8 juin 2022
Cour d’appel de Paris
RG n°
19/11647
Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 4
ARRET DU 08 JUIN 2022
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/11647 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CBAMI
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Octobre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CRÉTEIL – RG n° 17/00469
APPELANTE
Madame [S] [P]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Alexandra SOUMEIRE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1096
INTIMEE
SA BLUELINK
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Christophe PETTITI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1264
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Bruno BLANC, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Monsieur Bruno BLANC, président
Madame Anne-Ga’l BLANC, conseillère
Madame Florence MARQUES, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Bruno BLANC, Président et par Manon FONDRIESCHI, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE :
La société BLUELINK est une filiale d’AIR FRANCE qui a pour activité principale et initiale la gestion du programme de fidélisation dénommé « Flying Blue » des passagers du groupe AIR FRANCE. La Société BLUELINK exerce cette activité dans le cadre d’une prestation de « centre d’appels » à destination des clients du groupe AIR France.
La convention collective est celle des agences de voyages et de tourisme.
La société a plus de 10 salariés (environ 550). Le code NAF est 8220.
La société a engagé Madame [S] [P] , par contrat de travail à durée déterminée en date du 22 juin 2000, à compter du 19 juin 2000, en qualité d’agent du service commercial .
Un contrat à durée indéterminée a été signé par les parties le 26 décembre 2000, à compter du 19 décembre 2000 .
A la suite de l’entretien préalable, la société a notifié à Madame [P], par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 15 mars 2016, son licenciement pour faute grave.
Contestant son licenciement, madame [S] [P] a saisi le Conseil de Prud’Hommes de Créteil le 11 avril 2017 en indemnisation de son préjudice liés à un licenciement qu’elle estimait sans cause réelle ni sérieuse.
La cour statue sur l’appel interjeté par madame [S] [P] du jugement rendu par le Conseil de Prud’Hommes de Créteil lee 28 octobre 2019 qui a :
– fixé le salaire mensuel brut de madame [S] [P] à la somme de 1.768,01 euros ;
– débouté madame [S] [P] de l’ensemble des ses demandes et l’a condamnée aux dépens.
Par conclusions notifiées sur le RPVA le 23 mars 2022, madame [S] [P] demande à la cour de :
– Déclarer l’ensemble des demandes de Madame [P] recevables ;
Infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau :
– Prononcer à l’encontre de la société BLUELINK les condamnations suivantes :
I. Sur la discrimination et à tout le moins l’exécution déloyale du contrat de travail :
– Dommages et intérêts pour discrimination et à tout le moins exécution déloyale du contrat de travail (12 mois) : 21.216,12 €
II. Sur la rupture du contrat de travail
A titre principal,
– Juger que le licenciement est discriminatoire ;
En conséquence,
A titre principal :
– Ordonner la réintégration de la salariée à son poste de travail ;
– Condamner la société à payer à Madame [P] :
* Une indemnité d’éviction pour la période du licenciement (mars 2016) à sa réintégration : 129.064,73 €
[somme à parfaire au jour de la réintégration]
* Un rappel de salaire pour la durée de la mise à pied conservatoire : 1.060,80 €
* Congés payés afférents : 106,08 €
Subsidiairement :
– Condamner la société BLUELINK à payer à Madame [P] :
* Des dommages et intérêts pour licenciement nul : 42.432,24 €
* Un rappel de salaire pour la durée de la mise à pied conservatoire : 1.060,80 € * Congés payés afférents : 106,08 €
* Indemnité compensatrice de préavis (2 mois) : 3.536,02 €
* Congés payés afférents : 353,60 €
* Indemnité de licenciement : 8.103,37 €
A titre subsidiaire,
– Juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
– Condamner la société à payer à Madame [P] :
* Un rappel de salaire pour la durée de la mise à pied conservatoire : 1.060,80 € * Congés payés afférents : 106,08 €
* Indemnité compensatrice de préavis (2 mois) : 3.536,02 €
* Congés payés afférents : 353,60 €
* Indemnité de licenciement : 8.103,37 €
* Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (24 mois) : 42.432,24 €
* Article 700 du Code de procédure civile : 3.600 €
– Intérêt légal et capitalisation des intérêts à compter de la saisine ;
– Débouter la Société BLUELINK de ses demandes relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par conclusions notifiées sur le RPVA le 28 mars 2022, la société BLUELINK demande à la cour de :
– Déclarer irrecevable Madame [P] en ses demandes de dire et juger le licenciement discriminatoire et, en conséquence, d’ordonner sa réintégration et le paiement d’une indemnité d’éviction pour la période du licenciement à la réintégration à hauteur de 97.240,55€ ;
– Déclarer irrecevable Madame [P] en sa demande de dommages et intérêts pour discrimination ;
– Déclarer irrecevable Madame [P] en sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul ;
Subsidiairement,
– Constater l’absence de toute discrimination ;
– Débouter Madame [P] de ses demandes liées à la discrimination et la nullité du licenciement ;
Subsidiairement,
– Limiter l’indemnité d’éviction à la somme de 42.432,24€.
Vu l’article L 1234-1 du Code du travail, Vu l’article L 1221-1 du Code du travail,
Vu les articles 1132-1, 1132-3, 1134-1 du Code du travail,
Vu l’article 1217-1 du Code civil,
– Confirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes de Créteil du 28 octobre 2019 ;
– Dire et juger que le licenciement pour faute grave de Madame [P] est justifié ;
– Constater l’absence de toute exécution déloyale du contrat de travail émanant de l’employeur ;
– Débouter Madame [P] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
– Débouter Madame [P] de l’ensemble de ses demandes ;
– Condamner Madame [P] au paiement de la somme de 3.000€ en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
La condamner aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 05 avril 2022.
Par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément fait référence aux conclusions sus visées.
Les parties, présentes à l’audience, ont été informées que l’affaire était mise en délibéré et que l’arrêt serait rendu le 08 juin 2022 par mise à disposition au greffe de la cour.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité des demandes nouvelles en cause d’appel :
Madame [S] [P], en cause d’appel, sollicite le paiement de dommages et intérêts pour discrimination et à tout le moins pour exécution déloyale du contrat de travail.
Or, en application de l’article 564 du code de procédure civile , les parties ne peuvent soumettre à la cour d’appel de nouvelles prétentions sous peine d’irrecevabilité.
Tel est le cas en l’espèce, et en conséquences seront déclarées irrecevables :
– La demande de dommages et intérêts pour discrimination,
– La demande de voir déclarer le jugement discriminatoire,
– La demande de voir ordonner la réintégration au poste de travail pour discrimination,
– La demande d’indemnité d’éviction pour la période du licenciement à la réintégration,
– La demande de dommages et intérêts pour licenciement nul.
Sur la rupture du contrat de travail pour faute grave :
Madame [S] [P] a été licenciée pour les motifs suivants :
‘…Nous avons eu à déplorer de votre part les agissements suivants :
Le service de prévention des fraudes de notre client donneur d’ordre Air France KLM nous a informés que vous aviez bénéficié d’un billet d’avion aller-retour [Localité 4] [Localité 3] émis en échange d’un avoir frauduleux.
Sur ce voyage, vous avez également bénéficié d’un surclassement abusif en classe affaire.
Par ailleurs vous vous êtes accordée sans justification des minorations de frais de service pour 3 billets d’avion émis pour vous-même et des membres de votre famille.
Lors de votre entretien le 8 mars 2016 avec monsieur [W] [Z] responsable des ressources humaines et Madame [K] [X] qui vous assistait, vous avez nié l’ensemble des faits qui vous sont reprochés.
Vous lui avez indiqué avoir participé à un concours de danse organisé par un collègue de travail, madame [U] [F] et dont le premier prix était un billet d’avion Air France.
Vous lui avez expliqué ne pas avoir connaissance de la provenance de ce billet et que vous ne pouviez pas vous douter de son caractère frauduleux.
Monsieur [W] [Z] vous a fait remarquer que vous ne pouviez ignorer que ce billet initialement émis en classe économique avait ensuite fait l’objet d’un surclassement en classe affaires.
Vous lui avez répondu qu’à l’occasion de la réservation des places pour voyager le 20 et 30 novembre 2015, la classe économique était complète et que c’est en plaisantant avec votre collègue madame [U] [F] que vous avez émis l’idée de voyager en classe affaires et qu’elle a pris l’initiative d’effectuer ce surclassement.
Monsieur [W] [Z] vous a fait remarquer que ce surclassement vous avait opportunément permis de voyager avec 64 kg de bagages sujet sur lequel vous avez déjà été sensibilisée à l’occasion de voyages pour convenance personnelle.
Concernant les minorations de frais de service, vous avez expliqué qu’il s’agissait d’une pratique courante au sein de l’entreprise de consentir de telles minorations de frais de service.
Monsieur [W] [Z] a contesté cette affirmation en vous rappelant qu’il existe des process qui dans votre cas n’ont pas été respectés et il vous a fait remarquer que l’ensemble de ces faits frauduleux avaient été réalisés de surcroît pendant votre temps de travail.
Au regard de votre fonction de conseiller clientèle au sein du service client Air France et de vos compétences techniques, ces faits sont très graves et en aucun point vos explications ne nous ont permis d’en modifier leur appréciation. Nous sommes donc contraints de procéder à votre licenciement pour faute grave.
Le licenciement prend donc effet immédiatement et votre solde de tout compte sera arrêté à la date de première présentation de cette lettre, sans indemnité de préavis ni de licenciement. ..’
L’employeur qui prend l’initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige. Les motifs avancés doivent être précis et matériellement vérifiables, des motifs imprécis équivalant à une absence de motif. Le licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, c’est-à-dire être fondé sur des faits exacts, précis, objectifs et revêtant une certaine gravité.
La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise y compris pendant la durée du préavis. Elle justifie une mise à pied conservatoire.
Alors que la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n’incombe pas particulièrement à l’une ou l’autre des parties, il revient en revanche à l’employeur d’apporter la preuve de la faute grave qu’il reproche au salarié.
S’il subsiste un doute concernant l’un des griefs invoqués par l’employeur ayant licencié un salarié pour faute grave, il profite au salarié. Lorsque que les faits sont établis mais qu’aucune faute grave n’est caractérisée, le juge du fond doit vérifier si les faits initialement qualifiés de faute grave par l’employeur constituent ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Les pièces versées aux débats par la société BLUELINK établissent que la salariée à bénéficier d’un billet en surclassement buisness en utilisant un avoir frauduleux dont elle ne peut expliquer l’origine et la détention.
En ce qui concerne la minoration des frais de service, ces faits établis aux débats et ne sont pas explicables par les dysfonctionnement du site internet de réservation.
Les comportement de madame [S] [P] étaient donc de nature à justifier son licenciement pour faute grave. Le jugement sera confirmé.
Il n’apparaît pas inéquitable que chaque partie conserve la charge de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant par mise à disposition et contradictoirement,
Déclare irrecevables les demandes suivantes formulées par madame [S] [P] en cause d’appel :
– La demande de dommages et intérêts pour discrimination,
– La demande de voir déclarer le jugement discriminatoire,
– La demande de voir ordonner la réintégration au poste de travail pour discrimination,
– La demande d’indemnité d’éviction pour la période du licenciement à la réintégration,
– La demande de dommages et intérêts pour licenciement nul ;
Confirme le jugement déféré ;
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne madame [S] [P] aux dépens d’appel.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT