Indemnité d’éviction : 8 septembre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 21/02932

·

·

Indemnité d’éviction : 8 septembre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 21/02932

8 septembre 2022
Cour d’appel de Douai
RG
21/02932

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 08/09/2022

****

N° de MINUTE : 22/

N° RG 21/02932 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TUUZ

Jugement (N°20/07622) rendu le 19 avril 2021 par le tribunal judiciaire à compétence commerciale de Lille

APPELANTE

SCI Azlef, prise en la personne de son représentant légal, Monsieur [O]

ayant son siège social [Adresse 1]

ayant pour conseil Me Emmanuel Lacheny, avocat au barreau de Lille

INTIMÉE

SARL Viennoiserie du Chêne Houpline, agissant en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social [Adresse 2]

représentée par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai

assistée par Me Christophe Desurmont, substitué à l’audience par Me Caroline Bernard, avocats au barreau de Lille

DÉBATS à l’audience publique du 10 mai 2022 tenue par Agnès Fallenot magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Laurent Bedouet, président de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Agnès Fallenot, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 08 septembre 2022 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Agnès Fallenot, conseiller, en remplacement de Laurent Bedouet, président empêché, et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 28 avril 2022

****

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant un bail commercial en date du 5 janvier 2010, la SCI Azlef, dont le gérant est Monsieur [O], a donné à bail à la SARL Viennoiserie du Chêne Houpline des locaux situés à [Adresse 2], moyennant un loyer annuel de 12 000 euros HT, pour y exercer l’activité de « commerce viennoiserie ».

Par acte d’huissier en date du 18 juin 2019, la société Azlef a fait sommation à la société Viennoiserie du Chêne Houpline d’avoir à cesser toute activité de boulangerie et sandwicherie et de lui adresser le justificatif des polices d’assurance visées au bail, dans un délai de 8 jours.

Le 25 juin 2019, la société Viennoiserie du Chêne Houpline, par le biais de son conseil, a transmis à la société Azlef son attestation d’assurance pour l’année 2019. S’agissant de l’activité exercée dans les lieux, elle a fait valoir que la mention « viennoiserie » visée dans le bail incluait nécessairement les activités de sandwicherie, dépôt de pain et pâtisserie.

Le 5 juillet 2019, la société Azlef, par le biais de son conseil, a contesté cette interprétation de la destination des locaux loués, alléguant en outre de nuisances sonores et olfactives liées aux activités non autorisées, et demandé leur cessation immédiate.

Par acte d’huissier en date du 15 juillet 2019, la société Azlef a fait signifier à la société Viennoiserie du Chêne Houpline un commandement de payer les loyers visant la clause résolutoire, lui faisant également sommation de cesser ses activités de sandwicherie, dépôt de pain et pâtisserie dans le délai d’un mois.

Par acte d’huissier en date du 29 juillet 2019, la société Viennoiserie du Chêne Houpline a assigné la société Azlef devant le tribunal judiciaire de Lille aux fins de :

« Annuler le commandement de payer délivré par la SCI AZLEF le 15 juillet 2019 et le dire de nul effet,

Dire que l’activité exercée dans les lieux loués par la SARL VIENNOISERIE DU CHENE HOUPLINES est conforme à l’objet du bail du 5 janvier 2010,

A titre subsidiaire, si un arriéré de loyers s’avère justifié et exact, accorder à la SARL VIENNOISERIE DU CHENE HOUPLINES un délai d’un an pour s’en acquitter, par mensualités en sus du loyer courant,

Reconventionnellement, condamner la SCI AZLEF à une somme de 5 000,00 € pour procédure abusive,

Condamner la SCI AZLEF à une somme de 3 000,00 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamner la SCI AZLEF aux dépens. »

Par jugement rendu le 19 avril 2021, le tribunal judiciaire de Lille a statué en ces termes :

« ANNULE le commandement délivré par la SCI AZLEF le 15 juillet 2019 et DIT la clause résolutoire de nul effet,

DÉBOUTE la SCI AZLEF de l’ensemble de ses demandes ;

DIT que la SCI AZLEF devra produire les factures de l’intégralité des loyers acquittés à la société VIENNOISERIE DU CHENE HOUPLINE ;

CONDAMNE la SCI AZLEF à payer à la société VIENNOISERIE DU CHENE HOUPLINE la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Condamne la société AZLEF au paiement des frais et dépens de l’instance.

Condamne la société AZLEF à payer à la société VIENNOISERIE DU CHENE HOUPLINE la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ».

Par déclaration du 26 mai 2021, la société Azlef a relevé appel de l’ensemble des chefs de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions régularisées par le RPVA le 23 février 2022, la société Azlef demande à la cour de :

« Vu l’article L. 145-47 du Code de commerce,

Vu le jugement attaqué,

Vu les pièces versées aux débats,

– INFIRMER le jugement rendu le 19 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Lille dans l’ensemble de ses dispositions attaquées, savoir :

« ANNULE le commandement délivré par la SCI AZLEF le 15 juillet 2019 et DIT la clause résolutoire de nul effet,

DÉBOUTE la SCI AZLEF de l’ensemble de ses demandes,

DIT que la SCI AZLEF devra produire les factures de l’intégralité des loyers acquittés à la société VIENNOISERIE LE CHENE HOUPLINE,

CONDAMNE la SCI AZLEF à payer à la société VIENNOISERIE LE CHENE HOUPLINE la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts,

CONDAMNE la société AZLEF au paiement des frais et dépens de l’instance,

CONDAMNE la société AZLEF à payer à la société VIENNOISERIE LE CHENE HOUPLINE la somme de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile. »

Et, vu l’effet dévolutif de l’appel, statuant de nouveau,

– CONSTATER que la clause résolutoire contenue au bail en date du 5 janvier 2010 est acquise,

– CONSTATER, en conséquence, la résiliation dudit bail au 15 août 2019,

– ORDONNER l’expulsion du locataire et de tous occupants de son chef,

– AUTORISER la SCI AZLEF à expulser société VIENNOISERIE DU CHENE HOUPLINES des lieux avec l’assistance de la force publique, s’il y a lieu, faire constater et estimer les réparations locatives par un huissier de justice qui sera commis à cet effet, assisté, s’il l’estime utile, d’un technicien ;

– AUTORISER en cas d’expulsion la requérante à entreposer ou à faire entreposer les marchandises et mobiliers qui resteraient dans les lieux en tous lieux qui lui conviendraient et ce aux frais de la société VIENNOISERIE DU CHENE HOUPLINES

– DEBOUTER pour le surplus la société VIENNOISERIE DU CHENE HOUPLINES de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions

– CONDAMNER la société VIENNOISERIE DU CHENE HOUPLINES au paiement d’une indemnité de procédure de 3 000,00 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile

– La CONDAMNER en tous les frais et dépens, en ce compris le coût des actes extrajudiciaires signifiés les 18 juin et 15 juillet 2019 ».

La société Azlef plaide que les activités de sandwicherie, dépôt de pain et pâtisserie, distinctes de l’activité de viennoiserie, ne sont pas prévues au bail. Elle souligne que sa locataire n’a pas mis en ‘uvre les dispositions de l’article L145-47 du Code de commerce et que toute extension de la destination des lieux sans autorisation préalable du bailleur ou, à défaut, du tribunal, constitue un manquement pouvant être sanctionné par le prononcé de la résiliation du bail ou la constatation de celle-ci par le jeu de la clause résolutoire. Le tribunal n’avait à cet égard même pas à se prononcer sur le caractère connexe ou complémentaire des activités exercées en plus de l’activité initiale. A titre subsidiaire, la société Azlef plaide que les activités litigieuses ne revêtent pas le caractère connexe ou complémentaire requis, comme en attestent les travaux mis en ‘uvre par le preneur, constatés suivant procès-verbal d’huissier.

La bailleresse soutient que le fait que la SARL DH ait passé commande en 2016 de pains auprès de la société Viennoiserie du Chêne Houpline ne saurait être interprété comme caractérisant son accord exprès pour autoriser l’activité de fourniture de pains, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, peu important que son gérant et le sien soient la même personne physique, tout comme le fait que la société Viennoiserie du Chêne Houpline se soit approvisionnée en 2012 auprès la société DH de produits divers autres que strictement dédiés à la viennoiserie.

La société Azlef ajoute que la société Viennoiserie du Chêne Houpline était également débitrice de loyers correspondant à la révision triennale prévue par le bail. En l’absence d’une régularisation spontanée, elle lui a fait signifier le 15 juillet 2019 un commandement de payer les loyers visant la clause résolutoire. Le preneur ne saurait prétendre de bonne foi qu’il ignorait à quoi correspondait le montant réclamé. Il n’a pas régularisé sa dette dans le mois, mais postérieurement. La clause résolutoire doit ainsi recevoir plein et entier effet.

Aucun abus ne peut lui être reproché, ni aucune mauvaise foi de nature à justifier l’annulation du commandement de payer.

Elle a régularisé les quittances demandées et s’oppose au paiement de dommages et intérêts, en l’absence de préjudice avéré.

Par conclusions régularisées par le RPVA le 11 mars 2022, la société Viennoiserie du Chêne Houpline demande à la cour de :

« CONFIRMER le jugement rendu par le tribunal judiciaire de LILLE le 19 avril 2021 en ce qu’il a :

‘ Annulé le commandement délivré par la SCI AZLEF le 15 juillet 2019 et Dit la clause résolutoire de nul effet ;

‘ Débouté la SCI AZLEF de l’ensemble de ses demandes ;

‘ Dit que la SCI AZLEF devra produire les factures de l’intégralité des loyers acquittés à la société VIENNOISERIE DU CHENE HOUPLINE ;

‘ Condamné la SCI AZLEF à payer à la société VIENNOISERIE DU CHENE HOUPLINE la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

‘ Condamné la SCI AZLEF au paiement des frais et dépens de l’instance ;

‘ Condamné la SCI AZLEF à payer à la société VIENNOISERIE DU CHENE HOUPLINE la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Y ajoutant :

‘ CONDAMNER la SCI AZLEF, à verser une somme de 2 000 € en réparation du préjudice subi par la SARL VIENNOISERIE DU CHENE HOUPLINE du fait de la non production des quittances de loyers acquittés ;

‘ CONDAMNER la SCI AZLEF à verser une somme de 2 500 € en réparation du préjudice subi par la SARL VIENNOISERIE DU CHENE HOUPLINE pour procédure abusive en appel ;

‘ CONDAMNER la SCI AZLEF, à verser une somme de 4 425 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens. »

La société Viennoiserie du Chêne Houpline affirme avoir toujours ponctuellement réglé le loyer mis à sa charge par le bail du 5 janvier 2010, à savoir 1 000 euros par mois. C’est sans jamais avoir appliqué une quelconque indexation que le conseil de la société Azlef lui a indiqué, dans un courrier du 5 juillet 2019, qu’un arriéré serait dû, et que le commandement du 15 juillet 2019 a été délivré pour un montant de 3 857,14 euros. La seule pièce justificative consistait en un tableau incompréhensible. le bailleur a postérieurement, suite à sa demande d’explications, modifié les montants réclamés. Il est constant qu’un commandement qui ne donne pas de décompte des sommes réclamées, ou ne donne qu’un décompte erroné, doit être annulé. L’accord sur les sommes dues n’a pu être trouvé que le 27 août 2019. En novembre 2020, le preneur avait rattrapé son retard, malgré l’opposition du bailleur à un échelonnement.

Malgré les demandes présentées, la société Azlef s’est dispensée de délivrer à sa locataire la moindre facture ou quittance de loyer, en violation des dispositions de l’article 11 de la loi n°77-1457 du 29 décembre 1977. Ce défaut de délivrance a notamment privé la société Viennoiserie du Chêne Houpline de la possibilité d’obtenir l’aide au loyer des commerces de proximité accordée par la région Hauts-de-France dans le cadre de la crise sanitaire de la Covid-19. L’appelante n’a produit, en annexe à ses conclusions d’appel n°2, les quittances réclamées que le 23 février 2022, c’est-à-dire dix mois après l’injonction délivrée par le tribunal.

La société Viennoiserie du Chêne Houpline argue encore que la clause du bail relatant l’activité exercée est particulièrement laconique : il s’est agi pour les parties de compléter des « blancs » dans un texte préétabli. Le gérant de la société Azlef, Monsieur [O], et le gérant de la société Viennoiserie du Chêne Houpline, Monsieur [G] [V], se connaissent bien et ont tous deux exercé ce commerce de viennoiserie, Monsieur [G] [V] ayant d’ailleurs été le salarié de Monsieur [O] dans les années 2006/2007. Ils savaient pertinemment qu’un tel commerce ne pouvait se contenter de vendre des croissants et des pains au chocolat. Il s’agit en fait d’un « point chaud » qui s’approvisionne en produits surgelés qu’il réchauffe et conditionne, à l’exception de toute activité de boulangerie. C’est d’ailleurs cette activité de transformation de produits surgelés qui constitue la véritable limite de la définition de l’activité indiquée au bail.

Depuis l’origine du bail, le 5 janvier 2010, il n’y a eu aucune modification, ni évolution ou ajout dans l’activité de la société Viennoiserie du Chêne Houpline. L’activité précise était d’ailleurs indiquée au Kbis dès sa création : « viennoiserie, sandwicherie, restauration rapide, dépôt de pain, pâtisserie, métiers de la bouche ».

Il est constant qu’en présence d’imprécisions ou du silence du bail sur la destination des lieux, il appartient aux juges du fond de rechercher la commune intention des parties, laquelle, en l’occurrence, ne fait aucun doute : « viennoiserie » est un terme générique incluant les autres activités exercées, et le gérant de la société Azlef en était conscient et y a donné son accord en remplissant et en signant le bail. Monsieur [O] connaissait d’autant mieux l’activité exercée par la Viennoiserie du Chêne Houpline qu’il en a été le fournisseur pendant les premières années du bail, à travers la société DH, laquelle la fournissait en produits surgelés divers, qui allaient au-delà de simples viennoiseries. Elle n’a réalisé aucun travaux spécifique. Les dispositions de l’article L145-47 du Code de commerce sont inapplicables en l’espèce.

En réalité, Monsieur [O] cherche à évincer tout simplement sa locataire pour prendre sa place sans avoir à acquitter une indemnité d’éviction. Le commandement de payer a été délivré de mauvaise foi, en contravention avec les dispositions de l’article 1104 du Code civil.

L’acharnement procédural de la société Azlef, son refus de toute mesure d’apaisement, a dégénéré en abus et a causé un préjudice à la société Viennoiserie du Chêne Houpline justifiant l’octroi de dommages et intérêts pour procédure abusive en appel.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 28 avril 2022.

SUR CE

I ‘ Sur la demande d’annulation du commandement délivré le 15 juillet 2019

Aux termes des articles 1103 et 1104 du Code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public.

Le bail conclu entre les parties comprend une clause résolutoire ainsi rédigée :

« Il est expressément convenu, comme condition essentielle des présentes, qu’à défaut de paiement d’un seul terme de loyer ou de charges ou d’inexécution d’une seule des clauses du bail, et un mois après un commandement de payer ou une sommation d’exécuter, contenant déclaration par le Bailleur de son intention d’user du bénéfice de la présente clause, délivré par acte extrajudiciaire et resté infructueux, le présent bail sera résilié de plein droit si bon semble au Bailleur. (…) »

Aux termes de l’article L145-41 du Code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l’article 1343-5 du Code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

Par acte d’huissier du 15 juillet 2019, la société Azlef a fait délivrer à la société Viennoiserie du Chêne Houpline un acte intitulé « commandement de payer les loyers », indiquant :

« AGISSANT EN VERTU

D’un bail sous seing privé portant sur un local commercial conclu entre les parties à [Localité 3] en date du 01janvier 2010

Et des dispositions de l’article L.145-41 à L 145-60 du Code de commerce.

JE VOUS FAIS SOMMATION

De cesser les activités irrégulières de sandwicherie, dépôt de pain et pâtisserie dans le délai d’UN MOIS à compter de la date portée en tête du présent acte.

ET A MEME REQUETE,

JE VOUS FAIS COMMANDEMENT DE PAYER LES SOMMES SUIVANTES :

PRINCIPAL CRÉANCE (selon décompte joint) 3 857,14

INTÉRETS ACQUIS POUR MEMOIRE

Emolument Proportionnel (Art A444-31 C. Com.)

Coût de l’acte ttc167,12

SOLDE A PAYER en Euros 4024,26

Résultant des loyers et charges impayés d’un local sis : [Adresse 2]. »

1) Sur l’irrespect de la clause de destination du bail

Concernant la destination des locaux, le bail conclu entre les parties, consistant en un imprimé-type à compléter, indique uniquement, : «  Commerce Viennoiserie », sans autre précision.

Il résulte cependant des pièces versées au dossier, et notamment des attestations de Monsieur [X] [Z] et des factures d’approvisionnement produites, que la société Viennoiserie du Chêne Houpline a toujours exercé, conformément à l’objet social qu’elle a déclaré au greffe du tribunal de commerce de Lille Métropole lors de sa création, une activité de viennoiserie, sandwicherie, dépôt de pain et pâtisserie, ce dont la société Azlef avait parfaitement connaissance, puisque son gérant lui a fourni, sous le couvert de son autre société, la SARL DH, du pain et des pâtisseries durant toute l’année 2012. Elle en a conséquemment accepté sans équivoque l’inclusion dans la destination initiale.

Il n’a donc pas existé de changement de destination en cours de bail, contrairement à ce que plaide la bailleresse. Aucune conséquence ne peut d’ailleurs être tirée en ce sens des constats d’huissier réalisés le 12 mai 2017 et le 20 mars 2019, lesquels se contentent de rapporter les propos de gérant de la société Azlef sans aucunement établir la réalité des travaux de changement de destination allégués par ce dernier, ses propos étant formellement contredits par ceux de son associé, Monsieur [X] [Z], qui précise que les lieux ont toujours eu la même configuration, la société DH y ayant elle-même exercé une activité de boulangerie avant la conclusion du bail avec la société Viennoiserie du Chêne Houpline.

Il sera ajouté que les nuisances sonores et olfactives alléguées ne sont pas davantage démontrées.

Aucune inexécution des conditions du bail susceptible de donner lieu à résiliation n’est donc établie de ce chef.

2) Sur la dette « résultant des loyers et charges impayés »

Il s’impose de constater que le décompte supposé expliquer la créance réclamée à la locataire par la bailleresse, résultant selon les termes mêmes du commandement délivré le 15 juillet 2019 de « loyers et charges impayés », est constitué d’un tableau de cinquante-et-une lignes et douze colonnes sans intitulés, reprenant des dates, des pourcentages et des montants totalement obscurs.

Il demeure que le conseil de la société Viennoiserie du Chêne Houpline avait été avisé dès le 5 juillet 2019 que sa cliente était invitée à « régulariser le rappel de loyer relatif à l’indexation prévue contractuellement, soit 3857,14 euros », selon décompte joint.

Ce dernier a indiqué en réponse, par courrier du 23 juillet 2019, ne pas parvenir, non plus que son client, à comprendre le tableau fourni, et a proposé un autre chiffrage, à la suite duquel la bailleresse lui a réclamé non plus la somme 3 857,14 euros mais celle de 5 185,65 euros, selon courriel du 22 août 2019.

Il en résulte que la locataire a non seulement compris la nature de la dette mais a également pu vérifier sa réalité et son étendue.

Dès lors, la validité du commandement de payer du 15 juillet 2019 n’est pas atteinte du seul fait que le décompte joint à l’acte ait été erroné, le principe de la dette étant incontestable.

Il convient cependant de prendre en considération le fait que la bailleresse n’avait jamais fait joué la clause d’indexation prévue par le bail entre la conclusion du bail, le 5 janvier 2010, et son courrier du 5 juillet 2019, qu’elle a fait délivrer à sa locataire un commandement de payer de ce chef dès le 15 juillet 2019, sans même s’assurer du montant de sa créance et l’établir par un décompte compréhensible, et ce dans un contexte bien particulier puisqu’elle exerçait alors sur cette dernière, de parfaite mauvaise foi, des pressions afin qu’elle restreigne l’étendue des activités pourtant exercées depuis le commencement du bail avec son accord non équivoque.

Dès lors, la validité du commandement de payer du 15 juillet 2019 est atteinte et celui-ci ne peut produire ses effets.

La décision des premiers juges, qui ont parfaitement évalué les éléments en fait et en droit du litige, sera confirmée en ce qu’elle a annulé cet acte, dit que la clause résolutoire n’a pas produit ses effets, et a débouté la société Azlef de l’ensemble de ses demandes.

II ‘ Sur les dommages et intérêts

Aux termes des articles 1240 et 1241du Code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

1) En réparation de la délivrance tardive des quittances de loyer

Les éléments de la procédure établissent que la société Azlef s’est abstenue de délivrer des quittances de loyer à sa locataire.

Il lui a été officiellement fait sommation de s’acquitter de cette obligation selon courriers du 23 juillet 2019 puis du 22 décembre 2020 par le conseil de la société Viennoiserie du Chêne Houpline, cette dernière lettre précisant que la locataire avait déposé un dossier auprès des services de la région pour obtenir une aide et que le défaut de délivrance des quittances lui causerait un grave préjudice.

Il est justifié par la société Viennoiserie du Chêne Houpline qu’elle a présenté une demande d’aide à hauteur de 500 euros pour le mois de novembre 2020 et que son dossier n’a pu être considéré comme complet sans sa quittance de loyer, les services de la région lui ayant précisé que « l’extrait de compte bancaire n’est pas un justificatif recevable ».

Il n’est en revanche pas produit de justificatifs de demandes pour les mois suivants.

La société Azlef sera donc condamnée à lui verser la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de ce préjudice.

2) En réparation du caractère abusif de la procédure et de l’appel

L’action de la bailleresse a été engagée et poursuivie, jusqu’à hauteur d’appel, pour des motifs purement fallacieux, de manière belliqueuse, avec refus tant des délais de paiement que de la médiation proposés, obligeant la locataire à prendre du temps et à engager des frais pour se défendre.

Le chef du jugement entrepris ayant condamné la société Azlef à payer la somme de 1000 euros à la société Viennoiserie du Chêne Houpline sera donc confirmé, et la bailleresse condamnée au surplus à payer à sa locataire la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif.

III ‘ Sur les demandes accessoires

1) Sur les dépens

Aux termes de l’article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

L’issue du litige justifie de condamner la société Azlef aux dépens d’appel et de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle l’a condamnée aux dépens de première instance

2) Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l’article 700 du Code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

La décision entreprise sera confirmée en ce qu’elle a condamné la société Azlef à payer à la société Viennoiserie du Chêne Houpline la somme de 2 500 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

La société Azlef, tenue aux dépens d’appel, sera en outre condamnée à verser à la société Viennoiserie du Chêne Houpline la somme de 4 425 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel, et déboutée de sa propre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement rendu le 19 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Lille en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la SCI Azlef à payer à la SARL Viennoiserie du Chêne Houpline la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice lié à la non-délivrance de ses quittances de loyers ;

Condamne la SCI Azlef à payer à la SARL Viennoiserie du Chêne Houpline la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif ;

Condamne la SCI Azlef à payer à la SARL Viennoiserie du Chêne Houpline la somme de 4 425 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel ;

Déboute la société Azlef de sa propre demande au titre de ses frais irrépétibles ;

Condamne la SCI Azlef aux dépens d’appel.

Le greffierP/ Le président

Marlène ToccoAgnès Fallenot

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x