pas la réformation des autres chefs du jugement et qu’elle n’invoque aucun moyen de nature à la justifier ou la fonder;
– La débouter de l’intégralité de ses demandes;
– Condamner en tout état de cause la société Montsouris Ailly au paiement d’une somme de 5.000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens tant de première instance que d’appel et dire que la SCP Courteaud Pellissier pourra poursuivre le recouvrement des dépens en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions déposées le 21 août 2020, par lesquelles la S.C.I. Montsouris, intimée, demande à la Cour de :
– Confirmer le jugement rendu le 29 août 2019 par le TGI de Paris (RG n°16/12287) en ce qu’il a rejeté la demande de nullité du congé du 6 mai 2016;
Y ajoutant
– Débouter l’association Eglise [4] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions;
– Condamner l’association Eglise [4] au paiement de la somme de 3.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
– Condamner l’association Eglise [4] aux entiers dépens de l’instance.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties pouvant être résumés comme suit :
L’appelante reproche au tribunal d’avoir dénaturé l’acte d’huissier du 6 mai 2016, par lequel la SCI Montsouris Ailly a signifié un congé avec refus de renouvellement en lui faisant produire les effets de l’exercice d’un droit d’option, en dépit de sa dénomination et de son absence de référence au congé précédemment délivré le 28 juillet 2014, alors qu’il s’agissait seulement d’un nouveau congé.
Elle lui reproche aussi d’avoir jugé que l’acte du 18 août 2016, par lequel la SCI Montsouris Ailly a cette fois voulu exercer son droit d’option, était la réitération de son intention de ne pas renouveler le bail, pour valider l’option, alors que cet acte ne pouvait remettre en cause le renouvellement du bail acquis au 31 janvier 2015, dont elle-même avait accepté le principe par avance en sollicitant le renouvellement par lettre du 16 juin 2014 sans opposer ensuite de contestation sur le loyer proposé de 45000€ dans le congé du 28 juillet 2014, confirmant son accord sur le renouvellement et sur le loyer proposé dans son assignation introductive d’instance du 5 août 2016, donc antérieurement à l’exercice de l’option.
La SCI intimée rappelle que la lettre du 16 juin 2014 n’est pas un acte extra judiciaire qui seul pouvait produire les effets d’une demande de renouvellement du bail au sens de l’article L 145-10 du code de commerce dans sa rédaction alors applicable. Elle soutient qu’à défaut de renouvellement du bail résultant d’un accord postérieur à son premier congé délivré le 28 juillet 2014, en l’absence de réponse sur le principe du renouvellement ni sur le loyer, elle était en droit de le réitérer par l’acte du 6 mai 2016 pour cette fois refuser le renouvellement précédemment offert, de sorte que les juges ont fait une exacte appréciation de la validité et de la portée de ce refus de renouvellement antérieur à l’acte introductif d’instance du 5 août 2016 par lequel la locataire s’est empressée, mais trop tard, pour accepter le renouvellement du bail initialement proposé.
MOTIFS DE L’ARRET
Sur les effets du congé du 28 juillet 2014
Aux termes de l’article L 145-9 du code de commerce, le bail commercial prend fin par l’effet du congé donné 6 mois à l’avance. Par l’acte de congé du 28 juillet 2014, le bail a pris fin le 31 janvier 2015, sous réserve de l’exercice des droits d’option des parties et du droit au maintien dans les lieux. De plus cet acte comportait une offre de renouvellement du bail.
Par acte du 6 mai 2016, la société Montsouris Ailly a notifié à l’association Eglise [4] un congé avec refus de renouvellement et offre de paiement d’une indemnité d’éviction pour le 31 décembre 2016. Or à la date de signification de cet acte, le bail avait déjà pris fin de sorte que cet acte n’a pas eu l’effet de mettre fin au bail, le bailleur ne disposant pas du droit de s’opposer au renouvellement du bail déjà expiré.
Mais cet acte n’est pas pour autant nul, en ce qu’il exprime aussi l’intention du bailleur de ne plus offrir le renouvellement du bail et à l’inverse, de le refuser et d’offrir une indemnité d’éviction. Le tribunal, dont la motivation est adoptée, doit être approuvé d’avoir jugé que cet acte a produit les effets de l’option que le bailleur peut toujours exercer, en application de l’article L 145-57 du code de commerce, jusqu’à l’expiration du délai d’un mois suivant la signification de la décision définitive relative à la fixation du prix du bail renouvelé lorsque, comme n l’espèce, il est établi que le renouvellement du bail n’était pas antérieurement acquis par un accord des parties puisque l’association Eglise [4] ne démontre pas avoir accepté avant le 6 mai 2016, le renouvellement antérieurement proposé au prix de 45 000 € par l’acte de congé du 28 juin 2014.
Les parties ne contestent pas que cet acte du 6 mai 2016 a exprimé sans équivoque cette intention de la SCI Montsouris Ailly de refuser le renouvellement; et celle-ci l’a d’ailleurs confirmée par acte d’huissier du 18 août 2016, par lequel elle a de nouveau notifié de manière explicite à l’association Eglise [4] l’exercice de son droit d’option en application des dispositions de l’artic1e L.145-57 alinéa 2 du code de commerce. Cet acte, qui n’a pas produit les effets d’une option déjà exercée, ne fait que confirmer l’intention du bailleur déjà exprimée.
En raison du caractère irrévocable de cette option, le bail a pris fin, et la société locataire se maintient dans les lieux depuis le 31 janvier 2015 en étant redevable d’une indemnité d’occupation statutaire, dont le montant provisoire, fixé par le tribunal au montant du dernier loyer, charges et taxes en sus, ne fait pas l’objet de critiques.
Il en résulte que les demandes principales de l’appelante, aux fins de renouvellement du bail, ne sont pas fondées.
L’intimée conclut au débouté mais ne développe aucune critique du jugement entrepris.
En conséquence, le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, en équité, l’association Eglise [4] devra indemniser la société Montsouris Ailly de ses frais irrépétibles exposés en cause d’appel pour un montant de 3000 €.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 29 août 2019 par le tribunal de grande instance de Paris,
Y ajoutant, condamne l’association Eglise [4] à payer à la société Montsouris Ailly une somme de 3000€ pour ses frais irrépétibles d’appel.
La condamne aux dépens.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT