Indemnité d’éviction : 21 juin 2022 Cour d’appel de Fort-de-France RG n° 21/00229

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Indemnité d’éviction : 21 juin 2022 Cour d’appel de Fort-de-France RG n° 21/00229

21 juin 2022
Cour d’appel de Fort-de-France
RG
21/00229

ARRET N°

N° RG 21/00229

N��Portalis DBWA-V-B7F-CHDB

S.A.S. LA PALMERAIE DE SAINT JAMES

C/

M. [W] [S]

Mme [K] [J] [V] épouse [S]

COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 21 JUIN 2022

Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal Judiciaire de Fort de France, en date du 09 Mars 2021, enregistré sous le n° 19/02137

APPELANTE :

S.A.S. LA PALMERAIE DE SAINT JAMES, représentée par son Président, Monsieur [H] [C], domicilié en cette qualité au siège social.

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Séverine TERMON de la SELARL SHAKTI, avocat au barreau de MARTINIQUE

INTIMES :

Monsieur [W] [S]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Alban-Kévin AUTEVILLE de la SELAS ALLIAGE SOCIETE D’AVOCAT, avocat au barreau de MARTINIQUE

Madame [K] [J] [V] épouse [S]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Alban-Kévin AUTEVILLE de la SELAS ALLIAGE SOCIETE D’AVOCAT, avocat au barreau de MARTINIQUE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 08 Avril 2022, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Christine PARIS, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour, composée de :

Présidente : Mme Christine PARIS, Présidente de Chambre

Assesseur : Mme Marjorie LACASSAGNE, Conseillère

Assesseur : M. Thierry PLUMENAIL, Conseiller

Greffière, lors des débats : Mme Micheline MAGLOIRE,

Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l’arrêt fixée au 14 Juin 2022 puis, prorogée au 21 Juin 2022.

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Le 5 novembre 2018, M. [W] [T] [I] [S] et Mme [K] [J] [V] épouse [S] ont donné à bail commercial à la société par actions simplifiée LA PALMERAIE DE SAINT JAMES un local à usage de restaurant et sept bungalows à usage d’hébergement touristique et gîte dépendant d’une propriété située sur la commune de [Localité 4] (Martinique) cadastrée section [Cadastre 3], lieudit [Localité 5], pour une contenance de quatre hectares, soixante-cinq ares et quatre-vingt centiares.

Le bail a été consenti pour une durée de neuf ans à compter du 15 novembre 2018 pour se terminer le 14 octobre 2027 moyennant un loyer mensuel de 1.850 euros TTC, outre la somme de 200 euros au titre des charges locatives. Une franchise de loyer d’un mois a été accordée au preneur.

Par courrier en date du 24 juillet 2019, M. [W] [S] et Mme [K] [V] épouse [S] ont été mis en demeure par la SAS LA PALMERAIE DE SAINT JAMES de mettre à la disposition de la requérante le 7ème bungalow, d’effectuer les travaux de mise en conformité de la voirie de la propriété et de faire installer des barrières de sécurité, de mettre un terme a l’activité de location de voitures, carrosserie-peinture et d’élevage d’animaux, de libérer les lieux, de remettre à la requérante toutes les quittances de loyer, de faire installer des compteurs d’eau et d’électricité individuels, de cesser et de faire cesser tous troubles de jouissance et intrusions intempestives sur les lieux donnés en location.

Par exploit d’huissier en date du 11 septembre 2019, M. [W] [S] a fait délivrer à la SAS LA PALMERAIE DE SAINT JAMES un commandement visant la clause résolutoire de payer la somme en principal de 10.200 euros arrêter provisoirement au 1er septembre 2019, de respecter l’intégralité des clauses du bail, de maintenir les lieux en état de réparations locatives, de garnir et maintenir les lieux loués de biens et marchandises et de justifier de la souscription d’une assurance garantissant les risques spécifiés au contrat de bail.

Par courrier officiel de son conseil du 30 septembre 2019, la SAS LA PALMERAIE DE SAINT JAMES a contesté le montant des sommes réclamées et a adressé aux bailleurs deux chèques d’un montant respectif de 6.140,20 euros et 1.067 euros au titre des loyers et charges qu’elle estimait impayés.

Par exploit d’huissier en date du 11 octobre 2019, la SAS LA PALMERAIE DE SAINT JAMES a formé opposition au commandement de payer du 11 septembre 2019 et a sollicité la condamnation de M. [W] [S] et Mme [K] [V] épouse [S] à respecter leur obligation de délivrance avec réduction du loyer et consignation sur le compte CARPA ou à défaut avec astreinte, et à lui payer la somme de 35.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de son préjudice de jouissance.

Par jugement contradictoire rendu en date du 9 mars 2021, le tribunal judiciaire de Fort-de-France a statué comme suit :

– REJETTE l’exception d’inexécution invoquée par la société LA PALMERAIE DE SAINT-JAMES ;

– CONSTATE l’acquisition de la clause résolutoire au 11 octobre 2019,

– ORDONNE l’expulsion de la SAS LA PALMERAIE DE SAINT-JAMES ainsi que de tout occupant de son chef dans un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision,

– DIT que le dépôt de garantie d’un montant de 1.850 euros restera acquis à M. [W] [S] et son épouse Mme [K] [V] en application des dispositions contractuelles,

– CONDAMNE la SAS LA PALMERAIE DE SAINT JAMES au paiement des sommes suivantes :

– 10.200 euros au titre des loyers jusqu’au 11 octobre 2019,

– 1.850 euros au titre de l’indemnité d’occupation à compter du 1er novembre 2019 et jusqu’à libération effective des lieux ;

– CONDAMNE solidairement M. [W] [S] et son épouse Mme [K] [V] à payer à la SAS LA PALMERAIE DE SAINT JAMES la somme de 8.000 euros à titre de réparation des troubles de jouissance des lieux donnés a bail ;

– ORDONNE la compensation des créances réciproques ;

– DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

– DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– ORDONNE l’exécution provisoire ;

– CONDAMNE la SAS LA PALMERAIE DE SAINT JAMES aux entiers dépens dont totale distraction au profit de la SAS ALLIAGE SOCIÉTÉ D’AVOCAT.

Par déclaration au greffe en date du 20 avril 2021, la SAS LA PALMERAIE DE SAINT JAMES a interjeté appel de chacun des chefs du jugement précité.

M. [W] [S] et Mme [K] [V] épouse [S] se sont constitués intimés en date du 3 mai 2021.

Aux termes de ses conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 15 février 2022, la SAS LA PALMERAIE DE SAINT JAMES demande à la cour de :

– infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Fort-de-France du 9 mars 2021 en ce qu’il a :

– rejeté l’exception d’inexécution invoquée par la SAS LA PALMERAIE DE SAINT JAMES,

– constaté l’acquisition de la clause résolutoire au 11 octobre 2019,

– dit que le dépôt de garantie restera acquis au bailleur,

– condamné la SAS LA PALMERAIE DE SAINT JAMES au paiement de la somme de 10.200 euros au titre des loyers jusqu’au 11 octobre 2019 et la somme de 1.850 euros au titre d’indemnité d’occupation à compter du 1er novembre jusqu’à la libération effective des lieux,

– fixé le préjudice de jouissance de la SAS LA PALMERAIE DE SAINT JAMES à la seule somme de 8.000 euros,

– dire que M. [W] [S] et Mme [K] [V] épouse [S] ont manqué à leur obligation de délivrance et de garantie de jouissance paisible,

– dire que la SAS LA PALMERAIE DE SAINT JAMES est fondée à invoquer l’exception d’inexécution au paiement des loyers,

– recevoir cette exception d’inexécution,

– prononcer la résiliation du contrat de bail aux torts exclusifs des bailleurs à compter du 11 octobre 2019,

– débouter M. [W] [S] et Mme [K] [V] épouse [S] de l’ensemble de leurs demandes,

– condamner solidairement M. [W] [S] et Mme [K] [V] épouse [S] à payer à la SAS LA PALMERAIE DE SAINT JAMES les sommes suivantes :

– 10.500 euros au titre du préjudice de jouissance,

– 98.000 euros au titre du manquement à l’obligation de délivrance et de l’indemnité d’éviction,

– condamner solidairement M. [W] [S] et Mme [K] [V] épouse [S] au paiement des sommes suivantes, au titre de l’article 700 du code de procédure civile :

– 3.000 euros pour la procédure de première instance,

– 4.000 euros pour la procédure d’appel,

– condamner solidairement M. [W] [S] et Mme [K] [V] épouse [S] aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction d’usage au profit de la SELARL SHAKTI.

A l’appui de ses prétentions, la SAS LA PALMERAIE DE SAINT JAMES expose qu’elle a fait opposition au commandement de payer visant la clause résolutoire du 11 septembre 2019 en contestant le montant des sommes réclamées. Elle soutient en effet que certaines charges n’étaient pas exigibles et que tous les règlements effectués n’ont pas été pris en compte. C’est ainsi qu’elle a adressé aux bailleurs deux chèques de 6.140,20 euros et 1.067 euros pour les sommes considérées réellement dues. La société preneuse explique cependant que ces chèques ont été présentés à l’encaissement près de trois mois après leur remise, période durant laquelle sa trésorerie était au plus bas, de sorte qu’elle n’a eu d’autres choix que de faire rejeter le paiement desdits chèques.

La SAS LA PALMERAIE DE SAINT JAMES fait grief aux bailleurs de ne pas lui garantir la jouissance paisible des lieux loués. Elle explique que M. [W] [S], qui possède à proximité des gîtes une activité de location de voitures, gêne l’accès aux clients du restaurant et aux secours. Il élève en outre des animaux sur la propriété, engendrant des nuisances sonores et olfactives. La société preneuse indique que M. [W] [S] empêche également l’accès de la propriété au jardinier. Elle explique que Mme [U] [Y], occupante d’un des bungalows du domaine non objet du bail litigieux, aurait à plusieurs reprises invectivé ses clients. Elle aurait en outre porté atteinte à la réputation du site sur les réseaux sociaux. La SAS LA PALMERAIE DE SAINT JAMES fait remarquer que M. [W] [S] a également exercé des pressions sur les employés de la demanderesse. Elle lui fait grief d’avoir vandalisé les locaux et de s’être permis d’apposer sur l’enseigne la mention « fermé » sans justification. La SAS LA PALMERAIE DE SAINT JAMES explique que pour toutes ces raisons elle a été dans l’obligation de cesser toute activité, malgré des résultats comptables positifs. A ce titre, elle explique que lorsqu’elle a souhaité vendre son fonds de commerce, l’agent immobilier mandaté a également été invectivé par M. [W] [S].

La SAS LA PALMERAIE DE SAINT JAMES fait également grief aux bailleurs d’avoir failli à son obligation de délivrance. Elle explique qu’une partie de la propriété donnée à bail est occupée par l’activité de location de voiture de M. [W] [S] et que seuls 6 des 7 bungalows objet du bail ont été mis à sa disposition, puisque 2 des 8 bungalows appartenant aux bailleurs sont occupés annuellement par Mme [U] [Y] et Mme [N] [A]. De plus, elle met en avant que l’accès du site ne respecte pas les dépositions réglementaires et que l’installation électrique est défectueuse. Elle fait observer qu’il ne peut lui être opposé l’absence d’état des lieux d’entrée, puisque les bailleurs se sont abstenus de faire toutes les diligences en ce sens.

C’est dans ces conditions que la SAS LA PALMERAIE DE SAINT JAMES demande de prononcer la résiliation du bail aux torts exclusifs du bailleur, et de rejeter sur le fondement de l’exception d’inexécution, le paiement des loyers impayés et de l’indemnité d’occupation.

Cependant, les bailleurs seront condamnés au paiement de la somme de la somme de 98.000 euros correspondant au résultat comptable perdu sur les 7 années de bail restant à courir.

En réponse, M. [W] [S] et Mme [K] [V] épouse [S] demandent à la cour aux termes de leurs conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 31 janvier 2022,

de :

– les dire recevable et bien fondés en leurs écritures,

– confirmer le jugement querellé en ce qu’il a :

– rejeté l’exception d’inexécution invoquée par la société LA PALMERAIE DE SAINT-JAMES

– constaté l’acquisition de clause résolutoire au 11 octobre 2019,

– prononcé l’expulsion de la SAS LA PALMERAIE DE SAINT-JAMES ainsi que de tous occupants de son chef,

– dit que le dépôt de garantie d’un montant de 1.850 euros restera acquis à Monsieur et Madame [S],

– l’infirmer pour le surplus,

Statuant à nouveau :

– condamner la SAS LA PALMERAIE DE SAINT JAMES au paiement des sommes suivantes :

– 10.200 euros au titre des loyers jusqu’au 11 octobre 2019, – 3.700 euros au titre de l’indemnité d’occupation à compter du 11 octobre 2019 et jusqu’à « vidange effective » des lieux.

– 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance,

– 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel,

– rejeter toute demande contraire ou plus amples aux présentes,

– condamner la même aux entiers dépens dont totale distraction au profit de la SAS ALLIAGE SOCIETE D’AVOCAT.

M. [W] [S] et Mme [K] [V] épouse [S] sollicitent la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a constaté la résiliation du bail par le jeu de la clause résolutoire. Ils font observer que la SAS LA PALMERAIE DE SAINT-JAMES ne s’est pas exécutée dans le mois suivant le commandement de payer délivré, puisque les deux chèques délivrés en ce sens, de montants inférieurs aux sommes réclamées, n’ont pu être encaissés en raison d ‘une opposition frauduleuse. Les bailleurs rappellent que les locataires peuvent se dispenser du paiement des loyers en invoquant l’exception d’inexécution que lorsqu’ils sont dans l’impossibilité totale d’user des lieux, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Concernant l’obligation de délivrance, M. [W] [S] et Mme [K] [V] épouse [S] rappellent qu’en l’absence d’état des lieux d’entrée, il doit être considéré que les lieux ont été pris en bon état de réparation locative. Ils précisent que le 7ème bungalow, attenant au restaurant, a bien été mis à la disposition du locataire. Quant aux installations électriques, les bailleurs font remarquer qu’aucune réclamation n’a été portée à leur connaissance puisque le locataire n’a jamais élevé la moindre contestation avant la délivrance du commandement de payer. De plus, ils précisent que la voie d’accès respecte les normes de l’arrêté du 25 juin 1980. M. [W] [S] et Mme [K] [V] épouse [S] déclarent au contraire que les lieux inoccupés sont désormais en friche, la SAS LA PALMERAIE DE SAINT-JAMES ne les exploitant plus et se contentant de percevoir les aides de l’Etat dues en raison de la crise sanitaire. Faute d’avoir été évincée, elle ne peut solliciter d’indemnité d’éviction.

De plus, M. [W] [S] et Mme [K] [V] épouse [S] contestent avoir eu un comportement dénigrant envers la société locataire qui se base sur des attestations erronées. Ils précisent à cet égard que ne peuvent leur être imputés les faits de tiers ou l’impéritie de la SAS LA PALMERAIE DE SAINT-JAMES. Au contraire, ils affirment que c’est M. [C], représentant de la SAS LA PALMERAIE DE SAINT-JAMES, qui, à plusieurs reprises, a menacé les bailleurs ainsi que Mme [U] [Y], occupante du site.

L’ordonnance de clôture est en date du 17 février 2022 et l’affaire été retenue le 8 avril 2022 et mise en délibéré le 14 juin 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, il sera fait expressément référence aux dernières conclusions déposées.

MOTIFS

Sur l’exception d’inexécution :

Il ressort des articles 1719 et 1720 du code civil, que le bailleur est tenu de mettre la chose louée à la disposition du preneur et de la délivrer en bon état de réparation.

Aux termes de l’article 1728 du même code, il est de principe que le locataire ne peut s’exonérer du paiement du loyer que lorsqu’il se trouve dans l’impossibilité d’utiliser les lieux loués comme le prévoit le bail. Il lui incombe de rapporter la preuve de cette situation.

En l’espèce, il n’est pas contesté que par acte du 11 septembre 2019, M. [W] [S] a signifié à la SAS LA PALMERAIE DE SAINT-JAMES un commandement de payer visant la clause résolutoire stipulée au bail pour la somme principale de 10.200 euros au titre des loyers impayés de mai à juillet 2019 pour un montant de 5 550 € et des charges impayées pour un montant de 2 600 € de décembre 2018 à Décembre 2019 sur la base de 200,00 € par mois .

La SAS LA PALMERAIE DE SAINT-JAMES a reconnu devoir la somme de 6.140,20 euros au titre des loyers et charges impayés en adressant le 30 septembre 2019 deux chèques de montants respectifs de 6.140,20 euros et 1.067 euros datés du 20 septembre 2019 à l’ordre de la Carpa.

Cependant, il résulte de l’attestation de la Carpa et il n’est pas contesté qu’ils n’ont pu être encaissés en raison de l’opposition sur ces chèques par la SAS LA PALMERAIE DE SAINT-JAMES.

Toutefois, la SAS LA PALMERAIE DE SAINT-JAMES, qui ne conteste avoir cessé de régler son loyer et ses charges, excipe de la gravité des manquements de la bailleresse à ses obligations de délivrance et de jouissance paisible, qu’elle s’est trouvée dans l’impossibilité d’exploiter les lieux loués et oppose ainsi une exception d’inexécution au paiement des loyers.

En réponse, M. [W] [S] et Mme [K] [V] épouse [S] soutiennent que les désordres constatés résultent du mode de jouissance des lieux par la SAS LA PALMERAIE DE SAINT-JAMES.

Sur l’obligation de délivrance :

Il convient de relever qu’aucun état des lieux n’a été établi lors de la prise des locaux par le preneur. Ainsi, en l’absence d’état des lieux d’entrée, la SAS LA PALMERAIE DE SAINT-JAMES est présumée avoir reçu les locaux litigieux en bon état de réparations locatives.

Aux termes de l’article 2 du bail commercial du 5 novembre 2018, ont été donnés à bail un local à usage de restaurant ainsi que 7 bungalows à usage d’hébergement touristique et gîte.

La SAS LA PALMERAIE DE SAINT-JAMES soutient que seuls 6 des 7 bungalows objet du bail ont été mis à sa disposition.

C’est à juste titre que le premier juge a considéré qu’aux termes de l’article 29 du contrat de bail susvisé il existait outre les 7 bungalows objet du bail, deux autres bungalows utilisés par le bailleur, portant le nombre à 9 bungalows, ce dernier s’engageant à louer les deux derniers bungalows au preneur dans un délai maximal de 2 ans à compter de la signature du bail selon les modalités à fixer d’un commun accord.

En l’espèce, il s’évince du procès-verbal de constat d’huissier établi par Maître [P] [X] le 19 septembre 2019 qu’il existe sur le domaine 8 bungalows : six bungalows à l’avant du restaurant et deux à l’arrière. Il résulte dudit constat que deux sont loués à l’année par M. [W] [S] à Mme [U] [Y] et Mme [N] [A].

Cependant, aux termes du procès-verbal de constat d’huissier établi le 4 novembre 2019 par Maître [Z] [G] qui recense les 7 bungalows loués par la SAS LA PALMERAIE DE SAINT-JAMES, il apparaît qu’un bungalow, non répertorié par Maître [P] [X], est attenant au restaurant.

Ainsi, la cour retiendra, au même titre que le premier juge, que le domaine se compose de 9 bungalows, dont deux loués par le bailleur, de sorte que conformément aux obligations contractuelles, le bailleur n’a pas failli à son obligation de délivrance du nombre exact de bungalows.

La SAS LA PALMERAIE DE SAINT-JAMES soutient également que la voie d’accès du site ne respecte pas les dispositions réglementaires.

A cet égard, c’est par des motifs exacts et pertinents, parfaitement étayés en droit et en fait, et qui ne sont pas utilement contredits par l’appelante, laquelle ne produit en cause d’appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l’appréciation faite par le tribunal, et que la cour adopte, que le premier juge a considéré que si la réglementation en matière de sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les établissements recevant du public issue de l’arrêté du 25 juin 1980 impose une voie utilisable par les engins de secours d’une largeur minimale de 8 mètres, en revanche, elle prévoit que sur une longueur inférieure à 20 mètres, la largeur de la chaussée peut être réduite à 3 mètres et les accotements supprimés.

Or, en l’espèce, d’une part, il n’est pas rapporté la preuve que la longueur du chemin excède 20 mètres et d’autre part, il résulte du procès-verbal de constat d’huissier établi par Maître [P] [X] le 19 septembre 2019 que la largeur du chemin d’accès au domaine objet du bail n’est jamais inférieure à trois mètres.

La preuve d’une carence du bailleur dans l’obligation de délivrance conforme n’est ainsi pas rapportée au titre du chemin d’accès au site.

Enfin, la SAS LA PALMERAIE DE SAINT-JAMES expose que l’installation électrique est défectueuse.

Aux termes du bail commercial du 5 novembre 2018, et plus particulièrement de son article 10.2 relatif aux travaux de mise en conformité prescrits par l’administration, les lois ou le règlement, il incombe au preneur d’effectuer à ses frais exclusifs tous les travaux de mise en conformité, aménagements, installations, prescrits par une législation, réglementation ou par une autorité administrative, notamment en matière de sécurité et d’incendie ainsi que tous les travaux nécessaires pour le respect des réglementations des établissements recevant du public, à l’exception des travaux de mise en conformité qui relèvent des grosses réparations de l’article 606 du code civil qui restent à la charge du bailleur.

Contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, cette clause du bail commercial conclu entre les parties le 5 novembre 2018 ne contrevient pas aux dispositions de l’article R. 145-35 1° et 2° du code de commerce.

En effet, cette clause n’a pas pour effet de mettre à la charge du preneur les grosses réparations limitativement énumérées par l’article 606 du code civil.

Aux termes de l’article R. 145-35 du code de commerce susvisé dans sa rédaction issue du décret n° 2014-1317 du 3 novembre 2014 applicable au présent litige, le bailleur ne peut en effet pas imputer au preneur les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l’article 606 du code civil, ainsi que, le cas échéant, les honoraires liés à la réalisation de ces travaux ainsi que les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l’immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu’ils relèvent des grosses réparations mentionnées à l’alinéa précédent.

Il est donc interdit au propriétaire de s’exonérer de son obligation concernant les grosses réparations, même si celles-ci sont liées à la vétusté causée par un manque d’entretien par le preneur.

Au sens de l’article 606 du code civil, les réparations d’entretien sont celles qui sont utiles au maintien permanent en bon état de l’immeuble tandis que les grosses réparations intéressent l’immeuble dans sa structure et sa solidité générale.

Il apparaît aux termes du procès-verbal de constat d’huissier établi par Maître [P] [X] le 19 septembre 2019 que les spots lumineux de l’enseigne située en bord de chemin ne fonctionnent pas, qu’au niveau de l’escalier donnant accès aux bungalows une applique lumineuse n’est pas fixée, un domino électrique est à l’air libre et que le branchement d’une applique est ouvert laissant les fils électriques apparents. Il est constaté en outre que les installations électriques de deux bungalows ne sont pas aux normes, qu’elles ne sont pas étanches et que les raccordements ne sont pas isolés. Le même constat est établi pour les installations électriques du restaurant qui ne sont pas aux normes.

En l’espèce, il n’est pas contestable que la vétusté de l’installation électrique se trouve établie à suffisance par le procès-verbal susvisé mettant en évidence des installations électriques qui ne sont pas aux normes.

Cependant, il est constant que le bailleur peut mettre à la charge du preneur, par une clause expresse du bail, les travaux rendus nécessaires par la vétusté. Or, il résulte de l’article 10.1 du bail du 5 novembre 2018 que le preneur prendra à sa charge les frais de mises aux normes de l’installation électrique même si elle est ordonnée par l’autorité administrative.

Quant à la réparation des sports lumineux et des appliques, il sera retenu qu’elle relève de travaux d’entretien incombant au preneur.

Dans ces conditions, la SAS LA PALMERAIE DE SAINT-JAMES échoue à démontrer que M. [W] [S] et Mme [K] [V] épouse [S] ont failli à leur obligation de délivrance et qu’elle était privée de la possibilité d’occuper les locaux loués en raison d’une installation électrique défaillante.

La SAS LA PALMERAIE DE SAINT-JAMES n’était donc pas fondée à invoquer l’exception d’inexécution afin de suspendre d’elle-même le paiement de ses loyers au regard de l’obligation de délivrance.

Elle sera ainsi déboutée de sa demande visant à condamner M. [W] [S] et Mme [K] [V] épouse [S] au paiement de la somme de 98.000 euros au titre du manquement à l’obligation de délivrance et de l’indemnité d’éviction.

Sur le trouble de jouissance :

Aux termes des dispositions de l’article 1719-3° du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, de faire jouir paisiblement le preneur de la chose louée pendant la durée du bail.

Le bailleur qui ne défère pas à cette obligation est tenu à l’indemnisation du préjudice qui en a résulté pour le locataire sauf cas de force majeure.

Le premier juge a considéré que la réalité des troubles de jouissance imputés par la SAS LA PALMERAIE DE SAINT-JAMES à M. [W] [S] et Mme [K] [V] épouse [S] était établie.

Il a en effet retenu que les attestations de clients versées au débat, la lettre adressée le 23 septembre 2019 à M. [H] [C] par la société MARKETING AUTOMATION CONSULTING, les captures d’écran du compte Facebook de Mme [U] [Y], le procès-verbal de constat de Maître [P] [X] en date du 19 septembre 2019 ainsi que l’attestation de M. [O] [E], agent immobilier, démontrent que Mme [U] [Y], locataire de M. [W] [S], a tenu des propos aux clients, prestataires et plus largement au public des réseaux sociaux, attentatoires à la réputation de M. [H] [C] et à la SAS LA PALMERAIE DE SAINT-JAMES de nature à entraver l’exploitation de son activité commerciale.

Les bailleurs font cependant valoir qu’ils ne peuvent être tenus responsables des troubles causés par le fait de tiers.

En effet, aux termes de l’article 1725 du code civil, le bailleur n’est pas tenu de garantir le preneur du trouble que des tiers apportent par voies de fait à sa jouissance, sans prétendre d’ailleurs aucun droit sur la chose louée ; sauf au preneur à les poursuivre en son nom personnel.

Cependant, il est constant que l’obligation de faire jouir paisiblement le preneur s’applique aux troubles qui lui sont causés par un autre locataire du bailleur, ce dernier n’étant pas le tiers visé à l’article 1725 du code civil.

C’est donc à bon droit que le premier juge a retenu que les troubles de jouissance imputables à Mme [U] [Y], locataire de M. [W] [S] et de Mme [K] [V] épouse [S], largement établis par les attestations de clients pouvaient être opposés aux bailleurs.

En revanche, la SAS LA PALMERAIE DE SAINT-JAMES ne faisant pas valoir d’éléments différents de ceux présentés devant les premiers juges, il convient également de retenir, par adoption de motifs, qu’il n’est pas établi que ce trouble de jouissance a empêché la société preneuse d’utiliser les locaux loués pour exercer les activités prévues au contrat de bail.

En effet, comme l’a retenu le premier juge, les premiers troubles de jouissance sont apparus postérieurement aux premiers impayés de loyers.

Ainsi, l’exception d’inexécution ne pouvant être retenue, la SAS LA PALMERAIE DE SAINT-JAMES n’était pas fondée à suspendre d’elle-même le paiement de son loyer au regard du trouble de jouissance.

Cependant, le fait que les premiers troubles soient apparus moins d’un an après la signature du bail litigieux, leur répétition, leur importance, le fait aussi que les appelants aient subi une perte de chance de chiffre d’affaire en raison des annulations de clients consécutives aux invectives de Mme [U] [Y], constituent un trouble de jouissance qui, au regard de ces éléments et de la valeur locative des locaux (loyer mensuel de 1.850 euros, hors charges) sera réparé par l’allocation à la SAS LA PALMERAIE DE SAINT-JAMES de la somme de 8 000 euros de dommages et intérêts au paiement desquels M. [W] [S] et Mme [K] [V] épouse [S] seront condamnés.

C’est en effet par des motifs pertinents et que la cour adopte que le premier a évalué à ce montant le préjudice subi par la Sas La Palmeraie de St James .

La décision entreprise sera confirmée en ce sens.

Sur la résiliation du bail et l’acquisition de la clause résolutoire:

L’article L.145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Il a été retenu des développements ci-dessus que si le bailleur a manqué à son obligation de faire jouir paisiblement le preneur de la chose louée, pour autant la SAS LA PALMERAIE DE SAINT-JAMES n’a pas démontré l’impossibilité d’exploiter en lien avec ce manquement. Ainsi l’exception d’inexécution ne pouvant être retenue, la société bailleresse ne pouvait de sa propre initiative suspendre le paiement de ses loyers.

En l’espèce, les bailleurs justifient de la délivrance d’un commandement de payer les loyers visant la clause résolutoire en date du 11 septembre 2019, et il n’est justifié d’aucune régularisation au titre des loyers et charges dans le délai d’un mois imparti, la remise de chèques d’un montant inférieur aux sommes réclamées ne valant pas paiement, les chéques n’ayant pu être encaissés en raison d’une opposition.Il y a lieu de rappeler en outre que le commandement, même s’il vise des sommes erronées, ce qui est le cas en l’espèce pour les charges non encore échues réclamées d’octobre à décembre 2019, reste valable à hauteur des sommes dues, en l’espèce non contestées pour 7207,20 € ( 6240,20 + 1067).Il importe peu dès lors qu’il y ait eu contestation sur le surplus des sommes réclamées.

Dans ces conditions, c’est à bon droit et par des motifs pertinents que la cour adopte, que le premier juge a retenu que compte tenu du non respect par le locataire de son obligation de paiement du loyer, le bail du 5 novembre 1998 est résilié par le jeu de la clause résolutoire à compter du 11 octobre 2019, soit un mois à compter de la signification du commandement de payer du 11 septembre 2019.

Le jugement querellé sera confirmé de ce chef.

La cour confirmera dès lors l’expulsion ordonnée par le juge de première instance de la SAS LA PALMERAIE DE SAINT-JAMES et de tout occupant de son chef.

Sur le montant des loyers impayés et de l’indemnité d’occupation :

La SAS LA PALMERAIE DE SAINT-JAMES fait valoir qu’elle ne serait débitrice que des sommes de 6.140,20 euros au titre des loyers impayés et de 1.067 euros au titre des charges impayées pour la période comprise entre le 15 novembre 2018 et le 11 octobre 2019, date de résiliation du bail.

Elle conteste ainsi devoir la somme de 10.200 euros au titre des loyers et charges jusqu’au 11 octobre 2019.

Il convient néanmoins de constater qu’elle ne reprend en réalité devant la cour que les moyens développés devant le premier juge et n’apporte aucune pièce nouvelle suffisamment probante de nature à remettre en cause l’analyse à laquelle ils s’est livré.

Sauf à reprendre intégralement la motivation du premier juge que la cour adopte, il y a lieu essentiellement de rappeler que les relevés bancaires versés aux débats justifiant l’existence de chèques débités sur le compte de la SAS LA PALMERAIE DE SAINT-JAMES sont insuffisants à démontrer que les bénéficiaires des sommes correspondantes sont M. [W] [S] et Mme [K] [V] épouse [S].

Dès lors c’est à juste titre que le premier juge a retenu que la SAS LA PALMERAIE DE SAINT-JAMES était redevable de la somme de 10.200 euros au titre des loyers et charges impayés de mai à septembre 2019, déduisant les charges réclamées à tort au delà de cette période et incluant les loyers dus jusqu’en septembre 2019 non visés dans le décompte joint au commandement .

C’est également par de justes motifs, sur la base d’un montant de loyer non contesté de 1.850 euros HT par mois qu’il a condamné cette dernière à verser à M. [W] [S] et Mme [K] [V] épouse [S] à titre de provision sur l’indemnité d’occupation une somme mensuelle à hauteur de ce montant à compter du 1er novembre 2019 et jusqu’à la libération effective des lieux puisqu’il n’est pas démontré que la société preneuse a libéré les lieux ni restitué les clés.

En effet si la bail du 5 novembre 2018 prévoit en son article 18 qu’en cas de résiliation de bail, si le preneur ne libère pas les lieux dès sa constatation, il devra une indemnité d’occupation calculée sur la base du double du dernier loyer, indexée dans les mêmes conditions que le loyer contractuel hors taxes et hors charges, il sera retenu que cette clause s’analysant en une clause pénale apparaît disproportionnée.

Enfin, le jugement sera également confirmé en ce qu’il a dit que M. [W] [S] et Mme [K] [V] épouse [S] conserveront le dépôt de garantie tel que prévu à l’article 8 du contrat de bail, sans que le caractère excessif de cette clause ne soit retenu.

Sur les demandes accessoires :

Les condamnations prononcées en première instance au titre des dépens et des frais irrépétibles seront confirmées.

La SAS LA PALMERAIE DE SAINT-JAMES succombant au principal sera en revanche condamnée au paiement des dépens d’appel, ainsi qu’au versement aux intimés d’une somme totale de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement rendu en date du 9 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Fort-de-France en toutes ses dispositions dont appel ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la SAS LA PALMERAIE DE SAINT JAMES au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS LA PALMERAIE DE SAINT JAMES aux dépens d’appel dont distraction au profit de la SAS ALLIAGE SOCIETE D’AVOCAT.

Signé par Mme Christine PARIS, Présidente de Chambre et Mme Béatrice PIERRE GABRIEL, Greffière, lors du prononcé à laquelle la minute a été remise.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

 


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