Indemnité d’éviction : 16 février 2022 Cour de cassation Pourvoi n° 20-16.171

·

·

Indemnité d’éviction : 16 février 2022 Cour de cassation Pourvoi n° 20-16.171

16 février 2022
Cour de cassation
Pourvoi n°
20-16.171

SOC.

ZB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 février 2022

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen faisant
fonction de président

Arrêt n° 224 F-B sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses 1er et 2e branches

Pourvoi n° R 20-16.171

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 FÉVRIER 2022

La société Clear Channel France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° R 20-16.171 contre l’arrêt rendu le 11 février 2020 par la cour d’appel de Metz (chambre sociale, section 1), dans le litige l’opposant :

1°/ à M. [U] [R], domicilié [Adresse 2],

2°/ au Syndicat des travailleurs du livre, du papier et de la communication CGT de la Moselle (FILPAC-CGT de la Moselle) , dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

M. [R] et le Syndicat des travailleurs du livre, du papier et de la communication CGT Moselle ont formé chacun un pourvoi incident contre le même arrêt

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l’appui de leur recours, les trois moyens de cassation également annexés au présent arrêt

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Clear Channel France, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [R], du Syndicat des travailleurs du livre, du papier et de la communication CGT de la Moselle, après débats en l’audience publique du 5 janvier 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Metz, 11 février 2020), engagé le 1er mars 1989 par la société Clear Channel France en qualité d’attaché technico-commercial, M. [R] occupait en dernier lieu les fonctions de responsable clientèle master. Du 19 mars au 18 septembre 2015, le salarié a bénéficié d’une période de protection attachée à sa candidature aux élections professionnelles. Il a été désigné en qualité de représentant syndical au comité de groupe le 28 octobre 2015.

2. Convoqué par lettre du 19 puis du 21 octobre 2015 à un entretien préalable fixé au 4 novembre 2015, le salarié et a été licencié pour faute le 23 novembre suivant. Le 29 janvier 2016, il a saisi la juridiction prud’homale en contestation de son licenciement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

3.L’employeur fait grief à l’arrêt de dire que les faits reprochés au salarié ont été commis pour partie pendant la période de protection, de déclarer nul le licenciement pour défaut d’autorisation de l’inspecteur du travail, d’ordonner la réintégration du salarié, de le condamner à payer à celui-ci certaines sommes à titre de dommages-intérêts pour violation de son statut protecteur, d’indemnité correspondant aux salaires que l’intéressé aurait perçus entre le 24 février 2016 et le 30 avril 2019 et d’indemnité mensuelle brute à compter de la signification de l’arrêt jusqu’à la réintégration, alors :

« 1°/ que si un salarié protégé ne peut être licencié au terme de son mandat en raison de faits commis pendant la période de protection, qui auraient dû être soumis à l’inspecteur du travail, il en va autrement lorsque le comportement fautif du salarié s’est renouvelé ou a persisté après l’expiration de la période de protection ; qu’en l’espèce, M. [R] dont la période de protection avait pris fin le 18 septembre 2015, soit plus d’un mois avant sa convocation à entretien préalable, avait été licencié en raison d’un « comportement irrespectueux et humiliant à l’encontre de votre collaboratrice et de vos collègues », un « comportement entraînant tensions et stress au sein de l’agence de [Localité 5] nuisant à l’accomplissement serein et efficace du fonctionnement du service » et une « persistance de comportements dégradants et irrespectueux malgré une mise à pied disciplinaire », ces faits s’étant notamment manifestés au retour de l’arrêt pour maladie de Mme [O], le 24 septembre 2015 ainsi qu’à plusieurs reprises « sur cette période », tout comme « le 1er octobre » (en réalité le 8 octobre), et continument après le « 2 octobre 2015 » (lire le 9 octobre) vis-à-vis de Mme [Z] [P], la lettre de rupture visant encore un autre événement survenu le 8 octobre 2015 ; que pour juger que l’employeur aurait dû solliciter l’autorisation de l’inspecteur du travail, la cour d’appel a relevé que la lettre de licenciement évoquait, au titre de la persistance d’un comportement agressif, insultant et dénigrant, des faits datant de 2012 et 2013, les seconds ayant donné lieu à une mise à pied, et que ce manquement n’avait pas évolué depuis cette date, y compris pendant la période de protection dont bénéficiait le salarié ; qu’en statuant ainsi, lorsque la persistance de ces faits après l’expiration de la période de protection autorisait l’employeur à licencier le salarié, sans avoir à demander une autorisation de licenciement, la cour d’appel a violé les articles L. 2411-8 et L. 2411-10 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige, ensemble l’article 1134 du code civil, devenu les articles 1103 et 1104 dudit code ;

2°/ que l’employeur n’est pas tenu de demander une autorisation de l’administration s’il n’a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés au salarié qu’après l’expiration de la période de protection ; qu’en l’espèce, la société Clear Channel France faisait valoir, preuves à l’appui, qu’elle n’avait pu avoir une connaissance exacte des agissements du salarié vis-à-vis de Mmes [P] et [O] qu’à l’occasion d’un déplacement du directeur des ressources humaines réalisé le 16 octobre 2015 et après les déclarations de main-courante effectuées par les intéressées le 13 octobre, soit après l’expiration de la période de protection dont bénéficiait le salarié survenue le 18 septembre 2015, ce qu’avait du reste admis le conseil de prud’hommes ; que pour juger que l’employeur aurait dû solliciter l’autorisation de l’inspecteur du travail, la cour d’appel s’est bornée à relever que Mme [P] rapportait, dans son attestation, des faits qu’elle datait elle-même de mi-septembre, et donc du 15 septembre, soit pendant la période de protection ainsi que des propos insultants que le salarié aurait tenus à son encontre au cours de « l’hiver dernier », là encore pendant la période de protection ; qu’en s’en tenant à la seule date réelle ou supposée de ces faits, sans constater que l’employeur avait pu avoir une connaissance exacte de leur réalité, de leur nature et de leur ampleur dès avant l’expiration de la période de protection, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2411-8 et L. 2411-10 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige, ensemble l’article 1134 du code civil, devenu les articles 1103 et 1104 dudit code. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 2411-10 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 :

4. Est irrégulier le licenciement du salarié au terme de la période de protection prononcé en raison de faits commis pendant cette période et qui auraient dû être soumis à l’inspecteur du travail. Toutefois, la persistance du comportement fautif du salarié après l’expiration de la période de protection peut justifier le prononcé d’un licenciement.

5. Pour juger qu’était nécessaire l’autorisation de licenciement du salarié convoqué à un entretien préalable plus d’un mois après l’expiration de la période de protection dont il disposait au titre de sa candidature aux élections professionnelles, annuler le licenciement et ordonner la réintégration, l’arrêt constate que la lettre de licenciement fait expressément référence à la persistance depuis l’expiration de la période de protection, malgré une sanction disciplinaire en 2013, d’un comportement agressif, insultant et dénigrant du salarié envers ses collaborateurs, soit un comportement qui n’a pas évolué et qui a depuis lors toujours été le même, y compris pendant la période de protection. L’arrêt relève ensuite que certains des faits visés dans la lettre de licenciement et rapportés par une salariée dans une attestation, à savoir des critiques permanentes sur son physique et des propos insultants que le salarié avait notamment tenus devant elle au sujet de son assistante entrain de fumer une cigarette, étaient respectivement datés par cette salariée « depuis mi-septembre 2015 » ou de « l’hiver dernier », soit pendant la période de protection. L’arrêt en déduit que les faits reprochés au salarié ont été commis pour partie pendant la période de protection, qu’il s’agisse du comportement insultant du salarié envers son assistante, des critiques envers le physique d’une autre salariée ou de la persistance d’un comportement agressif, en sorte que l’autorisation de l’inspecteur du travail était requise.

6. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme cela lui était demandé, d’une part si ce n’était pas postérieurement à l’expiration de la période de protection que l’employeur avait eu une exacte connaissance des faits reprochés au salarié commis durant cette période, et d’autre part si le comportement fautif reproché au salarié n’avait pas persisté après l’expiration de la période de protection, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. L’employeur fait le même grief à l’arrêt, alors « que la cassation à intervenir de l’arrêt en ce qu’il a déclaré nul le licenciement du salarié pour défaut d’autorisation de l’inspecteur du travail (premier moyen) s’étendra au chef de dispositif ayant condamné la société Clear Channel France à allouer au salarié des sommes au titre de la violation de son statut protecteur et d’autres jusqu’à sa réintégration, en application de l’article 624 du code de procédure civile. »

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x