22 juin 2022
Cour d’appel de Montpellier
RG n°
21/06271
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
1ère chambre sociale
ARRET DU 22 JUIN 2022
N° RG 21/06271 – N° Portalis DBVK-V-B7F-PF6G
Décision déférée à la Cour : Décision du 22 SEPTEMBRE 2021
BATONNIER DE L’ORDRE DES AVOCATS DE [Localité 7]
DEMANDERESSE AU RECOURS:
Madame [L] [U]
[Adresse 4]
-[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentant : Maître Xavier SAUVIGNET de la SELARL BOUSSARD VERRECCHIA ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
DEFENDERESSEAU RECOURS :
S.E.L.A.S. ERNST & YOUNG
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentant : Maître Laurent LECANET de l’ASSOCIATION LECANET & LINGLART, avocat au barreau de PARIS
LE BATONNIER DE L’ORDRE DES AVOCATS
[Adresse 5]
[Localité 7]
NON COMPARANT
Monsieur LE PROCUREUR GENERAL
en son parquet près la cour d’appel
[Adresse 1]
[Localité 7]
NON COMPARANT
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ:
L’affaire a été débattue le 20 AVRIL 2022, en audience publique, Monsieur Georges LEROUX,Président de chambre, ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Georges LEROUX, Président de chambre
Madame Florence FERRANET, Conseiller
Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière, lors des débats : Madame Isabelle CONSTANT
L’affaire a été communiquée au ministère public.
ARRET :
– Contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Madame Florence FERRANET, Conseiller, le président étant empêché, et par Madame Isabelle CONSTANT, Greffière.
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EXPOSE DU LITIGE :
Mme [U] a été recrutée par la société Ernst & Young Société d’avocats le 7 octobre 2013 selon contrat de travail à durée indéterminée, avec la qualification interne d’assistante, puis suite à sa prestation de serment, en qualité d’avocate salariée, selon contrat du 5 novembre 2013, avec une rémunération brute mensuelle de 2 751 €.
En juillet 2015, Mme [U] a été promue Sénior 1 et a atteint le positionnement Sénior 3 en juillet 2017.
Au dernier état de la relation contractuelle la rémunération de Mme [U] était portée à la somme de 3 725 € brut mensuels.
Mme [U] était en congé maternité puis en congé parental du 2 mars au 28 septembre 2018 puis du 31 mai 2019 au 15 janvier 2020.
Elle était convoquée par son employeur à un entretien préalable à licenciement, entretien qui s’est déroulé le 27 mai 2020.
Par courrier recommandé du 9 juin 2020 l’employeur lui a notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Le 3 septembre 2020, Mme [U] a contesté par courrier adressé à son employeur le bien-fondé de son licenciement et dénoncé une situation de discrimination sexuelle.
Le 29 janvier 2021, Mme [U] a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats de [Localité 7] aux fins de :
À titre principal :
– Juger qu’elle a fait l’objet d’une discrimination et d’un harcèlement discriminatoire à raison de son sexe et de son état de maternité ;
– Condamner la société Ernst & Young Société d’avocats à son repositionnement au grade Sénior Manager 1 au 1er juillet 2019 soit à un niveau de rémunération mensuelle de 7 112,50 € ;
– Condamner la société Ernst & Young Société d’avocats au paiement des rappels de salaires correspondants du 1er juillet 2019 au 11 novembre 2020 et à la production des bulletins de salaire afférents rectifiés sous astreinte de 150 € par jour de retard ;
– Condamner la société Ernst & Young Société d’avocats au paiement des rattrapages d’intéressement et de participation ainsi que des bonus correspondants sur la période ;
– Condamner la société Ernst & Young Société d’avocats à la somme de 255 762,50 € au titre des dommages-intérêts réparant le préjudice financier lié à la discrimination ;
– Condamner la société Ernst & Young Société d’avocats à la somme de 30 000 € au titre des dommages-intérêts de réparation du préjudice moral lié au harcèlement discriminatoire subi ;
– Condamner la société Ernst & Young Société d’avocats à la somme de 5 000 € au titre des dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail ;
– Juger que son licenciement s’analyse en un licenciement nul ;
– Condamner la société Ernst & Young Société d’avocats à sa réintégration et au paiement de la somme de 85 350 € au titre de l’indemnité d’éviction (un an) à parfaire au jour de la décision à intervenir, outre les augmentations moyennes individuelles et générales perçues par les salariés de la même catégorie et outre les avantages, primes et salaires de toutes natures ;
A titre subsidiaire condamner la société Ernst & Young Société d’avocats à lui verser la somme de 67 050 € au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
En tout état de cause :
– Condamner la société Ernst & Young Société d’avocats à lui verser la somme de 5 000 € au titre du caractère vexatoire de licenciement ;
– Condamner la société Ernst & Young Société d’avocats à la somme de 5 424,66 € au titre des heures supplémentaires effectuées et non payées ;
– Fixer la moyenne des trois derniers mois aux fins de l’exécution provisoire à 3 725 € ;
– Condamner la société Ernst & Young Société d’avocats au paiement de la somme de 4 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
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Par décision rendue le 22 septembre 2021 le bâtonnier de l’ordre des avocats de [Localité 7] a rendu la décision suivante :
Constatons que postérieurement à ses congés maladie la société Ernst & Young a caractérisé un comportement discriminant ouvrant droit à réparation du préjudice moral de Mme [U] ;
Condamnons la société Ernst & Young à verser à Mme [U] la somme de 12 000 € de dommages-intérêts ;
Condamnons la société Ernst & Young à verser à Mme [U] la somme de 8 000 € pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail ;
Constatons le caractère sans cause réelle et sérieuse du licenciement ;
Condamnons la société Ernst & Young à verser à Mme [U] la somme de 13 900 € correspondant à quatre mois de salaire ;
Déboutons Mme [U] de ses autres demandes ;
Condamnons la société Ernst & Young à régler à Mme [U] la somme de 4 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
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Mme [U] a interjeté appel de cette décision le 12 octobre 2021.
Dans ses dernières conclusions déposées à l’audience du 20 avril 2022, elle demande à la cour :
D’écarter les nullités et irrecevabilités invoquées par la société Ernst & Young Société d’avocats et déclarer son appel recevable ;
Débouter la société Ernst & Young Société d’avocats de son appel incident ;
Infirmer la décision en ce qu’elle a :
– Limité la reconnaissance de la discrimination au seul motif de la maternité excluant le motif tenant à son sexe ;
– Limité la réparation du préjudice au seul préjudice moral ;
– Limité la réparation du préjudice moral à la somme de 12 000 € ;
– Limité la condamnation au titre de la violation du principe de la bonne foi contractuelle à la somme de 8 000 € ;
– Limité l’indemnisation du préjudice issu de la rupture de la relation de travail à la somme de 13 900 € ;
– Débouté de sa demande de réparation du préjudice économique et de carrière, de sa demande au titre de la nullité du licenciement et de son caractère vexatoire ainsi que de ses demandes au titre des heures supplémentaires ;
Confirmer la décision pour le surplus et statuant à nouveau ;
Ordonner le repositionnement de Mme [U] au grade Senior Manager 1 au 1er juillet 2019 ;
Fixer sa rémunération globale à la somme de 7 112,50 € mensuels brut et condamner la société Ernst & Young Société d’avocats au rappel de salaires entre le 1er juillet 2019 et le 11 novembre 2020, et à la production des bulletins de salaire rectifiés correspondants sous astreinte de 150 € par jour de retard ;
Condamner la société Ernst & Young Société d’avocats au paiement des rattrapages d’intéressement et de participation ainsi que des bonus correspondants sur la période ;
Condamner la société Ernst & Young Société d’avocats à la somme de 256 872,50 € au titre des dommages-intérêts réparant le préjudice financier lié à la discrimination ;
Condamner la société Ernst & Young Société d’avocats à la somme de 30 000 € au titre des dommages-intérêts de réparation du préjudice moral lié au harcèlement discriminatoire subi ;
Condamner la société Ernst & Young Société d’avocats à la somme de 10 000 € au titre des dommages-intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail ;
Juger que son licenciement s’analyse en un licenciement nul ;
Condamner la société Ernst & Young Société d’avocats à sa réintégration et au paiement de la somme provisionnelle de 54 766,25 € au titre de l’indemnité d’éviction à compter du 12 novembre 2020 à parfaire au jour de la décision à intervenir, outre les augmentations moyennes individuelles et générales perçues par les salariés de la même catégorie et outre les avantages, primes et salaires de toutes natures ;
Subsidiairement condamner la société Ernst & Young Société d’avocats à lui verser la somme de 88 445,52 € au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
En tout état de cause :
Condamner la société Ernst & Young Société d’avocats à lui verser la somme de 5 000 € au titre du caractère vexatoire de licenciement ;
Condamner la société Ernst & Young Société d’avocats à la somme de 5 424,66 € au titre des heures supplémentaires effectuées et non payées ;
Condamner la société Ernst & Young au paiement de la somme de 4 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
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Dans ses conclusions déposées à l’audience, le 20 avril 2022, la société Ernst & Young demande à la cour :
À titre principal de déclarer nulle la déclaration d’appel effectuée à l’encontre d’une société qui n’existe pas et déclarer l’appel irrecevable car effectué par le biais d’une signature scannée;
À titre subsidiaire de confirmer la décision en ce qu’elle a débouté Mme [U] de ses demandes relatives :
– A son repositionnement au grade de Senior Manager 1 au 1er juillet 2019 soit un niveau de rémunération mensuelle de 7 112,50€ ;
– Au rappel de salaire correspondant du 1er juillet 2019 € au 11 novembre 2020 et à la production des bulletins de salaire afférents rectifiés sous astreinte de 150 € par jour de retard ;
– Au rattrapage d’intéressement et de participation ainsi que des bonus correspondants sur la période ;
– Aux dommages-intérêts réparant le préjudice financier lié à la discrimination ;
– A sa réintégration et au paiement au titre de l’indemnité d’éviction ;
– Aux dommages-intérêts pour caractère vexatoire du licenciement ;
– Au paiement des heures supplémentaires effectuées et non payées ;
Infirmer la décision en ce qu’elle l’a condamnée à verser les sommes suivantes :
– 12 000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral lié à la discrimination ;
– 8 000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution du contrat de travail ;
– 13 900 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 4 000 € au titre de l’article 700 ;
Statuant à nouveau débouter Mme [U] de toutes ses demandes ;
À titre infiniment subsidiaire de ramener les demandes de Mme [U] à de plus justes proportions ;
En tout état de cause de condamner à Mme [U] à lui verser la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
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Le 20 janvier 2022 M. le procureur général a été avisé de ce que l’affaire serait examinée à l’audience du 20 avril 2022.
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Pour l’exposé des moyens il est renvoyé aux conclusions précitées en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS :
Sur la nullité de la déclaration d’appel :
La société d’exercice libéral par action simplifiée (SELAS) Ernst & Young fait valoir qu’alors que Mme [U] a saisi le bâtonnier d’une demande de condamnation à l’encontre de Ernst & Young, société d’avocats qui était son employeur et qui existe, elle a formé appel à l’encontre de la SELAS Ernst & Young qui n’existe pas et qui n’a donc pas de capacité à agir, que la déclaration d’appel ne respecte pas les dispositions de l’article 58 du code de procédure civile qui prévoit que la déclaration, à peine de nullité, pour les personnes morales doit indiquer leur forme et leur dénomination, qu’en application de l’article 117 du même code, cette irrégularité de fond entraîne la nullité de l’acte sans que celui qui l’invoque ait à justifier d’un grief.
Il sera fait observer que l’article du code de procédure civile applicable n’est pas l’article 58 mais depuis l’entrée en vigueur du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019, l’article 54 du code de procédure civile.
Cet article en son alinéa 2 3° b) prévoit qu’à peine de nullité la demande initiale mentionne pour les personnes morales : leur forme, leur dénomination, leur siège social et l’organe qui les représente légalement.
Il est de jurisprudence constante que l’erreur relative à la dénomination d’une partie dans un acte de procédure n’affecte pas la capacité d’ester en justice qui est attachée à la personne, quelle que soit sa désignation, et ne constitue qu’un vice de forme lequel ne peut entraîner la nullité de l’acte que sur justification d’un grief.
En l’espèce, s’il est exact que la requête présentée par Mme [U] à M. le bâtonnier le 29 janvier 2021 mentionne comme défendeur la SELAS Ernst & Young société d’avocats , la décision rendue le 22 septembre 2021 ne fait référence qu’à la SELAS Ernst & Young.
Mme [U] a donc formalisé son appel en intimant la SELAS Ernst & Young et non la SELAS Ernst & Young société d’avocats.
Toutefois il est mentionné dans la déclaration d’appel, outre la dénomination incomplète de la société, le siège social : [Adresse 3], et le n° d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés de Nanterre : 448 693 789.
Il en résulte que l’omission matérielle du terme « société d’avocats » dans la dénomination de la société intimée, en l’état de la précision donnée sur l’adresse et le numéro d’inscription au registre du commerce et des sociétés, n’a causé aucun grief à la société Ernst & Young société d’avocats, celle ci sera déboutée de sa demande d’annulation de la déclaration d’appel.
Sur la demande d’irrecevabilité de la déclaration d’appel :
La société Ernst & Young société d’avocat soutient que la déclaration d’appel a été effectuée par un cabinet d’avocats et comporte une signature scannée qui ne permet pas de déterminer si elle a été rédigée et déposée par un avocat muni du pouvoir de le faire, qu’au visa de l’article 1367 du Code civil, la signature scannée n’est pas une signature électronique mais une signature numérisée et qu’un doute plane quant à son auteur.
L’appel de la décision rendue par le bâtonnier relève de la procédure sans représentation obligatoire. En cette matière, en application des dispositions de l’article 932 du code de procédure civile, l’appel est formé par une déclaration que la partie, ou tout mandataire fait ou adresse par pli recommandé au greffe de la cour.
En matière de procédure sans représentation obligatoire, la mention du nom de la personne qui représente une partie est une condition de validité des actes de procédure effectués par cette personne qui doit, pour agir valablement être munie d’un pouvoir spécial.
Toutefois l’absence de précision de l’acte sur l’identité et la qualité de son auteur ne constitue pas, à elle seule, une cause de nullité de la déclaration d’appel, l’appelant pouvant être admis à établir que le signataire avait, à la date à laquelle le recours a été formé, le pouvoir de le faire.
Lorsque la déclaration d’appel est faite par l’intermédiaire d’un avocat dispensé de justifier d’un pouvoir spécial, l’impossibilité d’identifier son signataire constitue un vice de forme qui ne peut entraîner la nullité de l’acte que s’il fait grief à la partie qui invoque.
En l’espèce, Maître [Y] [N] était l’avocat de Mme [U] lors de la première instance devant le bâtonnier de l’ordre des avocats de [Localité 7], son nom précède la signature de la déclaration d’appel et figure sur le papier à en-tête du courrier, il en résulte que nonobstant le fait que sa signature apparait comme scannée dans l’acte d’appel, il n’existe aucune impossibilité de l’identifier comme étant le signataire de l’acte, et il n’est pas contesté qu’à la date du recours, Me [N] avait le pouvoir de faire appel au nom de Mme [U].
La société Ernst & Young société d’avocats sera donc déboutée de sa demande tendant à voir déclarer l’appel irrecevable.
Sur la discrimination :
L’article L 1132-1 du code du travail prévoit que : « … aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison. …. de son sexe, …., de sa situation de famille ou de sa grossesse, ….. ».
Il ressort des dispositions de l’article L 1134-1 du code du travail que lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions du chapitre II (principe de non-discrimination), le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte telle que définie à l’article premier de la loi 2008-496 du 27 mai 2008….. Au vu de ces éléments il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
L’article 1er de la loi du 27 mai 2008 dispose que : « constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de (…..) son sexe, de sa situation de famille (….) une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable. ».
Mme [U] soutient qu’elle a fait l’objet d’une discrimination en raison de son sexe et de ses grossesses et qu’elle a subi les agissements suivants :
1 – elle a connu une évolution de carrière très faible au regard de ses excellentes compétences ;
2 – elle a connu une dégradation de ses conditions de travail à compter du départ de sa supérieure hiérarchique Mme [I] ;
3 – elle a effectué des heures de travail au cours de ses congés maternité et parentaux ;
4 – elle a subi un retrait vexatoire de ses dossiers à compter de son retour de congé maternité ;
5 – les modalités d’évaluation ont été modifiées à compter de sa première grossesse ;
6 – son évolution de salaire a été heurtée par ses deux grossesses ;
7 – les dispositions applicables en matière de retour de congé maternité et parental n’ont pas été respectées ;
8 – l’employeur n’a pas respecté son obligation de réalisation des entretiens de carrière ;
9 – son licenciement est injustifié et vexatoire, ne reposant sur aucun élément concret, vérifiable et imputable à sa personne.
1 – Sur la faiblesse de l’évolution de carrière :
Mme [U] soutient qu’en l’état de son entretien annuel pour l’année 2016 et de la récompense qu’elle a reçue au concours international de plaidoirie pour les droits de l’homme en 2015, elle aurait dû, dès l’année 2016, passer au grade Sénior 3, qu’en outre elle est demeurée jusqu’à son licenciement en 2020 à ce grade.
Toutefois en l’état des pièces produites, il n’est pas établi que Mme [U] aurait dû passer au grade de Senior 3 avant le mois de juillet 2017, dès lors qu’elle n’est demeurée au grade d’assistante expérimentée que 18 mois et qu’elle est passée au grade de Senior 1 le 1er juillet 2015 et qu’il est d’usage en moyenne de demeurer sur un grade de Senior pendant trois ans.
Il n’est donc pas justifié d’une faiblesse de l’évolution de carrière avant le premier congé maternité.
2- Sur la dégradation des conditions de travail à compter du départ de Mme [I] :
Mme [U] soutient que dès lors qu’elle a été placée sous l’autorité de M. [J] en janvier 2017, elle a subi un climat de tension et a été désavantagée dans la répartition des dossiers au profit de M. [O].
Il ressort des échanges de courriels des 6 janvier 2017 entre Mme [U], Mme [I], M. [D] et M. [J], et des 14 et 15 février 2017 entre Mme [U] et M. [D], qu’à deux reprises un incident est intervenu relativement à l’affectation d’un dossier, mais que le problème a été résolu par M. [D].
Il ressort de ces échanges de courriels que M. [J] a manifesté notamment le 6 janvier 2017 un comportement agressif et inapproprié vis à vis de Mme [U], toutefois il ressort aussi des échanges de courriels du mois de février que des collaborateurs masculins ([G]) ont eux aussi été victimes de ce comportement.
Si ces deux incidents démontrent que l’ambiance était tendue entre Mme [U] et son supérieur hiérarchique M. [J], et que M. [D] a dû intervenir à deux reprises pour corriger une erreur d’affectation de dossiers, il n’est pas justifié d’une dégradation des conditions de travail et d’un désavantage au préjudice de Mme [U] suite au départ de Mme [I].
3- Sur la réalisation d’heures de travail effectuées au cours des congés maternité et parentaux :
Mme [U] produit aux débats les courriels adressés par Mme [F] les 19 et 28 juin 2019 relatifs à la mise à jour des feuilles de temps et celui du 28 juin 2019 dans lequel elle indique l’avoir relancée à de nombreuses reprises n’arrivant pas à la joindre, ce qui ne lui permet pas de mettre à jour ses GT&E, ainsi que les courriels des 9 et 16 septembre 2019 dans lesquels il lui est demandé de régulariser ses feuilles GT&E.
Il ressort toutefois de la réponse de Mme [F] que celle-ci n’était pas au courant des arrêts maladie de la salariée, qu’elle est donc désolée de l’avoir relancée, qu’elle va se rapprocher du RH pour que les GT&E soient mis à jour.
Il ne peut donc être tiré de ces échanges de mails la justification d’une prestation de travail de la part de Mme [U] pendant ses périodes de congé maternité.
Elle produit son courriel du 11 juillet 2019 adressé à Mme [X], dans lequel elle indique qu’elle se connecte de temps en temps car elle est en congés, qu’elle a regardé les documents et pièces jointes, qu’il lui semble qu’il n’y a pas de revenus perçus sur le compte mais une simple valeur liquidative et qu’elle en a discuté avec Mme [V].
Il n’est donc justifié que d’une seule prestation professionnelle de Mme [U] le 11 juillet 2019 soit pendant la période de son second congé maternité.
4- Sur le retrait vexatoire de ses dossiers à compter de son retour de congé maternité le 22 septembre 2018 :
Mme [U] produit aux débats un tableau qui démontre qu’alors que son activité sur la période du 5 mai 2017 au 2 février 2018, variait de 23,1 % à 107,1 % et était toujours supérieure à l’activité du service, elle a chuté sur la période du 28 septembre 2018 au 18 mai 2019 puis du 28 février 2020 au 29 mai 2020, variant de 1% à 26,2 % et étant très en deçà de l’activité du service, et qu’alors que son collègue M. [O] a eu sur cette période 50 projets en « Sector » 104 projets en « Sub-Service Line » et 81 projets en « Service Performed » elle n’en a eu que 24- 39 et 20.
Il est donc établi que Mme [U] a subi une diminution brutale de sa charge de travail à compter de son premier congé maternité, en comparaison avec son collègue M. [O].
5 -Sur la modification de son évaluation à compter de la première grossesse :
Mme [U] soutient qu’à compter de son premier congé maternité elle n’a plus bénéficié d’entretien annuel ce qui impacté ses chances d’évolution professionnelle.
Il est exact qu’il n’est produit aux débats aucun entretien annuel pour les années 2018 et 2019, alors que Mme [U] a travaillé 6 mois en 2018 et 5 mois en 2019.
Mme [U] produit ses fiches d’évaluation pour l’année 2017, qui font état de notes comprises entre « très bon niveau et exceptionnel » ou « bon niveau et très bon niveau », alors qu’au mois de juin 2018 alors qu’elle était en congé maternité sa note était comprise entre « performances irrégulières doit progresser et très bon niveau ».
Il est donc justifié d’une modification de l’évaluation de Mme [U] à compter de son premier congé maternité.
6- Sur l’évolution de son salaire à compter de sa première grossesse :
Mme [U] produit un tableau qui démontre qu’alors que sa rémunération fixe a augmenté de 6 à 8 % annuellement sur les années 2014 à 2017, elle n’a pas augmenté en 2018 et n’a augmenté que de 1 % en 2019 et 2020, et qu’en ce qui concerne sa rémunération variable qui était de 800 € en 2014, 2 000 € en 2015, 5 000 € en 2016, 6 000 € en 2017, elle a été nulle en 2018, 2019 et 2020.
Il est donc exact que son salaire a très peu évolué à compter de son premier congé maternité.
7- sur le non-respect des dispositions applicables en matière de retour de congé maternité et parental :
Mme [U] soutient qu’à son retour de congé maternité en septembre 2018, elle n’a pas bénéficié de la garantie d’évolution salariale prévue à l’article L 1225-26 du code du travail. Cet article prévoit que la rémunération pendant le congé maternité et au retour est majoré des augmentations générales ainsi que de la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant la durée de ce congé par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle ou, à défaut, de la moyenne des augmentations individuelles dans l’entreprise.
S’il n’est pas contesté que Mme [U] n’a bénéficié d’aucune évolution de sa rémunération sur l’année 2018, elle ne produit aucune pièce justifiant que pendant son premier congé maternité et à son retour, la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant cette période par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle qu’elle, ou à défaut la moyenne des augmentations individuelles, était positive et qu’elle aurait donc dû bénéficier d’une augmentation de sa rémunération brute.
Cet élément n’est donc pas justifié.
8- sur le non-respect des obligations au titre de la réalisation des entretiens de carrière :
Mme [U] valoir qu’elle n’a jamais bénéficié d’un entretien de carrière qui ne doit pas être confondu avec les entretiens d’évaluation appelés entretiens de performance.
L’employeur qui dans ses conclusions ne fait référence qu’aux entretiens d’évaluation, ne conteste pas ne pas avoir réalisé d’entretiens de carrière avec Mme [U].
9- Sur le licenciement injustifié et vexatoire :
Mme [U] soutient que son licenciement n’est fondé sur aucun motif justifié et sérieux et est intervenu moins de cinq mois après son second retour de congé maternité.
Dans la lettre de licenciement adressée à Mme [U] le 9 juin 2020 il est reproché à celle-ci les éléments suivants :
a- Depuis le départ de la directrice qui supervisait votre activité et votre encadrement par de nouveaux interlocuteurs, vous faites preuve d’une trop grande autonomie vous conduisant à ne pas respecter les procédures les plus élémentaires de notre cabinet générant de ce fait de nombreux dysfonctionnements.
De fait nous vous rappelons qu’à l’issue de l’exercice FY 18, nous avons été contraints de constater que vous faisiez preuve d’une trop grande autonomie aboutissant à ce que vous ne parveniez pas à vous intégrer au sein du groupe de [Localité 7], ce qui vous a été reproché par l’intégralité de vos évaluateurs.
Il a été relevé à cette occasion que vous démontriez, en lien avec votre appétit d’autonomie, un fort désir de vous affranchir d’une tutelle étroite, ce qui était regrettable alors que vous aviez besoin d’un encadrement fort du fait d’un manque de réflexe qui pouvait vous conduire à manquer des points ou d’exhaustivité dans le cadre de vos recherches.
La lettre de licenciement ne fait référence à aucun fait précis.
Dans ses conclusions l’employeur soutient que Mme [U] faisait partir des documents sur papier à en-tête Ernst & Young sans solliciter la signature d’un associé et sans tenir compte des règles applicables au sein du cabinet du fait des risques de responsabilité professionnelle.
Il fait référence à une requête adressée au tribunal administratif de la Réunion le 8 mars 2017, signée uniquement de Mme [U] et à un courrier adressé le 14 décembre 2017 à la direction générale des finances publiques qui a été communiqué par Mme [U] à M. [A] en février 2018 lorsque celui-ci lui a demandé d’échanger sur ce dossier et de faire un point sur la facturation.
Ces deux faits dont le caractère fautif n’est pas démontré, qui sont intervenus en 2017 et dont il n’est pas justifié que la société Ernst & Young n’en a été informée qu’en 2020, ne sont pas de nature à justifier un licenciement intervenu en juin 2020.
En ce qui concerne la difficulté de s’intégrer dans l’équipe de [Localité 7], l’employeur fait valoir que cet élément a été signalé à Mme [U] lors de ses évaluations d’exercice et notamment par M. [K], toutefois la fiche d’évaluation de celui-ci datée de juin 2018, si elle fait état d’une forte autonomie et d’une grande proactivité et un désir de s’affranchir d’une tutelle étroite en lien avec son appétit d’autonomie, fait aussi état d’une bonne motivation et implication et une très forte réactivité sur les dossiers traités ensemble, et correspond à une période très éloignée du licenciement.
Le premier grief n’est donc pas justifié.
b- Cette trop grande volonté d’autonomie vous a conduit à ne pas toujours respecter les procédures en vigueur au sein de notre entreprise et plus particulièrement nous avons eu notamment à regretter que vous ne parveniez pas à nous prévenir dans les délais de vos absences et ce en violation des dispositions de notre règlement intérieur ou des dispositions conventionnelles au sein de la société.
Cette situation a été particulièrement dommageable alors même que nous avons été contraints de faire face à des relances de la part de nos clients auxquels vous n’aviez pas répondu. Or ce n’est qu’à cette occasion que nous avons découvert que vous étiez indisponible sans que vous ayez jugé utile de prévenir, ce qui n’a pas permis de nous organiser afin de répondre à cette demande dans les délais sans avoir être relancé à ce titre.
Plus particulièrement, face à une nouvelle difficulté en ce domaine nous avons été contraints de vous rappeler en novembre 2018 nos attentes en matière d’information concernant vos absences mais également les interlocuteurs que vous deviez prévenir dans cette hypothèse.
Alors même que nous avions pris le soin de vous expliciter clairement et de manière expresse nos attentes, nous avons constaté que vous n’avez nullement respecté nos préconisations et que vous avez persisté à méconnaître à plusieurs reprises vos obligations en ce domaine.
Ainsi le 3 janvier 2019 nous avons été de nouveau contraints de vous alerter concernant votre manque d’information sur vos absences. Le 15 janvier 2019 nous avons dû vous alerter de nouveau alors que vous avez persisté à prévenir la mauvaise personne de votre absence et ce malgré les demandes que nous avions faites en ce sens. Le 17 janvier alors que nous croyons que vous étiez absente, nous apprenions que vous vous étiez rendue chez un de nos clients sans que nous soyons au courant de cette démarche. Enfin le 14 mars 2019 il été a nécessaire de vous contacter alors que nous demeurions sans nouvelles de votre part depuis trois jours.
Votre habitude à ne pas tenir compte de nos remarques ou à intégrer les exigences de notre mode de fonctionnement a ainsi conduit à ce que personne au sein du planning national soit au courant de votre absence pour maternité et que nous soyons alertés par les responsables du planning qui regrettaient d’avoir cherché à vous joindre par différents moyens afin d’apprendre que vous n’étiez pas là alors même qu’il n’existait aucun message d’absence.
Il va de soi, comme nous avons pu vous l’indiquer, que votre attitude a pu générer des dysfonctionnements dans la gestion des demandes de nos clients.
Dans ses conclusions l’employeur fait référence à une relance d’une cliente le 6 mars 2018 et au fait que Mme [U] absente pour maladie depuis le 1er mars 2018 n’avait pas informé de son absence et de sa durée prévisible et que ce n’est que le 9 mars que le collaborateur a été informé de la façon dont il devait traiter la demande du client.
Pour justifier de ce fait il produit un courriel de Mme [T], directeur financier de la société Sofruce, adressé le 6 mars 2018 à M. [Z] et Mme [U] du cabinet Ernst & Young, un courriel du même jour adressé par M. [Z] à Mme [U], et la réponse de Mme [U] qui l’informe de ce qu’elle est en congé thérapeutique, qu’elle ne pouvait pas se connecter à cause de sa clé sécurid mais qu’elle va en parler avec [M].
Ce document ne démontre pas que Mme [U] n’avait pas informé son employeur de ce qu’elle était en congé maladie depuis le 2 mars 2018.
L’employeur reproche à la salariée de ne pas avoir prévenu de son absence du 16 novembre 2018 pour une journée, et produit le courriel adressé par Mme [E] à Mme [U] dans lequel celle-ci lui demande d’envoyer ses arrêts à [R] ([J]) pour information et pour qu’il lui fasse suivre les éléments.
Mme [U] produit aux débats sa réponse en date du 21 novembre 2018 dans laquelle elle explique qu’elle était aux urgences le 16 novembre 2018, et qu’elle pensait qu’il fallait remettre les arrêts à Mme [S], ainsi qu’elle procédait depuis son entrée dans l’entreprise, ainsi que la réponse de Mme [E] qui lui indique qu’il est effectivement possible de transmettre les arrêts à Mme [S] a posteriori mais qu’il est important pour [R] et elle d’avoir l’information de l’absence, mais qu’elle comprenait l’impossibilité de les contacter « à la minute » dans des circonstances exceptionnelles.
L’employeur reproche à Mme [U] une absence non justifiée du 18 décembre 2018, toutefois il ressort des mails produits par la société Ernst & Young que Mme [U] avait la nausée cet après-midi-là et était allée travailler chez elle, comme elle l’a indiqué sur sa feuille de temps, et que M. [J] a été informé de cette absence, celui-ci ayant adressé le 18 décembre à 9h38 un courriel à Mme [U] lui souhaitant un bon rétablissement.
L’employeur reproche à Mme [U] de ne pas avoir prévenu ses interlocuteurs le 15 janvier 2019 de son absence en raison de la maladie de son fils, toutefois il ressort de la pièce qu’elle produit aux débats que Mme [U] a téléphoné à Mme [C] dès 10h38 pour l’informer qu’elle emmenait son fils chez le médecin et que M. [J] a été informé par Mme [C] immédiatement.
En ce qui concerne les absences des 17 et 18 janvier 2019 l’employeur reconnaît dans ses conclusions que Mme [U] a bien suivi les instructions et a bien informé les bons interlocuteurs, toutefois il lui reproche de ne pas avoir prévenu du lieu où elle se trouvait le 16 janvier 2019, mais Mme [U] lui a répondu que le matin elle était chez Royal Canin et l’après-midi présente au bureau et qu’en ce qui concernait la réunion du matin c’était une réunion CCE à laquelle elle participe depuis près de 5 ans.
L’employeur reproche à Mme [U] une absence entre le 11 et le 15 mars 2019, toutefois Mme [U] a répondu le 14 mars 2019 à M. [J] qu’elle avait adressé son arrêt de travail initial et son arrêt prolongé par la poste et qu’elle avait téléphoné au bureau pour prévenir de son arrêt.
Enfin l’employeur reproche à Mme [U] de ne pas avoir prévenu le groupe parisien de son congé maternité qui a couru à compter du 21 mai 2019, et produit pour en justifier un courriel qui a été adressé à M. [J] le 3 octobre 2019, toutefois il n’est pas justifié de ce que les salariés de la société Ernst & Young société d’avocats devaient informer tous les bureaux de leurs absences.
Il en résulte que les manquements précis allégués d’une part ne sont pas justifiés et d’autre part qu’aucun fait postérieur au 21 mai 2019 n’est reproché à Mme [U], alors que celle-ci a été licenciée le 9 juin 2020.
Il n’est donc pas justifié de manquements de Mme [U] relativement à l’information de ses absences.
c- Votre niveau de performance a été validé comme étant en-dessous de nos attentes avec une note de 2,5, nos principaux reproches concernant principalement votre difficulté à vous intégrer au sein d’une équipe et votre sens de la diplomatie avec votre hiérarchie et vos pairs.
L’employeur soutient qu’alors que les difficultés d’intégration au sein du bureau de [Localité 7] avaient été soulignées à Mme [U], celle-ci n’a fait aucun effort pour favoriser ses relations avec autrui ce qui n’a pas manqué de nuire à ses résultats, qu’au 31 mai 2019 elle affichait uniquement 178,1 heures chargeables et un taux d’utilisation de 12,3 % et aucune heure de développement de nouveaux clients, qu’au retour de congé maternité le 16 janvier 2020, elle a fait preuve du même comportement, qu’au 29 mai 2020 elle affichait uniquement 20,5 heures chargeables, n’effectuait aucune démarche clients, ne déclarait que 63 heures en projets autorisés avec uniquement 16,5 heures de formation.
Toutefois pour justifier des difficultés d’intégration de Mme [U] qui seraient la cause de la faiblesse de ses résultats, l’employeur renvoie aux fiches d’évaluation établies en juin 2018, soit pendant le premier congé maternité, dans lesquelles M. [B] indique en commentaire « l’intégration au sein du bureau de [Localité 7] pose toujours des problèmes », M. [W] indique : « les tensions avec le bureau de [Localité 7] sont perceptibles, en revanche bon contact avec les clients et avec moi » et Mme [H] relate « des problémes d’intégration au sein des équipes de [Localité 7], note entre 2,5 et 3», mais ces pièces ne démontrent pas des difficultés d’intégration sur la période précédant le licenciement, soit en 2020.
Le troisième grief concernant des difficultés d’intégration et le sens de la diplomatie avec la hiérarchie ne sont donc pas établis.
d- C’est ainsi qu’à votre retour au sein de notre cabinet nous avons remarqué que vous avez maintenu votre tendance à ne pas respecter notre mode de fonctionnement nous obligeant de nouveau à vous relancer sans nécessairement obtenir de réponse à nos demande.
Dans un premier temps nous avons rencontré les plus grandes difficultés afin d’échanger avec vous concernant l’organisation de votre visite médicale de reprise alors même qu’il s’agit d’une démarche fondamentale compte tenu de nos obligations en termes de santé et de sécurité de nos collaborateurs.
Ainsi nous ne pouvons que constater que vous avez pris vous-même l’initiative de décaler la date de cette visite aboutissant à ce qu’elle soit très éloignée de votre date de reprise et sans avoir sollicité une quelconque autorisation à ce titre, ni ne nous avoir prévenu à ce sujet.
Nous notons aussi que lorsque nous vous avons interrogé sur les raisons de la modification de la date, vous n’avez pas daigné nous répondre et nous avons été contraints face à votre silence de vous imposer de respecter la date qui vous a été initialement communiquée.
Mme [U] était convoquée le 20 janvier 2020 à 8h45 pour la visite médicale de reprise après maternité. Elle a indiqué dans le courriel adressé à Mme [P] le 20 janvier 2020, qu’il ne lui était pas possible de se rendre au rendez-vous à 8h45 qu’elle avait donc demandé à l’Ametra si un décalage de l’ horaire était possible, que la secrétaire avait indiqué que ce n’était pas le cas et avait donc fixé un rendez-vous le 28 janvier à 10h30 et lui avait indiqué que ce n’était pas grave car il ne s’agissait pas d’un retour maladie et qu’il y avait trace de la première prise de rendez-vous.
Il ressort des échanges de courriels du 17 janvier 2020, que la demande de modification de l’horaire par la salariée ne peut être caractérisée de fautive, que celle-ci a, en tout état de cause, prévenu son employeur dès le 17 janvier et que si finalement celui-ci a réussi à obtenir un second rendez-vous le 22 janvier 2020 à 11h30, la démarche de la salariée qui avait sollicité un déplacement d’horaire n’était pas de nature à causer un quelconque préjudice à l’employeur.
Le grief n’est donc pas établi.
e – Mais surtout alors même que vous ne pouvez ignorer l’importance qui est attachée au renseignement régulier de notre outil GT&E, il apparaît que vous ne partagez nullement notre préoccupation.
En effet vous ne pouvez ignorer que nous attendons à ce que vous remplissiez vos feuilles de temps à la fin de chaque semaine afin de nous permettre non seulement de gérer la facturation de nos clients mais également de fournir régulièrement à la Paye les renseignements permettant d’établir vos bulletins de salaire.
Pourtant, il apparaît que vous ne respectez pas toujours cette procédure et que nous sommes contraints de vous relancer fréquemment à ce titre. C’est ainsi qu’à la fin du mois de janvier dernier nous avons dû vous alerter une nouvelle fois sur le fait que vous n’aviez pas signé cet outil depuis votre retour ce qui n’est nullement admissible.
La société Ernst & Young société d’avocats justifie que le 27 janvier 2020, deux semaines de GT&E de Mme [U] n’avaient pas été renseignées, toutefois il ressort du courriel produit aux débats que Mme [U] n’était pas la seule à ne pas avoir renseigné la totalité de ses GT&E, mais surtout il n’est pas justifié d’un autre manquement postérieurement au 16 janvier 2020, date de son retour de congé parental.
Il n’est donc pas justifié d’une absence de renseignement régulier de l’outil GT&E, le grief n’est pas caractérisé.
f- Nous nous retrouvons désormais dans une impasse dans la mesure où il est manifeste que vous n’entendez nullement intégrer les obligations qui sont les vôtres malgré les nombreux rappels que nous avons pu vous adresser à ce titre. Votre attitude au cours de l’entretien consistant à ne répondre à aucun de nos griefs préférant faire preuve d’une attitude de déni ne fait que conforter notre analyse sur l’absence de toute perspective d’amélioration.
L’employeur ne produit aucune pièce justifiant que des rappels ont été adressés à Mme [U].
Est produit aux débats le compte rendu d’entretien individuel du mercredi 27 mai 2020 duquel il ressort que Mme [U] a répondu aux griefs ; en tout état de cause il ne peut être reproché à un salarié de ne pas répondre aux questions qui lui sont posées lors de l’entretien préalable à mesure disciplinaire.
Le dernier grief retenu par l’employeur n’est non seulement pas justifié mais donne à la procédure de licenciement un caractère particulièrement vexatoire.
Il en résulte que les griefs évoqués dans la lettre de licenciement, griefs qui étaient particulièrement imprécis, et le plus souvent non étayés par des pièces probantes, ne sont pas justifiés et que le licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse.
La salariée justifie donc :
– de ce qu’elle a effectué une prestation de travail pendant son premier congé maternité ;
– de ce qu’à son retour du premier congé maternité le 28 septembre 2018 elle a subi notamment par comparaison avec son collègue M. [O] une diminution brutale de sa charge de travail ;
– de ce qu’à compter de son premier congé maternité elle n’a plus bénéficié d’entretien annuel ;
– de ce qu’à compter de son premier congé maternité son évolution de salaire a chuté ;
– de ce qu’elle n’a jamais eu d’entretien de carrière ;
– de ce qu’elle a fait l’objet d’un licenciement injustifié et vexatoire le 9 juin 2020.
Ces éléments laissent supposer l’existence d’une discrimination en raison de l’état de grossesse.
L’employeur affirme que la diminution brutale de la charge de travail de Mme [U] à compter de son premier congé maternité et au retour du deuxième le 16 janvier 2020 est dû à une absence d’investissement de celle-ci dans l’exercice de ses fonctions, mais il ne produit aucune pièce à l’appui de cette affirmation et il a été précédemment démontré que les difficultés d’intégration alléguées dans la lettre de licenciement n’étaient pas justifiées.
L’employeur ne fournit aucune explication objective permettant d’expliquer d’une part la diminution brutale de la charge de travail et par voie de conséquence la très faible évolution de salaire à compter du premier retour d’arrêt maternité.
En ce qui concerne l’absence d’entretien annuel d’évaluation en 2018, 2019 et 2020, il fait valoir que ces entretiens ont lieu entre mai et juin et que Mme [U] était absente en 2018 à cette période, que toutefois celle-ci a eu un entretien le 15 octobre 2018 qui n’a fait apparaître aucune difficulté particulière.
Toutefois le document produit à l’appui de cette affirmation est le compte rendu de l’entretien suite au congé maternité, et non un entretien annuel, en outre Mme [U] a indiqué lors de cet entretien qu’elle avait rencontré des difficultés pour récupérer certains documents sur ses dossiers.
En ce qui concerne l’année 2019, l’employeur fait état de ce que la salariée était absente du 31 mai au mois de décembre et qu’elle a de même bénéficié d’un entretien lors de son retour de congé maternité.
Le seul fait d’avoir été absente en mai et juin 2018 et en juin 2019 ne suffit à justifier l’absence d’entretien annuel sur la période du 2 mars 2018 au 27 mai 2020.
L’employeur ne donne aucune explication dans ses conclusions sur l’absence d’entretiens de carrière. Il n’est toutefois pas justifié de ce que les avocats salariés masculins ont bénéficié au sein de la société Ernst & Young société d’avocats d’entretiens de carrière.
Enfin les arguments de l’employeur afin de justifier le licenciement qui est intervenu au mois de juin 2020 ont été précédemment examinés et rejetés par la cour qui a retenu que le licenciement était injustifié et vexatoire.
Il ressort de ces éléments d’une part que Mme [U] a fait l’objet de mesures discriminatoires en raison de son état de grossesse en se voyant de façon vexatoire retirer des dossiers à compter de son premier congé maternité, en voyant modifiées les modalités de son évaluation à compter de son premier congé maternité, et en voyant chuter sa rémunération à compter de son premier arrêt maternité, et a été licenciée sans aucun motif et de façon vexatoire le 9 juin 2020 en raison de ce même état de grossesse.
Sur la réparation des préjudices issus de la discrimination :
Sur le repositionnement et la demande subséquente de préjudice financier :
Mme [U] soutient qu’en raison de ses excellents résultats et de ses entretiens annuels d’évaluation pour les années 2014 à 2017 elle aurait dû évoluer au grade de Senior dès juillet 2016, puis Manager 1 en juillet 2017, Manager 2 en juillet 2018 et Senior Manager 1 en juillet 2019.
Toutefois il a déjà été statué sur le fait que Mme [U] n’a subi aucune discrimination en raison de son sexe antérieurement au 2 mars 2018, date de son premier congé maternité.
En outre ce qui concerne le repositionnement au grade Sénior Manager 1 au 1er juillet 2019, il est justifié aux débats que le passage à ce grade nécessite d’ assurer le suivi commercial et technique des missions ainsi que la participation à la vie interne, et l’encadrement d’une équipe, et aucun élément ne permet d’affirmer que cette promotion était due à Mme [U] au 1er juillet 2019, date à laquelle elle se trouvait en congé maternité.
Mme [U] sera donc déboutée de sa demande de repositionnement et de ses demandes financières subséquentes, la décision du bâtonnier sera donc confirmée de ce chef.
Sur la demande au titre du préjudice moral :
Mme [U] sollicite 30 000 € de dommages-intérêts au motif qu’elle a subi une situation d’isolement pendant de nombreux mois et un mal-être en sa qualité de femme.
Elle ne produit toutefois aucune pièce justifiant de l’étendue de son préjudice, il convient donc de confirmer la décision du bâtonnier qui lui a alloué à ce titre la somme de 12 000 € de dommages-intérêts.
Sur le préjudice résultant de l’exécution de mauvaise foi du contrat de travail :
Mme [U] fait valoir que la société Ernst & Young société d’avocats qui a signé un accord d’entreprise sur la parentalité en entreprise et l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, qui prévoit notamment des dispositions visant à faciliter le quotidien des collaborateurs et favoriser un meilleur équilibre vie professionnelle/vie privée, et des mesures de parentalité afin de donner aux collaborateurs les clés pour gérer les différentes étapes de l’arrivée d’un enfant et trouver leur équilibre familial et professionnel, ainsi qu’ une charte de la parentalité en entreprise qui tend à créer un environnement favorable aux salariés parents en particulier pour la femme enceinte et respecter le principe de non-discrimination, n’a pas respecté les engagements mentionnés dans ses accords et a donc commis une faute.
Il ne peut être contesté que le comportement discriminatoire de la société Ernst & Young société d’avocats à l’égard de Mme [U] au retour de ses congés maternité et parental traduit le non-respect par celle-ci de ces accords et sa mauvaise foi dans l’exécution du contrat de travail.
Mme [U] a subi de ce fait un préjudice qui est distinct de celui indemnisé précédemment, la décision du bâtonnier qui a alloué la somme de 8 000 € à titre de dommages-intérêts sera confirmée.
Sur la réparation des préjudices issus de la rupture du contrat de travail :
Sur la nullité du licenciement :
En application des dispositions de l’article L.1132-4 du code du travail le licenciement de Mme [U] est nul.
Mme [U] sollicite sa réintégration au sein de la société Ernst & Young société d’avocats dans l’emploi d’avocate salariée au grade Sénior Manager 1 avec un salaire mensuel de base de 7 112,50 €.
Toutefois il a été statué sur le fait que Mme [U] n’est pas fondée à solliciter son repositionnement au grade Sénior Manager 1, il en résulte donc une impossibilité matérielle de faire droit à la demande de réintégration, Mme [U] sera déboutée de sa demande de réintégration au poste de Sénior Manager 1 et de sa demande en paiement subséquente d’une provision de 54 766,25 €.
Par contre Mme [U] est fondée à solliciter la réparation intégrale du préjudice qu’elle a subi du fait du licenciement illicite.
Le salarié qui ne peut être réintégré a droit à une indemnité réparant l’intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement qui est au moins égale à celle prévue par l’article L 1235-3 du code du travail.
Mme [U] bénéficiait dans l’entreprise de sept années d’ancienneté. L’article L1235-3 du code du travail prévoit que dans cette hypothèse le salarié a droit à une indemnité minimale de 3 mois et une indemnité maximale de 8 mois de salaire brut.
Mme [U] a donc droit à une indemnité au moins égale à 3 mois de salaire mais sans maximum. Elle justifie avoir perçu, suite à son licenciement, une allocation de retour à l’emploi de 1 906,19 €, il lui sera alloué à titre d’indemnité la somme de 40 000 €, la décision du bâtonnier sera infirmée de ce chef.
Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice résultant du caractère vexatoire de licenciement :
Mme [U] soutient qu’à l’issue de son entretien préalable du 27 mai 2020 son employeur l’avait assurée de la possibilité d’assister un client lors d’une audience prévue le 1er juillet 2020 mais que contre toute attente elle a été informée le 9 juin 2020 que son licenciement intervenait avec dispense d’activité durant sa période de préavis, que de ce fait elle n’a pas pu donner d’explications à ses collègues et à ses clients dont elle suivait les dossiers depuis sept ans, que cette ultime vexation lui a causé un préjudice.
L’employeur ne conteste pas ces éléments dans ses conclusions, et ne donne aucune explication sur les raisons qui l’ont amené à dispenser Mme [U] d’exécuter son préavis.
Étant donné que Mme [U] n’avait reçu avant sa convocation à entretien préalable du 27 mai 2020 aucun courrier de son employeur faisant état de reproches, la rupture brutale de son contrat de travail le 9 juin 2020 avec interdiction de poursuivre ses prestations, revêt un caractère vexatoire et a causé à la salarié un préjudice qui sera évalué à la somme de 2 000 €, l’ordonnance de M. le bâtonnier sera infirmée de ce chef.
Sur la nullité du forfait jours :
Mme [U] soutient que son employeur n’a pas respecté les conditions de mise en ‘uvre du principe du forfait jours car aucun outil de contrôle de la charge de travail n’a été mis en place pour garantir le bon équilibre de la vie professionnelle et de la vie personnelle des salariés et que l’article 5 de son contrat de travail lie de façon surprenante la question du temps de travail au fait que « la contribution s’appréciera au regard de la qualité des missions accomplies et du respect des délais impartis par les clients pour leur exécution » faisant dépendre du client le temps de travail des salariés.
Toutefois la société Ernst & Young société d’avocats répond que la convention de forfait en jours est autorisée par l’avenant 7 2000-04-07 relatif à la réduction du temps de travail de la convention collective des avocats salariés dans la limite de 217 jours par an, que l’accord d’entreprise signé le 14 mai 2007 contient l’ensemble des mentions légalement prévues et mettant en place les garanties suffisantes, que l’avenant numéro 15 du 25 mai 2012 relatif au forfait annuel en jour de la convention collective des avocats salariés qui est applicable au sein du cabinet, valide cette convention de forfait, et que conformément aux dispositions de la loi travail du 8 août 2016 elle a complété l’ensemble des dispositions conventionnelles par une charte des bonnes pratiques en matière d’organisation du temps de travail, il est donc inexact d’affirmer qu’aucun outil de contrôle de la charge de travail n’a été mis en place par l’employeur pour garantir le bon équilibre de la vie professionnelle et de la vie personnelle des salariés.
En ce qui concerne l’article du contrat de travail de Mme [U] relatif au temps de travail, savoir l’article 4, celui-ci ne fait pas dépendre du client le temps de travail des salariés, la référence aux délais impartis par les clients se trouvant dans le paragraphe relatif à la contribution, et l’article 4 mentionne expressément que conformément aux dispositions conventionnelles, le décompte du temps de travail s’effectuera sur la base de la convention en forfait jours de 218 jours.
Mme [U] sera donc déboutée de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du forfait jour et de sa demande subséquente en paiement d’heures supplémentaires.
Sur les autres demandes :
La société Ernst & Young société d’avocats qui succombe sera tenue aux dépens et condamnée en équité à verser à Mme [U] la somme de 4 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour ;
Rejette les exceptions de nullité et d’irrecevabilité soulevées par la société Ernst & Young société d’avocats ;
Confirme la décision rendue par M. le bâtonnier de l’ordre des avocats de [Localité 7] le 22 septembre 2021 sauf en ce qu’elle a constaté le caractère sans cause réelle et sérieuse du licenciement, condamné la société Ernst & Young société d’avocats à verser à Mme [U] la somme de 13 900 €, et débouté Mme [U] de sa demande de dommages-intérêts pour caractère vexatoire du licenciement ;
Statuant à nouveau ;
Dit que le licenciement de Mme [U] est nul ;
Condamne la société Ernst & Young société d’avocats à verser à Mme [U] la somme de 40 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ;
Condamne la société Ernst & Young société d’avocats à verser à Mme [U] la somme de 2 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire ;
Y ajoutant ;
Condamne la société Ernst & Young société d’avocats à verser à Mme [U] la somme de 4 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Ernst & Young société d’avocats aux dépens d’appel.
la greffière, le conseiller,