Indemnité d’éviction : 12 juillet 2022 Cour d’appel de Chambéry RG n° 21/01921

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Indemnité d’éviction : 12 juillet 2022 Cour d’appel de Chambéry RG n° 21/01921

12 juillet 2022
Cour d’appel de Chambéry
RG
21/01921

COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre

Arrêt du Mardi 12 Juillet 2022

N° RG 21/01921 – N° Portalis DBVY-V-B7F-GZ3V

Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge de l’exécution de BONNEVILLE en date du 31 Août 2021, RG 21/00510

Appelante

S.A.S. ARBOISIE OPCO dont le siège social est sis [Adresse 3]

prise en la personne de son représentant légal

Représentée par la SELURL BOLLONJEON, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SCP KLEIN, avocat plaidant au barreau de NICE

Intimé

M. [B], [I] [X]

né le 13 Mars 1954 à [Localité 2], demeurant [Adresse 1]

Représenté par la SELARL CHRISTINAZ PESSEY-MAGNIFIQUE, avocat postulant au barreau de BONNEVILLE et Me Marie-Laurence BAI BRAMI, avocat plaidant au barreau de PARIS

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, le 10 mai 2022 par Madame Viviane CAULLIREAU-FOREL, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller, avec l’assistance de Madame Delphine AVERLANT, faisant fonction de Greffière,

Et lors du délibéré, par :

– Madame Viviane CAULLIREAU-FOREL, Conseillère faisant fonction de Présidente, qui a rendu compte des plaidoiries

– Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,

– Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,

-=-=-=-=-=-=-=-=-=-

EXPOSÉ DU LITIGE

I. M. [B] [X] est propriétaire d’un appartement n°110, constituant le lot n°9251 de la copropriété ‘L’Arboisie’ sise à [Localité 4],

Cet appartement a été donné à bail commercial, à la société Suites Inn, exploitant dans les locaux de la copropriété une résidence hôtelière. Le droit au bail de cet appartement a été cédé en dernier lieu à la SAS Hôtel Arboisie, par acte du 27 avril 2015.

II. Par acte du 21 mars 2016, prenant effet au 21 décembre 2016, M. [X] a délivré à la SAS Hôtel Arboisie un congé contenant un refus de renouvellement avec offre d’indemnité d’éviction.

Par ordonnance du 27 février 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre, saisi par la SAS Hôtel Arboisie, a confié une mesure d’expertise judiciaire à M. [O] [F], sa mission portant essentiellement sur l’évaluation d’une part de l’indemnité d’occupation due à M. [X] et d’autre part de l’indemnité d’éviction éventuellement due à la SAS Hôtel Arboisie. Le rapport a été déposé le 29 juillet 2020.

Par acte du 22 janvier 2021, M. [X] a introduit une procédure devant le tribunal judiciaire de Nanterre aux fins de fixation de l’indemnité d’éviction.

III. Suite à des impayés de loyers, ayant fait l’objet de commandements de payer, M. [X] a, par acte du 22 juin 2018, saisi le tribunal de grande instance de Nanterre aux fins notamment de résiliation du bail.

Par jugement du 14 décembre 2020, assorti de l’exécution provisoire, cette juridiction a notamment :

– prononcé la résiliation du bail commercial liant les parties,

– dit que la SAS Hôtel Arboisie devra libérer de sa personne et de ses biens ainsi que de tous occupants de son chef les lieux qu’elle occupe, dans un délai d’un mois à compter de la signification du jugement,

– dit que faute pour la SAS Hôtel Arboisie de libérer les lieux dans ce délai, M. [X] pourra faire procéder à son expulsion avec l’assistance de la force publique si besoin est,

– condamné la SAS Hôtel Arboisie à payer à M. [X] les sommes suivantes :

. une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du dernier loyer et des charges jusqu’à libération effective des lieux,

. 4 000 euros de dommages-intérêts,

. 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SAS Hôtel Arboisie aux dépens incluant le coût des commandements de payer.

Le 21 janvier 2021, la SAS Hôtel Arboisie a interjeté appel de ce jugement qui lui a été signifié le 22 janvier 2021.

Par courrier du 2 mars 2021, la SAS Arboisie Opco a informé M. [X] que, par acte du 23 février 2021, elle avait acquis le fonds de commerce de la SAS Hôtel Arboisie composé notamment du droit au bail commercial ayant pour objet l’appartement n°110 dont il est propriétaire.

Par acte du 3 mai 2021, M. [X] a fait délivrer à la SAS Arboisie Opco un commandement de quitter les lieux.

Le 6 mai 2021, la SAS Arboisie Opco a saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bonneville d’une contestation de ce commandement.

Par acte du 21 mai 2021, M. [X] a fait délivrer à la SAS Arboisie Opco un nouveau commandement de quitter les lieux, annulant celui du 3 mai 2021.

Le 22 juin 2021, la SAS Arboisie Opco a saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bonneville d’une contestation de ce second commandement.

Les instances ont été jointes et par jugement contradictoire du 31 août 2021, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Bonneville a :

– déclaré recevables les demandes principales formées par la SAS Arboisie Opco

– rejeté la demande d’annulation du commandement de quitter les lieux du 3 mai 2021, au motif qu’elle était sans objet,

– rejeté la demande d’annulation du commandement de quitter les lieux du 21 mai 2021,

– rejeté la demande de suspension de l’exécution du jugement rendu le 14 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Nanterre,

– accordé à la SAS Arboisie Opco un délai de 18 mois, à compter de la décision, pour quitter les lieux qu’elle occupe, à savoir l’appartement n°110, correspondant au lot de copropriété n°9251 dans la résidence ‘L’Arboisie’ sise à [Localité 4], sous réserve du paiement mensuel de l’indemnité d’occupation fixée par le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre le 14 décembre 2020,

– rejeté la demande formée par M. [X] tendant à la condamnation de la SAS Arboisie Opco au paiement d’une astreinte de 500 euros par jour de retard à libérer les lieux qu’elle occupe,

– déclaré recevable la demande reconventionnelle formée par M. [X] tendant à la condamnation de la SAS Arboisie Opco au paiement d’une astreinte de 250 euros par jour de retard, faute de règlement de l’indemnité d’occupation échue et à échoir,

– rejeté cette demande reconventionnelle,

– dit n’y avoir lieu à aucune application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [X] au paiement des dépens de l’instance.

Par déclaration du 23 septembre 2021, la SAS Arboisie Opco a interjeté appel de ce jugement

Aux termes du dispositif de ses conclusions notifiées par la voie électronique le 19 avril 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens développés au soutien des prétentions, la SAS Arboisie Opco demande à la cour de :

‘ au visa des articles 789, 907 et 916 ainsi que 31 et 32 du code de procédure civile,

‘ déclarer irrecevable et infondée ‘l’exception d’irrecevabilité de l’appel’ soulevée par M. [X] et à tout le moins la rejeter,

‘ dire l’appel recevable et bien fondé,

‘ au visa des articles 542 et 954 ainsi que 564 du code de procédure civile,

‘ dire et juger que les conclusions en réponse et d’appel incident de l’intimée signifiées le 1er décembre 2021 ne constituent pas un appel incident sur le chef du jugement querellé en ce qu’il a déclaré recevables ses demandes,

‘ dire et juger que la cour ne pourra que confirmer la décision querellée en ce qu’elle a déclaré recevables ses demandes, chef de jugement dont il n’a pas été fait appel,

‘ déclarer irrecevable et infondée ‘l’exception d’irrecevabilité de ses demandes’ soulevée par M. [X],

‘ confirmer le jugement déféré en ce qu’il :

‘ a déclaré recevables ses demandes,

‘ lui a accordé un délai de 18 mois, à compter de ce jugement, pour quitter les lieux qu’elle occupe, sous réserve du paiement mensuel de l’indemnité d’occupation fixée par le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre le 14 décembre 2020,

‘ a rejeté la demande formée par M. [X] tendant à sa condamnation au paiement d’une astreinte de 500 euros par jour de retard à libérer les lieux qu’elle occupe,

‘ a rejeté la demande formée par M. [X] tendant à sa condamnation au paiement d’une astreinte de 250 euros par jour de retard, faute de règlement de l’indemnité d’occupation échue et à échoir,

‘ a rejeté la demande d’indemnisation formée par M. [X] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ a condamné M. [X] au paiement des dépens de l’instance.

‘ réformer le jugement déféré en ce qu’il a :

‘ rejeté sa demande d’annulation du commandement de quitter les lieux du 3 mai 2021,

‘ rejeté sa demande d’annulation du commandement de quitter les lieux du 21 mai 2021,

‘ rejeté sa demande de suspension de l’exécution du jugement rendu le 14 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Nanterre,

‘ déclaré recevable la demande reconventionnelle formée par M. [X] tendant à sa condamnation au paiement d’une astreinte de 250 euros par jour de retard, faute de règlement de l’indemnité d’occupation échue et à échoir,

‘ rejeté sa demande d’indemnisation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

‘ sur les commandements de quitter les lieux des 3 et 21 mai 2021

‘ à titre principal,

– dire et juger que le preneur a droit au maintien dans les lieux jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction fixée définitivement soit à l’amiable soit par décision judiciaire et que les commandements des 3 et 21 mai 2021 ne sont pas causés,

– dire et juger que le commandement de quitter les lieux du 3 mai 2021 ne respecte pas le délai de deux mois et ne comporte pas de mention permettant d’identifier le bien concerné par la demande d’expulsion,

– dire et juger que les commandements de quitter les lieux des 3 et 21 mai 2021 ne comportent pas la reproduction des articles L.412-1 à L.412-6 du code des procédures civiles d’exécution,

– dire et juger que M. [X] n’apporte pas la preuve que l’huissier de justice instrumentaire a bien respecté les dispositions de l’article L.412-5 du code des procédures civiles d’exécution en transmettant une copie des commandements des 3 et 21 mai 2021 au préfet de Haute-Savoie,

– en conséquence, prononcer la nullité des commandements de quitter les lieux des 3 mai et 21 mai 2021,

‘ subsidiairement,

– ordonner la suspension des effets dudit commandement de quitter les lieux des 3 et 21 mai 2021 jusqu’aux décisions à intervenir de la cour d’appel de Versailles et du tribunal judiciaire de Nanterre suite à l’assignation régularisée le 22 janvier 2021 et à tout le moins jusqu’au règlement effectif de l’indemnité d’éviction,

– débouter M. [X] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

‘ Sur les demandes reconventionnelles formulées par M. [X]

‘ déclarer irrecevables les demandes de M. [X] tendant à sa condamnation au paiement d’une astreinte de 250 euros par jour de retard à compter de l’arrêt à intervenir pour le règlement des indemnités d’occupation depuis le 1er octobre 2020 et pour les échéances à venir faute de lien suffisant se rattachant à ses prétentions originaires et/ou pour absence de mesure de recouvrement forcée des indemnités d’occupation,

‘ déclarer irrecevables les demandes de M. [X] tendant à sa condamnation au paiement d’une astreinte de 250 euros par jour de retard à compter de l’arrêt à intervenir pour le règlement des indemnités d’occupation antérieures à la cession du fonds de commerce intervenue le 23 février 2021,

‘ en tout état de cause,

‘ débouter M. [X] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

‘ condamner M. [X] :

– à lui payer la somme de 4 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– aux entiers dépens distraits pour ceux d’appel au profit de maître Bollonjeon, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, en ce y compris les coûts des commandements de quitter les lieux des 3 et 21 mai 2021.

Aux termes du dispositif de ses conclusions notifiées par la voie électronique le 11 avril 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens développés au soutien des prétentions, M. [X] demande à la cour de :

‘ En tout état, sur l’irrecevabilité de l’appel et des demandes de la société Arboisie Opco

– le dire recevable en son exception tirée des dispositions des articles 30 et 31 du code de procédure civile, sur le fondement de l’article 123 du même code,

– dire la société Arboisie Opco irrecevable en son appel ainsi qu’en toutes ses demandes, fins et conclusions faute pour elle de justifier de sa qualité et de son intérêt pour agir,

‘ À titre subsidiaire

‘ sur l’appel formé par la société Arboisie Opco,

‘ confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :

– déclaré sans objet et rejeté la demande de la société Arboisie Opco tendant à l’annulation du commandement de quitter les lieux délivré le 3 mai 2021, celui-ci remplacé et annulé par l’effet du commandement délivré le 21 mai 2021,

– rejeté la demande d’annulation du commandement de quitter les lieux délivré le 21 mai,

– rejeté la demande de suspension de l’exécution du jugement rendu le 14 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Nanterre,

– déclaré recevables ses demandes tendant à la condamnation de la SAS Arboisie Opco au paiement d’une astreinte de 250 euros par jour de retard, faute de règlement de l’indemnité d’occupation échue et à échoir,

‘ en conséquence,

– débouter la SAS Arboisie Opco de sa demande d’annulation des commandements de quitter les lieux délivrés à son encontre les 3 et 21 mai 2021, au visa des articles L412-1 et L412-5 du code des procédures civiles d’exécution,

– débouter la SAS Arboisie Opco de sa demande de suspension des effets desdits commandements de quitter les lieux en toute hypothèse et même ‘jusqu’aux décisions à intervenir de la cour d’appel de Versailles et du tribunal judiciaire de Nanterre suite à l’assignation régularisée le 22 janvier 2021 et à tout le moins jusqu’au règlement effectif de l’indemnité d’éviction’,

– déclarer la SAS Arboisie OPCO mal fondée en son appel,

– l’en débouter en tous ses moyens et ses demandes,

‘ sur son appel incident

‘ le déclarer recevable et bien-fondé en son appel incident,

‘ réformer le jugement dont appel en qu’il :

– a accordé à la SAS Arboisie Opco un délai de 18 mois, à compter de la décision, pour quitter les lieux qu’elle occupe, sous réserve du paiement mensuel de l’indemnité d’occupation fixée par le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre le 14 décembre 2020,

– a rejeté ses demandes reconventionnelles tendant à la condamnation de la SAS Arboisie OPCO au paiement d’une astreinte de 500 euros par jour de retard à libérer les lieux qu’elle occupe et d’une astreinte de 250 euros par jour de retard faute de règlement de l’indemnité d’occupation échue et à échoir,

– a rejeté ses demandes d’article 700 du code de procédure civile,

– l’a condamné au paiement des dépens de l’instance,

‘ déclarer en toute hypothèse la société Arboisie Opco mal fondée en sa demande de nullité des commandements de quitter les lieux des 3 et 21 mai 2021 relative :

– à l’absence de cause desdits commandements

– au non-respect du délai de 2 mois pour quitter les lieux,

– à l’inapplicabilité du commandement du 3 mai 2021, faute d’identification du bien concerné par l’expulsion,

– au défaut de reproduction des articles L412-1 à L412-6 du code des procédures civiles d’exécution dans les deux commandements,

– au défaut de communication du commandement au préfet de Haute-Savoie,

‘ dire en toute hypothèse que le juge de l’exécution ainsi que la cour sont incompétents pour statuer et/ou se prononcer sur le droit au maintien dans les lieux de la SAS Arboisie Opco quel qu’en soit le fondement,

‘ dire n’y avoir lieu à suspension de l’exécution de la décision rendue le 14 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Nanterre,

‘ débouter la SAS Arboisie Opco de sa demande de délai de grâce, quelle qu’en soit la durée, et ce pour les causes sus-énoncées,

‘ condamner la SAS Arboisie Opco au paiement d’une astreinte de 500 euros par jour de retard à libérer les lieux qu’elle occupe, et ce en vertu de la décision rendue le 14 décembre 2020 par le tribunal de Nanterre ayant prononcé la résiliation judiciaire de son bail commercial ainsi que son expulsion des locaux précités dans le délai d’un mois à compter de la signification de cette décision assortie de l’exécution provisoire,

‘ dire que ladite astreinte commencera à courir à compter de la notification de l’arrêt à intervenir qui sera rendu par la cour d’appel de céans,

‘ condamner la SAS Arboisie Opco, au paiement d’une astreinte de 250 euros par jour de retard faute de règlement à bonne date, à terme à échoir, de l’indemnité d’occupation mensuelle qui lui est due, ladite astreinte commençant à courir à compter de la notification de l’arrêt à intervenir qui sera rendu par la cour d’appel de céans,

‘ en toute hypothèse, condamner la SAS Arboisie Opco

‘ à lui verser la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ aux entiers dépens de 1ère instance et d’appel.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 25 avril 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les fins de non-recevoir

M. [X] soutient que la SAS Arboisie Opco ne justifie pas, par le contrat en date du 23 février 2021 qu’elle produit en pièce 19 de son dossier, avoir qualité et intérêt pour agir, dans la mesure où, au titre des éléments du fonds de commerce que lui a cédés la SAS Hôtel Arboisie, plus précisément au titre du droit au bail cédé, il n’est mentionné dans ce contrat, qu’un seul bail, celui portant sur les lots appartenant à la SCI Arboisie Propco ; elle en déduit que ce contrat n’établit pas la cession par la SAS Hôtel Arboisie à la SAS Arboisie Opco, du droit au bail afférent à l’appartement n°110 dont il est propriétaire.

Il en tire la conséquence que :

– l’appel de la SAS Arboisie Opco est irrecevable,

– les demandes de la SAS Arboisie sont irrecevables, ce qui revient à demander la réformation du jugement déféré en ce qu’il a déclaré la SAS Arboisie Opco recevable en ses demandes ; sur ce point, la SAS Arboisie Opco soulève l’irrecevabilité de l’appel incident de M. [X].

Sur la recevabilité de l’appel principal de la SAS Arboisie Opco

Il convient de rappeler tout d’abord que selon l’article 123 du code de procédure civile, les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause et qu’en conséquence, la SAS Arboisie Opco n’est pas fondée à soutenir que ‘l’exception d’irrecevabilité’ de son appel, soulevée par M. [X], est irrecevable pour ne pas avoir été soulevée avant toute défense au fond.

La SAS Arboisie a nécessairement qualité et intérêt à interjeter appel d’un jugement rendu dans une instance dans laquelle elle avait la qualité de demanderesse et qui n’a pas fait droit à sa demande d’annulation des commandements de quitter les lieux des 3 et 21 mai 2021 et a prononcé à son encontre diverses condamnations.

Il convient donc de déclarer recevable l’appel principal de la SAS Arboisie Opco.

Sur la recevabilité de l’appel incident de M. [X] en ce qu’il porte sur le chef du jugement déféré ayant déclaré la SAS Arboisie Opco recevable en ses demandes

Il résulte des dispositions combinées des articles 905-2 et 910-4 du code de procédure civile que l’intimée dispose d’un délai d’un mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant, pour remettre ses propres conclusions et doit dans les conclusions déposées dans ce délai, cristalliser toutes ses prétentions, et notamment s’il forme un appel incident, préciser quels sont les chefs du jugement déféré dont il demande la réformation, ce à peine d’irrecevabilité.

En l’espèce, les conclusions prises par M. [X] dans le délai prescrit par l’article 905-2 du code de procédure civile sont en date du 1er décembre 2021.

Force est de constater que dans leur dispositif,

– elles ne contiennent aucune prétention tendant à l’irrecevabilité des demandes de la SAS Arboisie Opco,

– l’appel incident formé par M. [X] n’a pas pour objet le chef du jugement déféré ayant déclaré la SAS Arboisie Opco recevable en ses demandes, étant observé que dans les dernières conclusions de l’intimée en date du 11 avril 2022, son appel incident ne semble pas davantage avoir pour objet ce chef du jugement déféré, seule la fin de non-recevoir des demandes de la SAS Arboisie Opco, soulevée à nouveau en cause d’appel après avoir été rejetée en première instance, s’analysant comme un appel incident sur ce point.

En conséquence, l’appel incident de M. [X] est effectivement irrecevable en ce qu’il porte sur le chef du jugement déféré ayant déclaré la SAS Arboisie Opco recevable en ses demandes.

Sur le commandement du 3 mai 2021

Ainsi que l’a justement relevé le premier juge, ce commandement a été annulé à l’initiative de M. [X], lors de la délivrance du commandement du 21 mai 2021.

La demande d’annulation de ce premier commandement est donc sans objet.

Sur le commandement du 21 mai 2021

‘ Sur la nullité de ce commandement

‘ Sur la violation des dispositions de l’article R. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution

Sur le défaut d’envoi de la copie du commandement au préfet au mépris de l’article L. 412-5 du code des procédures civiles d’exécution

Sur l’absence de reproduction des articles L. 412-1 à L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution

Ces articles du code des procédures civiles d’exécution sont des dispositions particulières aux locaux d’habitation ou à usage professionnel.

Ainsi que l’a parfaitement retenu le premier juge, ils ne sont pas applicables aux baux commerciaux et ne peuvent donc pas fonder la demande de la SAS Arboisie Opco en annulation du commandement du 21 mai 2021.

‘ Sur l’absence de cause du commandement faute pour le bailleur d’avoir payé l’indemnité d’éviction

La SAS Arboisie Opco invoque les dispositions de l’article L. 145-28 du code de commerce aux termes desquelles Aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue. Jusqu’au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré.

A supposer que la SAS Hôtel Arboisie ait, le 23 février 2021, d’une part pu céder et d’autre part effectivement cédé, le droit au bail de l’appartement dont M. [X] est propriétaire, le fait qu’elle puisse prétendre au bénéfice d’une indemnité d’éviction n’est pas de nature à priver de cause le commandement du 21 mai 2021, délivré sur le fondement du jugement rendu le 14 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Nanterre, titre exécutoire par provision, étant observé que la question du droit du preneur à une indemnité d’éviction et ses conséquences sur les demandes présentées à son encontre a déjà été discutée devant le tribunal judiciaire de Nanterre.

En conséquence, ce moyen ne peut pas davantage que les précédents conduire à l’annulation du commandement du 21 mai 2021.

‘ Sur la suspension des effets du commandement

La SAS Arboisie Opco rappelle que le jugement du 14 décembre 2020 ayant prononcé la résiliation du bail liant M. [X] à la SAS Hôtel Arboisie et ordonné son expulsion, est frappé d’appel et que l’arrêt attendu de la cour d’appel de Versailles aura une incidence directe sur ses deux mesures.

Elle soutient d’une part que l’exécution provisoire, malgré appel, du jugement du 14 décembre 2020 aurait des conséquences irréversibles pour elle et rappelle d’autre part qu’elle a un droit acquis au maintien dans les lieux tant que M. [X] ne lui a pas versé l’indemnité d’éviction à laquelle elle a droit.

Il résulte de cette argumentation que la demande de suspension des effets du commandement tend en réalité à suspendre l’exécution provisoire dont le jugement du 14 décembre 2020 est assorti, alors que les dispositions de l’ancien article 526 du code de procédure civile n’ont pas été mises en oeuvre.

Or, ainsi que l’a déjà rappelé le premier juge, l’article R. 121-1 du code des procédures civiles d’exécution interdit au juge de l’exécution de suspendre l’exécution de la décision de justice sur laquelle est fondé le commandement du 21 mai 2021.

Il convient donc de confirmer le jugement déféré sur ce point.

‘ Sur la demande de délais pour quitter les lieux

La SAS Arboisie Opco insiste sur le fait que les indemnités d’occupation dues à M. [X] sont payées et demande que du temps lui soit laissé pour ‘trouver les solutions permettant de lui assurer la pérennité de son activité et la poursuite de son exploitation jusqu’au versement de l’indemnité d’éviction’.

En premier lieu, il convient de rappeler qu’en vertu du jugement rendu le 14 décembre 2020, le lien fait entre indemnité d’occupation et libération des lieux est le suivant : la première est due tant que la seconde n’est pas intervenue ; en revanche, la seconde n’est pas conditionnée au défaut de paiement de la première.

En second lieu, il convient de recontextualiser le litige : M. [X] n’est propriétaire que d’un seul appartement au sein de la résidence hôtelière exploitée par la SAS Arboisie Opco, qui ne soutient d’ailleurs pas que cet appartement présenterait des particularités telles qu’il est essentiel à son activité. En conséquence, l’incidence dommageable qu’aurait la libération de cet appartement sur la pérennité ou la rentabilité de son exploitation n’est pas démontrée.

En conséquence, il convient sur ce point de réformer le jugement déféré et de débouter la SAS Arboisie Opco de sa demande de délais pour quitter les lieux.

Sur les astreintes

Le deuxième alinéa de l’article L. 131-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose que le juge de l’exécution peut assortir d’une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité.

‘ S’agissant de la disposition du jugement du 14 décembre 2020 ayant ordonné la libération des lieux litigieux

Dans les circonstances particulières de l’espèce et à ce stade des différentes procédures opposant les parties, la nécessité d’assortir cette décision d’une astreinte n’est pas établie.

‘ S’agissant de la disposition du jugement du 14 décembre 2020 ayant condamné la société Hôtel Arboisie au paiement d’une indemnité d’occupation

C’est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l’article 70 du code de procédure civile soulevée par la SAS Arboisie Opco dont la cour constate qu’elle fait elle-même des liens entre la libération des lieux litigieux et le paiement d’une indemnité d’occupation.

Sur le fond, le prononcé d’une astreinte n’apparaît pas nécessaire, ce d’autant que comme toute condamnation au paiement d’une somme d’argent, celle relative aux indemnités d’occupation produit des intérêts moratoires pour, le cas échéant, compenser le retard de paiement.

Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, la SAS Arboisie Opco doit supporter la charge de l’intégralité des dépens de première instance, ne comprenant pas le coût du commandement du 3 mai 2021, et des dépens d’appel.

Les conditions d’application de l’article 700 du code de procédure civile ne sont réunies qu’en faveur de M. [X] auquel la SAS Arboisie Opco est condamnée à payer la somme de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés tant en première instance qu’en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS, la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare recevable l’appel principal de la SAS Arboisie Opco,

Déclare irrecevable l’appel incident de M. [B] [X] en ce qu’il porte sur le chef du jugement déféré ayant déclaré la SAS Arboisie Opco recevable en ses demandes,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a :

– accordé à la SAS Arboisie Opco un délai de 18 mois pour quitter les lieux qu’elle occupe, à savoir l’appartement n°110, correspondant au lot de copropriété n°9251 dans la résidence ‘L’Arboisie’ sise à [Localité 4], sous réserve du paiement mensuel de l’indemnité d’occupation fixée par le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre le 14 décembre 2020,

– statué sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau sur ces points et y ajoutant,

Déboute la SAS Arboisie Opco de sa demande de délais pour quitter les lieux litigieux,

Condamne la SAS Arboisie Opco :

– aux dépens de première instance et d’appel, ne comprenant pas le coût du commandement du 3 mai 2021,

– à payer à M. [B] [X] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 dommages-intérêts code de procédure civile,

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires.

Ainsi prononcé publiquement le 12 juillet 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Viviane CAULLIREAU-FOREL, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière pour le prononcé.

La GreffièreLa Présidente

 


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