Indemnité d’éviction : 16 juin 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/17652

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Indemnité d’éviction : 16 juin 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/17652

16 juin 2022
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG
19/17652

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT AU FOND

DU 16 JUIN 2022

N° 2022/195

Rôle N° RG 19/17652 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BFFSX

[X] [S]

C/

[N] [B]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me JOUSSET

Me TEISSIER

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d’AIX EN PROVENCE en date du 28 Octobre 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 17/02965.

APPELANT

Monsieur [X] [S]

né le 19 Juillet 1943 à [Localité 5],

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Anne TEISSIER, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

Madame [N] [B]

née le 23 Août 1948 à [Localité 4],

demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Matthieu JOUSSET de la SELARL JOUSSET AVOCATS, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Laure BOURREL, Président

Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller

Madame Françoise PETEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Rime GHORZI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Juin 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Juin 2022

Signé par Madame Laure BOURREL, Président et Mme Rime GHORZI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PRÉTENTIONS DES PARTIES ET PROCÉDURE :

Le 30 septembre 1975, Monsieur [S] [X] a donné à bail commercial un immeuble de type ‘villa avec dépendances’ situé [Adresse 2] aux époux [C] pour l’exploitation d’un hôtel restaurant et une partie pour l’habitation personnelle.

Suivant acte du 15 avril 1981, Madame [B] [N] a acquis ce fonds de commerce.

Par acte du 12 octobre 1984, les parties ont renouvelé le bail jusqu’au 30 septembre 1993, moyennant un loyer porté à 50 760 francs par an payable par semestre d’avance, les 1er octobre et 1er avril de chaque année.

Par jugement du 20 septembre 2004 du tribunal de grande instance d’Aix en Provence, modifié par arrêt du 12 avril 2007, le bail a été renouvelé à compter du 2 avril 2003 et le loyer fixé à la somme de 11 529,36euros par an.

Par avenant du 20 août et du 17 septembre 2008, les parties ont fixé le nouveau loyer à la somme de 1 350euros par mois payable par semestre d’avance à compter du 1er juin 2007.

Par jugement du 31 mai 2010, le Tribunal de Commerce de Salon de Provence a ordonné l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire de Madame [B], Maître [Z] étant désigné en qualité de mandataire judiciaire et un plan sur 8 ans a été accepté par le dit tribunal par jugement du 23 mai 2011.

Par jugement du 6 mai 2013, confirmé par un arrêt du 18 décembre 2014, le tribunal de grande instance d’Aix en Provence a rejeté la demande de nullité du commandement de payer délivré le 2 février 2011, accordé des délais de paiement à Madame [B] et rejeté la demande de constatation de l’acquisition de la clause résolutoire du bail et la demande d’expulsion.

Le 13 avril 2017, Monsieur [S] a fait délivrer à Madame [B] un commandement de payer la somme de 17 638euros au titre des loyers et charges échus postérieurement au jugement de redressement judiciaire et afin de voir fixé à son passif la somme de 14 589euros pour loyers et charges échus antérieurement et restés impayés.

Par acte du 9 mai 2017, Madame [B] a fait assigner Monsieur [S] devant le tribunal de grande instance d’Aix en Provence afin de voir juger qu’elle a apuré les causes du commandement, rejeter la demande d’acquisition de la clause résolutoire et juger nul le commandement du 13 avril 2017.

Par jugement contradictoire du 28 octobre 2019, le tribunal de grande instance d’Aix en Provence a annulé le commandement de payer du 13 avril 2017, dit n’y avoir lieu à examiner la légalité de la clause résolutoire en l’état de cette annulation, constaté la prescription quinquennale pour les impayés antérieurs au 14 juin 2012, condamné Madame [B] à payer à Monsieur [S] la somme de 6 915,60euros, correspondant aux loyers impayés de 2014 à 2016, dit que Madame [B] peut échelonner la dette pendant deux années et l’a condamné aux entiers dépens.

La juridiction a retenu que le commandement de payer délivré le 13 avril 2017, faute de viser l’article L145-41 du code de commerce et de mentionner le délai d’un mois pour apurer la dette, est nul, que la prescription quinquennale interdit toute condamnation sur des arriérés antérieurs au 13 juin 2012 et a fixé la dette locative au 30 décembre 2016 à la somme de 6 915,60euros.

Le 19 novembre 2019, Monsieur [X] [S] a interjeté appel de cette décision.

Dans des conclusions déposées et notifiées le 16 décembre 2021, il demande à la Cour de :

Vu l’article 1728 du code civil,

vu l’article L145-44 du code de commerce,

Vu les articles 1103,1227,1228 et 1353 du code civil,

Recevoir le concluant en son appel et réformer la décision sauf sur les dépens,

Débouter Madame [B] de ses demandes, fins et conclusions,

Dire n’y avoir lieu à annulation du commandement du 13 avril 2017 ni à l’annulation de la clause résolutoire figurant au bail ni que celle ci ait été mise en oeuvre de mauvaise foi,

Débouter Madame [B] de ses demandes laquelle ne rapporte pas la preuve du règlement des sommes commandées dont le montant a été révisé à 14 166,80euros selon relevé du 31 mars 2017,

A titre principal :

Constater la résiliation de plein droit du bail le 19 mai 2017 par le jeu de la clause résolutoire suite au commandement du 17 avril 2017,

Dire que madame [B] ne peut bénéficier de délais de grâce n’étant pas débiteur de bonne foi,

A titre subsidiaire :

Prononcer la résiliation du bail pour paiement irrégulier du loyer et des charges,

Ordonner l’expulsion de Madame [B] ainsi que de tous tiers de son chef sous astreinte de 100euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir et la condamner au paiement d’une indemnité d’occupation de 2 200euros par mois à compter de la signification jusqu’à son expulsion définitive,

La condamner au paiement d’un arriéré de loyer et charges au 31 décembre 2021 de 28 402,50euros,

La débouter de sa demande de renouvellement du bail et de paiement d’une indemnité d’éviction,

La débouter de ses demandes, fins et conclusions,

La condamner au paiement d’une somme de 3 000euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Teissier Anne, avocat sur son affirmation de droit.

Il expose que le bail commercial souscrit entre les parties fixe un loyer à la somme de 13 831,20euros par an, avec un paiement semestriel le 1er avril et le 1er octobre par avance et le remboursement à la charge du preneur de l’impôt foncier, ainsi que le prévoit le bail initial du 30 septembre 1975, que le bail a été renouvelé le 12 octobre 1984 aux mêmes clauses et conditions que celles de 1975 et reprend la même formulation, que par jugement du 20 septembre 2004, le bail a été renouvelé aux mêmes clauses et conditions, conditions reprises dans les avenants du 17 et 20 septembre 2008.

Il s’oppose à l’argumentation de Madame [B], qui indique que le bailleur a renoncé à ce mode de paiement en acceptant le paiement mensuel, la communication de son RIB ne valant pas renonciation à une clause claire du bail.

Il ajoute que la locataire doit les charge en ce y compris l’impôt foncier conformément aux clauses du bail.

Il soutient que le commandement du 13 avril 2017 est clair et comporte la clause résolutoire sur laquelle il se fonde, qu’il n’est nullement exigé que l’article L 145-41 du code de commerce soit reproduit dans le commandement et le délai de 1 mois pour payer les sommes dues est expressément visé, que l’acte fait référence aux sommes dues dans le cadre du redressement qui n’ont pas été réglées, même s’il ne les intègre pas à son commandement de payer, que l’acte précise, sans confusion possible, que le commandement se fonde sur la somme de 17 638euros, qui ne comprend aucun loyer pour la période antérieure au jugement d’ouverture du redressement du 31 mai 2010.

Il fait valoir que l’arrêt du 18 décembre 2014 n’indique nullement que la locataire est à jour de ses loyers, mais uniquement que les loyers inclus dans le commandement de payer du 2 février 2011 étaient réglés au jour où la Cour a statué.

Il soutient que la clause, qui est détaillée, est parfaitement valable et n’est ni vague ni imprécise, que les loyers réclamés ne sont pas antérieurs au 13 juin 2012, qu’au 17 avril 2017, la locataire était redevable de la somme de 16 657,60euros pour la période de 2012 au 17 avril 2017, qu’il appartient à Madame [B] de rapporter la preuve des paiements dont elle allègue.

Il fait valoir que l’imputation doit se faire sur les loyers les plus anciens et qu’il s’oppose à la demande de délais ainsi qu’à la demande de paiement d’une indemnité d’éviction, que la demande en cause d’appel de réalisation des travaux d’entretien est une demande nouvelle qui doit à ce titre est déclarée irrecevable et en tout cas mal fondée.

Par conclusions déposées et notifiées le 19 avril 2022Madame [B] [N] demande à la Cour de :

Confirmer le jugement du tribunal de grande instance d’Aix en Provence du 28 octobre 2019 sauf en ce qu’il l’a condamnée au paiement d’une somme de 6 915,20euros au titre des loyers,

Infirmer sur ce point,

Statuer à nouveau :

Juger que Madame [B] a réglé l’intégralité de sa dette locative,

A titre subsidiaire :

Lui accorder 24 mois de délais pour se libérer de sa dette,

Débouter Monsieur [S] de ses demandes, fins et conclusions,

Condamner Monsieur [S] à lui payer la somme de 3 000euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

A titre subsidiaire :

Débouter Monsieur [S] de sa demande en fixation de l’arriéré locatif,

Le débouter de sa demande de constatation du jeu de la clause résolutoire et de prononcer de la résiliation du bail,

A titre infiniment subsidiairement :

Accorder à Madame [B] 24 mois de délais pour se libérer de sa dette, par paiements mensuels et égaux et suspendre les effets de la clause résolutoire,

Dire n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et partager les dépens entre les parties.

Elle expose qu’en raison de la procédure de redressement judiciaire ouverte le 30 mai 2010, le bailleur ne peut obtenir la résiliation pour le non-paiement des sommes antérieures à cette date, que Monsieur [S] ne peut intégrer à son décompte des dettes antérieures à cette date, que le commandement du 13 avril 2017 vise l’article L145-17 du code de commerce sur le refus de renouvellement pour manquement grave ce qui dénote une confusion certaine de nature à justifier son annulation.

Elle fait valoir que la clause résolutoire ne mentionne pas le vocable de loyer que cette clause générale est nulle et de nul effet, que la mise en demeure de l’acte est incompréhensible car faisant allusion à deux sommes qui suivent un régime différent, celle payable dans le cadre du plan et les autres, sans lien entre elles, que le commandement de payer doit être annulé.

Elle fait valoir que le bailleur ne délivre pas de quittance de sorte que les imputations revendiquées sont erronées, que madame [B] est à jour de la somme de 17 638euros visée à l’appui de la clause résolutoire puisqu’elle a payé entre le 13 avril 2017 et le mois de février 2018, la somme de 31 122,60euros, en intégrant les trois mois payés en décembre 2018, janvier 2019 et février 2019, que les causes du commandement sont apurées.

Elle fait valoir qu’il résulte du calcul du juge de première instance qu’il existe un trop perçu de 6 915,60euros au premier semestre 2017 qui compense la dette locative et qu’il n’existe aucun arriéré de loyer, que le décompte produit par le bailleur n’est pas détaillé et constitue une preuve à soit même alors que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver, que le bailleur ne justifie pas de l’augmentation de loyer en 2020 et le décompte comporte des frais de gestion interdit pas la loi Alur et que le décompte intègre des avis de taxe foncière dont il n’est pas justifié et intègre des sommes antérieures au jugement d’ouverture de la procédure collective.

Elle fait valoir que les sommes dues pour une période antérieure au 13 juin 2012 sont prescrites en application de la prescription quinquennale et que par un arrêt du 18 décembre 2014, la présente Cour a relevé qu’il n’existait aucun arriéré, ce qui signifie que le semestre du 1er octobre 2014 était payé que ne reste en discussion que les semestres de 2015, 2016 et le premier semestre de 2017, Madame [B] étant à jour de son loyer en décembre 2014, que le bailleur pour la période postérieure à 2014 ne retient qu’une échéance mensuelle impayée en 2019, qu’en 2020, et 2021, Madame [B] a réglé ses loyers.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 26 avril 2022.

Motifs

Sur la constatation de la résiliation du bail :

Les parties sont en l’état d’un bail commercial consenti le 30 septembre 1975 entre Monsieur [S] et les Epoux [C] aux droits desquels est venue le 15 avril 1981 Madame [B].

Le 13 avril 2017, Monsieur [S] a fait délivrer un commandement de payer à Madame [B] valant mis en demeure, cette dernière en sollicite la nullité.

L’article 145-41 du code de commerce prévoit que ‘toute clause insérée au bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux, le commandement doit à peine de nullité mentionné ce délai’.

Le renouvellement du bail commercial du 12 octobre 1984 précise que le contrat de location entre Monsieur [S] [X] et Madame [N] [B] est souscrit aux mêmes clauses et conditions que celui consenti le 30 septembre 1975 qui énonce que ‘faute du paiement d’un terme de loyer et un mois après un commandement resté infructueux, le présent bail sera de plein droit résilié, sans aucune formalité de justice, à la volonté du bailleur, le terme en cours et le suivant acquis au bailleur à titre d’indemnité’.

Le commandement du 13 avril 2017 vise la clause résolutoire contenue au bail qui mentionne expressément le délai de un mois pour régulariser la situation, ainsi que l’exige l’article L145-41 du code de commerce qui n’exige nullement la reproduction du texte légal dans le corps du commandement de payer.

Toutefois, il convient de relever que l’acte d’huissier reproduit in extenso l’article L 145-17 du code de commerce relatif au refus de renouvellement du bail commercial sans l’octroi d’une indemnité d’éviction en cas de motif grave et légitime ; le corps du texte du commandement indiquant ‘ a défaut pour la requise de déférer à la mise en demeure de payer sus indiquée, elle s’expose à ce que mon requérant pour la date d’expiration du bail refuse le renouvellement sans indemnité, pour motif grave et légitime ‘ ces termes soulignés démontrant l’importance qu’ils revêtent aux yeux du rédacteur, importance accrue car la sanction du non-renouvellement est mentionné en employant le présent ‘ elle s’expose à ce que le requérant. refuse le renouvellement ‘ alors que la constatation de la résiliation du bail n’est envisagée qu’au futur ‘ le propriétaire pourra faire constater la résiliation…’.

S’il est acquis qu’un commandement de payer visant la clause résolutoire et la mise en demeure exigée à l’article L145-17 du code de commerce peuvent figurer dans le même cas, il convient néanmoins que la rédaction de l’acte soit suffisamment claire pour que les deux procédures distinctes soient identifiées sans confusion possible par le lecteur. Or tel n’est pas le cas en l’espèce, l’acte mentionnant successivement les deux sanctions possibles en cas de non-paiement des sommes exigées, de sorte que la locataire ignore à la lecture du document les intentions du bailleur. Dés lors, ces irrégularités et ces imprécisions affectent la validité de l’acte qui n’a pas permis à Madame [B] de prendre la mesure exacte des injonctions et d’y apporter une réponse dans les délais requis. Il convient d’en prononcer la nullité et la demande en constatation de la résiliation du bail doit être rejetée.

Il convient de confirmer le jugement de première instance à ce titre.

Sur le prononcé de la résiliation du bail :

Sur la prescription :

En application des dispositions de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles se prescrivent par un délai de 5 ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. Lorsqu’une dette est payable à termes successifs, la prescription se divise comme la dette et court à compter de son échéance.

La demande en justice interrompt le délai de prescription. Toutefois le commandement de payer délivré le 13 avril 2017 qui n’engage aucune mesure d’exécution constitue uniquement un acte préparatoire et n’interrompt pas le délai de prescription.

En revanche, le dépôt de conclusions le 14 juin 2017 par Monsieur [S] constituent une demande en justice et ont été, à ce titre, interruptives de prescription. De sorte que Monsieur [S] est fondé à solliciter le paiement des loyers postérieurs à la date du 13 juin 2012, ce que le bailleur ne conteste pas dans ses conclusions en indiquant qu’eu égard à la clause du bail exigeant le loyer payable par semestre d’avance à la date du 1er avril et du 1 octobre de chaque année, les demandes de paiement des loyers dus à compter du 1er octobre 2012 ne sont pas atteintes par la prescription. Madame [B] admet également ce principe dans ses écritures.

Sur les sommes restant à devoir :

En application des dispositions de l’article 1728 du code civil, la locataire est tenue de deux obligations principales dont celle de payer au bailleur le prix du bail aux termes convenus. Or le bail souscrit entre les parties le 12 octobre 1984 reprenant les dispositions de celui du 30 septembre 1975 mentionne le paiement d’un loyer annuel payable par semestre et d’avance le 1er octobre et le 1er avril de chaque année et le paiement chaque année par le preneur ‘des contributions, taxes, redevances, prélèvements sur les loyers et impôt de toute nature y compris le Foncier’.

Madame [B] est donc redevable annuellement du montant du loyer dans les conditions du bail et de la taxe foncière. Toutefois, il appartient au bailleur de justifier du montant de la taxe foncière dont il réclame paiement. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce, Monsieur [S] se contentant d’introduire dans son décompte une somme qualifiée de taxe foncière mais sans produire le justificatif d’une telle somme. Il convient de déduire la taxe foncière des décomptes produits.

Madame [B] invoque les dispositions de la loi Alur pour s’opposer aux frais de gestion imputés au débit de son compte locatif par le bailleur. Toutefois la loi Alur qui impose la prise en charge par le bailleur des frais de mise en location d’un logement s’applique en matière de baux d’habitation. Certes l’article L.145-40-2 et l’article R.145-35 du Code de commerce, liste explicitement, parmi les dépenses ne pouvant pas être imputées au locataire, les dépenses liés à la gestion des loyers du local ou de l’immeuble faisant l’objet du bail, toutefois, ces dispositions résultant de la loi du 18 juin 2014 dite loi Pinel ne sont pas applicables aux baux en cours.

Toutefois, il convient de constater que Monsieur [S] inclut dans le décompte locatif de Madame [B] des frais de gestion sans produire le justificatif de sa créance, de sorte que de telles sommes seront déduites du décompte produit.

Enfin, Madame [B] conteste le principe de la variation du loyer intervenu entre le 1er avril 2020 et le 1er octobre 2020, le loyer semestriel augmentant de 6 915,60euros à 10 800euros. En effet, les baux de 1975 et 1984 précisent que ‘le loyer sera révisé à l’expiration de chaque période triennale, dans les conditions prescrites par la loi’.

Cette clause contenue dans les baux sus visés ne peut s’analyser en une clause d’échelle mobile permettant une révision automatique du loyer selon la périodicité choisie et fixée dans le contrat, et basé sur l’indice inséré au dit contrat, sans que le bailleur n’aie besoin de la notifier ou signifier préalablement au locataire, faute de contenir d’allusion à son caractère automatique et en raison de l’emploi du futur caractérisant une simple possibilité.

Il s’agit d’une clause de révision triennale telle que définie aux articles L 145-37 et L145-38 du code de commerce, ainsi que le conforte la référence a une période triennale. Or, la révision triennale doit être expressément demandée en justice et ne s’applique pas de manière automatique.

Il convient de ne pas retenir l’augmentation de loyer appliquée à compter du 2ième semestre 2020 par le bailleur.

Par jugement du 31 mai 2010, le tribunal de commerce de Salon de Provence a prononcé le redressement judiciaire de Madame [B] et par jugement du 23 mai 2011 a arrêté un plan de redressement pour 8 ans à compter du 15 juin 2011. De sorte qu’aucune somme ne peut être réclamée au titre des loyers antérieurs au 31 mai 2010.

Le jugement du tribunal de grande instance d’Aix en Provence du 6 mai 2013 confirmé par arrêt de la Cour du 18 décembre 2014, a statué sur les causes du commandement du 2 février 2011 visant des loyers échus et restés impayés au 30 avril 2011. Dés lors, il ne peut être affirmer, ainsi que le soutient Madame [B], que son solde au mois de décembre 2014 était positif, l’absence de demande de la part du bailleur pour les loyers postérieurs à ceux visés dans le commandement du 2 février 2011 ne valant pas renonciation à en demander paiement.

Enfin selon les règles de l’imputation des paiements résultant des articles 1253 et 1256 ancien du code civil, a défaut d’indication par le débiteur, l’imputation, à égalité d’intérêt, se fait sur la dette la plus ancienne. De sorte que les règlements opérés par Madame [B] pendant une année peuvent s’imputer sur la période antérieure.

Dans un premier temps, le bailleur a effectué un décompte année par année, mentionnant pour chaque année, le solde au 31 décembre. Puis il a, dans un second temps en appliquant les règles juridiques sus visées, imputé les virements si nécessaire sur les années antérieures de façon à dégager un solde global.

Le décompte joint au commandement de payer délivré le 13 avril 2017 indique pour l’année 2012 un loyer annuel de 13 831, 20euros, un paiement de 12 678,60euros et un solde de 2 123, 60euros au titre de l’année 2012.

Toutefois, il convient de relever qu’en application de la prescription quinquennale ne sont dues que les sommes postérieures au 13 juin 2012 soit la somme de 6 915,60euros au titre des loyers dus pour le second semestre 2012, les sommes réclamées au titre des taxes n’étant pas dues faute de justificatif produit en ce sens. Monsieur [S] fait état de trois versements de 1 152,60euros intervenus entre le 26 septembre 2012 et le 10 décembre 2012 sachant qu’il n’existe pas au 10 septembre 2012 de solde déficitaire antérieur et de trois versements intervenus en janvier et mars 2013 permettant de solder l’année 2012. Il revendique le paiement d’une somme de 1 004euros au titre de la taxe foncière qui n’est pas due, faute de justificatif, Madame [B] ne produit pas de relevé de compte pour l’année 2012.

En 2013, le total des loyers dus pour l’année 2013 s’élève à la somme de 13 831,12 euros après déduction de la taxe foncière, Monsieur [S] fait état de 7 virements de 1 152,60euros et de deux virements de 2 305,20euros intervenus en 2013 soit un total de 12 678,60euros et le virement intervenu en février 2014 s’impute sur les loyers de 2013 permettant de régler les échéances locatives échues, le paiement effectué le 5 mars 2014 devant s’imputer sur l’année 2014.

En 2014, Monsieur [S] fait état d’un loyer de 13 831,12euros pour l’année en cours sans tenir compte de la taxe foncière, selon lui, Madame [B] a versé 10 versements de 1 152,60 euros en 2014,en tenant compte du versement effectué le 5 mars 2014 soit un total de 11 526euros, les versements intervenus en janvier et février 2015 pour un montant de 1 152,60euros doivent s’imputer sur l’année 2014 pour apurer le solde.

Les relevés de compte ouvert à la Société marseillaise de Crédit au nom de Madame [B] font état de deux virements intervenus le 18 novembre 2014 et le 12 décembre 2014 pour un montant de 1 157,60euros, qui ont été crédités sur son compte courant respectivement le 19 novembre et le 24 décembre 2014 et un versement le 26 janvier 2015 et le 7 février 2015 qui ont été crédité respectivement le 27 janvier 2015 et le 18 février 2015 pour un montant de 1152,60 euros chacun soit un écart de 20 euros en faveur de madame [B].

Pour l’année 2015, Monsieur [S] fait état d’un loyer de 13 831,12euros pour l’année en cours sans tenir compte de la taxe foncière. Selon son décompte, Madame [B] a effectué 4 versements en tenant compte de celui effectué le 25 mars 2015 dont 2 de 1 152,60euros, un de 1 162euros et un versement de 8 068,20euros soit un total de 11 535,40 euros. Le relevé de compte de Madame [B] fait apparaître pour l’année 2015 un versement de 1 157,60euros le 24 mars 2015 qui a été crédité sur son compte le 25 mars 2015,un versement de 1 157,60euros le 20 mai 2014 qui a été crédité le 21 mai 2015 et un versement de 1157 euros le 11 août 2015 qui a été crédité le 12 août 2015 et un versement le 10 décembre 2015 qui a été crédité de 11 décembre 2015. Madame [B] reste devoir pour cette année 2015 la somme de 2 295,72euros dont il convient de déduire l’écart de 5 euros existant entre les sommes versées et les sommes crédités pour les virement de 1 157,60euros soit 20euros et 15 euros ; Madame [B] reste redevable de 2 260,72euros pour l’année 2015. Il convient de déduire les deux versements de 1 152,60euros effectués en février et mars 2016 soit un total de 2 305,20euros et il reste un solde 44, 48 euros en faveur de Madame [B].

En 2016, Monsieur [S] fait état d’un loyer de 13 831,12euros pour l’année en cours d’où il déduit les six versements de 1 152,60 effectués par Madame [B] durant l’année 2016, de mai 2016 à décembre 2016 soit un total de 6 915,60euros euros. Madame [B] justifie du versement de la somme de 1 157,60 euros le 3 mai 2016, crédité le 4 mai 2016, le 14 juin 2016 créditée le 15 juin 2016, le 13 juillet 2016 créditée le 15 juillet 2016, le 20 septembre 2016 créditée le 21 septembre 2016, le 19 octobre 2016 créditée le 20 octobre 2016 et le 13 décembre 2016 créditée le 14 décembre 2016. Les sommes débitées de son compte ont été intégralement reprises dans le décompte établi par le bailleur. Il convient de déduire la somme de 5 euros par virement qui n’est pas comptabilisée par le bailleur soit 30 euros. Madame [B] reste redevable en décembre 2016 d’un solde débiteur de 6 841,04eursos.

En 2017, Monsieur [S] fait état d’un loyer de 13 831,12euros pour l’année en cours auquel il convient d’ajouter le solde débiteur de l’année 2016, Madame [B] est redevable de la somme totale de 20 672,16euros. Le bailleur indique avoir perçu 11 versements de 1 152,60euros soit la somme de 12 678,60 euros et les relevés de comptes produit par Madame [B] permettent d’établir le versement de 11 loyers de 1 152,60euros. Le solde débiteur du compte locatif s’élève en décembre 2017 à la somme de 7 993,40euros.

En 2018, [S] fait état d’un loyer de 13 831,12euros pour l’année en cours et le décompte locatif fait état de 14 versements de 1 152,60 euros soit un total de 16 136,40euros auquel s’ajoute la somme de 3 457,80euros versé le 12 novembre 2018 soit un total de 19 594,20euros versé.

Les relevés de compte de Madame [B] font état également de 15 versements identiques dans leur montant et leur date à ceux repris par le bailleur.

Le cumul des sommes dues pour l’année en cours et le solde déficitaire antérieur de 7 993,40euros s’élève à 21 824,52euros d’où un solde déficitaire de 2 230euros après déduction des sommes versées au 31 décembre 2018.

En 2019, Le bailleur sollicite le paiement d’un loyer annuel de 13 831,12euros, et fait état de 12 versements de 1 152,60 euros soit la somme de 13 831,12euros. Les relevés de compte de la locataire font état de deux versements en février 2019, repris dans le décompte établi par le bailleur. Le solde débiteur du compte locatif au 31 décembre 2019 s’élève à la somme de 2 230euros.

En 2020, le bailleur sollicite la somme de 17 715,60euros au titre du loyer annuel dont il convient de ne pas tenir compte et de retenir un loyer de 13 831,12 euros par an. Monsieur [S] fait état de 4 versements de 1 152,60euros et trois versements de 2 305,20euros soit un total de 11 526euros. Madame [B] produit des relevés de compte parcellaires qui ne permettent pas une vérification utile du décompte locatif. Elle justifie d’un versement en février, en juillet et en août, ainsi que de deux versements en octobre 2020, le virement effectué le 30 septembre ayant été crédité le 1er octobre 2020. Le décompte locatif du bailleur reprend l’intégralité de ces virements. Reste à devoir pour l’année 2020, la somme de 2 305,12euros à laquelle s’ajoute le solde 2 230euros soit un solde débiteur total de 4 535,12euros.

En 2021, le bailleur sollicite la somme de 21 600euros au titre du loyer annuel, mais il convient de retenir la somme de 13 831,12euros et mentionne 13 versements de 1 152,60euros soit la somme de 14 983,38euros, les relevés de comptes versés par madame [B] établisse qu’elle a versé en plus des sommes comptabilisées au crédit de son compte par le bailleur, la somme de 1 152,60euros le 20 décembre 2021 qui n’a pas été prise en compte. Madame [B] a versé la somme totale de 16 135,98 euros. Reste dû un solde débiteur de 2 230,36euros au 31 décembre 2021.

Eu égard aux efforts consentis par la locataire pour apurer sa dette et maintenir un paiement régulier du loyer, sa faute ne revêt pas le caractère de gravité suffisante pour justifier le prononcé de la résiliation du bail existant depuis 1984 entre les parties.

Il convient de condamner la locataire au paiement en sus du loyer en cours la somme de 2 230,36euros et de lui octroyer 6 mois de délai pour s’en libérer.

Madame [B], succombant, doit assumer les dépens et doit payer la somme de 1 500euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs

La Cour statuant par arrêt contradictoire :

Confirme le jugement de première instance rendu par le tribunal de grande instance d’Aix en Provence le 28 octobre 2019 en ce qu’il a annulé le commandement de payer délivré le 13 avril 2017, rejeté la demande de constatation de l’acquisition de la clause résolutoire et la demande d’expulsion et constater la prescription quinquennale pour les impayés antérieurs au 14 juin 2012,

Infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau :

Condamne Madame [B] [N] à payer à Monsieur [X] [S], en sus du loyer courant, la somme de 2 230,36euros au titre du solde locatif au 31 décembre 2021,

Autorise Madame [N] [B] à se libérer de sa dette en 6 mensualités successives et égales avant le 15 de chaque mois à compter de la signification du présent arrêt,

Dit que le défaut de paiement d’une seule mensualité à son échéance entraînera de plein droit l’exigibilité immédiate du solde restant dû, sans besoin d’une nouvelle mise en demeure,

Dit n’y avoir lieu au prononcer de la résiliation du bail ,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne Madame [N] [B] aux entiers dépens y compris ceux de première instance et au paiement d’une somme de 1 500euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

 


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