2 juin 2022
Cour d’appel de Caen
RG n°
21/02770
AFFAIRE :N° RG 21/02770 –
N° Portalis DBVC-V-B7F-G3DS
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : DECISION en date du 20 Septembre 2021 du TJ de LISIEUX –
RG n° 10/00005
COUR D’APPEL DE CAEN
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 02 JUIN 2022
APPELANTE :
S.C.I. LA TROUVILLAISE
La Sapée
[Adresse 6]
[Localité 5]
prise en la personne de son représentant légal
représentée et assistée de Me Sylvain NAVIAUX, avocat au barreau de LISIEUX
INTIMES :
Maître [O] [Y] mandataire à la liquidation judiciaire de la S.C.I. LA TROUVILLAISE
[Adresse 2]
[Localité 3]
Maître [O] [Y] Commissaire à l’exécution du plan d’apurement du passif de la S.C.I. LA TROUVILLAISE
[Adresse 2]
[Localité 3]
S.E.L.A.R.L. [P] [X] mandataire à la liquidation judiciaire de la SARL RESTAURANT DU PORT
[Adresse 1]
[Localité 4]
prise en la personne de son représentant légal
Tous représentés et assistés de Me Noël LEJARD, avocat au barreau de CAEN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme EMILY, Président de Chambre,
Mme COURTADE, Conseillère,
M. GOUARIN, Conseiller,
DÉBATS : A l’audience publique du 24 mars 2022
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée.
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier
ARRÊT prononcé publiquement le 02 juin 2022 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier
* * *
Par jugement en date du 15 décembre 2006, le tribunal de grande instance de Lisieux a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la SCI La Trouvillaise. Maitre [O] [Y] a été désigné en qualité de mandataire judiciaire.
La période d’observation a fait l’objet de prolongations successives jusqu’à l’adoption,
par jugement en date du 19 septembre 2008, d’un plan d’apurement du passif sur dix ans, lequel intégrait notamment la créance détenue par la SARL Restaurant du Port, elle-même déclarée en redressement judiciaire par jugement du 7 mai 1993, procédure convertie en liquidation judiciaire par jugement du 23 février 1994.
Maître [Y] a été désigné en qualité de commissaire à l’exécution du plan, chargé de surveiller 1’exécution des clauses prévues audit plan.
Par jugement en date du 21 janvier 2011, le tribunal, saisi par la SCI La Trouvillaise,
a modifié partiellement les moyens et objectifs du plan de redressement.
Maître [Y] a sollicité, par requête du 10 mai 2021, la résolution du plan au motif que la SCI La Trouvillaise n’avait pas satisfait au versement entre les mains du commissaire au plan les fonds nécessaires à solder intégralement la créance définitivement admise au passif pour 131007,39 euros du Restaurant du Port.
Par jugement du 20 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Lisieux a :
– prononcé la résolution plan de redressement par voie de continuation de la SCI
La Trouvillaise, arrêté par jugement du 19 septembre 2008 et modifié par jugement du 21 janvier 2011 ;
– constaté l’état de cessation des paiements de SCI La Trouvillaise ;
– prononcé la liquidation judiciaire de la SCI La Trouvillaise ;
– rappelé que la date de cessation des paiements avait été initialement fixée provisoirement au 4 janvier 2006 ;
– mis fin à la mission de Maître [O] [Y] en qualité de commissaire à l’exécution
du plan ;
– désigné Maître [O] [Y] en qualité de mandataire liquidateur ;
– maintenu Madame Anne-Sophie GIRET, Vice-Présidente, en qualité de Juge-
commissaire ;
– dit que le liquidateur devrait établir, dans les 3 mois suivant sa désignation, un rapport sur la situation du débiteur ;
– dit que les créanciers disposaient d’un délai de 2 mois à compter de la publication du jugement au B.O.D.A.C.C. pour déclarer leurs créances, à l’exception des créanciers déjà admis au plan qui en sont dispensés ;
– confié au liquidateur la mission de réaliser, s’il y a lieu, l’inventaire mentionné à
l’article L.641-2, alinéa 2, du code de commerce ;
– fixé à 1 an, soit au 20 septembre 2022 au plus tard, le délai avant l’expiration duquel le tribunal devrait être saisi aux fins de clôture de la procédure de liquidation judiciaire ;
– rejeté la demande formée la SCI La Trouvillaise au titre de l’article 700 du code
de procédure civile ;
– rejeté les autres demandes plus amples ou contraires ;
– rappelé que le jugement était assorti de droit de l’exécution provisoire ;
– ordonné la publication conformément à la loi ;
– dit que les dépens seraient employés en frais privilégiés de procédure.
Par déclaration du 7 octobre 2021, la SCI La Trouvillaise a fait appel du jugement.
Elle procédait alors à l’intimation de Maître [Y] en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan de continuation de la SCI La Trouvillaise et de Maître [X] en sa qualité de mandataire de la liquidation de la SARL Restaurant du Port.
Une seconde déclaration d’appel a été faite le 13 janvier 2022, la SCI La Trouvillaise procédant alors à l’intimation de Maître [Y] également en sa qualité de mandataire à la liquidation de la SCI La Trouvillaise.
Une troisième déclaration d’appel a eu lieu le 23 février 2022 à l’encontre de la SELARL [X] , de Maître [Y] en qualité de commissaire à l’exécution du plan de la continuation de la SCI La Trouvillaise et de Maître [Y] en qualité de de mandataire à la liquidation judiciaire de la SCI La Trouvillaise.
Les trois procédures ont été jointes.
Dans ses dernières conclusions du 15 mars 2022, la SCI La Trouvillaise demande à la cour d’appel de :
– réformer le jugement entrepris ;
– débouter Maître [Y] ès-qualités et la SELARL [X] ès-qualités de l’ensemble de leurs demandes ;
– condamner les mêmes ès-qualités solidairement au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Dans leurs dernières conclusions du 11 mars 2022 Maître [Y] ès-qualités de commissaire à l’exécution du plan de la continuation de la SCI La Trouvillaise et de mandataire à la liquidation judiciaire de la SCI La Trouvillaise et la SELARL [X] ès-qualités de mandataire de la liquidation de la SARL Restaurant du Port demandent à la cour de :
– déclarer irrégulier l’acte d’appel régularisé par la SCI LA TROUVILLAISE en date du 13 janvier 2022 à l’encontre du jugement du 20 septembre 2021 intimant Maître [Y] ;
– déclarer irrégulier l’acte d’appel de la SCI LA TROUVILLAISE à l’encontre du jugement du 20 septembre 2021 régularisé le 23 février 2022 ;
– dire que les actes d’appel des 7 octobre 2021 et 13 janvier 2022 ne valent pas déclaration d’appel ;
Subsidiairement,
– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
– débouter la SCI La Trouvillaise de toutes ses demandes ;
– statuer ce que de droit quant aux dépens lesquels seront employés en frais privilégiés de procédure collective.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 mars 2022.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.
SUR CE, LA COUR
– Sur la régularité de l’appel
La SCI La Trouvillaise a régularisé trois déclarations d’appel.
Les trois procédures ont été jointes.
Les intimés soutiennent que le premier acte d’appel est irrégulier dans la mesure où Maître [Y] n’y est pas intimé en ses deux qualités de commissaire à l’exécution du plan et de mandataire judiciaire, que le second acte d’appel intime bien Maître [Y] en ses deux qualités mais ne vise cependant pas les chefs du jugement critiqués de sorte qu’il ne saurait valoir déclaration d’appel et que par ailleurs le troisième appel est irrecevable dès lors que la SCI La Trouvillaise était dépourvue d’intérêt à interjeter appel tant que ses appels antérieurs n’avaient pas été déclarés caduques ou irréguliers.
La SCI La Trouvillaise explique que l’appel diligenté le 13 janvier 2022 est régulier dès lors que l’objet du litige étant indivisible, elle n’avait pas l’obligation de préciser les chefs du jugement expressément critiqués, qu’elle avait toutefois selon une pratique admise annexé à sa déclaration d’appel une pièce jointe précisant les chefs de jugement critiqués et qu’en tout état de cause, elle avait régularisé un nouvel appel le 23 février 2022 répondant aux exigences de l’article 901 du code de procédure civile.
L’appel formé le 7 octobre 2021 était dirigé contre Maître [Y] en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan de continuation de la SCI La Trouvillaise et contre la SELARL [X] en sa qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la SARL Restaurant du Port. Il reprend dans une pièce jointe à la déclaration d’appel les chefs du jugement critiqués.
L’appel formé le 13 janvier 2022, est dirigé contre Maître [Y] en sa qualité de mandataire à la liquidation de la SCI La Trouvillaise.
Il reprend dans une pièce jointe à la déclaration d’appel les chefs du jugement critiqués.
Le décret n°2022-245 du 25 février 2022 a complété l’article 901 du code de procédure civile aux termes duquel désormais : « La déclaration d’appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 et par le cinquième alinéa de l’article 57, et à peine de nullité :
1° La constitution de l’avocat de l’appelant ;
2° L’indication de la décision attaquée ;
3° L’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté ;
4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
Elle est signée par l’avocat constitué. Elle est accompagnée d’une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d’inscription au rôle. »
Les dispositions du décret du n°2022-245 du 25 février 2022 sont applicables aux instances en cours.
Dès lors, au vu de ces éléments, les appels diligentés le 7 octobre 2021 et le 13 janvier 2022 sont réguliers, visent bien toutes les parties intéressées au litige et opèrent bien effet dévolutif.
La cour est donc régulièrement saisie d’un appel dirigé à l’encontre de la SELARL [X] en sa qualité de liquidateur de la SARL Restaurant du Port, de Maître [Y] en qualité de commissaire à l’exécution du plan de la continuation de la SCI La Trouvillaise et de Maître [Y] en qualité de de mandataire à la liquidation judiciaire de la SCI La Trouvillaise. L’appel dont est saisi la cour évoque bien dans
un acte séparé joint à la déclaration d’appel les chefs du jugement critiqués et a donc un effet dévolutif.
Enfin, le troisième appel du 23février 2022 est recevable bien qu’il n’ait pas été statué sur la recevabilité des deux précédents, le délai d’appel n’étant pas expiré, mais est sans effet au vu de la régularité des appels précédents.
– Sur le fond
La SCI La Trouvillaise soutient que la requête en liquidation judiciaire présentée par Maître [Y] n’est pas fondée dès lors qu’elle rapporte la preuve de sa libération.
Elle expose que Maître [Y] a reconnu dans une requête du 21 avril 2020 adressée au président du tribunal judiciaire de Lisieux aux fins d’obtenir une ordonnance en fixation de ses émoluments que le débiteur avait soldé son plan au commissaire à l’exécution du plan pour répartition aux créanciers, qu’il y a donc bien eu reconnaissance dans un acte juridique de ce que le plan était soldé ce qui constitue une preuve de la libération de la SCI La Trouvillaise , la preuve contraire ne pouvant être rapportée que par un écrit de la SCI La Trouvillaise contredisant l’écrit émanant de Maître [Y] selon lequel le débiteur a soldé son plan.
Les intimés font valoir la mauvaise foi de la SCI La Trouvillaise qui ne justifie aucunement du paiement de la somme de 42 710,65 euros restant due au titre de la créance de la SARL Restaurant du Port mais se prévaut d’une mention inappropriée et inexacte contenue dans une requête en fixation des émoluments de Maître [Y], commissaire à l’exécution du plan et tiers par rapport au créancier débiteur qui est en l’espèce la SELARL [X] mandataire à la liquidation judiciaire de la société Restaurant du Port.
L’article 1353 du code civil édicte que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré soit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’exécution de son obligation.
Il est constant que la créance de la SARL Restaurant du Port a été admise au passif de la SCI La Trouvillaise à hauteur de 131 007,39 euros.
Par un arrêt du 2 novembre 2017, la cour d’appel de Rouen, statuant sur renvoi après cassation, a confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Lisieux en date du 11 avril 2014 déboutant la SCI La Trouvillaise de sa demande de compensation entre les sommes versées par elle au service des impôts en sa qualité de caution de la SARL Restaurant du Port et sa créance au titre de l’indemnité d’éviction due à la SARL.
Il ressort de l’extrait de la comptabilité de la SELARL [X], que du 9 décembre 2011 au 15 décembre 2020, une somme totale de 88 296,74 euros a été versée par la SCI La Trouvillaise et que le solde restant dû sur la créance de la SARL Restaurant du Port s’élève à la somme de 42 710,65 euros.
La SCI La Trouvillaise ne justifie d’aucun autre règlement.
Elle se prévaut d’une requête de Maître [Y] adressée au président du tribunal judiciaire de Caen le 21 avril 2020 en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan aux fins de fixer sa rémunération dans laquelle ce dernier indique que « Le débiteur a soldé son plan au commissaire à l’exécution du plan pour répartition aux créanciers. »
Il sera relevé que Maître [Y], en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan, qui invoque une mention inappropriée et inexacte, n’est pas le créancier de la SCI La Trouvillaise.
Il n’a donc pas qualité pour reconnaître à la place du créancier le règlement de la créance qui de surcroît n’avait pas eu lieu en l’espèce.
La SCI La Trouvillaise est donc mal fondée à invoquer l’existence d’un acte juridique émanant du créancier reconnaissant qu’elle a soldé le plan.
L’article L626-27 du code de commerce, dans sa version applicable au litige, dispose qu’en cas de défaut de paiement des dividendes par le débiteur, le commissaire à l’exécution du plan procède à leur recouvrement conformément aux dispositions arrêtées. Il y est seul habilité. Lorsque le commissaire à l’exécution du plan a cessé ses fonctions, tout intéressé peut demander au tribunal la désignation d’un mandataire ad hoc chargé de procéder à ce recouvrement.
Le tribunal qui a arrêté le plan peut, après avis du ministère public, en décider la résolution si le débiteur n’exécute pas ses engagements dans les délais fixés par le plan.
Lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l’exécution du plan, le tribunal qui a arrêté ce dernier décide, après avis du ministère public, sa résolution et ouvre une procédure de redressement judiciaire ou, si le redressement est manifestement impossible, une procédure de liquidation judiciaire.
Au vu de ces éléments, il convient de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré qui a justement constaté l’inexécution du plan et prononcé sa résolution ainsi que la liquidation judiciaire de la SCI La Trouvillaise.
La SCI La Trouvillaise sera déboutée de toutes ses demandes.
Succombant, elle sera déboutée de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe ;
JUGE l’appel de la SCI La Trouvillaise recevable ;
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
Y ajoutant,
DEBOUTE la SCI La Trouvillaise de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DIT que les dépens d’appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective ;
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT
N. LE GALLF. EMILY