21 septembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n°
21-15.960
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 21 septembre 2022
Rejet non spécialement motivé
Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10720 F
Pourvoi n° H 21-15.960
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 SEPTEMBRE 2022
La société DHL Aviation (France), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 21-15.960 contre l’arrêt rendu le 17 février 2021 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 8), dans le litige l’opposant :
1°/ à M. [Z] [I], domicilié [Adresse 1],
2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Capitaine, conseiller, les observations écrites de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société DHL Aviation (France), de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de M. [I], après débats en l’audience publique du 21 juin 2022 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Capitaine, conseiller rapporteur, M. Pion, conseiller, Mme Wurtz, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société DHL Aviation (France) aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société DHL Aviation (France) et la condamne à payer à M. [I] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Pion, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en l’audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société DHL Aviation (France)
PREMIER MOYEN DE CASSATION
La société DHL AVIATION fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR prononcé la nullité du licenciement, d’AVOIR ordonné la réintégration du salarié à son poste ou à un poste équivalent, d’AVOIR dit que cette mesure devrait intervenir dans un délai de quatre mois à compter du prononcé de la décision et qu’à défaut d’exécution dans ce délai, l’employeur y serait contraint sous astreinte de 200 euros par jour de retard, pendant 90 jours, d’AVOIR condamné l’employeur à payer au salarié la somme provisionnelle de 80 000 euros à valoir sur l’indemnité d’éviction, soit le montant des salaires et accessoires qui auraient dû être perçus entre le licenciement et la réintégration, d’AVOIR condamné l’employeur à payer au salarié les sommes de 4 000 euros de dommages et intérêts au titre de la discrimination liée à l’état de santé, et de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et d’AVOIR condamné l’employeur aux dépens de première instance et d’appel ;
1°) ALORS QUE la preuve est libre en matière prud’homale ; qu’en l’espèce, pour établir les perturbations entrainées par les absences répétées du salarié, l’employeur avait versé aux débats les bulletins de paie de MM. [X] et [G] faisant état des heures supplémentaires réalisées par ces derniers pour assurer la continuité des tâches de M. [I] (productions n° 5 et 6), l’attestation de M. [X] qui indiquait avoir « été superviseur de M. [Z] [I] de mars 2012 au 14 décembre 2015. A cette occasion, j’ai constaté et dû gérer les absences répétées, et souvent de dernière minute de M. [I]. Lors de ces prolongations, j’étais prévenu au dernier moment, rendant la gestion du planning de l’équipe ainsi que l’assurance de sa bonne continuité difficile. Lorsque je tentais de l’appeler au téléphone pour avoir des nouvelles, je ne réussissais que rarement à le joindre. La gestion de ses absences devait se faire à la dernière minute, soit par son collègue, soit par moi-même à certains moments. Cela m’obligeait à mettre mes tâches de côté » (production n° 7) et l’attestation de M. [C] qui précisait qu’ « en ma qualité de superviseur cargo des opérations j’ai été témoin à plusieurs reprises de l’impossibilité de certains clients de déposer leurs colis et de payer les frais d’arrivée import dû à l’absence de M. [I] » (production n° 8) ; qu’en reprochant à l’employeur de ne pas faire état des heures supplémentaires effectuées par les collègues du salarié entre février et novembre 2015, et en retenant que l’attestation du superviseur ne visait aucune date précise quant aux retards invoqués, la cour d’appel a exigé la production de documents particuliers, et partant a violé l’article 1315 devenu 1353 du code civil et le principe de la liberté de la preuve en matière prud’homale ;
2°) ALORS QUE l’employeur peut procéder au licenciement d’un salarié motivé par la situation objective de l’entreprise dont le fonctionnement est perturbé par ses absences répétées, entraînant la nécessité de procéder à son remplacement définitif par l’engagement d’un autre salarié ; qu’en retenant qu’au moment du licenciement, le salarié n’était plus en arrêt de travail, la cour d’appel qui s’est prononcée par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1232-1 et L. 1235-1, alors applicables, du code du travail ;
3°) ALORS QUE l’employeur peut procéder au licenciement d’un salarié motivé par la situation objective de l’entreprise dont le fonctionnement est perturbé par ses absences répétées, entraînant la nécessité de procéder à son remplacement définitif par l’engagement d’un autre salarié ; qu’en l’espèce, l’employeur faisait valoir avec offres de preuve que les absences répétées du salarié avaient perturbé le fonctionnement de l’entreprise et rendu nécessaire son remplacement définitif, en raison de la spécificité du poste de travail occupé par M. [I] qui impliquait le respect de procédures et consignes complexes et l’accès à des informations particulièrement sensibles, et nécessitait le suivi de formations obligatoires et l’obtention d’une habilitation délivrée par la Préfecture de Seine et Marne (conclusions d’appel de l’exposante p. 15 à 17 ; productions n° 9 à 14) ; qu’en se bornant à affirmer que l’effectif de l’entreprise s’élevaient à plus de 3 000 salariés, ce qui permettait de pourvoir au remplacement de M. [I] et que les tâches accomplies par lui ne requéraient pas une spécificité particulière, puisque seule une formation d’un mois était nécessaire, sans s’expliquer sur la complexité des procédures et consignes, la nature des informations auxquelles l’emploi du salarié permettait l’accès, et la nécessaire habilitation délivrée par la Préfecture de Seine et Marne, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1232-1 et L. 1235-1, alors applicables, du code du travail ;
4°) ALORS QUE le remplacement définitif doit intervenir dans un délai raisonnable, lequel s’apprécie au regard des spécificités de l’entreprise et de l’emploi concerné, ainsi que des démarches faites par l’employeur en vue d’un recrutement ; qu’en l’espèce, l’employeur soulignait, preuves à l’appui, que le poste de travail occupé par M. [I] impliquait le respect de procédures et consignes complexes et l’accès à des informations particulièrement sensibles, et nécessitait le suivi de formations obligatoires et l’obtention d’une habilitation délivrée par la Préfecture de Seine et Marne (conclusions d’appel de l’exposante p. 15 à 17 ; productions n° 9 à 14) et qu’une annonce avait été publiée le jour de la notification du licenciement du salarié, le 17 décembre 2015, afin de lui trouver un remplaçant qui avait été embauché le 12 avril 2016 (conclusions d’appel de l’exposante p. 21 in fine et p. 22 ; productions n° 15 et 16) ; qu’en se bornant à affirmer péremptoirement que l’employeur n’avait procédé au remplacement définitif du salarié que le 12 avril 2016 soit près de quatre mois après la mesure de licenciement, sans à aucun moment expliquer en quoi ce délai n’était pas raisonnable au regard des spécificités de l’entreprise et de l’emploi concerné, ainsi que des démarches faites par l’employeur en vue d’un recrutement, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1232-1 et L. 1235-1, alors applicables, du code du travail ;
5°) ALORS QUE ce n’est que lorsque les absences répétées du salarié pour cause de maladie résultent d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, que leurs conséquences sur le fonctionnement de l’entreprise ne peuvent être invoquées pour justifier un licenciement ; qu’en se bornant à affirmer en l’espèce, que l’employeur avait manqué à son obligation de sécurité puisqu’il n’avait pas organisé de visite de reprise après l’arrêt de travail du salarié du 4 février au 16 mars 2015 et qu’il n’établissait pas avoir mis à la disposition de ce dernier l’aide à la manutention préconisée par le médecin du travail dans son avis d’aptitude du 6 août 2015, sans à aucun moment caractériser un lien entre les absences répétées du salarié et les manquements de l’employeur à son obligation de sécurité, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1232-1 et L. 1235-1, alors applicables, du code du travail ;
6°) ALORS QUE seul le licenciement prononcé en raison de l’état de santé d’un salarié est nul comme discriminatoire ; qu’en l’espèce, pour déclarer nul le licenciement de M. [I], la cour d’appel s’est bornée à relever que le licenciement ne pouvait trouver sa cause légitime dans une nécessité de pourvoir à son remplacement définitif à la suite de perturbations par ses absences répétées, qui étaient toutes justifiées par un motif médical et que l’employeur avait manqué à son obligation de sécurité en n’organisant pas de visite de reprise après l’arrêt de travail du salarié du 4 février au 16 mars 2015 et en n’établissant pas avoir mis à la disposition de ce dernier l’aide à la manutention préconisée par le médecin du travail dans son avis d’aptitude du 6 août 2015 ; qu’en statuant par de tels motifs impropres à caractériser que le licenciement du salarié avait été prononcé en raison de son état de santé, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1132-1 du code du travail ;
7°) ALORS QUE le salarié dont le licenciement est nul, et qui demande sa réintégration, a droit au paiement d’une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé ; qu’en affirmant que dès lors qu’est retenue une atteinte au droit à la protection de la santé, garantie par l’article 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, confirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958, le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre son éviction et la décision de justice, peu important qu’il ait ou non reçu des salaires ou revenus de remplacement pendant cette période, la cour d’appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1232-1 et L. 1235-1, alors applicables, du code du travail et 1147 devenu 1231-1 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
La société DHL AVIATION fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné l’employeur à payer au salarié les sommes de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la discrimination liée à l’état de santé, et de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et d’AVOIR condamné l’employeur aux dépens de première instance et d’appel ;
1°) ALORS QUE la cassation des chefs de dispositif ayant prononcé la nullité du licenciement entraînera la cassation des chefs de dispositif ayant condamné l’employeur à payer au salarié la somme de 4 000 euros net au titre de dommages et intérêts au titre de la discrimination liée à l’état de santé, et ce en application de l’article 624 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE les juges ne peuvent pas dénaturer les termes du litige tels qu’ils sont définis par les prétentions respectives des parties ; qu’en l’espèce, le salarié avait sollicité, outre sa réintégration et la rémunération qu’il aurait perçue jusqu’à celle-ci, la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du licenciement discriminatoire et nul ; qu’en octroyant au salarié la somme de 4 000 euros de dommages et intérêts au titre de la discrimination liée à l’état de santé, la cour d’appel a dénaturé les termes du litige et, partant, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE le salarié dont le licenciement est nul, et qui demande sa réintégration, ne peut prétendre qu’au paiement d’une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, à moins qu’il ne justifie d’un préjudice distinct de celui de la perte temporaire de son emploi ; qu’en octroyant au salarié la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la discrimination liée à l’état de santé, après avoir annulé son licenciement et ordonné sa réintégration, sans à aucun moment caractériser un préjudice distinct de la perte temporaire de son emploi, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1232-1 et L. 1235-1, alors applicables, du code du travail et 1147 devenu 1231-1 du code civil.